Cet ouvrage, rédigé par une économiste haïtienne engagée de longue date dans la recherche féministe et tout ce qui concerne la condition et la cause des femmes, présente une synthèse efficace et très bien documentée de la situation des femmes dans l’univers de la politique haïtienne. Le document a été publié par Fanm Yo La, une organisation féministe haïtienne créée en 1999, qui s’est fixé comme objectif de contrer la faiblesse de la participation des femmes à toutes les sphères de décision, tout en se donnant pour mission d’encourager leur présence dans les lieux de pouvoir. Dès l’introduction, les Haïtiennes sont interpellées dans le processus de construction démocratique du pays : « La construction démocratique en Haïti nécessite le recours à l’ensemble des capacités des populations. Pour que ces capacités produisent les nécessaires synergies que requiert cette édification, il importe tout particulièrement que les femmes – encore traitées comme citoyennes de second rang – puissent être présentes dans des structures décisionnelles résolument mixtes et qui, de surcroît, s’ouvriraient à la représentation paritaire » (p. v-vi). Les luttes pour l’obtention des droits politiques des femmes, dans ce pays, démarrent en 1934 avec la création de la Ligue féminine d’action sociale (LFAS). Ces luttes ont permis l’obtention, en 1950, du droit de vote et l’accès à l’éligibilité pour tous les postes. En 1957, les Haïtiennes ont pu exercer, pour la première fois, sans restriction aucune, leurs droits politiques. Rappelons que les élections de 1957 ont porté au pouvoir François Duvalier. Durant 30 ans, celui-ci a instauré une dictature où l’exercice des droits politiques a été supprimé pour tous et toutes. Cependant, un espoir de renouveau est survenu en 1986 avec l’effondrement du régime. Les femmes, comme tous les acteurs sociaux, ont cherché à se réorganiser pour compter les gains et surtout pour faire entendre leurs voix et, ce faisant, signifier qu’elles comptaient être aussi partie prenante au renouveau démocratique qui s’annonçait. Elles ont été de toutes les mobilisations caractérisant cette difficile transition qui se poursuit encore. C’est à la lumière de ces trois périodes que l’ouvrage de Myriam Merlet propose d’analyser la participation politique des Haïtiennes. Trois périodes qui semblent indiquer des cassures dans l’évolution de l’histoire mais qui, sur le chapitre de la participation politique des femmes, témoignent de la ténacité des préjugés à leur endroit et de leur mise à l’écart. Pour ce qui est de la situation actuelle, Merlet constate que les formations politiques ne sont pas encore parvenues à intégrer les femmes. Celles-ci demeurent minoritaires tant à titre de membres qu’en ce qui concerne les organes de direction, et ce, malgré les efforts des femmes à l’intérieur des partis. De plus, les mesures statutaires ou réglementaires de promotion de la participation des femmes, telles que le quota, ne sont pas respectées. Les luttes pour la participation politique pleine et entière des femmes se poursuivent donc tant à l’intérieur des partis, par les femmes mobilisées dans des organisations de femmes, commissions et comités internes, que dans la société civile en général. À l’instar des militantes de la LFAS, les féministes haïtiennes d’aujourd’hui accordent une place importante à la mobilisation pour la participation politique des femmes. Elles multiplient campagnes de sensibilisation, formations et plaidoyers en vue de permettre aux femmes d’accéder aux postes de décision. Ces actions sont toutefois limitées par une tendance qui veut associer la politique à des comportements répréhensibles. Jugeant la performance et surtout le comportement des dirigeants, les femmes hésitent à s’associer publiquement à d’éventuelles candidates. Dans le contexte haïtien, écrit Merlet, la perception de la politique, du monde politique et de ses pratiques constitue l’un …
Myriam MerletLa participation politique des femmes en Haïti. Quelques éléments d’analyse. Port-au-Prince, Éditions Fanm Yo La, 2002, 110 p.[Notice]
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Chantal Maillé
Institut Simone-de Beauvoir
Université Concordia