Résumés
Résumé
De récentes lectures de Hegel par d’importants philosophes américains ont insisté avant tout sur le lien entre reconnaissance et rationalité, et défini l’autonomie comme capacité à donner les raisons de ses actions. Prenant une distance critique envers ces lectures d’inspiration kantienne, l’article s’inspire de lectures allemandes de Hegel, culminant dans l’éthique de la reconnaissance d’Axel Honneth, qui insistent davantage sur la dimension génétique de la reconnaissance. Un tel changement de perspective permet de prendre la reconnaissance en un sens plus roboratif et d’affiner son potentiel critique, notamment d’identifier de manière plus précise les obstacles sociaux et culturels à la réalisation de l’autonomie.
Abstract
Recent readings of Hegel by significant American philosophers have insisted on the link between recognition and rationality. In these readings, autonomy is defined as the capacity to give the reasons behind one’s actions. This paper takes a critical distance towards these Kantian interpretations and returns to earlier German readings of Hegel, culminating in Axel Honneth’s ethics of recognition, which placed stronger emphasis on the genetic dimension of recognition. The paper argues that this shift in perspective allows us to take recognition in a more substantive sense and make fuller use of the concept’s critical potential. In particular, it allows us to use recognition as a diagnostic tool to identify more precisely the social and cultural obstacles to the realisation of autonomy.
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Parties annexes
Notes
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[1]
À des fins de simplicité, dans un débat extrêmement riche et complexe, nous nous concentrons plus particulièrement sur les derniers écrits de Robert Pippin dédiés à la théorie de la liberté chez Hegel et à ses critiques des approches allemandes du même thème, dans les textes suivants : 1997, « Hegel, Modernity and Habermas », dans Idealism as Modernism : Hegelian Variations, sous la dir. de Robert Pippin, Cambridge, Cambridge University Press, p. 157-185 ; 2000, « What Is the Question for which Hegel’s Theory of Recognition Is the Answer ? », European Journal of Philosophy, vol. 8, no 2, p. 155-172 ; et son dernier ouvrage, 2008, Hegel’s Practical Agency : Rational Agency as Ethical Life, Cambridge, Cambridge University Press.
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Voir notamment la longue critique de Robert Brandom dans Robert Pippin, 2005, « Brandom’s Hegel », European Journal of Philosophy, vol. 13, no 3, p. 381-408.
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[3]
Pippin, « What is the Question… ? », p. 163.
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[4]
C’est le sous-titre de la célèbre relecture de la Phénoménologie de l’Esprit par Terry Pinkard, dans son Hegel’s Phenomenology.
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[5]
Ludwig Siep, 1979, Anerkennung als Prinzip der Praktischen Philosophie : Untersuchungen zu Hegels Jenaer Philosophie des Geistes [Lareconnaissance comme principe de la philosophie pratique. Recherches sur la philosophie de l’esprit de Hegel à Iéna], Freiburg, Karl Alber Verlag ; Ludwig Siep, 1992, Praktische Philosophie im Deutschen Idealismus [Philosophie pratique dans l’idéalisme allemand], Frankfurt am Main, Suhrkamp ; Jürgen Habermas, 1988, « Labour and Interaction : Remarks on Hegel’s Jena Philosophy of Mind », dans Theory and Practice [trad. John Viertel], London, Heinemann, p. 142-169 ; Andreas Wildt, 1982, Autonomie und Anerkennung. Hegels Moralitätskritik im Lichte seiner Fichte-Rezeption [Autonomie et reconnaissance. La critique hégélienne de la moralité à la lumière de sa réception de Fichte], Stuttgart, Klett-Cotta ; Ernst Tugendhat, 1986, Self-Consciousness and Self-Determination [trad. Paul Stern], Cambridge (MA), MIT Press [éd. orig. allem., 1979].
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[6]
Axel Honneth, 2000, La Lutte pour la Reconnaissance [trad. Pierre Rusch], Paris, Le Cerf [éd. orig. allem., 1992].
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Dans cet article, il ne peut bien entendu être de question de prendre en compte toutes les différences qui séparent tous ces auteurs, aussi bien dans leur lecture de Hegel que dans leurs propres modèles. La distinction entre lectures américaines et allemandes se concentre sur la place des arguments génétiques dans l’interprétation de la reconnaissance hégélienne. Quelles que soient par ailleurs les distinctions entre les différents auteurs cités ici en introduction, il nous semble exact de les départager selon ce critère de la place donnée au moment génétique. Les travaux de Robert Pippin et ceux d’Axel Honneth apparaissent alors particulièrement représentatifs de ces deux types de lecture. En ce qui concerne Honneth, c’est lui qui aura développé le plus systématiquement un modèle de philosophie sociale et politique qui prend la reconnaissance comme l’indication de la vulnérabilité intersubjective de l’individu.
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[8]
Comme indiqué précédemment, c’est lui qui a engagé le dialogue critique le plus substantiel avec cette autre ligne d’interprétation de la reconnaissance hégélienne.
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[9]
Nous proposons une interprétation d’ensemble de la philosophie sociale de Honneth dans Jean-Philippe Deranty, 2009, Beyond Communication. A Critical Study of Axel Honneth’s Social Philosophy, Boston et Leiden, Brill.
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[10]
Le terme désigne le milieu normatif et symbolique qu’est capable d’établir l’être humain au-delà des « espaces des causes » caractérisant le règne de la nature.
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[11]
La thèse de la rupture entre le jeune et le vieux Hegel est à la base des lectures de Habermas puis de Honneth.
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[12]
Voir notamment Robert Brandom, 2007, « The Structure of Desire and Recognition : Self-consciousness and Self-constitution », Philosophy and Social Criticism, vol. 33, no 1, p. 127-150.
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[13]
Jürgen Habermas, 1992, « Individuation through Socialisation : on George Herbert Mead’s Theory of Subjectivity », dans Postmetaphysical Thinking. Philosophical Essays, Cambridge, Polity Press, p. 149-204.
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[14]
À intervalles réguliers, Jürgen Habermas a explicité la base anthropologique de son éthique de la discussion, même après avoir renoncé au modèle naturaliste présenté dans Connaissance et Intérêt (première publication, 1968). Voir par exemple la fin de « Remarks on Discourse Ethics » (dans Jürgen Haberbas 1993, Justification and Application. Remarks on Discourse Ethics, Cambridge, Polity Press, p. 109) ou un passage particulièrement frappant de « A Genealogical Analysis of the Cognitive Content of Morality » (dans Jürgen Habermas, 1999, The Inclusion of the Other. Studies in Political Theory, Cambridge (MA), MIT Press, p. 29).
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[15]
Robert Pippin, 2002, « Leaving Nature Behind : or Two Cheers for “Subjectivism” », dans Reading McDowell : On Mind and World, 2004, sous la dir. de Nicholas Smith, London, Routledge, p. 58-75. Nous sommes fortement inspiré par la critique des approches antinaturalistes en philosophie sociale développée par Stéphane Haber, dans 2006, Critique de l’anti-naturalisme. Études sur Foucault, Butler, Habermas, Paris, Presses universitaires de France.
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[16]
Cette intuition fondamentale est le plus explicitement articulée dans Axel Honneth, 2000, « Anerkennungsbeziehungen und Moral. Eine Diskussionsbemerkung zur anthropologischen Erweiterung der Diskursethik » [Relations de reconnaissance et moralité. Remarques sur l’extension anthropologique de l’éthique de la discussion], dans Anthropologie, Ethik und Gesellschaft. Für Helmut Fahrenbach [Anthropologie, éthique et société. En hommage à Helmut Fahrenbach], sous la dir. de Reinhard Brunner et Peter Kelbel, Frankfurt am Main, Campus Verlag, p. 101-111. Honneth avait déjà fait le point à ce sujet dans un article fondateur daté de 1981 : « Conscience morale et domination de classe. De quelques difficultés dans l’analyse des potentiels normatifs de l’action », dans Axel Honneth, 2006, La société du mépris. Vers une nouvelle théorie critique, Paris, La Découverte, p. 203-224. Voir aussi Axel Honneth, 1996, « La dynamique sociale du mépris. D’où parle une théorie critique de la société ? », dans Habermas, la Raison, la Critique, sous la dir. de Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, Paris, Cerf, p. 215-238.
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Dans cet article, les différences entre les positions d’Axel Honneth et d’Emmanuel Renault (notamment leurs conceptions divergentes des institutions et de la place de la notion d’identité en philosophie politique) ne sont pas prises en compte. Le point de départ de Renault, à savoir la vulnérabilité intersubjective essentielle de l’individu, est très largement inspiré de Honneth. L’intérêt majeur des analyses de Renault est qu’il prend en considération de manière beaucoup plus forte et explicite le rôle structurant de la domination sociale.
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[18]
Emmanuel Renault, 2004, L’expérience de l’injustice : reconnaissance et clinique de l’injustice, Paris, La Découverte, p. 118-127.
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[19]
Id., p. 126.
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[20]
Voir aussi Emmanuel Renault, 2008, Souffrances sociales. Sociologie, psychologie et politique, Paris, La Découverte.
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[21]
Pour cette définition de la « rationalité sociale », voir notamment Axel Honneth, « Les Pathologies du social. Tradition et actualité de la philosophie sociale », ainsi que « Une pathologie sociale de la raison. Sur l’héritage intellectuel de la théorie critique », les deux premiers chapitres de La société du mépris (op. cit.).
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Axel Honneth attache un grand poids à cette forme de reconnaissance déjà bien analysée par Durkheim dans son premier ouvrage sur La division du travail social. (Voir Axel Honneth, 2008, « Arbeit und Anerkennung. Versuch einer Neubestimmung » [Travail et reconnaissance. Tentative de redéfinition], Deutsche Zeitschrift für Philosophie, vol. 56, no 3, p. 327-341.)
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[23]
Cela est montré de manière particulièrement frappante par Christophe Dejours dans son propre modèle de la reconnaissance au travail, dans Christophe Dejours, 2008 [3e éd.], Travail, usure mentale : essai de psychopathologie du travail, Paris, Bayard. Pour une application des thèses de Christophe Dejours au monde du travail québécois, voir Le travail et ses malentendus. Enquêtes en psychodynamique du travail au Québec, 2000, sous la dir. de Marie-Claire Carpentier-Roy et Michel Vézina, Presses de l’Université de Laval, et Espace de réflexion, espace d’action en santé mentale au travail, 2006, sous la dir. de Marie-France Maranda et Louis Trudel, Québec, Presses de l’Université de Laval.
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[24]
Christophe Dejours, 1998 [3e éd.], Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Paris, Seuil. Dejours montre la dureté extrême du métier de pilote de chasse et comment les récompenses symboliques fortes qu’en tire le travailleur lui permettent de donner sens à ses souffrances.
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[25]
On ne confondra pas ici la capacité d’une étude scientifique à analyser les composantes de l’autonomie au travail avec le contenu même de cette autonomie. Autrement dit, le fait que l’observateur ou même le travailleur, dans une attitude réflexive vis-à-vis du travail, puissent donner les raisons de l’aliénation ne veut pas dire que l’aliénation consiste seulement en une restriction de la raison.
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[26]
Pour une discussion critique et un résumé efficace de la riche littérature sur les nouvelles pathologies du travail, voir notamment Philippe Askenazy, 2004, Les désordres du travail. Enquête sur le nouveau productivisme, Paris, Seuil.
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[27]
Mais aussi Luc Boltanski, dans ses ouvrages les plus récents, notamment : 2008, Rendre la réalité inacceptable, Paris, Demopolis.
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[28]
Robert Pippin prend bien en compte l’aspect conflictuel potentiel des « échanges de raisons », c’est même l’un des points importants de sa critique de Robert Brandom. Par contre, il ne prend pas en compte la domination sociale, qui rend les conflits asymétriques et même, dans de nombreux cas, difficiles à représenter comme tels.
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[29]
Voir Pierre Bourdieu, 2003, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil. À ce sujet, et malgré leur désaccord sur d’autres thèmes, voir aussi Jacques Rancière, 1995, La mésentente, Paris, Galilée.
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[30]
Voir notamment Renault, L’expérience de l’injustice, p. 121.
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[31]
La proposition d’Emmanuel Renault d’élargir la théorie de la justice, en se penchant sur les expériences négatives d’injustice qui échappent aux langages normatifs constitués, développe une intuition formulée par Axel Honneth dans « La critique comme mise à jour. La Dialectique de la raison et les controverses actuelles sur la critique sociale », dans Où en est la Théorie Critique ?, 2003, sous la dir. d’Emmanuel Renault et Yves Sintomer, Paris, La Découverte, p. 59-74.
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[32]
Pierre Bourdieu, 1993, La misère du monde, Paris, Seuil.
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[33]
Voir Renault, Souffrances sociales (op. cit.).
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[34]
Renault, L’expérience de l’injustice, p. 398-407 ; et Souffrances sociales, p. 370-380.
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[35]
Axel Honneth propose un modèle théorique de ce difficile travail faisant passer des expériences individuelles de l’injustice à un discours réflexif permettant d’en identifier les causes sociales, dans les chapitres 7 et 8 de La lutte pour la reconnaissance (op. cit.).
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[36]
Voir note 16 plus haut.
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[37]
Voir note 27 plus haut.
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[38]
Voir les pages fondamentales d’Emmanuel Renault sur ce point, dans L’expérience de l’injustice, p. 122-127.
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[39]
Voir notamment l’article largement positif qu’il consacre à Pierre Bourdieu : Axel Honneth, 1995, « The Fragmented World of Symbolic Forms : Reflections on Pierre Bourdieu’s Sociology of Culture », dans TheFragmented World of the Social. Essays in Social and Political Philosophy, Albany, State University of New York Press, p. 184-201. L’article déjà cité, « Conscience Morale et Domination de Classe » (un vieil article de 1981 que Honneth n’a cessé de faire réimprimer dans ses recueils successifs), est celui où le fond bourdieusien de sa théorie sociale et politique est le plus explicite.
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[40]
Bourdieu parle ainsi constamment du « monopole de l’universel » pour dénoncer l’illusion selon laquelle l’exigence de formuler ses demandes normatives dans une grammaire universelle serait immédiatement accessible à tous ou serait elle-même au-delà des tentatives de justification de la domination.
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[41]
On n’oubliera pas, par exemple, que le sous-titre de l’ouvrage est « Grammaire morale des mouvements sociaux ». La sociologie historique d’un auteur comme Edward P. Thompson constitue une référence centrale dans l’argument du livre. Dans sa célèbre étude consacrée à La formation de la classe ouvrière anglaise, l’historien anglais avait montré l’importance des ressources culturelles propres aux classes dominées pour rendre compte de leurs soulèvements contre l’injustice. Le chapitre 8 fait la théorie du passage de l’expérience individuelle de l’injustice, qui ne dispose pas du langage adéquat pour se dire, au mouvement collectif, grâce au développement de « ponts sémantiques », permettant de lier entre elles et de coaliser les expériences individuelles. C’est là une illustration frappante, à l’exemple de la temporalité propre à la naissance d’un mouvement social, de la distinction entre expérience normative et justification par des raisons.
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[42]
Voir notamment « Une pathologie sociale de la raison », dans Honneth, La société du mépris…, op. cit., p. 101-130. Ce glissement rationaliste dans l’oeuvre de Honneth apparaît déjà dans la différence entre le long article de 1994 simplement intitulé « Les Pathologies du Social » et l’article plus récent qui vient d’être cité, où la cause des pathologies sociales et la solution à ces pathologies sont directement ancrées dans la forme de la rationalité. Ce glissement est très visible dans la seconde relecture de Hegel conduite dans Les pathologies de la liberté (2008, Paris, La Découverte).
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[43]
C’est la méthode exégétique que nous proposons dans Beyond Communication (op. cit.).
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[44]
Voir en particulier « Domination and Social Struggle. The Philosophical Heritage of Marxism Revisited », dans The Fragmented World of the Social… (op. cit.), p. 3-15 et, plus primordialement, le premier ouvrage écrit avec Hans Joas : Axel Honneth et Hans Joas, 1989, Social Action and Human Nature [trad. R. Meyer], Cambridge, Cambridge University Press [éd. orig. allem., 1980]. Nous étudions ce développement dans Jean-Philippe Deranty, 2005, « Les horizons marxistes de la reconnaissance », Actuel Marx, vol. 38, p. 159-178, ainsi que dans Jean-Philippe Deranty, 2007, « Repressed Materiality. Retrieving the Materialism in Honneth’s Theory of Recognition », dans Recognition, Work, Politics : New Directions in French Critical Theory, sous la dir. de Jean-Philippe Deranty, Danielle Petherbridge, John Rundell et Robert Sinnerbrink, London et Leiden, Brill, p. 137-163.
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[45]
Honneth et Joas, Social Action and Human Nature, p. 9.
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[46]
Vu sous cet angle, on se rend compte que le concept de reconnaissance de la maturité continue de porter la marque de cette recherche anthropologique initiale. L’anthropologie philosophique n’est plus aujourd’hui qu’une référence implicite, mais on peut dire tout aussi bien qu’Axel Honneth tire son concept de reconnaissance d’une interprétation anthropologisante de la psychologie génétique. Cela apparaît très clairement dans l’un de ses derniers ouvrages, La réification. Petit traité de théorie critique (2007 [trad. Stéphane Haber], Paris, Gallimard), où la psychologie génétique lui sert à établir la thèse selon laquelle « la reconnaissance fonde la connaissance » aussi bien génétiquement que conceptuellement. Dans La lutte pour la reconnaissance (op. cit.) déjà, Honneth tirait de sa lecture de la psychanalyse de Donald Winnicott des conclusions fortes sur les conditions structurelles de la formation d’une identité subjective pour l’être humain. Toutefois il est indéniable que la dimension incarnée du sujet tel que le décrit Honneth dans ses derniers textes a fortement diminué en importance par rapport à ses premiers écrits.
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[47]
Bien exprimé dans l’article précité de Robert Pippin, « Two Cheers for Subjectivism ».
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[48]
C’est la prémisse fondamentale de l’anthropologie philosophique de tradition allemande (Gehlen, Plessner), et l’argument central d’Axel Honneth et Hans Joas dans leur étude synthétique de cette dernière. Mais ils mettent aussi en lumière une anticipation géniale, insuffisamment relevée, de cette prémisse dans l’anthropologie matérialiste de Feuerbach (Social Action and Human Nature, p. 12-18).
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[49]
Cette métaphore de « l’ouverture » de l’être humain à ses différents mondes (familial, social, mais aussi historique, matériel et naturel) est une métaphore bien connue de Merleau-Ponty, dont la théorie de la « coexistence » essentielle entre l’homme et le monde s’inscrit directement dans la ligne intellectuelle reprise ici. On notera que Pierre Bourdieu ne tire pas seulement de Merleau-Ponty le modèle déterminé de l’habitus, mais aussi cette vision générale de l’« ouverture » de l’homme au monde. (Voir Bourdieu, Méditations pascaliennes, p. 194.)
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[50]
Notamment dans « Théorie de la relation d’objet et identité post-moderne. À propos d’un prétendu vieillissement de la psychanalyse », dans Honneth, La Société du Mépris…, op. cit., p. 325-348.
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[51]
Bourdieu, Méditations pascaliennes, p. 230-231.
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[52]
Voir Jean-Philippe Deranty et Emmanuel Renault, 2009, « Democratic Agon : Striving for Distinction or Struggle against Injustice and Domination ? », dans Law and Agonistic Politics, sous la dir. d’Andrew Schaap, London, Ashgate, p. 43-56.
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[53]
Malgré son évolution dans sa lecture de Hegel, sa position de base n’a pas varié sur ce point. On comparera ainsi son texte de 1993, « Democracy as Reflexive Cooperation : John Dewey and Theory of Democracy Today » (dans Axel Honneth, 2007, Disrespect : The Normative Foundations of Critical Theory, Cambridge, Polity Press, p. 218-239), au texte plus récent, « Autonomy, Vulnerability, Recognition, and Justice » (dans Autonomy and the Challenges to Liberalism : New Essays, 2005, sous la dir. de John Christman et Joel Anderson, Cambridge, Cambridge University Press, p. 77-100).
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[54]
Sur ce point, les derniers travaux de Honneth suivent entièrement les lectures rationalistes de Hegel dans leur anthropocentrisme décidé. C’est un autre élément dans l’évolution de la pensée de Honneth. Sa première approche, plus naturaliste, semblait directement inspirée par la volonté d’élargir la théorie sociale afin de faire plus de place à la nature, en réponse à la crise écologique. (Voir Jean-Philippe Deranty, 2005, « The Loss of Nature in Axel Honneth’s Theory of Recognition. Rereading Mead with Merleau-Ponty », Critical Horizons, vol. 6, p. 153-182.)
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[55]
Voir notamment Italo Testa, « Criticism from within Nature. The Dialectics of Second Nature from McDowell to Adorno », Philosophy and Social Criticism, vol. 33, no 4, p. 473-497.
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[56]
Pippin, « What is the Question… ? », p. 161.