Recensions

La spectaculaire déroute de l’Islande, de Daniel Chartier, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2010, 203 p.[Notice]

  • Dan Furukawa Marques

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La déroute de l’Islande – un des pays les plus prospères de la planète, perçu comme modèle de réussite économique et sociale – a tout de spectaculaire : au cours de l’année 2008 seulement, la bourse de Reykjavik perd 94 % de sa valeur, l’inflation grimpe à 15 %, la couronne islandaise dégringole de 60 %, 20 000 Islandais sur un total de 330 000 déclarent faillite, demande massive de financement à l’étranger, 100 000 milliards d’euros de dette ou l’équivalent de 300 000 euros par habitant, hommes, femmes et enfants confondus. L’Islande, petit pays méconnu de la plupart, renvoyait auparavant à des images de paysages nordiques uniques, de musique, de littérature, de pêche, d’écologie, ainsi que d’une société à la fois égalitaire et prospère économiquement, modèle, donc, d’un pays pleinement accompli. L’ampleur de la banqueroute est sans précédent. Dans les médias et l’imaginaire d’une majorité de citoyens dans le monde, le mot « Islande » devient presque synonyme de « faillite » et « d’excès ». Les Islandais, humiliés, entrent dans une crise profonde, à la fois économique, politique, sociale, éthique, morale et identitaire. Comment comprendre ce changement radical de perception de l’image d’un pays sur lui-même et à l’international à travers la représentation qu’en font les médias ? Voici la question que Daniel Chartier se propose d’investiguer dans son ouvrage. Se basant principalement sur neuf journaux bien établis (The New York Times, Le Devoir, The International Herald Tribune, Financial Times, The Herald, The Globe and Mail, The Australian, Le Monde et The Guardian), Chartier recense des milliers d’articles publiés sur l’Islande au cours de l’année 2008 afin de montrer « l’évolution de l’image de ce pays » (p. 8). Son cadre théorique est inspiré « par les travaux du groupe INOR (Iceland and Images of the North) sur l’imagologie et par une approche pluridisciplinaire des sources et des fonctions des images nationales [étude qui] se veut une analyse discursive externe de l’évolution de l’image de l’Islande dans la presse étrangère durant l’année 2008 » (p. 8-9). Il y a confusion dans les médias, écrit l’auteur, entre ce qui est éditorial, nouvelle, chronique et lettre d’opinion, ce qui rend l’analyse plus difficile : En ce qui concerne sa méthodologie, Chartier fait usage d’une démarche dialectique entre les thèmes qui surgissent des articles ; démarche empruntant à la fois à la « synchronie (l’état de ce thème durant l’année) et à la diachronie (son évolution avant, pendant et après la crise) » (p. 11). L’objectif de fond du livre est d’« amorcer une réflexion sur le rôle des médias dans la construction du discours de crise » à travers le cas d’école qu’est l’Islande (p. 11). Chartier part de l’hypothèse selon laquelle, malgré la vérification empirique de la crise, les médias créent la crise, ou plutôt ils créent son image, sa représentation et, par conséquent, l’ampleur de celle-ci. Ils élaborent une « sorte de mémoire au jour le jour du temps contemporain » et les parties impliquées tentent de manipuler les médias en créant les faits par leur énonciation (p. 18). Les médias, en 2008, commencent donc en exaspérant la crise islandaise, alors que beaucoup d’analystes demandent de se méfier de l’exagération. On parle d’une « psychologie de la récession » qui produit des événements devant être perçus avant tout comme des « événements médiatiques ». C’est ce que Chartier appelle la fabrication de « l’ethos de la nouvelle » : un « puissant réseau discursif », permettant de faire circuler une représentation dominante qui construit l’image du pays (p. 19). …