Comptes rendus

Sophie Bourgeault et Julie Perreault (dir.) Le care. Éthique féministe actuelle, Montréal, Les Éditions du Remue-ménage, 2015, 280 pages[Notice]

  • Cécile Gagnon

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  • Cécile Gagnon
    Université Laval, Québec

L’ouvrage collectif dirigé par Sophie Bourgeault et Julie Perreault a pour objectif de poser les bases conceptuelles de ce que les auteures qualifient de « deuxième vague » de l’éthique du care. Elles nous proposent une lecture dé-genrée et dé-sentimentalisée du care — s’inscrivant dans le prolongement des écrits de Joan Tronto — afin de positionner clairement l’éthique du care comme théorie critique féministe. Débarrassé de ses tendances essentialistes, le care devient dès lors un outil pour renouveler les concepts actuels de démocratie et de justice. L’intérêt particulier de l’ouvrage est l’application du potentiel critique de l’éthique du care aux enjeux politiques et sociaux propres au contexte québécois ainsi qu’à des questions philosophiques contemporaines. Pour ce faire, on nous présente la théorie réactualisée du care de façon à pouvoir ensuite en développer la force réflexive sur deux axes d’analyse : politique et philosophique. Cette structure permet de mieux saisir l’intérêt de cette théorie éthique relativement jeune, mais également d’en comprendre et d’en apprécier la portée tant pratique que théorique. Il s’agit donc d’un ouvrage à la fois d’introduction et d’approfondissement dont la division en trois temps permet une progression logique accessible. Dans la partie « Relecture féministe », les auteures nous présentent une notion élargie du care basée sur une relecture dé-genrée qui ne peut plus se butter aux critiques d’essentialisme ou de simple sentimentalisme. Julie Perreault propose, pour ce faire, une relecture des premiers écrits de Carol Gilligan de façon à en révéler le potentiel théorique, sans toutefois en nier les limites. Elle souhaite ainsi rallier pertinemment les concepts de justice et de care afin de faire de l’éthique du care le point d’ancrage d’une phénoménologie féministe. Ensuite, Patricia Paperman aborde la question de la division actuelle du travail universitaire entre les approches descriptives et les approches normatives, division qui fragmente, selon elle, les connaissances sur l’éthique du care et, conséquemment, invisibilise la théorie. Lorsque nous posons la question « Qui s’occupe de quoi et comment ? », Paperman nous invite à nous attarder à l’expérience particulière sans dissocier la description de l’évaluation que nous en faisons. Cette réflexion nous permet de réaliser que la seule manière de développer à son plein potentiel l’éthique du care est de sortir du cadre d’analyse philosophique de l’éthique afin d’intégrer à nos réflexions les cadres conceptuels et analytiques des sciences sociales. Le chapitre de Naïma Hamrouni clôt cette première partie en proposant une redéfinition du care et de la dépendance afin de mettre fin à l’invisibilité politique des soins. Hamrouni remarque que notre incapacité actuelle à questionner les injustices découlant de la division genrée du travail du care nous amène à adopter des politiques publiques de soins qui cristallisent l’attribution des tâches de soutien aux femmes (et aux autres groupes marginalisés) en plus de réaffirmer la dévaluation des soins. Hamrouni nous propose donc de redéfinir les responsabilités de chaque citoyen ainsi que les conditions de participation à la vie démocratique à travers une reconnaissance politique de l’importance des relations de soins et des individus qui y prennent part. Ce chapitre est particulièrement intéressant puisque Hamrouni y expose clairement le potentiel critique féministe de l’éthique du care ainsi que sa nécessaire politisation. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, dont le thème est « Le care comme outil critique pour repenser le libéralisme », il est question de la portée politique de la compréhension renouvelée du care. En nous présentant l’application pratique de l’éthique du care à des enjeux sociaux actuels, les auteures explicitent et situent le potentiel réformateur de la théorie. À partir de la réflexion théorique de la première partie, …