Volume 142, numéro 2, été 2018 20e anniversaire du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent : recherche, conservation et mise en valeur Sous la direction de Émilien Pelletier et Pascal Sirois
Sommaire (18 articles)
Le mot des rédacteurs ad hoc
Histoire
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Le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent : création et gestion participative inédite au Canada
Bernard Maltais et Émilien Pelletier
p. 4–17
RésuméFR :
La création du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent a été le résultat d’un long et parfois difficile processus impliquant au premier chef les communautés locales, les intervenants régionaux, les communautés autochtones ainsi que les gouvernements du Québec et du Canada. Ce texte retrace les premières propositions d’un parc de conservation au Saguenay, les implications citoyennes pour la protection de la population de bélugas (Delphinapterus leucas), les négociations intergouvernementales, les consultations publiques sur les limites du parc et l’adoption des lois miroirs menant à l’établissement du parc marin sur une superficie de 1245 km2, un territoire couvrant la plus grande partie du fjord du Saguenay et la moitié nord de l’estuaire du Saint-Laurent, entre Gros cap à l’Aigle et Les Escoumins. Ce qui apparaissait comme une utopie au début des années 1970 est devenu, 45 ans plus tard, une réalité bien tangible contribuant efficacement à la conservation d’une vaste zone marine fortement anthropisée, mais bénéficiant d’un appui toujours renouvelé des communautés locales et des instances politiques.
EN :
The creation of the Saguenay–St. Lawrence Marine Park (Québec, Canada) was the result of a long and sometimes difficult process involving local communities and regional stakeholders, Aboriginal communities, and the governments of Québec and Canada. This paper describes the very first proposals for a conservation park in the Saguenay region; citizen involvement in the protection of the beluga whale (Delphinapterus leucas) population; inter-governmental negotiations; public consultations on the territorial limits of the park; and the adoption of mirror laws leading to the establishment of a marine park with a total area of 1245 km2. This park covers a large part of the Saguenay Fjord and the northern section of the St. Lawrence Estuary between Gros cap à l’Aigle and Les Escoumins. Constantly renewed support from local communities and political bodies has meant that what was seen as a utopia in the early 1970s, has become, 45 years later, a tangible reality, contributing to the conservation of a large and highly disturbed marine area.
Hommage
Archéologie
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Sept millénaires de navigation sur la rivière Pitchitaouichez (Saguenay). Sommaire des connaissances archéologiques du fjord du Saguenay
Érik Langevin et Noémie Plourde
p. 19–35
RésuméFR :
Jusqu’en 1996, on s’est interrogé sur le rôle joué par le Bas-Saguenay au temps de la paléohistoire. Alors que de nombreux sites archéologiques étaient connus dans les secteurs de Tadoussac et du Lac-Saint-Jean, la portion de la rivière Saguenay, entre les deux, demeurait une énigme. Depuis 1996, les choses ont bien changé, au point qu’aujourd’hui on sait que ce territoire a été abondamment fréquenté pendant environ 8000 ans. En effet, des sites découverts en deux points précis du fjord ont livré des milliers de vestiges archéologiques de différentes natures permettant de mieux comprendre le quotidien de ceux qui fréquentèrent les lieux lors de la paléohistoire.
EN :
Up until 1996, the importance of the Saguenay Fjord (Québec, Canada) during the palaeohistoric period was unknown. Although numerous archaeological sites had been found in the vicinity of Tadoussac and in the Lac-Saint-Jean area, nothing was known about the use of the portion of the Saguenay River stretching between these two locations. However, since 1997, things have changed dramatically, and it is now known that this area has been heavily used for about 8,000 years. In fact, sites discovered at some specific points along the Fjord have provided thousands of archaeological remains. The wide variety of artefacts found provide us with an enhanced understanding of the day-to-day life of those who frequented the area during the paleohistoric period.
Océanographie
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Circulation et renouvellement des masses d’eau du fjord du Saguenay
Peter S. Galbraith, Daniel Bourgault et Mélany Belzile
p. 36–46
RésuméFR :
La circulation de renouvellement des eaux du fjord du Saguenay est examinée à la lumière de nouvelles données océanographiques. Nous avons observé une nouvelle signature de renouvellement en température et salinité occasionnée par la crue printanière, ainsi que le remplacement d’une grande partie des eaux du fjord en moins de 2 mois, confirmant le faible temps de résidence de ces eaux. Un instrument déployé pour mesurer la température et la salinité des eaux à l’entrée du fjord nous a permis de les identifier comme étant principalement des eaux de l’estuaire du Saint-Laurent. Les eaux mesurées dans le premier bassin du fjord à marée basse étaient un mélange des eaux du seuil de salinité parmi les plus faibles observées pendant un cycle de marées, avec des eaux de surface du Saguenay. Ce mélange occasionne ensuite le renouvellement des eaux supérieures et intermédiaires du bassin interne du fjord. La plage de salinité des eaux au seuil correspond assez bien aux eaux qu’on trouve 100 km plus loin dans l’estuaire du Saint-Laurent entre 20 et 70 m. Les variations synchrones de salinité à 100 km et au seuil suggèrent un mouvement vertical simultané des eaux dans tout l’estuaire qui serait déterminant pour le type et la vitesse de renouvellement du fjord du Saguenay.
EN :
Data from moored instruments and transects were used to examine water renewal within the 3 basins of the Saguenay Fjord (Québec, Canada). Spring freshet affecting the Saint Lawrence River resulted in a new temperature and salinity signature in the fjord, indicative of a renewal event. The data suggest that a large proportion of the waters within the fjord are replaced within less than 2 months, confirming a short residence time. Data collected just inside the mouth of the fjord showed that these waters were mostly of Saint Lawrence Estuary origin. Measurements at low tide in the first (external) basin of the fjord indicated a mix of the lowest salinity waters observed at the sill during a tidal cycle and Saguenay River surface water. This mixture subsequently forces renewal events of surface and intermediate waters in the inner basin. The range of salinities observed at the sill are similar to those found at a depth of 20 to 70 m, approximately 100 km further northeast in the Saint Lawrence Estuary. The synchronous variation in salinity at the 2 sites suggest the simultaneous vertical movement of waters within the estuary, and that it is this movement that is a determining factor for the type and speed of renewal events within the Saguenay Fjord.
Ornithologie
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Les oiseaux marins nicheurs dans l’aire de coordination du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent
Jean-François Rail
p. 47–54
RésuméFR :
Dans l’aire de coordination du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, on compte 27 sites abritant des colonies actives d’oiseaux marins. Cette communauté compterait plus de 23 000 couples nicheurs appartenant à 8 espèces, dont 4 laridés et 3 alcidés, en plus du cormoran à aigrettes (Phalacrocorax auritus). Le goéland argenté (Larus argentatus) et le cormoran à aigrettes, de par leur abondance et leur répartition, sont sans doute les deux espèces les plus représentatives de l’aire d’étude. Quatre espèces sont tout près de la limite amont de leur aire de répartition dans le Saint-Laurent. Les effectifs de la plupart des espèces ont fluctué passablement depuis le milieu des années 1970, mais apparaissent maintenant relativement stables. Deux tendances plus récentes apparaissent cependant : la multiplication rapide du guillemot marmette (Uria aalge) et le déclin du guillemot à miroir (Cepphus grylle) jusqu’à un niveau très bas. Des recommandations sont émises pour la conservation et la gestion de cette communauté.
EN :
Twenty-seven sites within the Saguenay–St. Lawrence Marine Park coordination zone (Québec, Canada) host active seabird colonies. These hold approximately 23,000 breeding pairs of 8 species (4 larids, 3 alcids and the Double-crested Cormorant [Phalacrocorax auritus]), 4 of which are close to the upstream limit of their breeding range in the St. Lawrence. Due to their abundance and distribution, the Herring Gull (Larus argentatus) and the Double-crested Cormorant are undoubtedly the most representative members of this group in the study area. The numbers of most of the 8 species have fluctuated significantly since the mid-1970s, but are now relatively stable. However, in recent years, there has been a rapid increase in the Common Murre (Uria aalge) population and a decline in that of the Black Guillemot (Cepphus grylle), which has dropped to a very low level. Recommendations are made for the conservation and management of this bird community.
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Présence annuelle de la sauvagine dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent
Christine Lepage
p. 55–64
RésuméFR :
Le Service canadien de la faune d’Environnement et Changement climatique Canada n’effectue aucun relevé régulier de sauvagine dans les limites du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent (Québec, Canada) comme tel, mais il dispose néanmoins de données provenant de 2 inventaires plus globaux pouvant aider à dresser un portrait sommaire de sa fréquentation par ce groupe d’oiseaux. La partie du Saguenay comprise dans le parc n’apparaît pas comme un lieu d’importance pour la sauvagine, et ce, à aucun moment de l’année. En revanche, les sections de l’estuaire moyen et maritime du Saint-Laurent sises dans le parc présentent un intérêt certain pour la sauvagine, puisqu’elles sont fréquentées, selon la période de l’année, par des centaines, voire des milliers d’individus pour des durées variables. Certaines espèces ne font qu’y passer en migration, tandis que d’autres y restent pour plusieurs mois : en été, les eiders à duvet (Somateria mollissima) pour la nidification ou des milliers de macreuses (Melanitta spp.) pour la mue; en hiver, les garrots (Bucephala spp.). L’intérêt de la partie estuarienne du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent réside vraisemblablement dans les aires d’alimentation et de repos qu’elle offre à la sauvagine.
EN :
The Canadian Wildlife Service of Environment and Climate Change Canada does not conduct a regular waterfowl survey specifically within the Saguenay–St. Lawrence Marine Park (SSLMP) (Québec, Canada), but it does have data from two more comprehensive surveys that help draw a general portrait of the use of the area by this group of birds. The part of the Saguenay River included in the park is not currently of importance for waterfowl at any time of the year. On the other hand, the Upper and Lower Estuary sections of the St. Lawrence within the park are of interest to waterfowl, as hundreds or even thousands of individuals use these areas for varying periods, depending on the time of year. Some of the species are simply migrating through, while others, such as nesting common eiders (Somateria mollissima), moulting scoters (Melanitta spp.), or wintering goldeneyes (Bucephala spp.), stay for several months. The high use of the estuarine portion of the SSLMP by waterfowl is likely due to the foraging habitats and undisturbed resting areas that it provides.
Mammifères marins
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Suivi des espèces ciblées par les activités d’observation en mer dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent de 1994 à 2017
Cristiane C. A. Martins, Samuel Turgeon, Robert Michaud et Nadia Ménard
p. 65–79
RésuméFR :
Sur la côte est de l’Amérique du Nord, c’est dans l’estuaire du Saint-Laurent, et en ciblant principalement le rorqual commun (Balaenoptera physalus), que l’activité organisée d’observation des baleines a pris naissance. L’encadrement de l’activité a été possible par la création du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent et la mise en place d’une réglementation. Un protocole d’échantillonnage a été mis au point pour assurer le suivi des activités d’observation en mer (AOM) des cétacés. Afin de caractériser les espèces ciblées et l’utilisation du territoire, 1186 excursions échantillonnées à bord des grands bateaux de Tadoussac, de 1994 à 2017, ont été analysées. Depuis 2001, il y a eu un changement de l’espèce ciblée en même temps qu’une diminution marquée de la densité locale du rorqual commun. Le rorqual commun a été l’espèce la plus ciblée au cours de 15 des 24 années échantillonnées, suivi par le petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata, 6 années) et le rorqual à bosse (Megaptera novaeangliae, 3 années). Une analyse de groupement a mis en évidence des années similaires quant aux espèces ciblées et aux variables de distribution spatiale. La poursuite à long terme du suivi des AOM et des suivis systématiques permettra de mieux comprendre cet écosystème et d’assurer une gestion adaptative et durable de cette activité.
EN :
The St. Lawrence Estuary (Québec, Canada) was the birthplace of organised whale watching activities on the east coast of North America. Initially, fin whales (Balaenoptera physalus) were the main target species. The creation of the Saguenay–St. Lawrence Marine Park enabled to regulate whale watching activities in the area and to adopt specific regulations. For management purposes, a sampling protocol was developed to monitor the activity. Data collected aboard large boats (> 50 passengers) during 1186 excursions departing from Tadoussac from 1994 to 2017 were analysed to characterize the target species and territory use over time. Since 2001, the main target species has changed and a marked decrease in the local density of fin whales has been observed. The fin whale was the most targeted species during 15 of the 24 years, followed by the minke whale (Balaenoptera acutorostrata, 6 years) and the humpback whale (Megaptera novaeangliae, 3 years). A partitioning analysis allowed the identification of years with similar patterns based on the species observed and on spatial distribution variables. Long-term continuity of the sampling protocol, in conjunction with systematic monitoring, will help to better understand this ecosystem and ensure adaptive management and sustainable development of the whale watching activities.
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La protection des habitats de la population de bélugas (Delphinapterus leucas) du Saint-Laurent : bilan et considérations sur les besoins de conservation
Nadia Ménard, Manuela Conversano et Samuel Turgeon
p. 80–105
RésuméFR :
Les principales initiatives réalisées de 1978 à 2018 pour définir et protéger l’habitat du béluga (Delphinapterus leucas) de l’estuaire du Saint-Laurent sont présentées. Malgré ces efforts, l’état de la population s’est détérioré depuis 20 ans : celle-ci est en déclin, la proportion de jeunes a diminué par un facteur d’environ 3, et la mortalité des veaux et des femelles est en hausse. Nous présentons ici des informations récentes sur la répartition spatiale des bélugas, de leurs proies et du trafic maritime dans la portion de l’habitat essentiel dans et autour du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Des considérations et des occasions pour mettre en place des approches spatiales pour favoriser une meilleure cohabitation entre les activités humaines et le béluga sont présentées. En complément aux actions déjà entreprises, 2 stratégies sont exposées favorisant son rétablissement : 1) la gestion des pêches pour tenir compte des besoins alimentaires du béluga et prévenir la remise en suspension de contaminants persistants par les engins de pêche; 2) la réduction du dérangement par la perturbation des activités vitales ou par le bruit dans l’habitat des femelles et des jeunes. L’accès aux proies clés et à des lieux de quiétude en été améliorerait la résilience de la population face aux dégradations de son habitat, dont celles résultant des changements climatiques.
EN :
The main initiatives undertaken between 1978 and 2018 to identify and protect the habitat of the St. Lawrence Estuary (Québec, Canada) beluga whale (Delphinapterus leucas) population are presented. Despite these efforts, over the past 20 years, the state of the population has deteriorated. Not only is it declining, but the proportion of young has dropped to approximately a third of what it was, and female and calf mortality has risen. Recent information on the spatial distribution of beluga whales, their prey and marine traffic in the critical habitat in and around the Saguenay-St. Lawrence Marine Park are provided. Considerations and opportunities to develop spatial approaches to promote better cohabitation between human activities and beluga whales are given. In addition to the actions already undertaken, two strategies are outlined to promote recovery of the population: 1) the management of fisheries to account for the dietary needs of beluga whales and to prevent the resuspension of persistent contaminants by fishing gear; and 2) the reduction of disturbance due to disruption of vital activities, or through noise, in habitat used by females and young. Access to key prey and quiet areas in summer would improve the resilience of the population to degradations of its habitat, including those resulting from climate change.
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Une décennie de suivis acoustiques continus des rorquals bleus, des rorquals communs et du krill dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent de 2007 à 2017
Yvan Simard et Nathalie Roy
p. 106–114
RésuméFR :
Pour suivre la fréquentation du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent par le rorqual bleu (Balaenoptera musculus) et le rorqual commun (Baleanoptera physalus) ainsi que la concentration de leur nourriture, le krill, un observatoire acoustique a été opéré de 2007 à 2017 à l’est du parc. L’information nouvelle qu’apportent ces séries temporelles décennales montre que : a) la présence des rorquals est relativement stable, et que les deux espèces ont visité la région chaque année, particulièrement dans la 2e moitié de l’an, jusqu’à l’apparition des glaces; b) les dates de début et de fin varient, et cette fréquentation saisonnière est plus intense tard en automne qu’au cours de l’été, alors que l’écotourisme d’observation des baleines bat son plein; c) la concentration de krill est élevée (50 % du temps supérieure à 176 t/km2) mais subit d’importantes fluctuations sur de courtes périodes, sans lien particulièrement fort avec des forçages physiques ou biologiques de plus d’un jour, tel celui des marées semi-mensuelles, d’après les analyses de rythmes effectuées. La concentration quotidienne de krill tendait vers un maximum de la mi-décembre à la mi-février. Dans un contexte de réchauffement planétaire, la présence hivernale des rorquals pourrait se prolonger si la période englacée diminue.
EN :
An underwater acoustic observatory, operated between 2007 and 2017 in the eastern part of the Saguenay–St. Lawrence Marine Park (Québec, Canada), monitored use of the area by blue (Balaenoptera musculus) and fin (Baleanoptera physalus) whales, and the concentration of their food source, krill. This 10-year time series provided new information showing that over the study period: a) the presence of these rorqual was relatively stable, with both species visiting the area annually, particularly during the second half of the year, until ice formation; b) the start and end dates varied and frequentation was more intense during late fall than summer, when whale-watching ecotourism reaches a peak; and c) the krill concentration was high (> 176 t/km2 for 50% of the time), but fluctuated over short periods, with no apparent link to the physical or biological factors longer than 24 hours from rhythmic analysis (e.g., the fortnightly tidal period). The krill concentration tended to reach a maximum between mid-December and mid-February. If global warming shortens the ice cover period, these rorquals may spend more time in the area during winter.
Conservation et gestion
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Le programme de suivi de la pêche récréative hivernale aux poissons de fond dans le fjord du Saguenay : un effort collectif
Johanne Gauthier
p. 115–126
RésuméFR :
Au début des années 1980, une pêche récréative hivernale aux poissons de fond prend son essor dans le fjord du Saguenay (Québec, Canada). Les adeptes de cette pêche découvrent alors un écosystème unique qui recèle une grande diversité d’espèces de poissons, dont le sébaste atlantique (Sebastes mentella), la morue franche (Gadus morhua), la morue ogac (Gadus ogac) et le flétan du Groenland (Reinhardtius hippoglossoides). Des villages de pêche sont installés sur la banquise entre Saint-Fulgence et L’Anse-Saint-Jean. Cette activité récréotouristique gagne rapidement de l’ampleur, amenant plusieurs intervenants du milieu à se préoccuper de la conservation des ressources et du développement durable de cette pêche. Dans ce contexte, un programme de suivi de la pêche récréative hivernale aux poissons de fond a été mis en place en 1995. Ce programme est coordonné par Pêches et Océans Canada et réalisé avec la collaboration de nombreux partenaires, y compris Parcs Canada et la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) — les cogestionnaires du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent (PMSSL) — des associations et comités de pêcheurs et Promotion Saguenay. Cet effort collectif a permis de mettre en évidence des changements importants dans l’état des populations de poissons de fond du fjord du Saguenay et a conduit à la mise en oeuvre de mesures de gestion pour protéger ces ressources.
EN :
In the early 1980s, a winter recreational fishery developed for groundfish in the Saguenay Fjord (Québec, Canada). Fishers discovered a unique ecosystem harboring a wide variety of fish species, including deepwater redfish (Sebastes mentella), Atlantic cod (Gadus morhua), Greenland cod or ogac (Gadus ogac) and Greenland halibut (Reinhardtius hippoglossoides). The recreational fishery and an associated tourism activity grew rapidly, with villages of fishing huts being established on the pack ice between Saint-Fulgence and L’Anse-Saint-Jean. This led to concerns among several stakeholders in the community about the conservation of fish stocks and the sustainable development of the fishery. As a result, in 1995, a monitoring program was established. This program is coordinated by Fisheries and Oceans Canada and delivered in collaboration with numerous partners, including Parks Canada and the Société des établissements de plein air du Québec (the co-managers of the Saguenay–Saint-Laurent Marine Park), local fishing associations, and Promotion Saguenay. This collective effort has highlighted significant changes in the status of groundfish populations in the Saguenay Fjord and introduced management measures aimed at protecting these resources.
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Le système d’identification automatique (AIS), un outil pour la gestion d’aires marines protégées : revue des applications au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent
Samuel Turgeon, Cristiane C. A. Martins, Clément Chion et Nadia Ménard
p. 127–139
RésuméFR :
Les diverses conséquences des activités de navigation sur le milieu marin sont maintenant reconnues et de plus en plus documentées, en particulier sur les mammifères marins. Dans les dernières années, les gouvernements se sont engagés à rehausser le niveau de protection du milieu marin, notamment par la création d’aires marines protégées. Le système d’identification automatique (AIS), implémenté à l’origine pour la sécurité maritime et la gestion du trafic, est devenu un outil indispensable pour la gestion des activités de navigation dans un contexte de conservation de l’environnement marin. Afin de présenter différentes applications des données AIS dans la gestion d’une aire marine protégée, nous utilisons comme étude de cas le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, reconnu pour la diversité des espèces de mammifères marins qui le fréquentent et pour l’intensité du trafic maritime. Les exemples portent sur la description de l’utilisation de l’espace maritime par les activités de navigation, sur l’évaluation et la modélisation de leurs effets environnementaux et sur le suivi de la conformité à des mesures de gestion. En plus d’illustrer les différents avantages d’utilisation des données AIS, une revue critique sur les limites de ces données en conservation est également présentée.
EN :
The diverse impacts of shipping activities on the marine environment are now recognized and increasingly documented, particularly with regards to marine mammals. In recent years, governments have committed to enhancing the protection of the marine environment, notably through the creation of marine protected areas. The Automatic Identification System (AIS), originally introduced for maritime safety and traffic control, has become an essential tool for the management of shipping activities for the conservation of marine environments. The present paper uses the Saguenay–St. Lawrence Marine Park (Québec, Canada), recognized for its high diversity of marine mammals and intensive traffic, to highlight the different potential uses of AIS data in the management of a marine protected area. Examples presented include describing baseline vessel use of a maritime area, assessing and modelling the environmental impacts of the shipping activities, and monitoring compliance to management measures. The different benefits of using AIS data in a conservation context are illustrated, and their limitations are outlined.
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Un modèle de risque comme outil de gestion d’une aire marine protégée : l’exemple du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent
Nicolas Lemaire et Émilien Pelletier
p. 140–156
RésuméFR :
Dans les aires marines protégées, la biodiversité et la complexité des écosystèmes sont souvent menacées par les activités humaines et leurs multiples effets. Afin de soutenir les gestionnaires dans leurs efforts de conservation et de protection, un modèle du risque relatif a été développé comme outil pour localiser les zones cumulant le plus de risques environnementaux, identifier les sources anthropiques de stress et évaluer des approches permettant de réduire les risques et d’augmenter le niveau général de protection dans une aire marine de conservation. Une interface informatique permet une utilisation simplifiée du modèle de risque par l’équipe scientifique et les gestionnaires. À titre d’exemple, l’application du modèle au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent (PMSSL) a permis de cartographier les zones les plus à risque en période estivale, alors que les activités anthropiques sont les plus intenses et les sources de risques sont les plus nombreuses. Les résultats montrent que l’embouchure du fjord du Saguenay et la zone côtière des Bergeronnes sont les secteurs les plus à risque du PMSSL. La grande flexibilité du modèle permet de travailler avec des simulations (augmentation ou diminution d’une ou plusieurs sources de stress) et de déterminer la portée relative d’une activité de conservation.
EN :
Biodiversity and complex ecosystems within marine protected areas (MPAs) are often threatened by human activity and the multiple impacts it can have on the environment. A relative risk model was developed as a decision-making tool to help managers of MPAs focus their conservation and protection efforts. Using this tool, it is possible to map the areas most at risk, identify the human stressors involved, and test management strategies that could reduce risk and increase the overall level of environmental protection. A user-friendly computer interface was developed to facilitate its use by scientific teams and managers. The application of the relative risk model to the Saguenay-St. Lawrence Marine Park (SSLMP) allowed the mapping of the zones most at risk during the summer, when human activity is most intense and the stressors are most numerous. Results show that the areas most at risk in the SSLMP are the mouth of the Saguenay Fjord and the coastal zone near Les Bergeronnes. The model allows simulations (e.g., increasing or decreasing one or more stressors) and estimates the relative effectiveness of given conservation actions.
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Estimation de la valeur non marchande des services rendus par les écosystèmes du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent
Roxane Boquet et Claude Rioux
p. 157–166
RésuméFR :
Les espaces naturels ainsi que l’ensemble des usages qu’ils permettent représentent une valeur certaine pour les sociétés. Cette dernière peut être traduite par les retombées économiques de plusieurs activités comme le tourisme, par des valeurs implicites sur le marché immobilier, ou encore par le désir de protection environnementale. Or, les décisions des parties prenantes se fondent essentiellement sur la comparaison de ces valeurs avec des projets de développement économique. Ainsi, de nombreuses approches ont été testées afin d’attribuer une valeur monétaire à l’environnement. La méthode utilisée se fonde principalement sur le transfert de bénéfices appliqué par la présentation d’une méta-analyse. Au sein de ce transfert de bénéfices est inclus le transfert d’expertise réalisé par la méthode Delphi proposant la consultation d’experts. La première étape consiste à déterminer les services écosystémiques que procure l’environnement étudié; la seconde repose sur un système de pondération de ces services; et la troisième attribue une valeur en dollars/hectare/année à chaque service. Unique au Québec, possédant une riche biodiversité, le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent (PMSSL) est le site d’application de la méthode. L’ étude estime la valeur non marchande du PMSSL dans un intervalle de 27,8 à 32,9 millions de dollars canadiens par an.
EN :
Natural spaces and the use thereof represent a certain value for society. This may be reflected in the revenue generated by activities such as tourism, implicit real estate prices, or the desire for environmental protection. Decisions taken by stakeholders tend to be based mainly on a comparison of these values with those of economic development projects. Although many approaches have been developed to provide a monetary value for the environment, the Delphi technique retained for the present study is based largely on the use of a meta-analysis to assign values to identified services. This process also allows a transfer of knowledge from the experts consulted. The technique was applied to the Saguenay–St. Lawrence Marine Park (SSLMP) (Québec, Canada), a unique, biodiversity rich site. The first step involved determining the ecosystem services provided by the SSLMP. These were then weighted and assigned a value in dollars per hectare per year. The results of this process estimate that the annual non-market value of the SSLMP lies somewhere between CAN $ 27.8 million and CAN $ 32.9 million.
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Les aires marines protégées : évolution récente et perspectives de développement
Émilien Pelletier
p. 167–181
RésuméFR :
Les aires marines protégées (AMP) sont au coeur des efforts de conservation des écosystèmes marins entrepris au cours des 40 dernières années. Après un bref historique du développement du concept d’AMP, cet article aborde les diverses approches qui ont été proposées pour classifier les AMP selon leurs objectifs de conservation, leurs usages et leurs caractéristiques géomorphologiques et océanographiques. Nous examinons ensuite trois exemples de développement de réseaux d’AMP : l’Australie, la Californie et le Canada. Les Australiens ont été les pionniers dans la mise en place des AMP dès le début des années 1970. Ensuite viennent les Californiens, qui ont déployé des efforts de concertation exceptionnels pour parvenir à protéger adéquatement plus de 1 000 km de leurs côtes fortement développées. Plus récemment, les Canadiens ont commencé à travailler à la protection de leurs écosystèmes marins les plus fragiles, avec en tête l’échéance de 2020 pour la protection de 10 % de leurs eaux marines. Une attention particulière est portée ici au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, présenté comme un cas unique de concertation entre les différents ordres de gouvernements et les intervenants du milieu. Les éléments clés du succès de l’implantation des AMP sont examinés en détail, et quelques leçons en sont tirées.
EN :
Over the last 40 years, marine protected areas (MPA) have been central to efforts to conserve marine ecosystems. This paper gives a brief history of the development of the MPA concept, and then reviews the various approaches that have been proposed to classify MPA according to their conservation objectives, uses, and geomorphological and oceanographical characteristics. Examples of MPA network development in Australia, the United States and Canada are examined. In the early 1970s, Australia became a pioneer in the establishment of MPAs. Work in California followed soon after, where outstanding cooperative efforts led to the adequate protection of 1000 km of its highly developed coastal zone. More recently, Canada started to work towards protecting its most fragile marine ecosystems, setting a 2020 goal for the protection of 10% of its marine waters. This paper gives special attention to the Saguenay–St. Lawrence Marine Park (Québec, Canada), which is seen as a unique example of collaboration between governments and local stakeholders. Key factors for successful implementation of MPA are examined in detail, and the lessons learned are highlighted.