In memoriam

Gilles Houle (1947-2006)[Notice]

  • Robert Sévigny

…plus d’informations

  • Robert Sévigny
    Professeur émérite,
    Université de Montréal.

Né à Drummondville en 1947, Gilles Houle est décédé subitement à Paris – où il était de passage pour une soutenance de thèse de doctorat en cotutelle – le 3 décembre 2006. Il était professeur titulaire au Département de sociologie de l’Université de Montréal depuis le début des années 1980. Gilles Houle avait étudié la sociologie d’abord à l’Université Laval de 1967 à 1971 avant de poursuivre ses études de doctorat à l’Université d’Aix-en-Provence sous la direction de Nicole Ramognino. De retour de France, il avait travaillé comme chercheur à l’Institut supérieur des sciences humaines de l’Université Laval avant d’entreprendre une carrière universitaire. La bibliographie des principaux travaux de Gilles Houle qui apparaît plus loin permettra de mesurer la nature et l’ampleur de ses réalisations, mais aussi de saisir la complexité et la cohérence de son activité intellectuelle au cours de sa carrière universitaire, malheureusement écourtée par son décès. Ses travaux ont porté sur la sociologie du Québec et sur les perspectives méthodologiques et épistémologiques de la discipline. Il a étudié ce Québec qui, tout en se mouvant lentement vers la modernité, n’oubliait pas son passé rural ni son passé de petites villes. Il avait choisi délibérément d’analyser un monde industriel et économique qui, à l’origine, était fondé sur l’apport d’artisans, de techniciens, de patrons qui, chacun à leur façon, aidaient le Québec à dépasser la ruralité sans la renier. Dans ses écrits, il avait aussi exploré l’expérience de l’intimité. Il étudiait toujours un monde où les « réalités » ont un « sens ». Cette allusion au couple réalité-sens rappelle deux aspects de la démarche intellectuelle de Gilles Houle. D’une part, les préoccupations épistémologiques n’étaient jamais absentes de ses travaux, j’y reviendrai. Mais en même temps, la distinction – et à certains moments, l’opposition – entre réalité et sens situe bien un moment de l’histoire de la sociologie au Québec et ailleurs : le moment où « le sujet est mort », disait-on dans les termes de l’époque. Gilles Houle a souligné quelque part qu’il avait connu le « retour du sujet » et qu’il y avait même participé. Quand il rappelait cette période récente de l’histoire de la sociologie, c’était toujours avec un sourire en coin car, dans sa sociologie à lui, le sujet avait toujours été présent. Non pas qu’il ait tenu pour acquis tout ce que les spécialistes des sciences humaines avaient attribué à ce sujet récemment redécouvert. Au contraire, il en a critiqué de multiples aspects, mais la question du sens demeure au coeur de son oeuvre. Mon premier vrai contact avec Gilles Houle eut lieu en 1988. Il avait alors commenté mon projet de recherche sur la sociologie implicite d’intervenants en santé mentale du point de vue de l’épistémologie. Il m’en a encore reparlé quelques mois avant sa mort. Il était toujours radicalement contre mon emploi du terme « sociologie » pour rendre compte de la connaissance de l’acteur social. Depuis ce moment, il a fait un long chemin avec moi et d’autres collègues sur l’élaboration de la sociologie clinique. Il n’était pas particulièrement intéressé aux interventions des sociologues cliniciens. Ce qui retenait son attention était l’analyse clinique elle-même. Adopter la posture clinique, pour lui, permettait de pousser au bout ses analyses épistémologiques. En discutant avec Gilles ou en lisant ses textes, j’ai toujours pensé que son intérêt pour la méthodologie et l’épistémologie – ou tout au moins sa façon de les aborder – venait de ses premières expériences de recherche sur le terrain auxquelles j’ai fait allusion plus haut. Faire de la sociologie économique, pour lui, c’était comprendre ce monde encore assez petit …

Parties annexes