![Couverture représentant le Volume 54, numéro 1, 2024](/fr/revues/rgd/2024-v54-n1-rgd09747/coverpage.jpg 135w)
Volume 52, numéro 2, 2022
Sommaire (6 articles)
Articles
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Entre le marteau et l’enclume : préoccupations éthiques et déontologiques des avocates en protection de la jeunesse
Valérie P. Costanzo, Emmanuelle Bernheim et Marilyn Coupienne
p. 223–268
RésuméFR :
Cet article contribue à une discussion peu abordée dans la littérature scientifique et juridique au sujet du droit de la protection de la jeunesse québécois, particulièrement en ce qui concerne le rôle, l’éthique et la déontologie des avocates. Ce texte présente les résultats d’une analyse de discours basée sur 11 entretiens avec des avocates représentant des parents à la Chambre de la jeunesse. Il met en lumière les interrogations éthiques et déontologiques des praticiennes. D’un côté, le contexte de la pratique, caractérisé notamment par l’urgence des procédures et le déséquilibre entre les ressources des parties, complexifie le respect strict des règles de déontologie. À l’image de leurs clientes, les avocates des parents se trouvent dans un rapport de force inégal avec leurs consoeurs qui représentent la Direction de la protection de la jeunesse. Alors que ces dernières peuvent avoir une approche contradictoire du débat, les avocates des parents se voient souvent contraintes à collaborer. D’un autre côté, les caractéristiques particulières associées aux parents suscitent des impasses relativement aux obligations professionnelles des avocates. Celles-ci peinent à offrir des services de qualité à des clientes qui ne répondent pas aux exigences relatives à la préparation du dossier et à la disponibilité permettant à leur avocate de les aider. Elles parviennent difficilement à communiquer avec des personnes défavorisées ou issues de l’immigration et à être comprises de ces dernières, et, parfois, à défendre avec loyauté des personnes qui sont souvent présumées fautives. Du discours des avocates se dégage le sentiment d’être prises entre l’arbre et l’écorce, entre le marteau et l’enclume.
EN :
This article contributes to an underdeveloped discussion in the scientific and legal literature on Quebec youth protection law, particularly regarding the role, ethics and deontology of lawyers. It presents the results of a discourse analysis based on interviews with lawyers representing parents at the Youth Division, Court of Québec. It highlights the ethical and deontological questions of these practitioners. On the one hand, the context of the practice, characterized in part by the urgency of the procedures and the imbalance of resources between the parties, complicates strict compliance with the rules of professional conduct. Like their clients, the parents’ lawyers find themselves in an unequal balance of power vis-à-vis their colleagues who represent the Director of Youth Protection. The latter may take an adversarial approach to the debate; parents’ lawyers are often coerced to collaborate. On the other hand, the characteristics associated with parents give rise to impasses regarding the professional obligations of lawyers. They struggle to offer quality services to clients who do not meet the requirements nor availability for preparing the file and help their lawyer to help them. Lawyers find it difficult to communicate and be understood by underprivileged or immigrant clients; and, sometimes, to loyally defend parents who are often presumed to be at fault. From the discourse of the participants emerges the feeling of being caught between a rock and a hard place, between the hammer and the anvil.
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L’« égalité des armes » — une expression bénie ? — en droit processuel au Québec : le rôle du droit international
Stéphane Beaulac
p. 269–313
RésuméFR :
Si l’« égalité des armes » en est à ses balbutiements en droit processuel au Québec, son potentiel de croissance semble considérable. Après en avoir défini la nature et vu ses ancrages juridiques — l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et les principes directeurs du Code de procédure civile — et à la suite d’un bref examen des quelques affaires y ayant eu recours en jurisprudence, la discussion se concentre sur la filiation de droit international du principe. Pour ce faire, il faut bien comprendre la grille d’analyse de la problématique de l’interlégalité, qui a été recadrée et raffinée récemment. La Cour suprême du Canada enseigne que la normativité internationale procure des éléments « pertinents et persuasifs » ou des éléments contextuels pour l’interprétation et l’application du droit interne, étant entendu que son rôle se limite à appuyer ou à confirmer (jamais contredire) une conclusion qui se fonde, au premier chef, sur le texte de la législation. En outre, l’analyse est différenciée suivant le type de sources : convention contraignante ou non, instrument antérieur ou postérieur à la loi interne, jurisprudence de tribunaux internationaux ou étrangers. La seconde partie du texte procède à l’étude en substance de l’égalité des armes, telle que développée en vertu des conventions des systèmes régionaux européens et sous le régime universel onusien, et telle qu’articulée à l’aide de décisions de tribunaux internationaux (Cour européenne des droits de l’homme; Cour de justice de l’Union européenne). On constate ensuite que les jugements au Québec ayant fait référence au principe ne se sont pas trompés : ils ont considéré l’égalité des armes tout d’abord dans une perspective de droit interne, en tenant compte de l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et des principes directeurs du Code de procédure civile, pour arriver seulement par la suite au droit international, afin d’appuyer et de confirmer le sens et la portée du principe. Bien que le texte soit articulé autour de l’international, en conclusion, des exemples d’application en droit procédural au Québec sont présentés. En définitive, l’égalité des armes pourra certes se déployer pleinement grâce à ses ancrages juridiques internes et, en outre, à la lumière de l’expérience internationale.
EN :
Although “equality of arms” is in its infancy in Quebec’s procedural law, its potential for growth seems immense. After defining its nature and identifying its legal basis—section 23 of the Quebec Charter of human rights and freedoms and the guiding principles of the Code of Civil Procedure—and following a brief examination of the few instances where it was resorted to in recent case law, the discussion focuses on the principle in international law. To that end, one must recall the analytical framework within which interlegality is considered, especially as it was recently reframed and refined. Indeed, the Supreme Court of Canada teaches that international normativity provides elements deemed “relevant and persuasive” or forming part of the context for the interpretation and application of domestic law, albeit a role that is limited to supporting or confirming (never contradicting) a conclusion based, first and foremost, on the text of the legislation. Moreover, the analysis ought to be differentiated according to the type of sources: binding or non-binding conventions, instruments prior or subsequent to domestic law, judgments of international or foreign courts. The second part of the paper proceeds with the study in substance of equality of arms, as developed pursuant to the conventions of the European regional systems and under the universal regime of the United Nations, and as articulated in the judicial decisions of international courts (European Court of Human Rights; Court of Justice of the European Union). It is then possible to assess that the Quebec judgments that referred to the principle were not mistaken: they considered equality of arms, at first, from a perspective of domestic law, with regard to section 23 of the Quebec Charter of human rights and freedoms and as per the guiding principles of the Code of Civil Procedure, and then only later looked into international law, with a view to supporting and confirming the meaning and scope of the principle. Although the emphasis of the paper is clearly international, the conclusion gives examples of application in Quebec’s procedural law. In the end, equality of arms shall be able to deploy fully pursuant to its internal basis, no doubt, but also drawing from international experience.
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La coopération des pays tiers et la gestion des migrations dans l’espace euroméditerranéen
Saïd Hammamoun
p. 315–344
RésuméFR :
L’objet de cet article est d’explorer le processus de gestion de la politique européenne de migration, ainsi que les formes sous lesquelles il se décline dans le cadre des relations euroméditerranéennes. L’article soutient l’idée selon laquelle l’implication des pays du sud de la Méditerranée est intimement liée à la construction de la dimension externe de la politique européenne de migration. Or, cette dimension externe n’est pas exempte d’ambiguïtés, ce qui explique à bien des égards le fait que la coopération avec ces pays s’est diluée dans un processus global de sécurisation des frontières de l’Union européenne. L’article se penche ensuite sur les limites de cette gestion afin de démontrer que la coopération avec les pays du sud de la Méditerranée n’a pas su s’affranchir des incertitudes de la gouvernance externe de la politique migratoire de l’Union européenne.
EN :
The purpose of this article is to explore the process of managing European migration policy and the forms in which it takes place within the Euro-Mediterranean relations. To this end, the article supports the idea that the involvement of the southern Mediterranean countries is intimately linked to the construction of the external dimension of European migration policy. Yet this external dimension is not without ambiguities, which explains in many respects the fact that cooperation with these countries has been diluted in a global process of securing the European Union’s external borders. The article then looks at the shortcomings of this management in such a way to underline that cooperation with the southern Mediterranean countries has failed to overcome the uncertainties of the external governance of the European Union’s migration policy.
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La communication du droit par des non-juristes : étude empirique de la formation des contrats d’arrangements préalables de services funéraires
Pierre Issalys, Mélanie Samson et Hélène Zimmermann
p. 345–390
RésuméFR :
Le citoyen entretient généralement peu de contacts directs avec les lois et même avec les contrats auxquels il est partie. Le plus souvent, le contenu de ces textes juridiques lui est communiqué par un intermédiaire, juriste ou non juriste. Le présent article expose les résultats d’une recherche empirique portant sur la manière dont des personnes non juristes, en l’occurrence des consommatrices et des représentantes de coopératives funéraires, communiquent entre elles à propos d’un rapport contractuel fortement encadré par la législation, soit la conclusion d’un contrat d’arrangements préalables de services funéraires. Les données recueillies sur les échanges menant à la conclusion d’un tel contrat, sur le rôle joué par la représentante du fournisseur de services funéraires et sur la place réservée au document contractuel lui-même suggèrent quelques conclusions quant à la fonction respective de l’écrit et de l’oral dans la communication à propos du droit.
EN :
Are statutes and regulations, and indeed contracts, “readable” matter for those that may, in whatever capacity, seek to make use of such documents ? What is required, in order that they be made so “readable ?” And beyond being readable matter, how can statutes, regulations, and contracts contribute to efficient and meaningful interpersonal communication about legal norms ? This paper reports on the findings of an empirical investigation into verbal exchanges between lay persons in contemplation of a contractual relationship : on the one hand prospective buyers of prearranged funeral services contracts, and on the other salespersons acting on behalf of cooperatives that offer such services. Under Québec law, the making of this type of contract comes under an elaborate statutory and regulatory scheme. The investigation produced qualitative data relating to the substance and form of verbal exchanges, to the posture assumed by the service provider’s sales representative, and to the use made of the physical contract document during and after the intercourse leading to agreement. The data offer insights into the respective functions of verbal and written communication when lay persons communicate about entering legally based relationships.
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La face cachée des plaidoyers de culpabilité négociés par des entreprises : l’exemple de l’affaire R c SNC-Lavalin
Amissi M Manirabona et Flavie Masson
p. 391–420
RésuméFR :
Dans le présent article, nous nous penchons sur les difficultés découlant des plaidoyers de culpabilité négociés par les entreprises et enregistrés devant les juridictions criminelles canadiennes. Nous partons de la décision relative au plaidoyer de culpabilité survenu en décembre 2019 entre le ministère public canadien (la Couronne) et la société d’ingénierie montréalaise SNC-Lavalin Construction inc, une filiale du Groupe SNC-Lavalin inc. À cet effet, le texte s’attarde sur les circonstances qui ont entouré ce plaidoyer de culpabilité par cette filiale pour résoudre l’affaire pénale contre la firme d’ingénierie, ainsi que sur les conséquences négatives qui pourraient en découler. De manière plus générale, les problématiques associées aux plaidoyers de culpabilité impliquant les entreprises sont également examinées.
EN :
In this article, we focus on the challenges arising from guilty pleas negotiated by corporations and recorded in Canadian criminal courts. We begin with the decision relating to the guilty plea that occurred in December 2019 between the Canadian public prosecutor (the Crown) and the Montréal-based engineering company SNC-Lavalin Construction inc., a subsidiary of the group of companies SNC-Lavalin Group inc. To this end, the text dwells on the circumstances surrounding the guilty plea entered by this subsidiary to resolve the criminal case against the engineering firm, and the negative consequences that could result from it. Issues arising from guilty pleas involving corporations more generally are also examined.