Comptes rendus

Yves Vaillancourt, François Aubry et Christian Jetté (dirs), L’économie sociale dans les services à domicile, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2003, 341 p. (Pratiques et politiques sociales et économiques.)[Notice]

  • Nancy Guberman

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  • Nancy Guberman
    École de travail social,
    Université du Québec à Montréal.

Ce livre est un recueil de textes dont la majorité tire sa source des treize mêmes études monographiques produites sur autant d’entreprises d’aide domestique (EÉSAD – entreprises d’économie sociale en aide domestique). Ces textes, d’auteurs différents, sont entourés de chapitres contextuels, historiques et de cadre théorique, ainsi que d’une conclusion. La thèse principale du livre défendue par les auteurs (Vaillancourt, Aubry et Jetté), qui signent aussi les chapitres plus théoriques, est que l’économie sociale est LA solution par rapport à deux avenues de développement dans le domaine sociosanitaire qui constituent autant de culs-de-sac : la privatisation et l’étatisation. La privatisation comporte des dangers suffisamment clairs pour que les auteurs ne les discutent pas. L’étatisation quant à elle pose deux problèmes : transformer les citoyens en consommateurs passifs de services définis et gérés par d’autres (providentialisme) en plus d’avoir démontré déjà son incapacité à améliorer la santé et le bien-être de la population. L’économie sociale est ainsi « un antidote à la privatisation tout en permettant de dépasser les limites du providentialisme ». On laisse miroiter la promesse de services de proximité de bonne qualité, démocratiques et ayant une visée sociale parce que gérés par des multistakeholders, soit les usagers, les travailleurs et des représentants concernés de la communauté. Tout un défi ! Et quel bilan peut-on tirer de l’expérience de l’économie sociale en aide domestique ? Sur la base des treize monographies et d’autres documents statistiques notamment portant sur ces entreprises, le portrait demeure mitigé. Car à la différence des organismes communautaires (que les auteurs catégorisent comme faisant partie de l’économie sociale, point sur lequel nous reviendrons), les entreprises de ce secteur n’ont pas qu’une visée sociale. Elles visent aussi la rentabilité. Cette exigence fait en sorte qu’elles ont tendance à dévier de leur mission sociale première : soutenir les personnes aux prises avec des incapacités. Ainsi, on apprend que les 103 EÉSAD qui existent actuellement au Québec rejoignent proportionnellement moins de personnes âgées en perte d’autonomie en 2002 (50 % de la clientèle) qu’en 1998 (61 %) et les auteurs se demandent si ce n’est pas une stratégie explicite que de chercher des ménages actifs aux dépens des personnes âgées afin d’augmenter les revenus. Dans le même sens, six des treize entreprises étudiées de façon approfondie ne respectent pas l’entente convenue au Sommet économique délimitant le champ d’intervention des EÉSAD afin de ne pas empiéter sur le terrain des services assumés par les auxiliaires familiales des CLSC. Conséquences de cet empiètement sur le terrain des services publics, les usagers paient pour des services normalement gratuits et les personnes qui les offrent n’ont pas nécessairement les qualifications, la formation et l’encadrement appropriés. De plus, plusieurs entreprises ont introduit une surtarification ou ont des conditions d’accès restrictives (comme ne pas se déplacer pour des contrats de moins de trois heures, obliger un ménage hebdomadaire, ce qui remet ainsi en doute l’accès « universel » qui serait offert par le secteur public. Notons aussi que ces mesures auront un effet spécifique sur les femmes âgées non seulement parce qu’elles sont les plus grandes utilisatrices de ces services mais aussi parce qu’elles sont proportionnellement plus pauvres que les hommes âgés. Peu d’information est fournie sur la qualité des services offerts ; on parle plutôt de mécanismes mis en place pour assurer cette qualité ou pour solliciter l’appréciation des usagers. Mais ces derniers n’ont presque pas droit de parole dans cet ouvrage. Quant aux promesses démocratiques de cette forme de prestation de services, le bilan est aussi très mitigé. Outre les coops d’usagers (12 sur les 103 entreprises) où les …

Parties annexes