Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 48, numéro 3, 2018
Sommaire (4 articles)
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La notion de sujet de droit international ou le défi de sa réforme à l’aune de la responsabilité sociale des entreprises commerciales
Adeline Michoud
p. 243–275
RésuméFR :
En raison de la montée de la mondialisation, un débat a commencé à émerger pour déterminer si les entreprises multinationales pouvaient être tenues à certaines obligations en matière de droits de la personne en vertu du droit international public et, plus généralement, si les acteurs non étatiques pouvaient être directement soumis aux normes internationales des droits de la personne.
En raison de la montée de la mondialisation, un débat a commencé à émerger pour déterminer si les entreprises multinationales pouvaient être tenues à certaines obligations en matière de droits de la personne en vertu du droit international public et, plus généralement, si les acteurs non étatiques pouvaient être directement soumis aux normes internationales des droits de la personne.
Le présent article traite d’abord de la notion de sujet de droit international et de sa conception originale. L’auteure développera ensuite des arguments en faveur de la reconnaissance des entreprises commerciales en tant que sujets de droit international afin de relever les défis modernes posés par les questions de responsabilité sociale et d’éviter l’impunité des sociétés multinationales.
EN :
With the rise of globalization, a debate has started emerging to determine if transnational corporations could be held to have human rights obligations under international public law and more generally, if non-state actors could directly be subjected to international human rights standards.
In today’s society and economy, the state-centric conception of international law appears to be outdated. In fact, state power has substantially declined in the last decades to the profit of corporations, whose growing economic importance has raised questions as to the legal accountability of private persons in international public law.
This article shall discuss the notion of subject of international law and its original conception. The author shall then develop arguments in favour of the recognition of corporate actors as subjects of international law to tackle the modern challenges posed by corporate social responsibility issues and to avoid corporate impunity.
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Les concepts de patrimoine et de personnalité juridique à l’épreuve de la crise écologique : limites et perspectives
Touwendé Roland Ouédraogo
p. 277–320
RésuméFR :
La crise écologique a suscité plusieurs théories et concepts qui se disputent sa résolution. Alors que certains concepts ont émergé avec cette crise, d’autres se sont inspirés de concepts juridiques préexistants, tout en les remodelant. C’est le cas notamment, dans cet aspect, des concepts de patrimoine commun de l’humanité, de patrimoine mondial de l’Unesco, de patrimoine commun de la Nation, et de droits de la Nature. Ces concepts apparaissent à l’analyse comme un remodelage des concepts juridiques de personnalité juridique et de patrimoine eu égard aux impératifs de la crise écologique. Cependant, il y a lieu de se demander si ces réformes des concepts juridiques de personnalité juridique et de patrimoine en droit international et dans des cadres juridiques nationaux, aux fins de la protection environnementale, sont efficaces pour préserver et conserver des éléments de l’environnement et en assurer une protection optimale. Autrement dit, les concepts de patrimoine commun de l’humanité, de patrimoine mondial de l’Unesco, de patrimoine de la Nation et de droits de la Nature permettent-ils de résoudre la crise écologique? Si non, quelles sont les perspectives à cet égard? Le présent article s’inscrit dans le sillage de la reconnaissance des droits environnementaux et du droit à un environnement sain et a pour objet de démontrer l’inadéquation de ces concepts internationaux et nationaux lorsqu’il est question de résoudre la crise écologique, et ce, en raison de leur fondement sur une conception erronée du rapport de l’humain à la nature et sur un ordre politico-social insuffisamment écologiste; finalement, quelques perspectives seront suggérées.
EN :
The ecological crisis has given rise to various theories and concepts aimed at its resolution. Some of these tools emerged during the current crisis; others pre-date it and seek to repurpose, existing legal concepts. Concepts such as the common heritage of Mankind, UNESCO world heritage, the common heritage of the Nation, and Nature rights are particularly important in this context. Those concepts adapt the well-established concepts of legal personality and heritage to meet the exigencies of the ecological crisis. However, it is questionable whether such adaptations or reforms of the legal concepts of legal personality and heritage in international law as well as specific domestic laws for environmental protection, are well-fitted to preserve certain aspects of the environment and to ensure optimal protection. In other words, do concepts such as the common heritage of humankind, UNESCO world heritage, the heritage of the Nation, Nature rights offer a solution to the ecological crisis? If not, what does the future hold? This article calls for the recognition of environmental rights and the right to a healthy environment. It seeks to show the inadequacy of the existing conceptual framework, at international and national level, for the purpose of solving the ecological crisis. The guiding concepts in this area of environmental law, it is argued, are based on a misunderstanding of the relationship between Mankind and Nature. They are the product of a society and a political system where insufficient emphasis is placed on matters ecological. The study concludes with some suggestions for law reform in this area.
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À la croisée du chemin Roxham et de la rhétorique politique : démystifier l’Entente sur les tiers pays sûrs
Hélène Mayrand et Andrew Smith-Grégoire
p. 321–375
RésuméFR :
L’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique pour la coopération en matière d’examen des demandes de statut de réfugié présentées par des ressortissants de pays tiers (Entente sur les tiers pays sûrs) fait l’objet de nombreuses critiques. Signé dans l’objectif de contrer la recherche du meilleur pays d’asile (asylum shopping), l’Entente sur les tiers pays sûrs empêche les demandeurs d’asile qui ont transité par les États-Unis ou le Canada de présenter une demande d’asile dans l’autre pays, sous réserve de certaines exceptions. Le fait que l’Entente sur les tiers pays sûrs ne s’applique qu’aux points d’entrée situés à une frontière terrestre a entraîné une augmentation des entrées irrégulières au Canada, en particulier depuis 2017. Dès son adoption, l’Entente sur les tiers pays sûrs a été soumise à de nombreuses contestations judiciaires. C’est dans ce contexte que les auteurs analysent sa mise en oeuvre en droit canadien et les problèmes que l’entente soulève. Ainsi, les auteurs soutiennent que cette entente est contreproductive, puisqu’elle n’encadre pas efficacement le traitement des demandes d’asile en provenance des États-Unis. De plus, ils présentent l’historique des nombreuses contestations judiciaires relevées à son sujet, dont la dernière décision de la Cour fédérale de 2020 concluant que l’Entente sur les tiers pays sûrs porte atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
EN :
The Agreement between the Government of Canada and the Government of the United States of America for cooperation in the examination of refugee status claims from nationals of third countries (Safe Third Country Agreement) has been subject to criticism since its adoption. Aimed at addressing asylum shopping, the agreement prevents asylum seekers, who have transited through one country, from applying for asylum in the other, subject to certain exceptions. The fact that the agreement applies only to land border ports of entry has led to an increase in irregular entries into Canada, particularly since 2017. The agreement has been the subject of numerous legal challenges. Against this backdrop, the authors analyze the implementation of the agreement in Canadian law and the issues it raises. They argue that the agreement is counterproductive, as if fails to effectively promote the orderly processing of refugee claims from the United States. They also examine the historical background of the numerous legal challenges to the agreement, including the latest Federal Court decision of 2020 which found that the agreement violates section 7 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms.