Débat

L’accommodement raisonnable ou le symptôme d’autres maux[Notice]

  • Patricia Rimok

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La Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (Commission) était sans doute une nécessité, compte tenu de la grogne populaire qui entourait les accommodements raisonnables pour des raisons religieuses. Toutefois, elle ne semble pas avoir réglé grand-chose. En effet, près de deux ans après le dépôt du rapport de la Commission, intitulé « Fonder l’avenir : le temps de la conciliation », on semble toujours en être au point de départ. D’une part, la notion d’accommodement raisonnable n’est toujours pas bien saisie et, d’autre part, elle laisse toujours place à la controverse. Seuls les rares cas nourrissant cette controverse, ou polémiques, semblent faire les manchettes. Quoi qu’il en soit, les débats sur les accommodements raisonnables ont repris de plus belle, entre autres dans l’arène médiatique et l’arène politique, particulièrement après la publication en janvier 2009 d’un document rédigé par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) et intitulé Commentaires sur la politique d’accommodement appliquée par la Société de l’assurance automobile du Québec lors de l’évaluation de conduite. Ces commentaires répondaient à une demande soumise par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) à la CDPDJ d’examiner sa politique en matière d’accommodement raisonnable, plus précisément lors d’un examen de conduite. Cela s’inscrivait dans un contexte où des médias avaient rapporté que la SAAQ avait répondu positivement à des demandes basées sur des motifs religieux, pour que l’évaluateur soit une personne du même sexe que celui du client (Carpentier, 2009). D’entrée de jeu, le document de la CDPDJ précise les balises de l’accommodement raisonnable déterminées par la SAAQ. La notion de contrainte excessive y est clairement soulignée dans le cas d’une demande « de ne pas se trouver seul en présence d’une personne du sexe opposé fondée sur un motif religieux lors d’un examen pratique d’évaluation de conduite » (Ibid. : 1). Pour la SAAQ, un accommodement raisonnable ne peut être accordé « lorsque la demande vient contredire un autre droit, par exemple le droit à l’égalité des sexes, l’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité des lieux et des personnes » (Ibid. : 1). Une raison invoquée et basée sur des motifs religieux est qu’une personne ne peut se trouver seule avec une autre du sexe opposé dans un lieu fermé, sauf en présence de son conjoint ou d’une personne de sa famille immédiate. Cependant, pour des raisons de sécurité lors d’un examen de conduite, une personne qui présenterait une telle demande se la verrait refuser. Cela s’applique à toutes les personnes dans cette situation d’évaluation : seuls l’évaluateur et l’évalué doivent se trouver dans le véhicule lors de l’examen de conduite. Toutefois, si un évaluateur du même sexe que la personne voulant passer l’examen était disponible dans un tel cas, la SAAQ pourrait concéder un accommodement, ou un ajustement concerté si l’on préfère, en mettant à la disposition de l’évalué un évaluateur du même sexe. La SAAQ n’a cependant pas à répondre instantanément à ce genre de demande. La personne devant passer l’examen pourrait devoir prendre un rendez-vous ultérieurement avec un évaluateur du même sexe qu’elle, si aucun n’était alors disponible. Signalons que ces demandes ne sont pas adressées directement aux évaluateurs par la clientèle ; elles ne compromettent donc pas le droit à l’égalité des personnes évaluatrices de la SAAQ. Dans le cas d’un centre d’évaluation visité par la CDPDJ, celle-ci observait que sur une période de six mois et sur près de 24 000 évaluations, il y aurait eu deux demandes pour un évaluateur masculin (communauté juive hassidique) et quatre …

Parties annexes