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Introduction

Consciente des mutations que subit l’université dans le monde et du fait que « les TIC présentent un énorme potentiel pour élargir l’accès à un enseignement de qualité », la Tunisie s’est engagée, dès 2002, à mettre les TIC au service de l’enseignement.

Les expériences d’intégration des TIC sont en constante évolution et des investissements massifs sont entrepris dans le e-learning malgré les obstacles rencontrés.

Les études menées en Tunisie sur quelques dispositifs mettent en évidence des insuffisances, des taux d’abandon et des degrés d’insatisfaction des apprenants (Ayadi et Kamoun, 2009; Ezzina et Selmi, 2006).

La plupart des études ont porté sur des formations qui se basent sur divers modes : présentiel enrichi (Ben Romdhane, 2013; Ezzina et Selmi, 2006) ou totalement à distance et présentiel enrichi (Ayadi et Kamoun, 2009).

Conscients que la question de l’utilisation des ressources TICE au service de l’apprentissage à l’université est étroitement liée au contexte dans lequel elle se pose, nous nous intéresserons dans la présente étude à un dispositif de formation hybride destinée aux adultes.

Les formations hybrides articulent présence et distance. Les pratiques d’hybridation de l’enseignement se diversifient depuis des années et plusieurs appellations et définitions ont été proposées.

Lebrun décrit l’hybridation comme étant un « mélange fertile ». Ainsi, les dispositifs hybrides sont « supportés par une plateforme technologique (un rassemblement d’outils) et leur caractère hybride provient d’une modification de leurs constituants (ressources, stratégies, méthodes, acteurs et finalités) par une recombinaison des temps et des lieux d’enseignement et d’apprentissage : il s’agit donc bien d’un continuum dont une dimension est liée au rapport présence-distance et une autre au rapport “enseigner”-“apprendre” » (Lebrun, 2011, p. 3).

Deschryver, Lameul, Peraya et Villiot-Leclercq (2011) positionnent ces dispositifs hybrides « à la croisée de trois grands domaines d’action et de recherche dont ils peuvent profiter des apports respectifs : la formation à distance, la formation présentielle et les technologies numériques et du réseau » (Deschryver et al., 2011, p. 1-2).

Ces définitions mettent l’accent sur l’articulation entre le présentiel, la distance et les environnements technopédagogiques.

Les dispositifs hybrides, avec une variété des pratiques, ont été adoptés dans beaucoup de formations de l’enseignement supérieur.

Dans ce contexte, l’ISET de Kébili en Tunisie, en partenariat avec le Centre national de formation continue et de promotion professionnelle (CNFCPP), assure une formation hybride diplômante ciblant les travailleurs intéressés par la formation continue et l’apprentissage tout au long de la vie.

L’usage de la plateforme d’enseignement Moodle est une partie intégrante du processus d’enseignement et d’apprentissage et fait partie également du processus d’évaluation de la formation.

La présente étude s’inscrit dans le cadre de l’analyse des pratiques effectives des étudiants lors de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC), et plus précisément des plateformes d’enseignement à distance, en tant qu’outils indispensables d’enseignement et d’apprentissage dans un contexte de formation hybride diplômante.

Nous nous intéresserons plus précisément à l’évolution des pratiques effectives des étudiants lors de l’utilisation de la plateforme Moodle pendant trois années universitaires dans le cadre d’un enseignement portant sur le développement des systèmes informatiques.

Y a-t-il vraiment une évolution des pratiques? Quels sont les facteurs susceptibles de stimuler ou de freiner cette évolution?

Cette recherche, en se basant sur une expérience de trois ans, vise à apporter également des éléments de réponse à la question de recherche ouverte par Chênerie : « Quelle place donne-t-on aux apprentissages grâce aux ressources en ligne dans le contexte de formations hybrides? » (Chênerie, 2011, p. 26)

En particulier, quelles sont les activités que les étudiants peuvent mener à distance, et celles qui nécessitent la rencontre directe d’un enseignant et de son groupe d’étudiants?

La suite de l’article est organisée en cinq parties. La première partie décrira le cadre de notre étude. La deuxième partie présentera le cadre théorique et méthodologique de cette recherche. La troisième partie portera sur l’étude de l’évolution des usages des fonctionnalités de la plateforme pédagogique. Les résultats des analyses de l’entretien semi-directif seront présentés dans la quatrième partie. Puis, nous terminerons par une discussion et une conclusion.

Le contexte de l’étude

Le CNFCPP organise des actions de formation visant à offrir des possibilités de promotion professionnelle aux travailleurs en leur offrant des diplômes reconnus par l’État. Il a signé des conventions avec des établissements universitaires tunisiens. Dans le cadre de ces conventions, le CNFCPP se charge de la mise en place des plans d’action, de la sensibilisation, des inscriptions, de la supervision, du suivi et du financement.

Quant à l’établissement universitaire, il se charge de la préparation des contenus pédagogiques, de l’organisation pédagogique de la formation, de la mise à disposition de laboratoires (pour les séances de regroupement), de la désignation et de l’encadrement des enseignants et, par la suite, de l’évaluation et finalement de la diplomation.

Dans ce cadre, une convention a été signée entre le CNFCPP et l’ISET de Kébili pour assurer une formation hybride diplômante au profit des employés intéressés.

Déroulement de la formation

Cette formation hybride se base sur l’articulation des phases présentielles (appelées des séances de regroupement) et distantes (des séances de tutorat).

Les séances de regroupement sont programmées chaque dimanche. La durée de chaque séance de regroupement est de trois heures. Généralement, le volume horaire des séances poursuivies chaque dimanche est de six heures. Les séances de tutorat se déroulent le soir (de 19 h à 21 h), du lundi au vendredi.

Dans cette formation, nous utilisons la plateforme Moodle pour : 1) développer les contenus et les activités pédagogiques; 2) les diffuser par la suite; 3) interagir avec les apprenants.

Au démarrage de cette formation, les étudiants sont informés du principe de ce dispositif de formation. Ils ont suivi aussi une session de formation intitulée « Initiation à Moodle ». L’objectif de cette session de formation était d’initier les apprenants à l’usage des différents outils de la plateforme Moodle.

Comme il est mentionné précédemment, il s’agit d’une formation diplômante dont la formation de base se déroule intégralement en présentiel. Vu la spécificité du public, un tel dispositif hybride a eu lieu. Une adaptation des programmes et plus particulièrement la répartition du volume horaire sont nécessaires. Le volume horaire initial est divisé en trois parties : séances de tutorat, séances de regroupement et autoformation.

Les proportions des parties présentielles et distantes ne sont pas fixes. Tout dépend du type du module : cours intégré ou atelier.

Pour cette raison, et vu que les usages dépendent fortement de la structure du cours, les cours choisis dans cette étude sont tous de type cours intégré et ont le même volume horaire et la même structure.

Pour ces modules, le nombre des séances de regroupement est restreint. La grande proportion du volume horaire est réservée aux séances de tutorat, suivie du volume estimé pour les séances de regroupement et finalement l’autoformation.

Cette expérience a concerné six modules, répartis sur trois années universitaires (2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016), de type cours intégré de la filière « Développement des systèmes informatiques » de la licence appliquée en « Technologies de l’informatique ». Ces modules sont « Architecture et maintenance des ordinateurs », « Systèmes d’exploitation 1 », « Systèmes d’exploitation 2 », « Concepts de génie logiciel », « Gestion de projet » et « Big data ».

Le tableau 1 présente la répartition des modules par année universitaire et la répartition horaire pour chaque module.

Tableau 1

Répartition des modules par année universitaire et répartition horaire pour chaque module

Répartition des modules par année universitaire et répartition horaire pour chaque module

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Pour ces modules ayant une charge initiale de 22,5 h, 4,5 h sont réservées à l’autoformation.

Avant chaque séance de tutorat, l’enseignant procède à l’ajout des ressources et des activités pédagogiques nécessaires. Convaincu que le degré d’engagement des enseignants pour mettre en oeuvre des formations exploitant les TIC permet de motiver les étudiants à l’usage de ces supports et à l’adoption des nouvelles formes d’acquisition des savoirs (Dahmani et Ragni, 2009), l’enseignant procède à la diversification des activités dans chaque cours et à l’accompagnement continu des apprenants.

L’apprenant aura par la suite le temps nécessaire pour consulter les ressources et réaliser les activités proposées. Durant les séances de tutorat, assurées à distance sur la plateforme Moodle, le moyen de communication utilisé est le forum de discussion pour répondre aux questions des apprenants relatives aux ressources déposées, résoudre collectivement des activités, etc. L’enseignant veille également à diriger les discussions sur le forum.

Population

Le groupe d’étudiants visé par cette expérience comprend 35 étudiants et se compose d’une large majorité d’hommes (82 %).

La majorité des étudiants se situent dans la tranche d’âge des 36 à 49 ans (58 %); vient ensuite la tranche des 25 à 35 ans (28 %) et enfin, la tranche des 50 à 59 ans (14 %). La moyenne d’âge du groupe est de 40 ans.

La majorité des étudiants (86 %) ont un diplôme de licence ou de maîtrise (ancien régime), les autres (14 %) sont titulaires d’un baccalauréat.

Travail et expérience professionnelle

Tous les étudiants sont en activité, 90 % sont des fonctionnaires dans le secteur public et 10 % sont dans le secteur privé; 60 % des étudiants sont des instituteurs de l’enseignement primaire.

Les étudiants ont une expérience professionnelle relativement moyenne ou forte (3 % ont moins de 5 ans d’expérience; 32 % ont moins de 10 ans d’expérience et 65 % ont plus de 10 ans d’expérience). La moyenne d’expérience professionnelle du groupe est de 15 ans.

Motivations à suivre la formation

Dans un questionnaire remis aux apprenants au début de cette formation, nous avons essayé d’évoquer les sources de motivation pour suivre ce type de formation hybride.

Le premier motif évoqué par les étudiants est « l’avancement professionnel ». Ce motif a été suivi par « le développement personnel » et finalement par « pouvoir trouver un autre travail ». Ce dernier motif concerne les étudiants titulaires d’un baccalauréat et qui n’ont pas pu poursuivre leurs études universitaires pour une raison ou une autre.

Cadre théorique et méthodologique

Cadre théorique

La présente recherche s’inscrit dans le cadre des études portant sur les usages des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

La diffusion des NTIC de même que les apports d’une sociologie des usages (Jouët, 2000) ont poussé les chercheurs à s’intéresser de près à la question de l’appropriation des technologies.

La sociologie des usages étudie l’insertion des usages dans les pratiques sociales. Cette approche, mettant l’accent sur ce que font les acteurs des outils technologiques, permet de considérer l’usager dans le cas des TIC comme « un pratiquant actif » (Jouët, 2000). Elle permet également d’analyser et d’expliquer les usages effectifs des TIC.

Il convient de préciser que la littérature du domaine d’usage des technologies de l’information et de la communication montre que le concept d’usage est entouré d’ambigüité.

Le terme « usage » est utilisé souvent pour désigner l’utilisation, la pratique et aussi l’appropriation.

Le terme « utilisation » renvoie à une action ponctuelle et aux aspects manipulatoires (Baron et Bruillard, 1996).

Jouët fait une distinction entre les notions d’usage et de pratique : « l’usage est [...] plus restrictif et renvoie à la simple utilisation tandis que la pratique est une notion plus élaborée qui recouvre non seulement l’emploi des techniques (l’usage) mais les comportements, les attitudes et les représentations des individus qui se rapportent directement ou indirectement à l’outil » (Jouët, 1993, p. 371).

Les études portant sur les usages des TIC prêtent une attention particulière à la réalité sociale, outre la technique, et aux comportements humains qui lui sont associés.

Chambat considère que l’usage des TIC est un construit social qui traduit la relation complexe entre le comportement social de l’usager, d’une part, et les dispositifs technologiques, d’autre part (Chambat, 1994).

Dans cette optique, Proulx définit les usages sociaux comme des « patterns d’usages d’individus ou de collectifs d’individus (strates, catégories, classes) qui s’avèrent relativement stabilisés sur une période historique plus ou moins longue, à l’échelle d’ensembles sociaux plus larges (groupes, communautés, sociétés, civilisations) » (Proulx, 2005, p. 9).

Quant à l’appropriation d’une technologie, elle peut être définie comme « … la maîtrise cognitive et technique d’un minimum de savoirs et de savoir-faire permettant éventuellement une intégration significative et créatrice de cette technologie dans la vie quotidienne de l’individu ou de la collectivité » (Proulx, 2001, p. 142). 

L’appropriation est un processus dans lequel se construit l’identité du sujet (Jouët, 2000) en rapport avec l’objet technique. L’appropriation constitue alors l’étape ultime de l’usage et de l’intégration des TIC.

Cette approche d’appropriation permet de mettre en évidence la disparité des usages et des usagers (Chambat, 1994) et le fait que l’usage se construit à travers les sens qu’il revêt pour l’usager.

Selon Proulx (2005), l’appropriation de la technologie est soumise à trois conditions : un minimum de maîtrise technique et cognitive de l’objet technique, une intégration de l’objet technique aux pratiques quotidiennes des acteurs et la possibilité de création (actions générant de la nouveauté dans la pratique sociale).

Dans cette recherche, nous nous sommes référés tout particulièrement aux travaux de Proulx (2005) sur l’appropriation des TIC.

Cadre méthodologique

Pour le recueil des données, nous nous sommes basés sur une approche mixte combinant les méthodes qualitatives et quantitatives.

Les données recueillies pour cette recherche sont issues des traces (les fichiers journaux et l’historique des discussions), de la plateforme Moodle et des réponses de l’entretien semi-directif mené avec les étudiants.

Traces numériques

Les fichiers de traces fournis par la plateforme Moodle permettent d’archiver :

  • l’historique de l’utilisation de l’espace de cours (par groupe, par étudiant, par date, par activité et par action);

  • l’historique global des activités du cours (le nombre des affichages et la date du dernier accès par activité);

  • la participation au cours (par activité, par rôle, par type d’action et par date);

  • et les statistiques par cours.

Pour pouvoir exploiter ces traces (les fichiers journaux), nous avons procédé à l’exportation de ces données brutes et à leur nettoyage pour les analyser, et ceci, en utilisant une application d’échange et de transformation des données brutes.

Ces traces sont traitées de manière quantitative pour dégager l’évolution des tendances d’usage des outils fournis par la plateforme.

Entretien semi-directif

Pour vérifier les résultats issus des traces et comprendre certains faits et attitudes relatifs à cette expérience de formation, nous avons mené un entretien semi-directif avec les étudiants.

L’entretien comporte des questions structurées suivant ces axes :

  • l’appropriation des outils de la plateforme;

  • les facteurs stimulant l’évolution des pratiques effectives des apprenants lors de l’utilisation de la plateforme pédagogique;

  • les facteurs freinant l’évolution de ces pratiques;

  • les activités que les étudiants peuvent mener à distance, et celles qui nécessitent la rencontre directe d’un enseignant et de son groupe d’étudiants.

Les entretiens ont été réalisés auprès des étudiants à la fin du semestre 5 (décembre 2015).

Étude de l’évolution des usages de la plateforme à partir des traces

Les traces données par la plateforme Moodle fournissent des statistiques pour comprendre l’usage du système par les apprenants et par la suite en dégager les pratiques associées. En fait, il est possible de quantifier ces traces et de faire des représentations graphiques montrant les tendances d’usage et l’évolution des pratiques développées par les étudiants.

Pour modéliser l’usage de la plateforme, nous utiliserons les indicateurs suivants :

  • périodicité d’usage (Komis, Depover, Karsenti, Tselios et Filippidi, 2013);

  • les fonctionnalités utilisées.

D’autres indicateurs modélisant l’usage des forums de discussion seront présentés ultérieurement.

Périodicité d’usage

L’indicateur périodicité d’usage de la plateforme nous informe sur la fréquence des connexions hebdomadaires des étudiants et, par la suite, sur les pratiques développées par les étudiants.

Tableau 2

Périodicité d’usage de la plateforme Moodle

Périodicité d’usage de la plateforme Moodle

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Le tableau 2 présente l’évolution de la périodicité d’usage entre trois années universitaires (2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016).

Pour l’année universitaire 2013-2014, 14,28 % des étudiants ont utilisé la plateforme moins d’une fois par semaine. Cette proportion correspond à ceux qui ont abandonné la formation.

Par contre, pour les deux autres années universitaires, tous les étudiants accèdent au moins une fois par semaine à la plateforme. On remarque une augmentation intéressante de la périodicité d’usage pour le type d’accès « Chaque jour » : de 28,57 % (année 2013-2014) à 70 % (année 2015-2016).

Une des principales raisons qui pourraient expliquer cette évolution est vraisemblablement liée au fait que les étudiants sont de plus en plus motivés et se sentent plus proches de leur objectif : obtenir le diplôme.

Usages des outils de la plateforme

Les outils intégrés (ressources et activités) de Moodle peuvent être classés en fonction des types d’usage. Trois types d’usage des plateformes ont été déterminés par Lebrun (2011) : transmissif, incitatif et interactif.

Dans le mode transmissif, l’enseignant a pour mission de transmettre aux étudiants un savoir. Les outils associés sont les « Ressources » (dossiers, fichiers, pages Web, étiquettes...).

Avec le mode incitatif, centré à la fois sur les connaissances et sur les apprenants, l’enseignant essaye de faire participer les étudiants en leur donnant un travail à réaliser. Divers outils de la plateforme Moodle peuvent être associés à ce type d’usage : Test, Leçon, Devoir, Feedback et Sondage.

Le mode interactif met l’accent sur la relation entre l’enseignant et l’apprenant et entre les apprenants. L’objectif de cette interaction est la genèse des connaissances et leur appropriation. L’interaction peut se manifester à travers des activités communicatives (messagerie, forum et discussion [Chat]) ou collaboratives (Wiki et Atelier).

L’analyse de la distribution des accès aux fonctionnalités proposées par l’enseignant à travers la plateforme Moodle est illustrée à la figure 1. Les accès ont été répartis en pourcentage.

Figure 1

Répartition des connexions sur les fonctionnalités utilisées

Répartition des connexions sur les fonctionnalités utilisées

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Pour la première année universitaire d’expérience, les outils de transmission d’informations sont les plus utilisés avec une fréquence de l’ordre de 38 %, suivis de l’outil d’interaction Forum. Une minorité d’étudiants a participé aux activités Wiki et Atelier.

En observant l’évolution des pourcentages des fonctionnalités utilisées pour les années suivantes, nous remarquons une régression intéressante des taux d’accès aux outils de transmission au profit des outils interactifs, et en particulier les outils communicatifs.

Cette nouvelle tendance trouve un sens dans le fait que le forum est le seul moyen utilisé dans ce cours pour clarifier les notions encore vagues dans le cours, résoudre les problèmes soulevés par les apprenants et communiquer avec les pairs.

Les outils d’incitation au travail se présentent avec des fréquences de l’ordre de 27 %, 33 % et 31 %.

D’après ces statistiques, nous constatons que le dispositif évolue vers les modes interactif et incitatif. 

L’usage du forum de discussion

L’espace forum de discussion, occupant une position centrale dans le processus d’apprentissage, présente le principal lieu d’échanges entre les différents acteurs.

Cet outil simple d’utilisation favorisant la collaboration présente une certaine souplesse (Mangenot, 2004) donnant aux apprenants la possibilité de revenir à tout moment sur les échanges passés et d’ajouter en permanence des messages.

Dans le cadre de cette étude, nous nous limitons à repérer quantitativement l’évolution de l’usage du principal outil de communication dans cette formation. Nous nous intéresserons particulièrement à la dimension participative (Henri, 1992).

Le degré de participation des étudiants dans les différentes activités proposées, notamment le forum de discussion, donne une indication importante de leur engagement dans la formation.

La participation peut avoir deux facettes : passive ou active. La participation passive correspond à un accès en lecture. Dans ce mode, l’étudiant consomme passivement les contenus : les messages et les ressources postés par l’enseignant ou les autres étudiants.

La participation active correspond à un accès en écriture : ajouter, modifier ou supprimer un billet. Avec ce mode, l’étudiant s’implique activement dans le cours et interagit avec les autres acteurs. Cette forme d’utilisation favorise l’autonomie et montre également la motivation de l’étudiant.

Les indicateurs utilisés pour cette dimension sont la répartition des accès aux forums et la participation active.

Répartition de la participation

L’analyse de la distribution des accès aux forums a été réalisée en distinguant deux modes d’accès : actif et passif.

La répartition des accès (en pourcentage), illustrée à la figure 2, montre une domination du mode passif malgré la faible évolution de la forme active de l’utilisation du forum.

Figure 2

Répartition de la participation des étudiants dans les forums de discussion

Répartition de la participation des étudiants dans les forums de discussion

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L’analyse manuelle des fichiers traces montre que les étudiants reviennent beaucoup en lecture sur les messages des forums après la fin des séances de tutorat et pendant la période de révision.

Néanmoins, les traces peuvent contenir du bruit : à titre d’exemple, un accès excessif à un forum peut être dû à un problème de rupture de connexion.

En analysant manuellement quelques fichiers traces de la plateforme, nous avons remarqué qu’un étudiant a accédé à un fil de discussion 216 fois. Nous ne pensons pas que l’étudiant a consulté de façon attentive les messages 216 fois.

Participation active

Par participation active, nous entendons le nombre de messages postés et le nombre d’étudiants actifs.

Nous rapportons au tableau 3 des données relatives à la participation active des étudiants dans les forums de discussion. Nous avons présenté dans ce tableau la moyenne des indicateurs pour les forums des différents modules de chaque année universitaire.

Les données ont été recueillies automatiquement après la fin de chaque séance de tutorat.

Tableau 3

Nombre de messages et de participants actifs par forum

Nombre de messages et de participants actifs par forum

*  Légende – MF : Moyenne Forum; NM : Nombre de messages; PA : Participant actif; TP : Taux de participation

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Les statistiques fournies par ce tableau montrent un taux de participation « acceptable » globalement. La participation active est un peu faible durant les premières séances de tutorat et elle augmente d’une façon remarquable pour les dernières séances.

Cette évolution peut être expliquée par le fait que dans ces séances, nous nous rapprochons de la fin des cours et du début des révisions pour les examens semestriels. Durant cette période, les apprenants sont en pleine activité et essayent de se rattraper.

Il ressort de ces résultats que le taux de participation augmente d’une année à une autre : l’augmentation est remarquable durant la deuxième année et légère (se rapprochant d’une stagnation) pour la dernière année d’expérience.

Résultats d’analyse de l’entretien semi-directif

Nous procédons dans cette partie à la présentation des résultats de l’entretien semi-directif. Les données collectées de ces entretiens nous permettront de soutenir et de justifier les conclusions de l’analyse quantitative des traces de la plateforme.

Les facteurs stimulant l’appropriation des outils de la plateforme et l’évolution des pratiques effectives des apprenants lors de l’utilisation de la plateforme pédagogique

Plusieurs facteurs ont été évoqués par les étudiants au cours de l’entretien. Les étudiants interrogés indiquent que pour ce type de formation hybride, l’usage des outils de plateforme s’avère une « obligation » et pas un choix.

En outre, la majorité des étudiants déclarent que leur motivation à suivre cette formation avait un effet catalyseur. En effet, cette formation se présente comme une option alternative destinée à une catégorie particulière d’apprenants : les travailleurs. Ce facteur avait une influence importante sur la motivation, l’appropriation des outils de plateforme ainsi que l’évolution des pratiques.

Le suivi d’une formation d’initiation à l’usage des différents outils de la plateforme a facilité le processus d’appropriation.

Un autre motif intéressant a été évoqué par tous les interviewés : la spécialité de la formation « Technologies de l’informatique » a également un effet catalyseur sur l’évolution des usages de la plateforme. Il s’agit d’une formation où les TIC sont utilisées à la fois comme l’outil et l’objet d’apprentissage (Karsenti et Larose, 2001).

D’autres auteurs (Dutton, Dutton et Perry, 2002) ont montré que la motivation pour l’usage des TIC serait plus importante pour les étudiants en informatique.

Beaucoup d’apprenants ont affirmé que la diversité des ressources et des activités mises en ligne ainsi que l’accompagnement et le suivi de l’enseignant ont facilité le processus d’appropriation et les ont également poussés à participer à diverses activités proposées : « Les consignes données par l’enseignant au début de chaque partie et son accompagnement durant les séances de tutorat m’ont encouragé à utiliser la plateforme... » « J’essaye d’améliorer mes parcours, les participations dans les activités, les forums pour avoir une bonne note ».

L’accès à la plateforme et l’usage des différents outils deviennent des pratiques quotidiennes chez la plupart des apprenants, comme en témoignent les affirmations suivantes des étudiants lors de l’entretien : « Chaque jour, j’accède à la plateforme plusieurs fois pour chercher les nouveautés : nouvelle activité proposée, un support de cours déposé... » « Je consacre chaque jour au moins 1 heure pour la consultation de la plateforme, [la] réalisation des activités proposées... »

Les facteurs freinant l’évolution de ces pratiques

Certains étudiants ont rapporté quelques problèmes d’ordre technique, à savoir la mauvaise qualité de leur connexion Internet : « Parfois je ne peux pas assister aux séances de tutorat à cause de la mauvaise qualité de ma connexion Internet. »

Quelques problèmes d’ordre organisationnel ont été évoqués par les apprenants tels que le volume de travail à réaliser tout seul (lecture des documents...), le rythme de travail et les échéances de remise des travaux (en particulier les activités de type devoir).

Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils cumulent généralement, parallèlement au suivi de cette formation, un emploi et, éventuellement, des activités sociales et familiales.

L’étude quantitative des traces des forums a montré une légère évolution de la participation active des apprenants dans les forums. Nous avons essayé durant l’entretien d’en dégager les causes.

En fait, une analyse manuelle des messages montre que quelques apprenants se limitent à des messages de dimension sociale, généralement des salutations, sans aucune autre intervention, et ceci, pour donner un signe de présence. Il s’agit d’une forme de résistance à l’utilisation de cet outil de communication pour coconstruire des connaissances, coopérer et collaborer avec les autres.

Interrogés, les étudiants déclarent qu’ils trouvent des difficultés à formuler leurs idées et à bien cerner leurs problématiques. Ils n’ont pas pu améliorer la qualité de leur participation aux forums de discussion durant ces trois années d’expérience. En fait, une bonne intervention nécessite un bon niveau de lecture et d’écriture.

En outre, les apprenants considèrent parfois que le temps pris par l’enseignant pour répondre à leurs questions est un peu long.

Les activités que les étudiants peuvent mener à distance, et celles qui nécessitent la rencontre directe d’un enseignant et de son groupe d’étudiants

Les étudiants affirment que les activités qu’ils peuvent mener à distance et sans l’aide de l’enseignant sont la consultation des ressources proposées par l’enseignant, les devoirs, les tests (Exercices interactifs) et les leçons (Parcours pédagogique).

Les étudiants ont montré une satisfaction à l’égard des deux dernières activités citées. Cette satisfaction peut être justifiée par l’aspect de ces outils : il s’agit de séquences d’activités d’apprentissage à suivre dans l’ordre, et généralement l’étudiant peut finalement accéder aux éléments de réponse.

Concernant le principal outil de communication dans cette formation, les étudiants indiquent que le recours au forum est indispensable pour pouvoir poser des questions, comprendre quelques notions vagues dans le cours et communiquer avec les pairs.

Ils soulignent également qu’ils reviennent beaucoup en lecture sur les messages des forums après la fin des séances de tutorat : « Durant les séances de tutorat, je n’arrive pas à lire tous les messages postés par les pairs, je me trouve obligé d’y revenir par la suite. »

Néanmoins, une majorité d’étudiants affirment que ce type d’activité nécessite une rencontre directe avec l’enseignant. Pour cette raison, ils retardent leurs questions et leurs remarques aux séances de regroupement. Ils ont justifié ce choix par le fait « qu’ils apprennent mieux en mode présentiel et que les échanges asynchrones textuels ne peuvent pas remplacer ce mode ».

Cette justification nous rappelle les « limites relationnelles » de l’utilisation des forums dans l’apprentissage collaboratif en ligne décrites par Henri et Lundgren-Cayrol (2001). Ces derniers affirment que les messages textuels ne peuvent pas remplacer la présence sociale.

Ils ont évoqué également la nécessité d’une communication audiovisuelle durant les séances de tutorat.

Quant aux outils collaboratifs, ils ont été jugés compliqués par les étudiants et nécessitant des compétences relationnelles de haut niveau.

Discussion et conclusion

L’objectif de cette étude était d’analyser l’évolution des pratiques effectives d’utilisation de la plateforme pédagogique Moodle dans le cadre d’une formation hybride diplômante en Tunisie et de déterminer les facteurs stimulant ou freinant cette évolution.

La méthodologie utilisée se base sur l’étude des traces produites par la plateforme ainsi que sur les résultats d’un entretien semi-directif mené avec les étudiants.

L’analyse des traces nous a permis de dégager l’évolution de la fréquence des connexions hebdomadaires des apprenants d’une année universitaire à l’autre. Durant la première année de cette expérience, les outils de transmission d’informations sont les plus utilisés au détriment des autres outils. Cette tendance disparaît pour s’inverser au profit des outils interactifs, et en particulier les outils communicatifs durant les deux années suivantes. Le taux d’utilisation des outils collaboratifs demeure quant à lui assez faible.

Les résultats montrent que le dispositif évolue vers le mode interactif. En fait, l’évolution de l’usage des outils interactifs, accompagnée par l’évolution globale de l’usage des différents outils, nous rappelle les travaux de Docq, Lebrun et Smidts (2008) qui tentent de montrer dans leur enquête le lien entre l’usage des TIC et l’évolution des pratiques pédagogiques interactives.

L’analyse quantitative des traces a montré une légère évolution de la participation active des apprenants dans les forums. Ce type de participation se présente avec un taux acceptable depuis la première année d’expérience.

L’entretien que nous avons conduit nous a permis de dégager plusieurs facteurs stimulant l’évolution des pratiques effectives de l’utilisation de la plateforme pédagogique Moodle et d’autres la freinant.

La plupart des étudiants interrogés affirment que leur motivation initiale à suivre cette formation, l’aspect particulier et la spécialité de cette formation ont facilité l’appropriation des outils de la plateforme. Ce type de formation implique un contrat pédagogique déterminant les rôles et les interactions entre les différents acteurs. L’usage de la plateforme est très bien intégré dans les pratiques quotidiennes des apprenants.

Il ressort également des résultats de l’entretien que l’initiation des étudiants à l’utilisation de la plateforme est déterminante dans l’appropriation des divers outils proposés.

La diversité des ressources proposées et l’accompagnement continu de l’enseignant s’avèrent très appréciés par les étudiants. Ce résultat rejoint celui d’études antérieures ayant montré que les étudiants sont très sensibles à la façon et à l’intensité avec lesquelles l’enseignant emploie les technologies (Raby, Karsenti, Meunier et Villeneuve, 2011).

En contrepartie de cette conception de l’enseignant comme acteur stimulant l’engagement des étudiants, nous retrouvons d’autres avis affirmant que ce même acteur peut jouer un rôle inverse. Le long délai des réponses durant les séances de tutorat est un point qui a été souligné par la majorité des interviewés.

Ces résultats vont dans le même sens que les travaux de Ferone (2011), qui a montré que certaines modalités d’intervention découragent l’engagement des acteurs (faible présence, délai trop long ou brièveté de la réponse, manque d’empathie, manque de considération du dispositif), alors qu’à l’inverse d’autres le stimulent (participation régulière, réponse immédiate, apport de conseils et de ressources, empathie, soutien affectif).

D’autres problèmes d’ordre technique et organisationnel ont été soulevés par les étudiants comme étant des obstacles à l’évolution des usages de la plateforme.

L’étude a démontré également que le recours au forum de discussion ainsi que le taux de participation évoluent d’une année à une autre. L’usage des forums sur la plateforme permet aux étudiants de partager des informations, de poser des questions et d’obtenir des réponses et des clarifications.

Néanmoins, l’aspect obligatoire de la participation aux forums, faisant partie d’une note de contrôle continu, a eu une mauvaise influence sur la qualité des interventions.

Les étudiants signalent leur présence durant les séances de tutorat par des messages artificiels, ce qui constitue une forme de résistance à l’utilisation convenable de cet outil de communication.

Dans ce contexte, les étudiants affirment qu’ils peuvent réaliser seuls la majorité des activités, à l’exception du forum nécessitant d’après eux une rencontre directe avec l’enseignant.

Des facteurs liés au profil de l’apprenant peuvent être à l’origine de cette résistance à l’utilisation convenable de l’outil de communication. Ainsi, il serait intéressant d’étudier l’influence du profil, en particulier sociologique et technologique, de l’apprenant sur l’évolution de ses pratiques effectives.