FR :
Dans le cadre d’un modèle formel de la structure et de l’évolution d’un réseau sociocognitif complexe d’acteurs individuels, cet article analyse les conditions d’émergence, de stabilisation et de disparition de collectifs, i.e. de groupes organisés et stables d’acteurs individuels, qui se comportent comme autant de sujets dotés d’intentionnalité – de sujets pluriels.
Le socle cognitif de chacun de ces derniers étant formé de représentations partagées par l’ensemble de ses membres, l’émergence de tels collectifs implique l’apparition de telles représentations. Cette apparition représente un premier phénomène créatif, immédiatement collectif, lié à la dimension extensive de l’apprentissage individuel lors de la communication sociale. La stabilisation progressive de tels collectifs résulte alors de la dimension intensive de cet apprentissage, réalisée simultanément à sa dimension extensive, et qui débouche sur l’apparition de routines cognitives. Ces dernières s’effacent parfois du niveau conscient des sujets individuels, et ainsi parfaitement ancrées, elles deviennent invisibles pour les collectifs de pensée concernés, qui se trouvent de ce fait pleinement stabilisés.
Chaque état du réseau contient une constellation de tels collectifs de tailles et de vocations diverses, mais dont certains poursuivent un même objectif. Ils entrent alors en concurrence du fait d’être centrés sur un objet commun que chacun d’eux voudrait gérer seul après avoir éliminé l’(les) autre(s) collectif(s) concerné(s). L’analyse de cette dynamique concurrentielle détaille les conditions de la suprématie de l’un des collectifs concernés sur l’autre (ou sur les autres). C’est alors le paysage de l’ensemble des collectifs qui se trouve modifié au terme toujours provisoire d’une telle dynamique, et se manifeste ainsi une seconde forme de créativité, cette fois-ci au niveau du réseau global.
EN :
Relying on a formal model of the structure and evolution of a complex socio-cognitive network of individual actors, this article analyzes the conditions for the emergence, stabilization, and disappearance of collectives, meaning organized groups with stable individual actors, which behave like subjects with intentionality, like plural subjects.
As the cognitive basis of each subject is formed by the shared representations of all the members, the emergence of such collectives implies the appearance of such shared representations. This appearance represents a first creative phenomenon, collective from the start and linked to an extensive dimension of individual learning during social communication. The progressive stabilization of such collectives results thus from the intensive dimension of this learning, realized simultaneously with the extensive dimension, leading to the appearance of cognitive routines. The latter may disappear from the conscious level of individual subjects, and, once perfectly rooted in the individual, they become invisible for the relevant thought collectives, which now attain full stabilization.
Each state of the network contains a constellation of such collectives of various sizes and vocations, some of which may pursue the same aim. They thus enter in competition as they are focused on a common object which each collective wishes to handle alone after eliminating another or the other collectives. The analysis of competitive dynamics specifies the conditions of the supremacy of one of the collectives over another or the other collectives. At the (provisional) end of a dynamic process, the landscape of all collectives has undergone a modification, leading to a second creative phenomenon, located this time on the global level of the network.