Résumés
Résumé
S’il est un concept récurrent, en philosophie politique, en droit comme en science politique et même dans le vocabulaire quotidien, c’est celui d’État de droit (Rule of Law, Rechtsstaat). Il est pourtant frappant de constater que le sens à donner à cette expression demeure incertain, les définitions variant au gré des convictions des auteurs. Le concept d’État de droit est d’abord un concept juridique qu’il revient à la théorie du droit de définir — ce sera l’occasion de rappeler les conditions épistémologiques d’une discipline dont la scientificité fut contestée aussitôt après que le juriste Hans Kelsen eût tenté d’en bâtir les fondements. Le projet de la présente contribution est de dériver la définition du concept d’État de droit au départ de prémisses iusnaturalistes explicites et restreintes. L’originalité de la définition normative proposée réside dans sa dérivation même — le contenu notionnel qui en est l’aboutissement est l’élaboration rigoureuse du régime que Locke, par exemple, décrivait dans son Second traité du gouvernement civil. L’originalité de la définition institutionnelle est plus forte, de même que sa mise en rapport avec l’aspect normatif. L’État de droit est défini comme format normatif et institutionnel, et comme instrument de réalisation de cette valeur qu’est la liberté individuelle dite négative. Sont également examinées les relations de l’État de droit et de la démocratie, instrument de l’autonomie collective ou « liberté positive ».
Abstract
If there is one idea, which keeps coming up in political philosophy, as in law and political science, and even in everyday parlance, it is that of the Rule of Law (État de droit, Rechtsstaat). It is all the more striking that the meaning attributed to this expression shifts like the desert sand according to the individual whim of the exponent of one creed or another. Given that the concept of a Rule of Law is a fortiori a legal one, it is incumbent on the theory of law to offer a definition. Now is the moment to consider the epistemological conditions pertaining to that discipline whose scientific credentials were brought into question when the jurist Hans Kelsen tried to establish the foundations. The project of this contribution is to derive the definition of the concept of Rule of Law from explicit and restricted iusnaturalists premises. The originality of the normative definition lies in its very derivation — the resultant notional content is the rigorous development of the regime that Locke, for example, described in his Second Treatise on Civil Government. The originality of the institutional definition is stronger, because of its setting in relation to the normative aspect. The Rule of Law is defined as a normative and institutional format, and as an instrument of realization of the value of individual liberty, known as negative. Also examined are the relations of the Rule of Law and democracy, instrument of collective autonomy or “positive liberty.”