Comptes rendus

Les étoiles s’éteignent à l’aube, Richard Wagamese. Éditions Zoé, Genève, 2016, 285 p.[Notice]

  • Nicolas Beauclair

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  • Nicolas Beauclair
    Centre de langues, Université de Montréal

Premier roman traduit en français de Richard Wagamese, écrivain ontarien d’origine ojibwée, Les étoiles s’éteignent à l’aube est un livre qui nous propose de découvrir des aspects des cultures autochtones sans tomber dans le cliché ou le lieu commun. Wagamese nous offre, somme toute, l’histoire plutôt classique de la rencontre entre un fils (Frank) et son père (Eldon), qu’il n’a presque pas connu. Ce dernier, mourant, demande à son fils de le conduire dans les montagnes pour y être enterré en guerrier et, au fil du chemin, il lui racontera sa vie, ses déboires, sa rencontre avec sa mère, et lui révélera aussi qui est l’homme qui l’a élevé. De cette manière, Wagamese nous offre une réflexion intéressante sur l’identité et l’appartenance tout en dressant un certain portrait des coutumes amérindiennes. Si le titre français de ce livre est poétique et évoque les derniers moments de la vie d’Eldon, le titre anglais nous semble beaucoup plus significatif : Medecine Walk. En effet, ce voyage permet à Eldon de faire la paix avec son passé et de guérir certaines blessures, et à Frank de découvrir une partie de qui il est et de pardonner en partie à son père. Ce voyage devient donc un parcours de guérison pour les deux protagonistes qui se retrouveront et se réconcilieront à travers leur périple. Wagamese, par l’entremise de cette histoire, nous offre une vision dépouillée des membres des Premières Nations qu’il met en scène, et il vient déboulonner certains stéréotypes que la société majoritaire entretient souvent à propos des peuples autochtones : alcoolisme, paresse, identité liée aux bandes et aux réserves, etc. Par exemple, on peut voir que les personnages amérindiens de ce roman ne correspondent pas aux stéréotypes identifiés par Walter C. Flemmings (2006) : on ne les désigne pas nécessairement par un nom tel qu’Amérindien, autochtone, Premiers Peuples, Métis, etc. (les termes « sang mêlé » et « injun » sont utilisés à quelques reprises) ; ils n’habitent pas de réserve et n’ont pas de « privilèges » spéciaux ; ils ne connaissent pas leur culture de manière intuitive ; etc. Contrairement à l’image de « l’Indien » construite dès l’époque coloniale et projetée jusqu’à nos jours, les personnages du récit ne sont pas idéalisés à travers une image idyllique de « bon sauvage » ni dépeints comme paresseux ou immoraux. En fait, les personnages amérindiens du récit de Wagamese sont des travailleurs acharnés qui se démarquent par leurs habiletés et leur endurance ; ils peuvent être sensibles tout comme durs ; respecter la nature tout en menant une vie de citadin, etc. L’alcoolisme d’Eldon, de son côté, n’est pas dû à une quelconque prédisposition génétique ou de la mauvaise volonté, mais principalement à deux événements traumatiques : le fait d’avoir été séparé de sa mère à l’adolescence et un choc post-traumatique lié à sa participation à la guerre de Corée. Ce dernier élément n’est pas sans rappeler le récit de vie de l’Inuit Eddy Weetaltuk qui a participé à la guerre de Corée et affirme : « On aurait dit qu’encourager les soldats à se soûler faisait partie de l’effort de guerre » (2009 : 181). Cependant, même si Eldon ne fait pas exception à cet égard, son désir d’oublier certains événements dans l’alcool le fait tomber au fond du baril et il finit par être renvoyé de l’armée. Cette dépendance et ce désir d’oublier le suivront tout au long de sa vie. Ainsi, même quand les choses semblent aller mieux lorsqu’il rencontre et s’installe avec la mère de Frank, son insécurité le rattrape et l’alcool aussi par la même …

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