Résumés
Abstract
The author considers whether the multinational corporation constituted a challenge to the industrial relations systems as they have developed in Europe over the last quarter of a century and what response such a challenge found in the trade-union movement.
Résumé
La société multinationale a-t-elle posé un problème d'adaptation aux divers systèmes de relations industrielles en Europe ces vingt-cinq dernières années, et comment le mouvement ouvrier a-t-il réagi ?
Il convient de souligner trois points au sujet de la société multinationale ou internationale : la croissance de la société multinationale, phénomène typique des années soixante, n'est pas tant une expansion numérique qu'une accélération du rythme d'accroissement des investissements, de la production et des ventes. Il est concevable que d'ici vingt ans le volume du secteur des sociétés internationales corresponde au produit national brut des États-Unis.
La nature même de l'administration s'est modifiée. Celle des filiales a perdu son caractère « plénipotentiaires ». Le pouvoir de décision plus ou moins grand qu'on laisse à ces dernières n'est plus une question de relations extérieures, mais une question de politique centrale. La gestion peut de ce fait assumer un caractère véritablement international là où la nationalité des directeurs locaux importe peu et quand les divers directeurs nationaux de sociétés internationales s'identifient entre eux de plus en plus étroitement plutôt qu'avec leurs confrères du même pays.
L'expansion rapide de la société multinationale, associée au changement de structure et de nature de l'administration, va directement à rencontre du développement concurrent et de la notion « d'État-providence ».
Considérons le rôle joué par le mouvement syndical européen et ses alliés politiques dans l'expansion de l'État-providence. Nous saisirons du même coup les craintes qu'a suscité le caractère « insaisissable » de la société internationale au regard des politiques et institutions nationales. Ces sociétés échappent largement à la souveraineté des États et une sorte de vide s'est formé dans le domaine de la législation et de la réglementation. Ce vide doit être comblé.
Les syndicats affiliés à la CISL et les secrétariats professionnels internationaux qui leur sont associés et qui groupent le gros des travailleurs syndiqués de l'Europe, ont adopté au neuvième congrès mondial de la CISL une résolution visant à ce que les priorités de planification économique nationale soient respectées ; que les fusions de sociétés soient soumises à l'approbation des autorités publiques ; que toutes les mesures soient prises à temps pour éviter les avatars sociaux résultant de changements de structure et de la fermeture d'usines ; qu'un contrôle démocratique soit établi à chaque palier de décision et que les lois ou règlements nouveaux régissant les activités internationales, régionales ou nationales des sociétés multinationales s'inspirent des exigences du progrès social maximum dans une économie équilibrée.
Le plan de mise en oeuvre de la résolution de la CISL présente trois approches stratégiques : changements qu'il faudrait apporter aux structures mêmes des organisations syndicales, modifications aux méthodes de négociation collective et de règlement des conflits du travail, et, enfin, adaptations à obtenir de la législation nationale et de la législation internationale ainsi que des organisations intergouvernementales afin de combler « le vacuum constaté en matière de législation et de réglementation » concernant les sociétés multinationales.
Le pionnier dans le domaine de l'adaptation des structures des syndicats aux entreprises industrielles multinationales est, à n'en pas douter, la Fédération internationale des métallurgistes (FIM). Dans le secteur automobile de la FIM, on a créé des conseils par entreprise, à l'échelle mondiale, par exemple Ford, General Motors, Chrysler et Volkswagen-Benz pour commencer, auxquels s'ajoutent la British Leyland Motors et conjointement Toyota et Nissan.
Dans le domaine de l'électricité et de l'électronique, en raison du plus grand nombre de sociétés, la FIM a procédé un peu différemment, avec « des comités de compagnies multinationales » qui semblent avoir une orientation plus régionale.
Ces changements et ces adaptations en matière d'organisation, tant au niveau des fédérations internationales de centres nationaux qu'au niveau des syndicats affiliés, visent essentiellement au même but, à savoir l'internationalisation de la stratégie syndicale d'abord au plan national en ce qui concerne la négociation collective et le règlement des conflits, puis sur les plans national et international en vue d'obtenir une législation nationale et internationale qui assure une protection légale.
Nous sommes encore loin de la véritable négociation mixte internationale avec des sociétés multi-nationales. Dans certains cas, toutefois, des représentants syndicaux ont pu traiter directement avec les cadres supérieurs de sociétés multinationales. On met également au point certaines techniques qui, n'impliquant aucune négociation de type international, sont nées de situations locales spécifiques et se sont ensuite internationalisées par une tentative de généralisation des points en litige à l'ensemble des filiales des différents pays. Cette technique est utilisée avec grand succès par la Fédération internationale des travailleurs du pétrole et de la chimie (FIPC) dons le cas de la compagnie multinationale de verre de Saint-Gobain. Ce sera là peut-être un précédent typique. Toutefois la FIPC a peu de chances d'être un modèle que puissent adopter un grand nombre d'industries, étant donné que son activité s'exerce dans le cadre d'une industrie bien intégrée, à capital puissant, où la syndicalisation est relativement facile. Le succès d'une technique semblable dépend d'une action solidaire fortement disciplinée et synchronisée.
L'internationalisation de la stratégie syndicale vis-à-vis des sociétés multinationales suppose
1) une étude fouillée de la situation économique, des tendances de l'expansion, de la situation particulière des sociétés et de leurs filiales, la connaissance de leurs relations mutuelles, de l'expansion du profit, des conditions de salaire et de travail ; autant d'aspects qui pourraient faire l'objet d'une compilation et d'une revision constante par des ordinateurs ;
2) la transmission rapide de ces informations aux syndicats qui sont impliqués dans des négociations, la coordination des politiques et stratégies utilisées dans chaque situation, en d'autres termes, l'internationalisation des négociations menées dans chaque pays ;
3) des occasions de rencontre plus nombreuses avec les dirigeants des sociétés multinationales, sinon pour une négociation directe, du moins pour examiner certaines questions et s'entendre sur des principes de base.
4) la coopération des gouvernements à la création et à l'expansion d'institutions qui permettront de faire disparaître les lacunes actuelles de la législation non seulement au niveau national mais surtout international.
Afin de mettre en route le programme de recherche intensif et permanent dont il est question, il faudra que les organismes syndicaux à l'échelon national modifient du tout au tout leurs façons de penser et leur attitude vis-à-vis des organisations internationales.
Les syndicats, et à cet égard aussi les gouvernements, ont beaucoup de mal à obtenir des renseignements sur les politiques des sociétés multinationales. La plupart des syndicats européens ont réussi, soit par voie législative, soit par voie de conventions collectives, à mettre leur poids dans les décisions prises. Ce qu'ils craignent le plus, c'est une administration « absente » qui se déroberait à leur influence. La crainte de voir les sociétés multinationales intervenir dans les politiques nationales a conduit les syndicats européens à faire pression sur leurs gouvernements respectifs afin qu'ils définissent et redéfinissent encore leur position vis-à-vis des sociétés multinationales. L'attitude ambivalente des sphères gouvernementales vis-à-vis du phénomène des sociétés multinationales est une source croissante de tension en Europe. La tendance européenne actuelle consiste essentiellement à vouloir s'attaquer au caractère quasi insaisissable du phénomène afin de le soumettre à la législation et aux accords nationaux et internationaux.
La première conférence européenne des Travailleurs de l'automobile qui s'est tenue en décembre 1969 a traité des objectifs précis de la négociation collective. On y a insisté sur l'égalisation et la normalisation des conditions de travail et des avantages sociaux. On a établi les priorités suivantes : sécurité d'emploi, égalité des droits des femmes, enfin, droits syndicaux dans l'atelier.
Il est probable qu'avant que les syndicats ne s'attaquent à la véritable négociation collective internationale, ils useront de leur puissance politique afin d'obtenir l'extension et l'uniformisation des lois touchant les normes du travail dans le cadre, qui sera peut-être élargi, de la Communauté économique européenne.
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