Volume 4, numéro 1, 1963
Sommaire (18 articles)
Articles
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Enquête sur les conditions de vie de la famille canadienne-française : l'univers des besoins
M.-Adélard Tremblay et Gérald Fortin
p. 9–46
RésuméFR :
Nous présentons, dans cet article, une tranche des résultats qui se dégagent d'une recherche approfondie sur les conditions de vie, les besoins et les aspirations de la famille canadienne-française. Nous avons décrit ailleurs les objectifs et les méthodes de cette enquête. Rappelons brièvement qu'elle a porté sur un échantillon de 1,460 familles représentant, en 1958, l'ensemble des familles canadiennes-françaises du Québec dont le chef tire son revenu principal d'un travail salarié et dont le revenu total est inférieur à 8,000 dollars. Cette population comprend donc les familles urbaines et les familles rurales non agricoles, les familles des collets blancs, celles des ouvriers qualifiés et des manœuvres. Par ailleurs, sont exclues de l'étude les familles des cultivateurs, des commerçants, des administrateurs et des hommes de profession. Il faut noter toutefois que la population étudiée représente entre 70 et 80% de toutes les familles canadiennes-françaises de la province de Québec.
Notre projet était d'étudier non seulement les comportements de consommation, mais aussi les attitudes que révèlent ces comportements ou auxquelles ceux-ci sont liés. Dans cette perspective, l'analyse des besoins tels que définis par les informateurs devait évidemment constituer une étape centrale de notre démarche. Après avoir précisé les fondements théoriques de notre analyse, nous rendrons compte ici des résultats obtenus à l'aide de trois types complémentaires de mesure du besoin : la structure du budget, les normes de consommation, les privations senties.
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Nationalisme canadien-français et Laïcisme au XIXe siècle
Fernand Ouellet
p. 47–70
RésuméFR :
Le nationalisme canadien-français a eu la réputation d'avoir fait mauvais ménage avec tous les courants de pensée et tous les mouvements susceptibles de promouvoir une société laïque dans le Québec. Son allergie passée au capitalisme. au libéralisme, à la démocratie et aux tendances socialisantes relève pour une large part de cette problématique. Son absence d'affinités avec le capitalisme commercial et industriel ne venait elle pas en dernier ressort de ce que la bourgeoisie fut pendant longtemps dans d'autres sociétés le principal moteur, avec les intellectuels, du laïcisme ?
Quant au libéralisme, son caractère essentiellement laïc et bourgeois n'avait rien de bien rassurant pour une idéologie qui fondait ses valeurs sur la terre et l'Église. Il en est ainsi de la démocratie, formule assise sur le droit naturel, sur la souveraineté populaire, plutôt que sur le droit divin des rois et les privilèges des classes. Enfin, si le nationalisme canadien-français parut aussi obstinément fermé au renforcement de l'appareil étatique, c'est certainement parce que l'État pouvait représenter, au même titre que la bourgeoisie, un des véhicules les plus puissants du laïcisme. Par contre, le nationalisme canadien-français ne s'est-il pas plus spontanément lié au cléricalisme, à l'ultramontanisme, aux idéaux théocratiques et, pour employer une expression chère à M. Michel Brunet, à l'agriculturisme ? Ces caractéristiques presque actuelles d'un nationalisme éminemment conservateur, voire même réactionnaire, apparaissent davantage comme l'aboutissement d'une évolution, pleine à certains moments de sursauts et de contestations, que comme une donnée inscrite d'emblée à l'origine de notre nationalisme.
Même si, depuis le début du XIXe siècle, le nationalisme canadien-français paraît avoir été en conflit ouvert avec toutes les idéologies porteuses de laïcisme, il n'en est pas moins vrai que cette confrontation n'a pas toujours abouti à un rejet en bloc. On peut même évoquer, si on en juge par les dehors ou par les tiraillements des consciences, quelques moments importants où s'exprime une association assez étroite avec le libéralisme et la pensée démocratique.
Le parti canadien et son successeur légitime, le parti patriote, ne prétendaient-ils pas au titre de libéral et de démocratique ? Reste à connaître cependant les rapports réels qui existaient entre le nationalisme des patriotes et leur laïcisme. Autrement dit, existe-t-il avant 1837 un mouvement laïc possédant une certaine autonomie? Dans quelle mesure le nationalisme dit libéral ou démocratique accordait-il la prééminence aux libertés individuelles sur les droits collectifs ? Ne s'agissait-il pas en fin de compte, plutôt que d'un nationalisme libéral ou démocratique, d'un national-libéralisme n'utilisant par conséquent les idées nouvelles que pour mieux atteindre certains objectifs proprement conservateurs ? Après les travaux faits sur cette période, il existe encore beaucoup d'obscurité et de confusion autour des croyances et des attitudes de ceux qui furent à l'origine de notre première aventure séparatiste. Aussi importe-t-il de ne pas se laisser aveugler par le panache, par les déclarations sonores, de ne pas prendre le mythe pour la réalité. Il reste cependant que l'échec des insurrections de 1837-38 a donné un dur coup au mouvement laïc.
Après 1837, pendant que le nationalisme s'identifie de plus en plus, en dépit des options multiples qu'il recouvre, au cléricalisme et à l'ultramontanisme, s'affirme un mouvement d'essence proprement libérale. Né au cours de la décennie 1840-50, l'Institut canadien de Montréal mène pendant vingt-cinq ans une lutte acharnée en faveur du laïcisme. Puis, au moment même où, dans l'affaire Guibord, il venait de remporter une éclatante victoire légale, il doit s'effacer. À l'heure de Mgr Bourget, suffit-il que Londres soit d'accord pour que le Québec le devienne ? Puis, le siècle se termine avec les luttes pour la reconnaissance du parti libéral. Là encore les forces de l'ordre, de la tradition, de la conformité aux valeurs établies l'ont emporté haut la main. Comment expliquer ces défaites successives du mouvement libéral et des tendances laïques ?
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La concession des terres dans les cantons de l'Est du Bas-Canada (1763-1809)
Gerald F. McGuigan
p. 71–89
RésuméFR :
Comme on peut s'en rendre compte en étudiant la période pré-confédérative de l'histoire du Canada, il existe une grande lacune dans notre connaissance du rôle joué par la terre dans le développement économique et politique des territoires qui forment maintenant les provinces de Québec et d'Ontario. Il est vrai que certains travaux ont été faits sur le système seigneurial, sur les grandes compagnies terriennes et sur les problèmes des réserves de la Couronne et du clergé, particulièrement dans le Haut-Canada. Quelle que soit leur qualité, ces travaux n'en demeurent pas moins fragmentaires. En nous attachant à reconstituer, dans un tableau d'ensemble, l'évolution de la politique des terres au cours du demi-siècle qui a suivi la conquête, nous avons voulu contribuer d'une modeste façon à combler cette lacune.
Le but du présent article est de tracer les grandes lignes des travaux de recherche que l'auteur vient de terminer sur la politique de concession et de distribution des terres dans les cantons de l'Est du Bas-Canada, de 1763 à 1809.
Dans l'exécution de ces travaux de recherche nous avons visé un double objectif. Premièrement, nous avons voulu découvrir et, tenant compte de l'histoire traditionnelle, expliquer les relations chronologiques et organiques entre les divers documents et les témoignages relatifs à l'administration et à la distribution des terres en franc et commun socage dans les cantons de l'Est de 1763 à 1809. De la période qui s'étend de 1763 à 1791 nous n'avons retenu que les caractères généraux, tandis que nous avons fait une étude plus détaillée de la période qui va de 1791 à 1809. Nous avons accordé une attention particulière au mode de concession le plus général au cours de cette période : la concession de terres à des chefs de canton sur présentation de listes d'associés. En deuxième lieu, et d'une façon subordonnée, nous avons essayé de tirer des documents ainsi classifiés et analysés quelques conclusions se rapportant aux relations entre la tenure des terres (et les règles et décrets s'y rapportant) et le développement de certains aspects de l'organisation interne des sociétés commerciales au cours de cette période.
Nos recherches nous ont permis de mettre en évidence l'existence d'une relation très étroite entre l'incertitude des règles et des décrets concernant la tenure des terres et le développement du Bas-Canada, entre les années 1792 et 1809, période où apparaît la corporation comme forme d'organisation économique.
D'une manière plus générale, nous pensons que le conflit qui s'est manifesté dans le Bas-Canada, après 1791, au sujet de la politique des terres, n'était que l'expression d'un conflit plus général entre les tendances centralisatrices de l'administration coloniale anglaise et les efforts — apparents surtout dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre — visant à renforcer l'autonomie locale en matières fiscales et politiques. Le pouvoir de formuler une politique des terres, de diviser et de distribuer les terres, fut un aspect important de cette autonomie locale. La présence de cette tradition d'autonomie parmi les immigrants du Québec qui, pour la plupart, venaient des États de la Nouvelle-Angleterre, amena les colons à adopter une forme d'entreprise incorporée. Les circonstances favorisaient d'ailleurs cette forme d'entreprise : déjà, dans les cantons de l'Est, existait la pratique non officielle d'une forme de colonisation semblable à celle qu'avaient connue les immigrants des colonies de la Nouvelle-Angleterre. Ce type de colonisation engendrait l'incertitude chez les colons, à cause de l'imprécision des lois relatives à la distribution des terres.
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Communautés ethniques et collectivités indiennes au Canada
André Renaud
p. 91–105
RésuméFR :
Le Canada, comme les États-Unis et tous les pays des deux Amériques, a été constitué par des immigrants. Exception faite des Indiens et des Esquimaux, lesquels à l'origine vinrent aussi d'ailleurs, la population canadienne est issue d'ancêtres anciens ou récents qui, à un moment ou l'autre des trois derniers siècles, émigrèrent d'Europe.
Les premiers colons du pays vinrent de France, surtout des provinces de l'Ouest, et prirent racine le long des rives du Saint-Laurent jusqu'au-delà des Grands Lacs. Ils constituèrent un groupe homogène, vite considérable, intimement identifié au milieu canadien. Ils conservèrent une culture propre qui intégrait plusieurs traits fondamentaux de la culture du peuple français de l'Ancien Régime. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il y a, au Canada, deux groupements ethniques d'origine française : les Canadiens français proprement dits, qui occupent le Québec et l'est de l'Ontario ; les Acadiens des provinces atlantiques. Frères et non jumeaux identiques, les deux groupements ont étendu leurs rameaux partout au Canada.
C'est en particulier le cas des Canadiens français dont on retrouve les paroisses, les écoles, les collèges et d'autres institutions dans toutes les provinces à l'ouest du Québec. L'expansion acadienne est plus récente et ne s'est pas encore clairement diversifiée de la prolifération strictement canadienne-française.
Après la conquête de l'Acadie et de la Nouvelle-France par l'Angleterre, des immigrants de langue anglaise montèrent des colonies américaines, plus particulièrement après la révolution de 1776, et formèrent le loyal noyau autour duquel s'est constituée la collectivité canadienne d'expression anglaise. Cette dernière n'a jamais cessé par la suite de recevoir de nouvelles recrues venant directement de la Grande-Bretagne et des deux Mondes.
La collectivité d'origine française et la collectivité d'expression anglaise se sont accrues dans leurs zones respectives d'occupation initiale, chacune projetant des ramifications sur le territoire de l'autre. Les groupements de langue anglaise à l'intérieur du Canada français ont cependant toujours joui d'une position privilégiée que leurs équivalents français dans le Canada anglais n'ont jamais connue. Cent ans après la conquête, les Canadiens français du Québec et les Canadiens anglais de l'Ontario et du reste du pays acquéraient le contrôle politique de leur développement communautaire respectif en formant des États semi-autonomes. Ceux-ci, en 1867, furent unis en une confédération qui devait s'acheminer rapidement et pacifiquement vers la souveraineté complète.
Le peuplement du Canada par des groupes ethniques territorialement localisés se continua durant tout le XIXe siècle. Canadiens français et Canadiens anglais, colons français et colons britanniques, envahirent les plaines de l'Ouest. Les pionniers de langue anglaise devinrent vite numériquement majoritaires et assumèrent la direction politique de trois nouvelles entités provinciales, qui se formèrent dans cette vaste région du pays, nonobstant les efforts des Métis d'expression française à la Rivière Rouge et dans le district de Batoche. D'autres colons européens vinrent à leur tour, par groupes, dans les mêmes territoires, et y formèrent des communautés homogènes d'origine allemande, ukrainienne, polonaise, etc. Bien que dans le Canada de langue française comme dans le Canada de langue anglaise soient apparues assez tôt des villes à population homogène, dont quelques-unes existent encore, l'industrialisation du pays favorisa la croissance d'agglomérations urbaines qui devinrent vite cosmopolites par suite de l'invasion de populations appartenant aux divers groupes ethniques qui se sont dirigés vers le Canada au cours des derniers cent ans. Dans les villes en formation, ces vagues d'immigrants se regroupèrent selon leurs affinités culturelles et leur appartenance ethnique.
En définitive, le territoire canadien a vu la formation et l'évolution de trois types principaux de communautés ethniques : 1° les deux grands groupements de base, anglais et français, structurés parallèlement, mais non d'une façon étanche, dans tous les domaines de l'organisation sociale et coopérant à titre de partenaires dans la formation d'un Etat souverain ; 2° les communautés ethniques homogènes localisées dans les régions rurales et intégrées dans les structures provinciales ; 3° enfin, les concentrations ethniques à l'intérieur des grandes agglomérations urbaines. Nous nous arrêterons principalement à ces deux dernières catégories, en nous référant à la première seulement dans la mesure où elle permet d'éclairer et d'interpréter celles-ci.
Situations de la recherche
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Une étude de communauté à la périphérie de la banlieue montréalaise
Guy Dubreuil et Marcel Rioux
p. 107–111
RésuméFR :
Le présent travail décrit schématiquement la première étape d'une étude de communauté entreprise dans la région de Saint-Hilaire sur le Richelieu par un groupe de professeurs et d'étudiants des départements d'anthropologie et de sociologie de l'Université de Montréal. Après avoir dégagé le sens général du projet, et la nature du groupe en voie de le réaliser, nous verrons comment a été choisie et étudiée la région de Saint-Hilaire au cours de l'été 1962. La conclusion indiquera les problèmes qu'il faudra considérer au cours de la deuxième étape de la recherche.
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La participation aux responsabilités dans deux coopératives agricoles du Québec
Comptes rendus
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Ernest GAGNON, s.j., L'homme d'ici
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Le Canada français aujourd'hui et demain
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Robert de ROQUEBRUNE, Les Canadiens d'autrefois
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W. J. ECCLES, Frontenac
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Louis FRÉCHETTE, Mémoires intimes
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Maurice A. POPE, Soldiers and Politicians
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Herbert F. QUINN, The Union Nationale, A Study in Quebec Nationalism
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V. W. BLADEN, ed., Canadian Population and Northern Colonization -La population canadienne et la colonisation du Grand Nord
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Croissance comparative des effectifs démographiques et Migration nette
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Rapport du Comité d'étude sur l'enseignement technique et professionnel