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Bonsoir à toutes et à tous, et merci au comité organisateur de l’édition 2021 du congrès de l’Association canadienne des relations industrielles (ACRI) de m’offrir cette tribune pour vous faire part de certains de mes travaux et réflexions sur le travail et l’emploi. J’aurais aimé m’adresser à vous lors de ce traditionnel banquet qui ouvre la voie aux échanges informels, mais, faute de pouvoir le faire, nous nous rabattrons une fois de plus sur le virtuel.
D’abord quelques mots sur le titre de la conférence : « Un éclairage par les marges ». Je me suis toujours intéressée aux objets à première vue marginaux en relations industrielles, comme le travail indépendant, les formes de travail atypique et les régimes particuliers de représentation collective, comme celui des artistes. Je ne suis évidemment pas la seule à l’avoir fait. Sans aucune prétention d’exhaustivité, et pour me limiter ici aux chercheuses et chercheurs canadiens, je voudrais citer les Cranford, Vosko, Fudge, Tucker, Lewchuck, Vallée, Coiquaud, Boivin, Bernstein, Bartkiw sur l’emploi atypique, les Bernier, Slinn, Jalette, Bilodeau, Hanin sur les régimes particuliers de représentation collective.
Puisqu’on m’a donné carte blanche quant au choix du thème de cette conférence, j’aimerais vous faire part de certaines réflexions sur ce que les marges nous apprennent, et sur l’occasion qu’elles nous fournissent de renouveler les modèles d’analyse en relations industrielles.
Les marges sont des phénomènes minoritaires d’un point de vue statistique, mais elles agissent comme des révélateurs de changements fondamentaux et durables. Rappelons ici que, lorsque Marx fondait ses travaux sur le salariat, celui-ci n’occupait encore qu’une minorité des actifs. Et, pour reprendre les termes de l’historien Fernand Braudel, « les faits importants sont ceux qui ont des conséquences », et surtout quand ces conséquences sont « la modernité de l’économie, le “modèle” des “affaires” à venir, la formation accélérée du capital […], il faut y réfléchir à deux fois » (avant de considérer ces faits comme non pertinents) (Braudel, 1979, vol. 2, p. 540, cité dans Boltanski et Chiapello, 1999 : 100).
Je me propose donc de vous parler de trois objets qui se situent plutôt aux marges du courant dominant en relations industrielles – le travail indépendant, le travail de plateforme et le travail informel –, pour ensuite faire le lien avec le renouvellement des modèles d’analyse dans notre champ de recherche. Ces réflexions me sont suggérées en partie par mes propres travaux, mais aussi par ceux de l’équipe de recherche que je forme depuis sept ans avec mes collègues Guy Bellemare et Louise Briand de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Frédéric Hanin de l’Université Laval et Leticia Pogliaghi, de la Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM), ainsi que par les lectures et les discussions dans le cadre de mon séminaire doctoral annuel, auquel participent une proportion importante d’étudiantes et étudiants internationaux.
Des objets de la marge
Cette première partie de la conférence traite donc de trois objets en marge du courant dominant en relations industrielles. Les objets de la marge sont intéressants à étudier et à comprendre en soi, mais aussi comme des observatoires des transformations qui touchent ou toucheront le travail et l’emploi de manière plus générale.
Le travail indépendant[1]
Le travail indépendant, traditionnellement conceptualisé comme l’envers du salariat, a décru tout au long du xxe siècle pour ensuite connaître une remontée importante à partir de la fin des années 1970, suivie d’une légère diminution. En 2020, sa part au sein de la population occupée s’est stabilisée autour de 13 % au Québec et de 15,4 % au Canada. Statistiquement, le travail salarié demeure et demeurera sans aucun doute la norme, au Canada comme ailleurs en Occident industrialisé ; c’est plutôt le contenu et la nature du salariat (et de l’indépendance) qui changent.
En effet, la croissance marquée du travail indépendant est en grande partie attribuable aux indépendants qui exercent seuls, sans l’aide d’employés (ici désignés comme étant les « solos ») et de manière croissante pour des entreprises clientes. La catégorie de travail indépendant recouvre aujourd’hui des situations typiques de l’indépendance « pure », mais aussi des zones hybrides d’autonomie contrôlée (Appay, 1993), où évoluent une main-oeuvre tant peu qualifiée que très qualifiée (D’Amours, 2013). En Amérique du Nord, cette « allégeance dans l’indépendance » s’exerce sans contrepartie en matière de protection pour le travailleur indépendant, qui assume le plus souvent seul le risque économique, social et professionnel.
Pour cette raison, il m’a toujours semblé important de distinguer les termes « indépendant » et « autonome ». Le terme « indépendance » réfère à l’absence de liens de dépendance juridique, alors que le terme « autonomie » réfère à la direction de l’organisation du travail. Or, en raison de cette « allégeance dans l’indépendance », ce ne sont pas tous les « indépendants » qui sont « autonomes ».
Réciproquement, si la vaste majorité de la main-d’oeuvre demeure salariée, les caractéristiques de ce salariat changent : les formes atypiques (temps partiel ou temporaire) concernaient 23,6 % de la main-d’oeuvre (et 27,2 % des salariés) en 2017. Cette fragilisation du salariat touche toutes les catégories socioprofessionnelles, incluant les groupes qui en avaient été historiquement préservés : les professionnels, les travailleurs (surtout des travailleuses) du secteur public, les syndiqués (Cloutier-Villeneuve, 2014). Tout comme le profil émergent du travailleur indépendant est le ou la « solo », le profil dominant du salarié atypique est le salarié ou la salariée temporaire.
Que nous apprend donc l’étude du travail indépendant et de celles et ceux qui exercent sous ce statut ? D’abord, elle nous renseigne non seulement sur les nouveaux habits de cette figure séculaire du travail, ce qui est intéressant en soi, mais aussi sur la similitude croissante des conditions vécues par les deux profils émergents au sein de la main-d’oeuvre : l’indépendant solo et le salarié temporaire. Le travail indépendant, surtout chez les solos qui travaillent pour des entreprises, voit se restreindre ce qui constitue en théorie son avantage sur le salariat, c’est-à-dire l’autonomie dans la conduite du travail. De son côté, le salariat migre vers davantage d’instabilité et de report du risque sur le travailleur, perdant ce qui constitue en théorie son avantage sur l’indépendance.
Ensuite, en réfléchissant sur ce que j’ai appelé le « paradoxe » du travail indépendant, on est aussi amené, cette fois-ci par les représentations des acteurs, à réfléchir sur ce qu’il advient du salariat. Les termes de ce paradoxe sont les suivants. Si les travailleurs indépendants solos déplorent le manque d’avantages sociaux, l’incertitude, l’insécurité et l’instabilité de leur revenu, ils apprécient, plus que les travailleurs indépendants employeurs, le désir de liberté, d’indépendance, d’être « leur propre patron ». Ces données sont congruentes avec des études européennes (Pedersini et Coletto, 2010) qui, avec des variations sectorielles, concluent que les travailleurs indépendants, particulièrement ceux qui n’ont pas d’employés, déplorent l’insécurité, la faible rémunération et l’absence de protection contre les risques, mais témoignent d’une satisfaction au travail plus élevée que celle des salariés, notamment sur les aspects de l’autonomie au travail et de la flexibilité des horaires. Bref, ils conjuguent un rapport négatif à l’emploi et un rapport positif au travail, témoignant de ce que Paugam (2000) désigne comme « la valorisation de soi dans l’incertitude ».
Il n’y a sans doute pas d’explication unique de cet apparent paradoxe. Mes travaux m’ont amenée à en suggérer deux. D’une part, l’appréciation que le solo a de son statut dépend de sa trajectoire antérieure. Elle apparaît comme le miroir inversé des souffrances vécues dans les emplois salariés ayant précédé l’établissement comme indépendant, qu’il s’agisse de surveillance rapprochée, de conflits de valeurs ou de difficulté à concilier travail et vie personnelle et familiale (Bureau et Corsani, 2014 ; D’Amours et Kirouac, 2011). D’autre part, cette appréciation positive reflète également la perte d’hégémonie de l’emploi salarié typique et sa tendance à se vider de son contenu protecteur : lorsque les emplois qui s’offriraient au travailleur indépendant sont instables, lorsqu’ils ne procurent ni sécurité, ni assurances complémentaires, ni régime de retraite, le travail à son propre compte n’apparaît pas, sur une base comparative, une option beaucoup plus précaire. En outre, le statut d’indépendant procure souvent un plus grand contrôle sur l’horaire et sur le lieu du travail, alors que le salariat, surtout atypique, est de manière croissante assorti de fortes contraintes temporelles et d’exigences de disponibilité étendue (Vallée, 2016 ; Boivin, 2016 ; Coiquaud, 2016 ; Lewchuck et collab., 2011).
L’étude du travail indépendant révèle aussi les aspirations à l’autonomie, à la variété dans le travail, à la possibilité de le concilier avec la vie personnelle qui, bien qu’elles soient très inégalement réalisées, sont largement répandues, non seulement chez les indépendants, mais aussi chez les salariés, non seulement chez les professionnels, mais aussi chez les travailleurs peu qualifiés. J’en veux pour exemple le cas des responsables de services de garde en milieu familial, des travailleuses vulnérables à qui le gouvernement du Québec a attribué le statut de travailleuses indépendantes. Dans une recherche qui s’intéressait notamment à l’importance que ces travailleuses accordaient aux marges d’autonomie procurées par leur statut, j’ai constaté un résultat surprenant. Si elles avaient le choix, plus de la moitié (56,2 %) des répondantes préféreraient conserver le statut de travailleuse indépendante. Ce résultat est particulièrement marqué chez les responsables de services de garde (RSG) les plus expérimentées, mais aussi les plus vulnérables, les moins scolarisées et pour qui les emplois occupés antérieurement, ou ceux qu’elles pourraient raisonnablement occuper, sont perçus en tous points moins favorables que leur emploi actuel de RSG (D’Amours, 2015).
Ce constat voulant que les RSG les plus vulnérables soient aussi celles qui accordent le plus d’importance à l’autonomie ne devrait pourtant pas surprendre. L’étude d’Avril et Cartier (2014) fait ainsi ressortir que les travailleuses peu qualifiées apprécient les marges de liberté et d’autonomie offertes dans certains emplois à domicile (autonomie quant au rythme et à la manière d’effectuer le travail, quasi-absence de surveillance directe), parce qu’elles contrastent avec le fort degré de prescription et la surveillance étroite qui caractérisent les emplois féminins faiblement qualifiés, en usines ou dans les services.
Le travail de plateforme
Tout comme nous n’allons pas tous devenir travailleurs indépendants, nous n’allons pas non plus tous devenir des travailleurs de plateformes. S’appuyant sur les définitions d’Eurofound et de la Commission européenne, Hauben et ses collaborateurs (2020) définissent le travail de plateforme comme « tout travail rémunéré fourni par, sur ou par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dans un large éventail de secteurs, où le travail peut prendre des formes variées » (ma traduction).
Encore ici, il me semble que le travail de plateforme, exercé par un faible pourcentage de la population adulte durant la dernière année – selon les données recueillies par l’OIT (2021), ce serait 4 % au Royaume-Uni, 4,5 % ou moins aux États-Unis et moins de 1 % au Canada –, est intéressant à étudier non seulement pour lui-même, mais parce qu’il constitue un « concentré » de tendances qui sont aussi présentes dans le travail et l’emploi hors plateforme. Ici, je m’aventure sur un terrain plus nouveau pour moi, que je n’ai pas formellement étudié. Je me réfère donc à mes lectures.
Plusieurs travaux font état de la précarité associée au travail de plateforme : il s’agit d’emplois à la demande, donc par définition instables, faiblement rémunérés, ne donnant pas accès à la formation, échappant aux dispositifs de protection sociale et de représentation collective. Modalité extrême d’externalisation (externalisation « vers la foule »), figure particulière de relation tripartite (impliquant la plateforme, le client et le travailleur), le travail de plateforme pousse aussi un cran plus loin certaines tendances déjà présentes dans l’emploi « en général », comme l’individualisation du travail, sa délocalisation, le brouillage des frontières entre temps personnel et temps de travail, le brouillage des frontières entre les statuts de salarié et de travailleur indépendant (voir notamment Vendramin et Valenduc, 2016).
Il y a bien sûr des distinctions à faire entre les plateformes. Une étude récente de la Commission européenne (2020) suggère trois axes pour les distinguer : le fait que la prestation de travail soit réalisée sur place ou en ligne, le niveau de compétences requis pour exécuter la tâche et l’acteur qui attribue les tâches (plateforme, client ou travailleur de la plateforme). Tant le niveau de précarité que le niveau de contrôle sur le travail varient selon la combinaison de ces trois dimensions.
Je voudrais pour ma part insister sur deux caractéristiques du travail de plateforme qui se retrouvent dans un nombre grandissant d’emplois hors plateforme : des formes raffinées de contrôle et ce que d’aucuns ont désigné comme « la tyrannie de la réputation ».
Comme l’ont mis en évidence notamment Cherry (2016) et Choudary (ILO, 2018), grâce aux algorithmes, les plateformes exercent, à des degrés divers certes, des contrôles similaires à ceux de l’entreprise hiérarchique : attribuer des tâches aux travailleurs (plus ou moins de tâches, de plus ou moins bonnes tâches), déterminer les processus de travail, décider du moment et de la durée des pauses, établir le tarif, contrôler le temps de présence au travail (par le nombre de mouvements de la souris ou par des captures d’écrans régulières), évaluer la qualité du travail, etc. Or les algorithmes qui jouent un rôle important de contrôle du travail dans les plateformes sont aussi de plus en plus présents hors plateforme, par exemple dans les entrepôts d’Amazon, un modèle structurant pour toutes les chaînes de valeur, ou dans plusieurs grandes entreprises de différents secteurs, allant des produits et services informatiques au secteur bancaire, aux services de consultation, de marketing, etc.
Référant à la typologie des mécanismes de contrôle d’Edwards, Kellogg et ses collaborateurs (2020) distinguent six modalités par lesquelles le contrôle algorithmique opère dans les organisations. Ils désignent ces modalités (en anglais) comme étant les 6 R : « les employeurs peuvent utiliser les algorithmes pour les aider à diriger les travailleurs en restreignant (restricting) par exemple l’accès à l’information ou à certains types d’actions et en recommandant (recommending) une décision parmi plusieurs possibles. Ils peuvent utiliser les algorithmes pour évaluer les travailleurs en enregistrant (recording) quantité de données sur la quantité et la qualité du travail, mais aussi sur les comportements des travailleurs et en évaluant (rating) la performance et en procédant à des classements, à partir de données provenant de diverses sources, dont les clients. Ils peuvent finalement les utiliser pour discipliner les travailleurs en les remplaçant (replacing) et en les récompensant (rewarding) par des modalités de jeux ou systèmes de récompense virtuels pour susciter leur adhésion et leur motivation.
Quant à la réputation qui, toujours par le truchement des algorithmes, permet de lier l’évaluation par le client à un plus grand nombre de propositions de travail ou à des offres de travail de meilleure qualité (quand ce n’est pas simplement d’éviter la déconnexion !), elle est aussi à l’oeuvre dans des formes de travail qu’on pourrait juger éloignées du courant dominant, comme le travail organisé sur le mode du projet. Ainsi, les travaux de Legault et Bellemare (2008) ont révélé que la réputation est un principe clé de la régulation du travail des professionnels des services informatiques aux entreprises. C’est en effet par crainte d’entacher leur réputation de « professionnel » disponible pour le client que les travailleurs s’abstiennent, en dépit du cadre légal qui leur permettrait de le faire, de refuser les heures supplémentaires non rémunérées ou de se prévaloir des congés parentaux ou pour obligations familiales.
On pourrait sans doute formuler la même réflexion concernant les secteurs de services privés (restaurants, soins personnels), dans lesquels il est fréquent qu’on demande au client d’indiquer son degré d’appréciation du service reçu, incluant le travail du ou de la prestataire. Cette évaluation, de même que la réputation des établissements qui circule notamment sur les réseaux sociaux, grâce au travail gratuit des usagers et clients qui notent la qualité du service sous plusieurs dimensions (dont plusieurs ne dépendent pas des prestataires de services), peut être prise en compte par les gestionnaires aux fins de promotion ou de renouvellement de contrats, surtout lorsqu’il s’agit de travailleurs indépendants ou temporaires. Si plusieurs auteurs ont parlé de la réputation comme d’une modalité « informelle » de régulation de l’emploi, force est de reconnaître que les plateformes, et plus généralement les organisations, l’ont en quelque sorte « formalisée » comme une composante de leurs pratiques de gestion.
Le travail informel
À l’origine, cette forme d’emploi et ses définitions émanaient des pays du Sud global. Mais, contrairement à l’image trop souvent répandue, il ne s’agit pas seulement de vendeurs ambulants et autres manifestations d’une économie de survie, mais bien, selon la définition de la 17e Conférence internationale des statisticiens du travail de l’OIT, de « l’ensemble des activités professionnelles rémunérées (à savoir travail indépendant et travail salarié) non enregistrées, réglementées ou protégées par les cadres juridiques et réglementaires existants et des activités professionnelles non rémunérées exercées dans une entreprise productrice de revenus. Les travailleurs informels ne bénéficient pas de contrats de travail, d’avantages sociaux, de protection sociale ou de représentation » (http://www.oit.org/global/topics/wages/minimum-wages/beneficiaries/WCMS_566322/lang--fr/index.htm).
C’est donc dire que l’emploi informel peut être exercé au sein tant d’entreprises informelles (microentreprises non enregistrées) que d’entreprises formelles. Selon les données partagées par une collègue mexicaine, 58 % des emplois au Mexique se situent dans le secteur informel et 51 % de ces emplois informels prennent place dans des entreprises formelles (Pogliaghi, 2014). Pour le dire autrement, ces travailleurs travaillent côte à côte avec leurs collègues formels, mais, contrairement à eux, ils sont payés en liquide, « sous la table », ne sont pas enregistrés à la sécurité sociale ; leurs blessures au travail, le cas échéant, ne sont pas rapportées.
Nous ne disposons pas de statistiques permettant de tracer un tel portrait de la situation canadienne. Pourtant, il est possible d’affirmer que des filières de production, notamment, mais pas uniquement, dans les secteurs de l’agriculture, de l’hébergement et de la restauration, sont construites sur l’informalisation d’une partie de leur main-d’oeuvre. Je vous parlerai ici d’une recherche réalisée au sein d’un projet de recherche d’équipe intégrant deux étudiantes, l’une à la maîtrise et l’autre au doctorat, sur l’industrie de la transformation du poulet au Québec (Belzile, 2018 ; D’Amours et Belzile, 2019).
Dans cette industrie, le lieu de pouvoir s’est déplacé depuis deux décennies, au profit des cinq grandes chaînes de distribution et d’un nombre similaire de grandes chaînes de restauration rapide, qui se partagent la quasi-totalité du marché. De ce fait, les firmes clientes sont en position d’imposer leurs exigences en matière de quantité, de qualité, de prix et de délais, à la fois aux transformateurs et aux producteurs.
En concurrence pour obtenir les contrats des firmes clientes, les entreprises de transformation ont adapté leurs pratiques, en sous-traitant une partie de la production ou en fournissant une partie de la matière première à des usines situées plus bas dans la chaîne, qui présentent des conditions de travail et d’emploi beaucoup moins favorables que celles qui ont cours dans leurs propres usines. Une autre façon de satisfaire aux exigences de prix des firmes clientes est de créer en interne des statuts moins favorables : occasionnels, surnuméraires, étudiants et, plus récemment, de faire appel au Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Plus on descend dans la chaîne, plus on retrouve de pratiques ayant pour effet d’informaliser le travail, c’est-à-dire de le priver de droits et de protections. Ainsi, chez le sous-traitant du sous-traitant d’une des firmes de tête, les désosseurs sont payés au poids d’os retirés des carcasses ; selon la vitesse de désossage, leur revenu peut être très élevé. Ils n’ont par ailleurs aucune garantie d’heures «de travail et ne bénéficient d’aucune forme de protection sociale. Dans les usines du bout de la chaine, des travailleurs d’agence sont payés le salaire minimum ou moins, sous la table, sans avantages sociaux ni congés de maladie. Les accidents de travail ne sont pas déclarés.
Il y a un lien fort entre ces situations de travail informel et le fait de détenir un statut migratoire précaire, c’est-à-dire temporaire, ou de ne pas avoir de statut légal.
Au moment de notre étude, entre 2016 et 2018, seules les entreprises d’attrapage de poulets dotaient leur main-d’oeuvre grâce au Programme fédéral des travailleurs étrangers temporaires. Contrairement aux travailleurs sans papier, les travailleurs étrangers temporaires ont un statut légal, mais précaire puisqu’il est temporaire et ne donne pas accès à la résidence permanente, même après plusieurs années de travail. Plusieurs auteurs (Preibisch, 2010 ; Robillard-Dumont et Depatie-Pelletier, 2013 ; Soussi, 2013 ; Arès et Noiseux, 2014 ; McLaughlin et collab., 2017) ont mis en évidence les vulnérabilités que ce programme entraîne chez les travailleurs, principalement parce que leur permis de travail est restreint à un seul employeur. La perte de l’emploi signifie donc le renvoi dans leur pays d’origine. Leur isolement et leur méconnaissance des réalités québécoises, leur manque d’accès à la protection sociale et à diverses ressources, leur dépendance à l’égard d’un revenu qui est plus élevé que celui dans le pays d’origine, la crainte de rupture du lien d’emploi et celle de ne pas être rappelé l’année suivante permettent la perpétuation de situations parfois totalement en marge des lois du travail.
Aujourd’hui, la plupart des entreprises de transformation de volaille recrutent de la main-d’oeuvre par l’intermédiaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Pour le moment, le gouvernement limite leur présence à 10 % de la main-d’oeuvre de l’entreprise, mais les employeurs voudraient voir ce seuil haussé à 20 % ou même 30 %. Dans les usines syndiquées, les travailleurs ont accès aux salaires de la convention collective, mais plusieurs autres droits ne s’appliquent pas en raison de la courte durée des contrats (le plus souvent 9 ou 10 mois, au maximum deux ans) et, dans tous les cas, il n’existe rien de tel qu’un droit de rappel d’une année sur l’autre.
En outre, plus on descend dans la chaîne, plus on retrouve de main-d’oeuvre sans statut légal, embauchée à la journée. Selon une série de reportages sur les travailleurs sans papier publiés dans La Presse, des fourgonnettes attendent la main-d’oeuvre dans des stationnements près de certaines stations de métro ; les travailleurs (à qui l’on ne demande ni leurs papiers ni même leur nom) ne savent pas dans quel type d’entreprise on les emmène ni pour faire quel travail ; ils sont payés en liquide à la fin de la journée. Leur crainte d’être dénoncés et rapatriés ouvre la porte à tous les abus, en plus de les priver de droits comme celui de se faire soigner.
Selon les données préliminaires d’une étude sur les migrants sans statut menée par l’Institut de santé publique de l’Université de Montréal (ne concernant donc pas précisément les usines de volaille) :
49 % des sans-papiers de Montréal avaient travaillé et reçu un salaire dans les trois derniers mois ;
50 % de ces employés clandestins travaillaient à la journée ou sur appel ;
20 % de ces travailleurs sans-papiers étaient payés par une agence de placement (La Presse, 11 juin 2017).
Au-delà du secteur agricole et de la transformation agroalimentaire, combien de secteurs industriels appuient leur développement sur des situations aussi précaires ? Ces exemples de la marge nous renseignent sur le fait qu’on assiste à une remarchandisation du travail, au sens où de plus en plus de travailleurs ne peuvent survivre sans leur participation au marché du travail. Les travaux de Lewchuck et ses collaborateurs (2011) ont notamment mis en évidence la détérioration de la qualité des emplois dits « permanents », dont une part significative ne fournissent pas d’heures de travail ni de revenu garanti, procurent de faibles revenus, amenant les travailleurs à cumuler plusieurs emplois, et ne donnent pas accès à des avantages sociaux ni à d’autres types de protection.
Le renouvellement des cadres d’analyse en relations industrielles
En relations industrielles comme dans les autres champs d’études et de recherche, les modèles d’analyse définissent les éléments jugés pertinents. Si les objets de la marge ne sont pas vus comme pertinents, il serait étonnant que nos cadres d’analyse parviennent à les expliquer. En revanche, l’étude des marges peut accompagner le développement ou l’adoption, en relations industrielles, de nouveaux modèles d’analyse, souvent inspirés ou empruntés de disciplines des sciences sociales, notamment la sociologie, la géographie, les études féministes. Dans cette deuxième partie de la conférence, je voudrais développer deux points : 1-l’inclusion des marges nécessite de faire éclater les frontières du travail et d’ouvrir l’analyse à d’autres dimensions des rapports sociaux que les rapports de classe ; 2- elle nécessite aussi d’élargir les définitions des concepts clés en relations industrielles que sont les acteurs, la relation d’emploi et la régulation.
Inclure les marges
L’inclusion des objets et des travailleuses et travailleurs des marges suppose d’abord de faire éclater les frontières du travail. Le modèle de « total social organisation of labour », conçu par Glusckmann (1995, 2005), repris par Taylor (2004), propose un concept élargi de travail, considérant le travail effectué tant dans l’espace privé que dans la sphère publique, tant le travail gratuit que le travail rémunéré. Il ne s’agit pas seulement de rompre avec les dichotomies sphère publique-sphère privée, production-reproduction, formel-informel, rémunéré-bénévole, de manière à introduire la deuxième partie, le plus souvent occultée, de chacune de ces dichotomies, mais de les envisager dans leur articulation. Non seulement les frontières entre ces types d’activités de travail sont poreuses et mouvantes, mais on peut dire que l’une n’existe pas sans l’autre. Ainsi, le travail de production n’existerait pas sans le travail de reproduction, et le développement du travail formel repose de manière croissante sur le travail informel.
L’inclusion des objets et des travailleurs des marges suppose ensuite d’introduire dans l’analyse des dimensions des rapports sociaux autres que la seule dimension des injustices ou des inégalités économiques. Plusieurs auteurs, notamment McBride et ses collaboratrices (2015), ont cherché à dépasser une des limites des cadres d’analyse sur le travail et l’emploi, à savoir le fait qu’ils mettent l’accent sur les identités et les intérêts de classe, au détriment des autres, en proposant d’adopter une perspective intersectionnelle. Initialement développées par la juriste féministe noire Kimberlé Williams Crenshaw, les perspectives intersectionnelles permettent l’articulation de multiples axes de domination. Il s’agit, non pas « d’additionner » les oppressions, mais bien d’analyser leur interrelation, leur co-production. Concrètement, ces perspectives conduisent à étudier la diversité des expériences au sein d’une même catégorie, par exemple celle des travailleurs ou celle des femmes, en évitant la surgénéralisation des résultats.
Comme le rappellent Lee et Tapia (2021), le cas qui servit de déclencheur à la réflexion de Crenshaw porte sur l’analyse des décisions prises par les tribunaux américains à l’égard des plaintes en discrimination déposées par des travailleuses noires contre General Motors. Les tribunaux avaient conclu à l’absence de discrimination en fonction du genre parce que GM avait embauché des femmes blanches et à l’absence de discrimination raciale parce que l’entreprise avait embauché des hommes noirs. Outre le constat empirique que les femmes noires se heurtent à des obstacles particuliers, la chercheuse conclut que la prise en compte d’un seul axe d’analyse (dans son cas, soit la race, soit le genre) amène à concentrer l’analyse, et les solutions, sur les expériences et les besoins des « autrement privilégiés » au sein du groupe étudié, c’est-à-dire les femmes blanches pour les femmes et les hommes noirs pour les Noirs (McBride et collab., 2015 : 333).
McBride et ses collaboratrices (2015) font valoir que les études sur le travail et l’emploi bénéficieraient grandement d’une approche intersectionnelle, à la fois dans le design de la recherche et dans l’interprétation des conclusions. Tous les chercheurs sur le travail et l’emploi devraient être sensibles à la diversité des groupes présents et absents de leurs recherches et tenir compte des différences intergroupes (hommes-femmes) et intragroupes (entre les hommes et entre les femmes). Celles et ceux qui souhaitent adopter une approche intersectionnelle doivent de surcroît affronter le défi d’analyser la constitution et les relations entre plusieurs catégories de différences, le grand défi théorique étant de voir comment elles entrent en intersection. Dans un article très récent, Lee et Tapia (2021) font un pas de plus en appelant les relations industrielles à un véritable changement de paradigme, en intégrant dans la conception, le design, les questions et les méthodes de recherche, le genre, la race et l’orientation sexuelle comme identités socialement construites, ou alors à reconnaître leur absence comme une des limites de leur recherche.
La perspective intersectionnelle a été appliquée non seulement à l’étude de la domination, mais aussi à celle des mobilisations de groupes de travailleurs. Tapia et ses collaborateurs (2017) l’ont adoptée pour analyser la lutte pour le 15 $ l’heure (aux États-Unis), alors qu’Alberti et Però (2018) se sont intéressés, toujours selon cette perspective, aux formes originales d’organisation et de lutte des travailleurs migrants latino-américains en Angleterre. Leurs études de cas ont mis en évidence deux résultats, qu’ils résument comme suit : « La première est la relation ambivalente entre les syndicats britanniques établis et leurs membres travailleurs migrants faiblement rémunérés et précaires, et la seconde est la capacité des travailleurs migrants à répondre de manière créative, collective et efficace aux conditions d’exploitation et au manque de représentation effective » (Alberti et Però, 2018 : 708, ma traduction).
Pour ma part, je l’ai utilisée pour comprendre les revendications des responsables de services de garde en milieu familial (RSG), en collaboration avec la Centrale de l’enseignement du Québec. Cette étude révèle que les représentations que les RSG se font de leur situation, l’importance qu’elles attribuent à certaines revendications et la manière dont elles se projettent dans l’avenir sont diverses. Elles peuvent être expliquées par l’imbrication de trois axes de structuration des inégalités : la trajectoire professionnelle, la division sexuelle du travail au sein de la famille, mais également les ressources fournies par la famille, et l’expérience de la migration.
Pour le dire succinctement, les RSG les plus expérimentées, qui cumulent des caractéristiques défavorables sur le plan de la trajectoire et une situation familiale souvent vulnérable, manifestent un fort attachement à l’autonomie. Relativement satisfaites de leur situation, en l’absence de solution de remplacement plus favorable, elles envisagent faire carrière comme RSG. Les mères de jeunes enfants, plus jeunes et plus scolarisées, ont quitté des emplois aux caractéristiques plus favorables que celles des RSG (sauf en matière de conciliation travail-famille) pour s’occuper temporairement de leur progéniture et prévoient quitter ce statut une fois que leurs enfants auront atteint l’âge de la fréquentation scolaire. Elles accordent de l’importance aux conditions de travail (notamment aux congés et aux vacances) et souhaitent l’imposition de critères de scolarité plus exigeants, qui leur permettraient de négocier une rémunération plus élevée. Les RSG issues de l’immigration partagent avec les précédentes les conditions plus favorables de l’emploi antérieur, la forte scolarité et les demandes jugées prioritaires, mais s’en distinguent par une situation familiale fragile et par la vision d’un avenir bloqué, qui en fait des RSG par défaut (D’Amours, 2015).
Analyser les marges et le centre avec les mêmes dimensions conceptuelles, mais en les élargissant
Outre l’éclatement des frontières du travail et la considération d’autres rapports sociaux de domination, la prise en compte des marges requiert une conception élargie des notions clés en relations industrielles que sont les acteurs, la relation d’emploi et la régulation. Ce mouvement est déjà présent dans un certain nombre de travaux (notamment ceux menés avec mes collègues Bellemare, Briand, Hanin et Pogliaghi) et dont je ne rapporte ici que quelques exemples.
Les acteurs émergents, leurs identités, leurs logiques d’action
La définition pionnière proposée par Bellemare (2000) de l’acteur en relations industrielles a été appliquée à de nombreux terrains de recherche, qui ont conclu au rôle d’acteur joué notamment par les clients (Legault et Bellemare, 2008), l’usager des services (Bellemare, Briand, Havard et Naschberger, 2018), les conjointes de grévistes (Jones, 2002), les institutions internationales (Bellemare et Ackéyi, 1999), les acteurs financiers, les organismes religieux et les ONG (Heery et collab., 2012), pour ne nommer que ceux-là.
Bellemare définit l’acteur en relations industrielles comme « un individu, un groupe ou une institution qui, par le fait de son action, a la capacité d’influer sur l’orientation des relations industrielles (action directe), ou celle d’influer sur les actions déployées par d’autres acteurs des relations industrielles (action indirecte) ». Dans ce modèle analytique, la notion d’acteur est continue plutôt que dichotomique : l’acteur peut être plus ou moins significatif selon la continuité et la profondeur de son action, et selon sa capacité à atteindre certains objectifs et à produire des changements dans le système de relations industrielles. Les acteurs les plus significatifs, ceux qui font une différence, sont ceux qui réussissent à produire des changements à la fois importants et pérennes.
Aux dimensions instrumentales et de résultats de cette définition, j’ai proposé d’ajouter l’apport de l’analyse culturelle et de la philosophie pragmatiste, qui s’intéresse à la manière dont les acteurs perçoivent les situations qu’ils vivent et leur donnent un sens (D’Amours, 2010). Dans cette approche, l’acteur collectif ne fait pas que mobiliser des ressources ; il n’est pas nécessairement le porteur d’un grand projet de transformation sociale ; il est avant tout un producteur de significations, qui thématise sur la place publique « des souffrances, des inégalités ou des injustices » (Cefaï, 2007 : 327), définit des situations ou des problèmes et institue des manières nouvelles de juger et de s’identifier » (Martin, 2004). Dans cette perspective, l’acteur en relations industrielles est non seulement celui qui a la capacité d’influer sur l’orientation des relations industrielles ou sur l’action des autres acteurs ; il est aussi un producteur de significations, qui introduit dans le champ de nouveaux problèmes, de nouvelles identités et de nouvelles logiques d’action.
La relation d’emploi
Il y a maintenant bon nombre d’années que les chercheurs en relations industrielles ont pris acte de la nécessité d’élargir la définition de la relation d’emploi, au-delà de la relation salariale, pour inclure les personnes dépendant d’un point de vue économique de la vente de leurs capacités de travail (Fudge, Tucker et Vosko, 2002 ; 2003). Mais beaucoup reste à faire pour élargir notre compréhension de l’autre partie à la relation d’emploi, à savoir la figure de l’employeur.
En référence aux travailleurs indépendants, Larry Haiven a suggéré le concept de labor deployer pour décrire la relation dépendante ou semi- dépendante entre le travailleur et la personne ou l’organisation qui a la capacité de prendre des décisions stratégiques concernant son travail ou sa rémunération. « The term “deployer” captures better the nature of the relationship between those with power and their subordinates in the world of work » (Haiven, 2006 : 86). Dans mes recherches sur le même groupe de travailleurs, j’ai cherché à comprendre le rapport social général, « qui structure et s’impose aux rapports interindividuels », préexistant à la relation contractuelle qui unit un travailleur indépendant particulier et un donneur d’ouvrage particulier, autour d’une prestation spécifique, et à décrire et analyser les figures d’employeurs qui participent de ce rapport social (D’Amours, 2014).
D’autres (notamment Cranford, 2004) ont proposé la notion de distanciation (distancing) pour décrire « la division croissante entre ceux qui travaillent et ceux qui contrôlent les conditions matérielles et subjectives du travail » (ma traduction de Riodan et Kowalski, 2020 : 9). Cette distanciation s’opère grâce à des stratégies organisationnelles, géographiques et technologiques (Anner et al, 2020). Dans les configurations transversales aux entreprises, où se multiplient les formes de mobilisation du travail (intérim, franchisage, sous-traitance), des entités multiples exercent un contrôle sur le produit et dictent, indirectement, les modalités d’exercice de l’activité et les conditions d’emploi. C’est ainsi, pour reprendre les mots de Guylaine Vallée, qu’il est possible de mobiliser le travail d’autrui sans jamais avoir d’employés.
Les chercheurs britanniques Rubery, Marchington, Grimshaw et collaborateurs (notamment Rubery et collab., 2003 ; Grimshaw et Rubery, 2005 ; Marchington et collab., 2005) ont été parmi les premiers à plaider la nécessité d’encastrer l’étude de la relation d’emploi dans celle des relations interorganisations ou, pour le dire autrement, d’inscrire l’analyse des rapports capital-travail dans ceux des relations capital-capital. Leurs travaux visaient à dépasser une double limite : 1) les études sur le travail et l’emploi ont eu tendance à se restreindre au lieu de travail et aux frontières juridiques de la firme et 2) réciproquement les études sur l’organisation, et par la suite sur les réseaux de production et les chaînes de valeurs, ont eu tendance à négliger le travail – tant comme objet que comme sujet de transformations (Newsome et collab., 2015).
Mais comment et à partir de quelles dimensions peut-on saisir cette figure complexe d’employeur ? À partir de l’analyse du travail de plateforme, et constatant le problème posé par la division binaire entre contrat de travail et contrat de services, mais surtout par une vision « unitaire » de l’employeur, Prassl et Risak (2016 : 636) proposent une définition fonctionnelle de l’employeur, vu comme l’entité, ou la combinaison d’entités, exerçant une ou plusieurs des fonctions suivantes :
Le début et la fin de la relation d’emploi, incluant la sélection et le congédiement ;
Le droit de recevoir les fruits découlant de l’obligation de travail et les droits incidents à cet objectif ;
L’obligation patronale de fournir du travail et une rémunération.
La gestion du marché interne de l’entreprise ;
La gestion du marché externe de l’entreprise.
Les auteurs appliquent leur modèle au cas d’Uber et démontrent que la plateforme exerce chacune de ces fonctions et devrait être reconnue comme l’employeur (ce que certains États ont déjà fait). Toutefois, dans la majorité des plateformes, les fonctions d’employeur (ou certaines de celles-ci) peuvent être exercées conjointement par plusieurs acteurs : la plateforme, le client et le travailleur lui-même. Ainsi, dans le cas de Task Rabbit ou d’Upwork, c’est le travailleur qui fixe son tarif. La perspective normative des auteurs est que lorsqu’une entité, ou une combinaison d’entités, exerce une fonction, cela devrait déclencher, à leur égard, une responsabilité dans le domaine applicable du droit.
La régulation
Dans un article paru en 2017, John Howe fait valoir que, tant en droit qu’en relations industrielles, les mutations du travail et des modèles d’organisation de la production, le déclin du syndicalisme, la précarisation de l’emploi et la croissance du nombre de travailleurs vulnérables qui travaillent hors des systèmes régulatoires formels ont, depuis une trentaine d’années, amené les chercheurs à élargir leur définition de la régulation, traditionnellement limitée à un seul acteur (l’État), un seul objet (la relation salariale) et à un nombre limité de modalités (la doctrine, la loi et la jurisprudence, la convention collective).
Pour appuyer l’analyse des développements récents, l’auteur, en s’appuyant sur Black (2002), propose une définition élargie de la régulation, vue comme « la tentative soutenue et ciblée de modifier le comportement d’autrui en fonction de normes ou d’objectifs définis, dans l’intention de produire un ou plusieurs résultats largement définis, ce qui peut impliquer des mécanismes de fixation de normes, de collecte d’informations et de modification du comportement » (Howe, 2017 : 210, ma traduction).
On aura compris que cette définition inclut tant les règles formelles que les règles informelles et qu’elle invite à considérer une pluralité d’acteurs, d’objets, de mécanismes et de modalités de régulation
Citant (p. 178) la troisième définition de la typologie de Baldwin et ses collaborateurs (1998 : 4), «à savoir « tous les mécanismes de contrôle social – y compris les processus non intentionnels et non étatiques, MacKenzie et Martinez Lucio (2019) proposent, à partir de l’observation des processus de migration, un cadre analytique élargi, incluant plusieurs acteurs, niveaux et espaces de régulation. Ils l’illustrent par plusieurs cas tirés de l’étude de la migration internationale, comme les politiques coercitives concernant le contrôle des frontières, dont les acteurs sont l’État, mais aussi des firmes multinationales de sécurité privées, qui peuvent suppléer à, ou même se substituer, aux agences gouvernementales.
Finalement, l’intérêt pour les travailleurs de la marge est un terrain particulièrement propice à l’étude à la fois de la perte d’effectivité des régulations traditionnelles (au premier chef les lois du travail et l’accès à la syndicalisation) et de l’émergence de modalités alternatives de régulation, qui restent en grande partie à recenser et à évaluer.
À titre d’exemple, citons le texte de Fine et Bartley (2019) qui s’intéresse à des initiatives susceptibles d’améliorer les conditions des travailleurs à bas salaire. En effet, même si des organisations (syndicales ou non) réclament et obtiennent des améliorations aux lois d’ordre public, il demeure un problème d’application de ces lois, particulièrement pour les travailleurs immigrants à statut d’immigration et d’emploi précaire qui, en raison de leur vulnérabilité, n’osent pas porter plainte en cas de non-respect de leurs droits. Les auteurs étudient, d’une part, des partenariats entre pouvoirs publics et groupes communautaires pour informer les travailleurs et les soutenir dans le processus de plainte et, d’autre part, des initiatives de responsabilité sociale qui promeuvent une approche « pro-travailleurs ». Dans ce dernier cas, illustré par le Fair Food Standards Council (FFSC), mis en place dans la ville d’Immokalee, en Floride, les syndicats et les groupes de travailleurs participent non seulement à la mise en application, mais aussi à la formulation des règles que les entreprises doivent respecter, sous peine de pénalités.
En conclusion : une période de science « extraordinaire » ?
Avec tous les indicateurs qui sont au rouge – rôle hégémonique du capitalisme financier, crise climatique, croissance des inégalités, rapport de forces anémique des travailleurs et de leurs organisations –, je ne vous dirai pas que nous vivons une époque formidable. Mais je crois que nous vivons une période fascinante, tant du point de vue de la recherche sur le travail et l’emploi que de celui des innovations. Les deux sont d’ailleurs liés.
Car les innovations se dessinent souvent dans les marges, avant d’être (ou non) institutionnalisées. Observer les marges c’est donc observer des modalités d’emploi, de régulation, des formes de contrôle et d’extorsion, mais aussi des formes de résistance et d’organisation, qui constituent peut-être (mais pas dans tous les cas) le ferment des nouvelles institutions (ou le renouvellement des anciennes). Dans un texte daté de 2005, Dufour et Hege écrivaient déjà que la légitimité du syndicalisme reposait sur sa capacité de regrouper les travailleurs « dans des endroits où ils sont absents des salariés qui présentent des caractéristiques sociales éloignées de celles de la majorité de leurs mandants » (Dufour et Hege, 2005 : 20), aussi bien dire dans les marges.
Mais la crise qui frappe notre champ, attestée par des auteurs aussi reconnus que Harry Arthurs et Bruce Kaufman, n’est pas seulement celle de ses institutions, mais aussi celle de ses modèles d’analyse qui arrivent mal à refléter les phénomènes émergents, ceux qui se déploient d’abord dans les marges. Heureusement, le champ se renouvelle en s’ouvrant aux modèles des sciences sociales dont il est issu. Pour reprendre les termes de Thomas Kuhn, et bien qu’il n’y ait jamais eu en relations industrielles de paradigme unique, je dirais que nous sommes en période de science « extraordinaire », caractérisée par « des prises de position renouvelées et successives, de la part de groupes scientifiques face à une crise ».
Dans un séminaire que je donnais cette année à nos étudiantes et étudiants de doctorat, et dans lequel j’abordais ces réalités, une doctorante m’a dit : « Tout bouge, on dirait qu’il n’y a plus rien de solide à quoi se raccrocher ! » C’est ainsi qu’on peut reprendre à propos des relations industrielles l’allégorie du kaléidoscope : tous les morceaux sont éclatés, mais on reconnaît les couleurs ; on sait que les morceaux appartiennent au même ensemble, mais on a encore du mal à les recomposer et à les articuler. On pourrait même faire un pas de plus en affirmant, avec Prigogine et Stengers (1986), que « nous ne verrons plus la fin de l’incertitude et du risque ». Oui, les périodes d’innovations sociales et de science révolutionnaire sont insécurisantes, mais ô combien stimulantes, tant pour la pensée que pour l’action.
Good evening everyone, and my thanks go to the 2021 Edition Organizing Committee of the CIRA Conference for offering me this platform to share with you some of my research and reflections on work and employment. I would have liked to address you at the traditional banquet that opens the way to informal discussions, but being unable to do so, we will again make do with virtual means.
First a few words on the lecture title: “Shedding Light from the Margins.” I have always been interested in issues that seem at first sight marginal in industrial relations, like self-employment, forms of nonstandard employment and special regimes of collective bargaining, like that of artists. Obviously, I am not the only one with such an interest … While not claiming to provide a complete list, and limiting myself here to Canadian researchers, I would like to cite Cranford, Vosko, Fudge, Tucker, Lewchuck, Vallée, Coiquaud, Boivin, Bernstein and Bartkiw on nonstandard employment and Bernier, Slinn, Jalette, Bilodeau and Hanin on special regimes of collective bargaining.
Since I have been given a free hand to choose the theme of this lecture, I would like to share with you some thoughts on what the margins are teaching us, and on the opportunity they are giving us to renew our models in industrial relations.
The margins are statistically of minor importance, but they act as indicators of fundamental and lasting changes. Remember, Marx focused on wage earners at a time when they were still only a minority of the labour force. To quote the historian Fernand Braudel, “the important facts are those that have consequences.” When the consequences are especially “the modern character of the economy, the coming business model, accelerated capital formation (…), we must think twice” (before considering these facts to be irrelevant) (Braudel, 1979, vol. 2, p. 540, quoted in Boltanski and Chiapello, 1999: 100).
I am going to discuss my thoughts on three issues that are found more on the margins of the industrial relations mainstream: self-employment, platform work and informal work, and then relate them to the renewal of models in our field of research. These thoughts have come to me not only from my own work but also from the work of the research team I have been working for seven years with my colleagues Guy Bellemare and Louise Briand of the Université du Québec en Outaouais (UQO), Frédéric Hanin of Université Laval and Leticia Pogliaghi, of the Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM), as well as from readings and discussions for my annual Ph.D. seminar, which has a high proportion of international students among its participants.
Issues on the Margins
The initial part of my lecture will cover three issues on the margins of the industrial relations mainstream. They are interesting to study and understand not only in themselves but also as means to observe transformations that affect or will affect work and employment more generally.
Self-Employment[1]
Self-Employment, traditionally conceptualized as the opposite of wage work, declined throughout the twentieth century and then began to increase significantly from the late 1970s onward, followed by a slight decrease. In 2020, it was holding steady at around 13% of the working population in Quebec and 15.4 % in Canada. Statistically, wage work remains and will undoubtedly remain the norm in Canada, as elsewhere in the industrialized West. It is more the content and nature of wage work (and its independence) that is changing.
Indeed, the sizeable growth of self-employment is largely due to workers who operate alone, without assistance from employees (here referred to as “lone self-employment workers”) and increasingly for corporate clients. The self-employment category today covers not only typical situations of “pure” independent work but also hybrid zones of controlled autonomy (Appay, 1993), where both skilled and unskilled labour operates (D’Amours, 2013). In North America, this “allegiance in independence” brings no compensation in terms of protection for the self-employed, who most often assumes alone the economic, social and occupational risk.
For this reason, it has always seemed important to me to distinguish between “independent” and “autonomous.” The term “independence” refers to an absence of legal dependency, whereas the term “autonomy” refers to how the organization of work is managed. Now, because of this “allegiance in independence,” not all self-employed are “autonomous.”
Although wage earners are still the overwhelming majority of the labour force, their characteristics are changing. In 2017, 23.6 % of the labour force (and 27.2 % of the wage earners) were in nonstandard employment (part-time and/or temp work). This weakening of the wage-earning class is occurring across all socio-professional categories, including those that had historically been protected from it: professionals, public-sector workers (especially women) and union members (Cloutier-Villeneuve, 2014). Just as the emerging profile of the independent worker is the lone self-employed worker, the dominant profile of the nonstandard wage earner is the temp worker.
What can we learn from the study of self-employed and those who work under this status? First of all, it tells us not only about the new forms of this longstanding type of work, this being interesting in itself, but also about the increasingly similar conditions of two profiles emerging within the labour force: the lone worker and the temp worker. Self-employment, especially by lone self-employment workers who work for businesses, is being subjected to more control. It is thus losing its theoretical advantage over wage work, that is, autonomy in the way the work is done. As for wage work, it is becoming less stable and transferring more risk to the worker, thus losing in theory its advantage over self-employment.
By thinking about what I have called the “paradox” of self-employment, we are also led to think abou what is happening to wage work, this time via the ways the actors represent their situation to themselves. The paradox is as follows. Although lone self-employment workers deplore their lack of employee benefits and the uncertainty, insecurity and instability of their income, they appreciate, more than employers, being free, independent and their “own boss.” These facts are in line with European studies (Pedersini and Coletto, 2010), which, with variations from one industry to another, conclude that self-employed workers, particularly those who have no employees, deplore the insecurity, low pay and absence of protection against risks, while nonetheless being more satisfied than wage earners in their job, notably when it comes to work autonomy and schedule flexibility. In short, they feel negative about employment and positive about work. They attest to what Paugam (2000) calls “self-esteem in uncertainty.”
Undoubtedly, there is no single explanation for this apparent paradox. My work has led me to suggest two. On the one hand, lone self-employed workers see their current status in relation to previous jobs. It appears as a reverse mirror image of sufferings in earlier wage jobs that preceded their independent work, be it close surveillance, conflicting values or trouble reconciling work with personal and family life (Bureau and Corsani, 2014; D’Amours and Kirouac, 2011). On the other hand, this positive view also reflects the loss of hegemony of standard wage work and its tendency to become emptied of its protective content: when jobs that would be available to a self-employed worker are unstable, providing no security, no insurance benefits and no pension plan, self-employment does not seem to be a much more precarious option. In addition, being self-employed often provides more control over your schedule and place of work, whereas wage employment, especially of the nonstandard sort, is increasingly associated with tight time constraints and requirements to be available during free time (Vallée, 2016; Boivin, 2016; Coiquaud, 2016; Lewchuck et al, 2011).
Study of self-employed also reveals a desire for autonomy, for variety in work and for the possibility of striking a better balance between work and personal life. Such desires are widespread, although very unequally satisfied among self-employed and wage earners alike, and among professionals and unskilled workers alike. I have been studying for example the case of home childcare providers. These are vulnerable working women whom the Quebec government has given the status of self-employed workers. In a research project that looked notably into the importance they attached to the areas of autonomy provided by their status, I was confronted with a surprising result. If given the choice, more than half (56.2 %) would prefer to keep their status as self-employed. This finding is especially noticeable not only among the most experienced home childcare providers who are also the most vulnerable, the least educated and those who perceive their previous jobs, or the jobs they could reasonably fill, as being in every respect worse than their current one as a home childcare provider (D’Amours, 2015).
We should not be surprised by the finding that the most vulnerable home childcare providers are also those who value their autonomy the most. The study by Avril and Cartier (2014) shows that unskilled women workers appreciate the greater opportunity for freedom and autonomy of some home-based jobs (autonomy in the pace of work and the way of doing it, almost complete absence of direct surveillance) in contrast to the high degree of control and close surveillance that characterizes low-skilled women’s work in factories and services.
Platform Work
Just as we are not all going to become self-employed, we are not all going to become platform workers either. Drawing on the definitions of Eurofound and the European Commission, Hauben et al. (2020) define platform work as “all paid labour provided through, on or mediated by an online platform in a wide range of sectors, where work can be of varied forms.”
Here again, plat-form work seems to me interesting to study not only for itself but also because it is a “concentrate” of tendencies that are also present in non-platform work and employment. It was performed last year by a low proportion of the adult population. According to the ILO (2021), the percentage was 4 % in the United Kingdom, 4.5 % or less in the United States and less than 1 % in Canada. Here I am venturing into newer territory, which, strictly speaking, I have not studied. So I will rely here on my reading of the literature.
Several studies have shown the precariousness of platform work. Such work is done on demand and is, by definition, unstable. It is poorly paid, provides no access to training and escapes the provisions of social security and collective bargaining. It is an extreme form of outsourcing (“crowdsourcing”) and a special kind of tripartite relationship (involving the platform, the customer and the worker). It also pushes a bit further certain tendencies already present in employment “in general,” like the individualization of work, its delocalization, the blurring of boundaries between personal time and work time and the blurring of boundaries between the status of wage earner and that of self-employed (see notably Vendramin and Valenduc, 2016).
Of course, distinctions can be made between platforms. A recent study by the European Commission (2020) suggests three distinguishing factors: whether the work is delivered on-location or online; the skill level required for the task; and who assigns the tasks (platform, customer or platform worker). Both the level of precariousness and the level of control over the work vary according to how the three factors are combined.
For myself, I would like to stress two characteristics of platform work that are found in a growing number of non-platform jobs: sophisticated forms of control, and what some have called “the tyranny of reputation.”
As notably shown by Cherry (2016) and Choudary (ILO, 2018), platforms are exercising forms of control, by means of algorithms and to varying degrees of course, that replicate those of a hierarchical business organization: assigning tasks to workers (more or fewer tasks, better or worse tasks); determining the work processes; deciding on the time and duration of breaks; setting rates; tracking work time and employee attendance (by the number of mouse movements or by regular screen captures); assessing the quality of work; etc. Now, the algorithms that are key to controlling platform work are also increasingly present in non-platform work; for example, in Amazon warehouses, which are a model for all the value chains in its structure, or in many big businesses in different industries, from computer products and services to the banking industry, services for consultation, marketing, etc.
Referring to Edwards’ typology of control mechanisms, Kellogg et al (2020) identify six ways in which algorithms are used for control in organizations. These ways are called the 6 Rs: “employers can use algorithms to help direct workers by restricting” —for example, access to information or to certain types of action—and by recommending one decision out of several possible ones. Algorithms can be used to evaluate workers by recording data on work quantity and quality (and also on worker behaviour) and by rating their performance on the basis of data from various sources, including customers. Finally, algorithms can be used to discipline workers by replacing them and rewarding them via game playing or virtual reward systems to keep them involved and motivated.
We now turn to reputation as a means of control. Again through algorithms, positive customer ratings can mean more work offers or better-quality ones (or they may simply keep the worker from being kicked off the platform!). This form of control is found in other non-mainstream forms of work, such as work organized on a project basis. A study by Legault and Bellemare (2008) showed that reputation is key to regulation of work of companies providing information technology services to buisnesses. Indeed, out of fear of hurting their reputation as “professionals” at the customer’s beck and call, and despite a legal framework that allows them to refuse, these workers will not turn down unpaid overtime, while refusing to take parental leave or family-related leave.
One could undoubtedly say the same about private services (restaurants, personal care), for which the customer is often asked to rate the service, including the service provider’s work. For free, users and customers will judge service quality on several dimensions (including some that the service provider cannot control), just as they will judge the reputation of commercial establishments on social media. Such ratings may be taken into account by managers for promotion or contract renewal, especially in the case of self-employed or temp workers. Although several authors have spoken about reputation as an “informal” means of employment regulation, we must recognize that platforms, and more generally organizations, have to some degree “formalized” it as a component of their management practices.
Informal Work
Originally, this form of employment and its definitions were associated with the countries of the Global South. However, contrary to an image that is too often disseminated, it does not concern only street vendors and other manifestations of a survival economy. According to the 17th International Conference of Labour Statisticians of the ILO, such employment includes: “all remunerative work (i.e. both self-employment and wage employment) that is not registered, regulated or protected by existing legal or regulatory frameworks, as well as non-remunerative work undertaken in an income-producing enterprise. Informal workers do not have secure employment contracts, workers’ benefits, social security or workers’ representation.” https://www.ilo.org/global/topics/wages/minimum-wages/beneficiaries/WCMS_436492/lang--en/index.htm
This means that informal employment can exist both in informal enterprises (unregistered microenterprises) and in formal ones. According to data from a Mexican colleague, 58 % of jobs in Mexico are in the informal sector, and 51% of those informal jobs are performed in formal enterprises (Pogliaghi, 2014). In other words, these workers do their job alongside formal co-workers, but unlike them are paid in cash “under the table” and are not registered for social security. If they get injured on the job, the injury is not reported.
We have no statistics to portray the Canadian situation. We can, however, say that some areas of production, notably but not uniquely in agriculture, accommodation and food services, rely on a partly informal labour force. I am referring here to a study done for a research project by a team that includes two female students: one doing a master’s degree and the other a doctorate on Quebec’s poultry processing industry (Belzile, 2018; D’Amours and Belzile, 2019).
In that industry, power has over the past two decades become concentrated in five major distribution chains and a similar number of major fast-food chains, which control almost the whole market. As a result, these firms can impose their requirements in terms of quantity, quality, price, and production time on processors and producers alike.
Poultry processors have to compete with each other for contracts from those client firms, and they have adapted their practices by subcontracting some of the production or by supplying some of the raw materials to plants lower down in the chain, which have less favourable working and employment conditions than those in their own plants. Another way to meet the price requirements of the client firms is to create an in-house labour force with a less favourable status: casual workers, supernumeraries, and students. More recently, processors have been using the Temporary Foreign Worker Program.
The further down we go in the chain, the more we find practices that have the effect of informalizing work (i.e., removing its rights and protections). Thus, at the subcontractor of the subcontractor of one main firm, deboners are paid for the weight of bones removed from the carcasses. Depending on how fast they work, their income can be very high. They have no guaranteed hours and do not benefit from any form of social security. In the plants at the end of the chain, agency workers are paid the minimum wage or less, under the table, with no employee benefits or sick leave. Work accidents go unreported.
There is a strong link between working informally and having a precarious migrant status (i.e., temporary status or no legal status).
At the time of our study, between 2016 and 2018, only the chicken-catching businesses were using the federal Temporary Foreign Worker Program. Unlike undocumented workers, temporary foreign workers have a legal but precarious status, which is temporary and provides no access to permanent residency even after years of work. Several authors (Preibisch, 2010; Robillard Dumont and Depatie-Pelletier, 2013; Soussi, 2013; Arès and Noiseux, 2014; McLaughlin et al, 2017) have shown the vulnerabilities that this program creates among the workers, mainly because their work permit is limited to one employer. Job loss means being sent back to their country of origin. Their isolation and poor understanding of Quebec realities, their lack of access to social security and various resources, their dependence on an income that is higher than in their country of origin, their fear of breaking the employment relationship and not being called back the next year—all of these factors perpetuate situations that sometimes exist totally outside labour laws.
Today, most poultry-processing businesses are recruiting workers through the Temporary Foreign Worker Program. For now, the government limits their presence to 10 % of the company’s labour force, but the employers would like to see the ceiling raised to 20 or even 30 %. In unionized plants, they are entitled to the wages of the collective agreement, but several other rights do not apply because of the short length of the contracts (most often 9 or 10 months, maximum of two years), and in all cases there is no right to be called back from one year to the next.
In addition, the further we go down the chain, the more we find workers without legal status and hired on a day-to-day basis. According to a series of reports on undocumented workers in La Presse, vans wait for the workers in parking lots near certain subway stations. The workers (who are not asked for their ID or even their name) do not know to what kind of business they are being taken or what kind of work they will be doing. They are paid in cash at the end of the day. Their fear of being reported and deported opens the door to all kinds of abuse, in addition to deprivation of rights like the right of access to medical care.
According to preliminary data from a study on migrants without status by the Institut de santé publique of the Université de Montréal (and not specifically about poultry plants):
49% of undocumented workers in Montreal had worked and received a wage in the last three months;
50% were working on a day-to-day basis or on call;
20% were paid by an employment agency (in La Presse, June 11, 2017).
Apart from the agricultural and agro-processing sectors, how many other industries have come to rely on such a precarious labour force for their development? These examples of marginal workers show us that work is being recommodified, in the sense that a growing number of workers cannot survive unless they participate in the labour market. The study by Lewchuck et al (2011) notably showed a deterioration in the quality of “permanent” jobs, a significant proportion of which offer neither guaranteed hours nor guaranteed income, provide low incomes, compel workers to take on two or more jobs and offer no employee benefits or other types of social security.
Renewing the Framework of Analysis in Industrial Relations
In industrial relations, as in other areas of study and research, models of analysis define what is deemed relevant. If issues on the margins are considered irrelevant, it would be astonishing if our frameworks of analysis would be of use in explaining them. On the other hand, study of marginal issues may lead to or accompany the development or adoption, in industrial relations, of new models of analysis, which often are inspired by or borrowed from the social sciences, notably sociology, geography and feminist studies. In this second part of the lecture, I wish to develop two points. First, to include the margins, we must break down the boundaries of work and open up our analysis to other dimensions of social relationships besides those of class. Second, and for the same reason, we must also broaden our definitions of key concepts in industrial relations (i.e., actors, employment relationship, and regulation).
Including the Margins
To include the margins, we should first break down the boundaries of work. The model of “total social organisation of labour,” proposed by Glucksmann (1995, 2005), and taken up by Taylor (2004), offers a broader concept of work, which covers work in both private and public space, and both unpaid and paid work. The aim is not only to get away from the dichotomies of public/private, production/reproduction, formal/informal and paid/volunteer with a view to introducing the often-hidden second part of each dichotomy. The aim is also to see how the two parts relate to each other. Not only are the boundaries between these types of work activity porous and moving but it may be said that one does not exist without the other. Thus, the work of production would not exist without the work of reproduction, and the development of formal work increasingly relies on informal work.
To include the margins, we should next include in our analysis other dimensions of social relationships besides the single dimension of economic injustices or inequalities. Several authors, notably McBride et al (2015), have sought to go beyond one of the limitations of frameworks for analysis of work and employment, namely the emphasis on class identities and interests to the detriment of others. These authors have argued for an intersectional perspective. First developed by the Black feminist lawyer Kimberlé Williams Crenshaw, intersectional perspectives help us understand overlapping systems of domination. The aim is not to “add up” forms of oppression but rather to analyze how they interrelate and are coproduced. Concretely, these perspectives lead us to study the diversity of experiences within one category (e.g., the category of workers or women) and not over-generalize our findings.
As noted by Lee and Tapia (2021), Crenshaw’s thinking on this began with an analysis of American court decisions on complaints of discrimination by Black women workers against General Motors. The courts concluded that GM had not discriminated on the basis of gender because it had hired White women, and it had not discriminated on the basis of race because it had hired Black men. Beyond making the empirical observation that Black women are held back by obstacles specific to them, she concluded that the use of a single dimension (here, either race or gender) focuses the analysis, and the solutions, on the experiences and needs of the “otherwise privileged” within the group under study (i.e., White women for women, and Black men for Blacks (McBride et al, 2015: 333).
McBride et al (2015) argue that studies of work and employment would benefit greatly from an intersectional approach, both in the way we design the research and in the way we interpret the conclusions. To do research on work and employment, we should know about diversity within the groups that are present or absent in our research and take into account the differences between groups (men and women) and within groups (among men and among women). To adopt a specifically intersectional approach, we should moreover meet the challenge of analyzing the relationships between categories of differences, the major theoretical challenge being to see how they intersect with each other. In a very recent article, Lee and Tapia (2021) go a step further by calling on industrial relations to change its paradigm by including gender, race and sexual orientation as socially constructed identities in the conception, design, questions and methods of research or by recognizing their absence as one of the research limitations.
The intersectional perspective has been applied not only to the study of domination but also to the study of mobilization of groups of workers. Tapia et al (2017) adopted it to analyze the struggle for a $15 an hour minimum wage (in the United States), whereas Alberti and Però (2018) were interested, again from the same perspective, in the original forms of organization and struggle of Latin American migrant workers in England. Their case studies had two findings, which they summarize as follows: “The first is the ambivalent relationship between established British unions and their low-paid and precarious migrant workers members, and the second is the ability of migrant workers to respond creatively, collectively and effectively to conditions of exploitation and lack of effective representation” (Alberti and Però, 2018: 708).
For my part, I have used this perspective to understand the demands of home childcare providers, in conjunction with the Centrale de l’enseignement du Québec. This study has shown the diversity of ways in which home childcare providers represent their situation to themselves and the importance they attribute to certain demands and the way they see themselves in the future. Their demands can be explained by the interweaving of three dimensions in the structuring of inequality: the professional trajectory, the sexual division of labour within the family, together with the resources provided by the family, and the migration experience.
In short, the most experienced home childcare providers, who have accumulated negative work experiences and are often in a vulnerable family situation, show a strong attachment to autonomy. They are relatively satisfied with their situation, in the absence of a better alternative, and intend to pursue a career as a home childcare provider. The mothers of young children, being younger and more educated, left jobs that were more interesting than home childcare (except in the work-family balance) to attend to their children temporarily, and they plan to give up home childcare once their children have reached school age. They attach importance to working conditions (notably leaves and vacations) and wish to see stricter educational criteria, which would help them negotiate for higher pay. Home childcare providers of immigrant backgrounds resemble the last group in having better previous employment, a high educational level, and similar priorities in their demands, but they differ from them in having a fragile family situation and a vision of a future that seems to offer just more of the same. They are home childcare providers by default (D’Amours, 2015).
Analyzing the Margins and the Centre with the Same Conceptual Dimensions, While Broadening Them
In addition to breaking down the boundaries of work and taking into account other social relationships of domination, the study of the margins requires a broader conception of key concepts in industrial relations: actors, employment relationship, and regulation. This trend is already present in some studies, and only a few of them will be discussed here as examples.
Emergent Actors, Their Identities, Their Logics of Action
The path-breaking definition by Bellemare (2000) of the industrial relations actor has been applied to numerous areas of fieldwork where the actors are customers (Legault and Bellemare, 2008), service users (Bellemare, Briand, Havard and Naschberger, 2018), spouses of strikers (Jones, 2002), international institutions (Bellemare and Ackéyi, 1999), financial actors, religious organizations and NGOs (Heery et al, 2012), to name but a few.
Bellemare defines an industrial relations actor as “an individual, group, or institution with the ability to influence, through its action, the direction of industrial relations (direct action) or the actions of other industrial relations actors (indirect action).” In this analytical model, the concept of actor is continuous rather than dichotomous: the actor can be more significant or less so in line with the continuity and depth of his/her action, and in line with his/her capacity to reach certain goals and make changes to the industrial relations system. The most significant actors, those who make a difference, are those who succeed in making important and lasting changes.
In addition to the instrumental dimensions and results of this definition, I have proposed adding the contribution of cultural analysis and pragmatist philosophy, which focuses on the way actors perceive and make sense of the situations they experience (D’Amours, 2010). In this approach, the collective actor does not only mobilize resources and does not necessarily bring a great project of social transformation. Such an actor is above all a producer of meaning, who in the public sphere translates “sufferings, inequalities or injustices” into themes for debate and reflection (Cefaï, 2007: 327), in addition to defining situations or problems and establishing new ways of judging and self-identifying (Martin, 2004). Thus, an industrial relations actor is not just someone who can influence the direction of industrial relations or the action of other actors. Such a person or group also produces meanings and introduces into the field new problems, new identities and new logics of action.
Employment Relationship
For many years now, industrial relations researchers have recognized the need to broaden the definition of the employment relationship, to take it beyond the wage relationship and to include people who depend economically on the value of their capacity to work (Fudge, Tucker and Vosko, 2002; 2003). Much remains to be done, however, to broaden our understanding of the other party to the employment relationship, namely the employer.
Referring to self-employed, Larry Haiven suggested the concept of “labor deployer” to describe the dependent or semi-dependent relationship between the worker and the person or organization that can make strategic decisions on his/her work or pay. “The term ‘deployer’ captures better the nature of the relationship between those with power and their subordinates in the world of work” (Haiven, 2006: 86). In my research on the same group of workers, I have sought to understand the general social relationship “that structures and imposes itself on inter-individual relationships,” and which precedes the contractual relationship that links a specific self-employed to a work provider for a specific job. I have sought to identify and analyze the kinds of “deployer” that participate in this social relationship (D’Amours, 2014).
Others (notably Cranford 2004) have proposed the concept of distancing to describe the “growing divide between those who control the material and subjective conditions of work and those who labor” (Riodan and Kowalski. 2020: 9). This distancing comes about through organizational, geographic and technological strategies (Anner, 2020). Through contract chains and business networks, where work is mobilized in new and diverse ways (temporary agency work employment, franchising, subcontracting), multiple entities exercise control over the product and dictate, indirectly, how the job will be carried out and on what conditions. Thus, as Guylaine Vallée put it, it is possible to mobilize the work of other people without ever having any employees.
To our knowledge, the British researchers Rubery, Marchington, Grimshaw and other colleagues (notably Rubery et al, 2003; Grimshaw and Rubery, 2005; Marchington et al, 2005) were among the first to plead for the need to embed the study of the employment relationship into the study of inter-organizational relationships or, in other words, to inscribe» the analysis of capital- labour relations into the analysis of capital-capital relations. Their studies sought to circumvent a double limitation: 1) studies of work and employment have tended to be limited to the workplace and the legal boundaries of a bus the firm; iness; and 2) conversely, studies of organizations, and subsequently of production networks and value chains, have tended to neglect labour as both object and subject of transformations (Taylor et al, 2015).
But how can we understand the complexity of the employer? What dimensions should we use? Through analysis of platform work, and seeing the problem posed by the binary division between a contract for work and a contract for services and, especially, by a “unitary” vision of the employer, Prassl and Risak (2016: 636) propose a functional definition of the employer, who is seen as an entity, or combination of entities, performing one or more of the following functions:
Inception and termination of the employment relationship, including selection and dismissal;
Right to receive the fruits of labour and to handle all aspects that flow from that goal;
Employer’s obligation to provide work and pay;
Managing the internal market of the enterprise;
Managing the external market of the enterprise.
The authors apply their model to the case of Uber and show that the platform performs each of the above functions and should be recognized as an employer (some governments have already done so). Nonetheless, in the case of most platforms, the employer’s functions (or some of them) may be performed jointly by several actors: the platform, the customer and the worker. Thus, in the case of Task Rabbit or Upwork, the worker sets the rate of pay. The authors take a normative view: when an entity or combination of entities performs a function, it incurs a responsibility in the applicable area of law.
Regulation
In an article published in 2017, John Howe writes that researchers in law and in industrial relations have over the past thirty years or so come to broaden their definition of regulation. There are several reasons: changes to work and to models of production organization; decline of organized labour; casualization of labour; and a growing number of vulnerable workers who work outside formal regulatory systems. Traditionally, the definition of regulation was limited to one actor (the State), one object of study (the wage relationship) and a limited number of forms (doctrine, law and jurisprudence, collective agreement).
To support his analysis of recent developments, the author, referring to Black (2002), proposes a broader definition of regulation as “the sustained and focused attempt to alter the behaviour of others according to defined standards or purposes with the intention of producing a broadly defined outcome or outcomes, which may involve mechanisms of standard-setting, information gathering and behaviour modification” (Black, 2002: 26, in Howe, 2017: 210). It is understood that this definition includes both formal and informal rules and can encompass a diversity of actors, objects, mechanisms and forms of regulation.
Citing (p. 178) the third definition of the typology of Baldwin et al. (1998:4) (“all mechanisms of social control – including unintentional and non-state processes”), and starting from their observations on migration processes, MacKenzie and Martinez Lucio (2019) propose a broader analytical framework, including several actors, levels and areas of regulation. They illustrate this framework with several cases from the study of international migration, such as coercive border control policies, whose actors are the State and also multinational private security firms, which may stand in for or even replace government agencies.
Finally, marginal workers are an especially propitious area of research for the study of the loss of effectiveness of traditional regulations (above all, labour laws and access to unionization) and the emergence of alternative forms of regulation, which largely remain to be enumerated and evaluated.
For example, let’s cite the article by Fine and Bartley (2019), who are interested in initiatives that may improve the conditions of low-wage workers. Indeed, even though some organizations (unions or other) demand and obtain legislative improvements, there is still the problem of enforcing these laws, especially for immigrant workers who have a precarious immigration status and precarious employment and who, because of their vulnerability, do not dare to complain if their rights are violated. The authors studied, on the one hand, partnerships between public authorities and community groups to inform the workers and support them in the complaint process and, on the other hand, social responsibility initiatives that promote a “pro-worker” approach. In the second case, as shown by the Fair Food Standards Council (FFSC), set up in the town of Immokalee, Florida, unions and worker groups are involved not only in enforcing but also in formulating rules that businesses must obey, or be penalized.
In Conclusion: A Period of “Extraordinary” Science?
With all indicators flashing red—hegemony of financial capitalism, climate crisis, growth of inequalities, weakness of labour and labour organizations—I will not say we are living through wonderful times. But I believe we are living through fascinating times, both in terms of research on work and employment and in terms of innovations. Moreover, the two are interlinked.
For innovations often arise on the margins before being (or not being) institutionalized. By observing the margins, we can observe not only forms of employment, regulation, control and extortion but also forms of resistance and organization, which may be (but not in all cases) the ferment of new institutions (or the renewal of old ones). In an article from 2005, Dufour and Hege were already writing that the legitimacy of unions rested on their ability, “in places where they are absent, [to organize] wage earners who have social characteristics far removed from those of the majority of their constituents” (Dufour and Hege, 2005: 20). One might just as well say on the margins of society.
The crisis that afflicts our field, attested by authors as renowned as Harry Arthurs and Bruce Kaufman, is not only in its institutions but also in its models of analysis, which poorly reflect emergent phenomena—those that first develop on the margins. Fortunately, our field is renewing by opening up to models from the social sciences, where it originated. As Thomas Kuhn would put it, although industrial relations has never had a single paradigm, I would say we are in a time of “extraordinary” science, which is characterized by renewed and successive position-taking by scientific groups confronted with a crisis.
In a seminar I was dispensing this year to our Ph.D. students, and in which I touched on these realities, one of them told me: “Everything is moving. It seems like there’s no longer anything solid to hang onto!” Industrial relations can be described today by the allegory of the kaleidoscope. All of the pieces are broken and scattered, but we recognize the colours; we know that the pieces belong to the same whole, but we still have trouble putting them back and joining them together. We could even go a step farther and say, with Prigogine and Stengers (1986), that “we will no longer see an end to uncertainty and risk.” Yes, times of social innovation and revolutionary science are disconcerting, but they are also highly stimulating for thought and action.
Parties annexes
Note
-
[1]
Cette section reprend, parfois textuellement, des extraits de Martine D’Amours (2019). « Le “nouveau” travail indépendant : une mutation en forme de paradoxe ». Management international, vol. 23, no 5, p. 78-89.
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Parties annexes
Note
-
[1]
This section borrows, sometimes word for word, from D’Amours, Martine (2019). Le «nouveau» travail indépendant: une mutation en forme de paradoxe. Management International, vol. 23, no 5, pp. 78-89.