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1. Introduction

La filière typique de systèmes de lagunage conventionnels est constituée de plusieurs bassins qui fonctionnent en série (bassin anaérobie, bassin facultatif et bassin de maturation); de plus grands systèmes ont souvent deux ou plusieurs files qui fonctionnent en parallèle. À la différence des bassins facultatifs et de maturation où une proportion élevée de carbone organique est transformée en cellules algales, dans les bassins anaérobies, le carbone organique est converti principalement en méthane et dioxyde de carbone (PICOT et al., 2003). La conversion en biogaz semble être le mécanisme le plus intéressant du traitement, étant donné que la présence d’algues réduit la qualité de l’effluent. Cependant, l’utilisation de bassins anaérobies reste souvent relativement peu fréquente en conséquence du dégagement de gaz malodorants (PAING et al., 2003).

Au fond des bassins, la couche de boue formée est due à la sédimentation des solides en suspension, des algues et des bactéries qui se développent au sein des bassins (NELSON et al., 2004). En raison de la complexité des processus mis en oeuvre au sein des dépôts, les sédiments sont l’objet de nombreux échanges à l’interface : nutriments, oxygène, matières organiques ou éléments minéraux sous formes soluble et particulaire. Le relarguage de certains éléments, et parfois même des métaux lourds stockés dans les sédiments, représente aussi un des inconvénients de cette accumulation.

En s’accumulant, les sédiments réduisent le volume d’eau utile des bassins, diminuent le temps de séjour hydraulique, modifient la forme superficielle du fond (PENA et al., 2000) et, par conséquent, ont une action sur l’efficacité des performances épuratoires du système (SCHNEITER et al.,1984). Cette accumulation impose donc un curage périodique coûteux en matière de frais de fonctionnement.

Cependant, l’évaluation du taux d’accumulation des sédiments détermine la fréquence de curage des boues, qui devrait être intégrée au programme de maintenance ainsi que dans la fixation du budget de fonctionnement lors de la construction des bassins. Actuellement, l’estimation du taux d’accumulation par la méthode empirique volumétrique (taux d’accumulation par équivalent habitant) est la plus courante (MARA et al., 1992; OAKLEY, 1998).

La distribution spatiale des sédiments est principalement liée à la configuration des bassins (FRANCI, 1999). Elle peut avoir un impact significatif sur l’hydraulique et, par conséquent, sur l’efficacité du traitement. Cependant, le volume et les propriétés physico-chimiques des sédiments changent au cours du temps suite à la dégradation anaérobie, la compression et l’inactivation des pathogènes (NELSON et al., 2004).

Malgré cette accumulation inévitable, la gestion des boues est rarement prise en compte en raison du manque d’informations portant sur le taux d’accumulation, la distribution des boues dans les bassins ainsi que les caractéristiques physico-chimiques de ces dernières.

Ce travail a donc porté sur l’application du lagunage pour le traitement d’eaux, sous climat méditerranéen, avec pour objectifs l’étude de l’accumulation et la distribution des sédiments, d’une part, et, d’autre part, la détermination des caractéristiques physico-chimiques ainsi que les variations horizontale et verticale des caractéristiques des sédiments accumulés, en particulier dans le bassin facultatif.

2. Matériels et méthodes

2.1 Description du site expérimental

La station pilote étudiée est branchée sur le réseau d’assainissement de la ville de Tunis. Les eaux usées sont pompées à partir du collecteur principal desservant les cités El Menzeh et Mutuelleville. Les eaux issues du décanteur primaire (de volume 2,3 m3 et de diamètre 1,8 m), qui sert essentiellement de prétraitement, se déversent dans un répartiteur où sont installés des déversoirs. Ces derniers alimentent différentes filières de traitement et, notamment, celle de lagunage. Le débit moyen alimentant la filière lagunage et calculé sur toute la période de fonctionnement des lagunes est égal à 34,9 m3•j‑1 (Tableau 1).

Tableau 1

Programme de fonctionnement du système de lagunage.

Operation program of the lagoon system.

Programme de fonctionnement du système de lagunage.

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La filière de lagunage comprend quatre bassins disposés en série (Figure 1) : un bassin anaérobie (B0) de 29,6 m2 de surface par 3,25 m de profondeur, un bassin facultatif (BI) de 98,57 m2 de surface par 1,44 à 2,34 m de profondeur, ainsi que deux bassins de maturation (BII et BIII), avec respectivement 121,79 m2 par 118,93 m2 de surface et 1,34 m par 1,22 m de profondeur (Figure 2). Sachant que le dernier curage a été effectué en août 1996 et qu’en raison des problèmes de maintenance, ainsi que pour des besoins d’entretien, le fonctionnement de la station a été discontinu, le nombre de mois de fonctionnement de cette filière (BI, BII et BIII) a été de 97 mois depuis 1996. Par contre, le bassin anaérobie a été en arrêt pendant plus ou moins deux années (1996-1998). Le bassin facultatif était alors alimenté directement.

Figure 1

Schéma de la disposition des bassins de lagunage.

Diagram showing the layout of the stabilizationponds.

Schéma de la disposition des bassins de lagunage.

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Figure 2

Profil des bassins du système de lagunage.

Profile of the lagoon system ponds.

Profil des bassins du système de lagunage.

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Selon une communication personnelle d’un rapport interne de l’ONAS (Office National de l’Assainissement en Tunisie), un habitant tunisien rejette 33 g de DBO par jour. Compte tenu de la charge en DBO dans l’eau usée brute mesurée à l’entrée du bassin anaérobie (9,3 kg•j‑1), le nombre théorique d’équivalents habitants desservi par cette station pilote est égal à 282. Les charges appliquées ainsi que les concentrations moyennes ont été calculées en tenant compte du nombre de mois de fonctionnement.

2.2 Mesure de l’épaisseur et de l’accumulation des sédiments

Les épaisseurs de sédiments correspondant à 97 mois de fonctionnement ont été déterminées par mesure directe au moyen d’une perche, selon un maillage de 11 mètres établi sur chaque bassin. La technique est transposée des travaux du CEMAGREF, puis modifiée par l’unité « Assainissement et Environnement » du département sciences et gestion de l’environnement de l’Université de Liège. L’épaisseur des sédiments résulte de la soustraction de la profondeur totale du bassin, mesurée par une tige principale et celle de la tranche d’eau mesurée par une tige glissante, munie à son extrémité inférieure d’un disque poreux qui descend le long d’une tige principale jusqu’à la surface des sédiments. La différence entre les hauteurs de ces deux tiges détermine l’épaisseur de la tranche de dépôts.

Les profils tridimensionnels de surface ont été reconstitués grâce à un logiciel de cartographie de surface (Surfer Version 8.00, Golden Software Inc., Golden, Co.). Ce logiciel a été également utilisé pour estimer le volume total de boue dans chaque bassin. Ce volume est calculé par intégration de la surface des sédiments selon la méthode Simpson’s 3/8.

Le taux d’accumulation annuel exprimé en (cm•an‑1) est le rapport entre le volume total de boue et la surface du fond du bassin par le nombre d’années ou de mois de fonctionnement. Le taux d’accumulation exprimé en (m3•EH‑1•an‑1) est le rapport entre le volume total de boue (Vs) relatif à chaque bassin (estimé grâce au logiciel Surfer) et le nombre d’équivalents habitants par le nombre de mois de fonctionnement. Le taux d’accumulation exprimé en (kg MS•EH‑1•an‑1) est le rapport entre la masse de matière sèche totale calculée pour chaque bassin et le nombre d’équivalents habitants par le nombre d’années ou de mois de fonctionnement. La masse de matière sèche totale pour chaque bassin est le produit du volume total de boue (Vs) par la concentration moyenne des sédiments en matière sèche (MS en g•L‑1) dans chaque bassin.

2.3 Échantillonnage

Des échantillons d’eau ont été prélevés aux entrées et sorties des différents bassins, sur lesquels des analyses physico-chimiques ont été réalisées. D’autre part, les données relatives aux travaux antérieurs (FKIH, 2003; JEDIDI, 2002; RAOUINE, 1999) réalisés sur la même filière de traitement ont aussi été exploitées. Le tableau 2 donne une idée de la qualité des effluents aux différents points d’échantillonnage.

Tableau 2

Caractéristiques physico-chimique de l'eau à l'entrée et à la sortie des différents bassins ((Moy. : moyenne; (*) Moyennes calculées à partir des valeurs individuelles des années 1998, 1999, 2000, 2003; (**) Valeurs moyennes (n = 4) de mesures individuelles de l'année 2005).

Physical-chemical characteristics of water at the inlets and outlets of the ponds ((*) mean of individual values of years 1998, 1999, 2000, 2003; (**) mean value of year 2005 (n = 4)).

Caractéristiques physico-chimique de l'eau à l'entrée et à la sortie des différents bassins ((Moy. : moyenne; (*) Moyennes calculées à partir des valeurs individuelles des années 1998, 1999, 2000, 2003; (**) Valeurs moyennes (n = 4) de mesures individuelles de l'année 2005).

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Des échantillons de sédiments ont été prélevés à différents points (entrée, milieu et sortie des bassins) à l’aide d’une benne. Les caractéristiques des sédiments en MS (exprimé en g•L‑1) de chaque bassin correspondent à la valeur moyenne des analyses de ces échantillons.

Afin d’étudier les variations verticales et horizontales des concentrations en azote total (NT), phosphore total (PT), carbone total (CT), MS et MV, les prélèvements ont été réalisés au niveau du bassin facultatif (BI), du fait qu’il renfermait la quantité la plus importante de boue. La technique utilisée est celle du prélèvement par carottage. Cette dernière permet de récolter les sédiments en conservant leur structure, en particulier la stratification verticale du dépôt. Ainsi, l’échantillon est prélevé en enfonçant verticalement un tube cylindrique en plexiglas, de 30 cm de longueur et de 5 cm de diamètre intérieur (Figure 3), dans la couche de sédiments. Ce tube est ouvert à son extrémité inférieure, tandis que son extrémité supérieure est équipée d’une soupape anti-retour. Maintenu au bout d’une longue barre métallique, ce système peut être utilisé à différentes profondeurs. La variation horizontale a été étudiée en considérant deux sites (entrée et sortie) du bassin facultatif BI au niveau desquels cinq réplicats de carottes ont été prélevés. La variation verticale a été étudiée sur 18 carottes prélevées au niveau du bassin facultatif BI. Celles-ci ont été congelées puis découpées en tronçons de 2 cm d’épaisseur. Les paramètres suivants ont été mesurés selon les techniques décrites dans AFNOR (1983) : azote total (NT), phosphore total (PT), carbone total (CT), MS (après séchage à 105 °C) et MV (après combustion à 525 °C).

Figure 3

Système de carottage des sédiments.

Sludge coring apparatus.

Système de carottage des sédiments.

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3. Résultats et discussion

3.1 Accumulation de boue

Au niveau du bassin facultatif (BI), la distribution des sédiments est loin d’être homogène. L’épaisseur des sédiments varie entre 4 et 84 cm (Tableau 3). Ils sont plus épais dans le premier compartiment du bassin, ce qui correspond à une profondeur de 2,34 m. Dans ce contexte, CAVALCANTI et VAN HAANDEL (2001) ont montré que si le bassin est subdivisé en sections, le brassage est réduit au minimum et les solides en suspension tendront à se déposer dans la première section du bassin. D’autres auteurs ont observé cette hétérogénéité de la distribution des sédiments : CARRE et al. (1990); NELSON et al. (2004) et SCHNEITER et al. (1984) ont démontré que, dans le cas d’un bassin facultatif à une seule entrée, les sédiments s’accumulent directement à l’entrée. Selon NELSON et al. (2004), l’installation de tuyaux d’alimentation additionnels permettrait une distribution plus homogène des sédiments au niveau des bassins.

Tableau 3

Épaisseurs moyennes et vitesses d'accumulation des sédiments au niveau de chaque bassin (vitesse moyenne d'accumulation est le rapport entre l'épaisseur moyenne des sédiments et le nombre d'années de fonctionnement).

Average thickness and accumulation rate of sediment in each pond (accumulation rate is the ratio between sediment average thickness and the number of years of operation).

Épaisseurs moyennes et vitesses d'accumulation des sédiments au niveau de chaque bassin (vitesse moyenne d'accumulation est le rapport entre l'épaisseur moyenne des sédiments et le nombre d'années de fonctionnement).

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Au niveau des deux bassins de maturation (BII et BIII), l’épaisseur maximale des sédiments est enregistrée aux entrées et sorties des bassins. Une forte accumulation s’est également produite au niveau des angles morts (Figures 4b et 4c). Comme l’avaient déjà constaté d’autres auteurs (LEGEAS et al., 1992; NAMECHE et al., 1997 NARASIAH et al., 1989; SCHETRITE et RACAULT, 1995), les zones les plus favorables à la décantation des particules en suspension semblent correspondre à l’entrée et la sortie des lagunes où se forme un cône de déjection, souvent à l’origine de certains disfonctionnements des bassins. Plusieurs explications ont été présentées dans la littérature. Ainsi, selon HAMMOU et al. (1992) et MIDDLEBROOKS et al. (1982), les sédiments devenant anaérobies peuvent être soulevés par la production de gaz résultant de la décomposition anaérobie; ces masses flottantes sont alors entraînées vers les coins par le vent. Selon BILHALVA et al. (2004) qui avaient effectué des mesures sur un bassin facultatif en fonctionnement sous conditions de vent intense, une accumulation importante due à l’action du vent peut être enregistrée au niveau de la zone d’admission.

Figure 4

Répartition spatiale des sédiments au niveau des trois bassins : (a) bassin facultatif BI, (b) bassin de maturation BII, (c) bassin de maturation BIII.

Sludge distributions in the three ponds: (a) facultative pond BI, (b) maturation pond BII, (c) maturation pond BIII.

Répartition spatiale des sédiments au niveau des trois bassins : (a) bassin facultatif BI, (b) bassin de maturation BII, (c) bassin de maturation BIII.

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Au cours de cette étude, les taux annuels d’accumulation déterminés au moyen de la perche varient entre 1,3 et 4,1 cm par an. Ces taux calculés sur les bassins B0, BI, BII et BIII sont respectivement 3,46, 4,1, 1,6 et 1,3 cm par an et la valeur moyenne calculée sur toute la station est de 2,61 cm par an (Tableau 3). Ces résultats sont comparables à ceux trouvés par HAMMOU et al. (1992) qui ont indiqué un taux d’accumulation de 4,3 cm par an, après huit ans de fonctionnement et un taux d’accumulation de 2,7 cm par an après 14 ans de fonctionnement. NELSON et al. (2004) donnent un taux d’accumulation qui varie entre 1,9 et 2,1 cm par an au niveau de trois bassins facultatifs au Mexique, après trois à dix années de fonctionnement. ITO (2001) a présenté des taux d’accumulation faibles malgré le nombre d’années de fonctionnement. Cet auteur, qui a présenté les résultats obtenus par TSUTIYA et CASSETTARI (1999), a indiqué un taux d’accumulation de l’ordre de 2,2 cm par an sur un bassin facultatif après 12 années de fonctionnement. NACIMENTO (1999) a relevé, quant à lui, un taux d’accumulation de 1,33 cm par an sur un bassin en fonctionnement depuis 15 années.

BARON et al. (1987), qui avaient effectué des mesures au moyen des pièges à sédiments sur des lagunes naturelles précédées d’un décanteur-digesteur, avaient obtenu des vitesses d’accumulation de l’ordre de 1,5 à 2 cm par an. NAMECHE et al. (1997) ont par contre enregistré des vitesses d’accumulation de l’ordre de 4,7 cm par an sur des lagunes aérées et naturelles précédées d’un dégrilleur-dessableur.

D’autre part, PICOT et al. (2001) ont enregistré des vitesses d’accumulation de l’ordre de 4,3 à 8,6 cm par an dans un bassin facultatif primaire après huit années de fonctionnement, mais sans prétraitement préalable. Par contre, dans le cas des bassins anaérobies de Mèze, situés en France, ces auteurs ont calculé un taux d’accumulation de 62 cm par an après sept mois d’opération et 12 cm par an après 18 mois de fonctionnement.

PICOT et al. (2001) témoignent qu’il est important de mentionner la durée de fonctionnement, car l’intensité d’accumulation est influencée non seulement par la charge appliquée, mais aussi par l’efficacité du traitement épuratoire, ainsi que par l’âge des sédiments.

Dans les travaux de PICOT et al. (2005), les taux d’accumulation annuels varient entre 0,8 à 2,7 cm par an sur 19 bassins, après 12 à 24 années de fonctionnement, mais ils n’ont trouvé aucune variation du taux d’accumulation pour une lagune dont la période de fonctionnement varie entre 13,5 et 17,5 années. Ainsi, ces auteurs témoignent que le taux d’accumulation n’est donc pas constant, sa réduction au cours du temps est due à la dégradation anaérobie ainsi qu’à la consolidation des sédiments. Après deux années de fonctionnement, les sédiments déposés deviennent plus denses, bien compressés et minéralisés, avec un taux d’accumulation annuel linéaire plus faible, comme l’ont montré SCHETRITE et RACAULT (1995).

Comme d’autres auteurs l’ont fait auparavant, le taux d’accumulation annuel est exprimé en volume de boue•habitant‑1•an‑1 (ou poids de MS•habitant‑1•an‑1), afin de pouvoir comparer les taux d’accumulation dans des bassins ayant des rapports surface/volume différents.

Cependant, le taux d’accumulation total correspondant à l’ensemble des bassins B0, BI, BII et BIII est égal à 0,029 m3•EH‑1•an‑1 (Tableau 4). Cette valeur est faible par rapport à celles reportées par PICOT et al. (2005) qui ont enregistré une valeur moyenne de 0,064 m3•EH‑1•an‑1 sur 19 bassins facultatifs situés au sud de la France et en opération pendant 13 à 24 années. Par contre, elle est comparable à celle reportée par PICOT et al. (2003) sur un bassin anaérobie (0,017 m3•EH‑1•an‑1).

Tableau 4

Production de boue dans chaque bassin (Vs : volume des sédiments calculé par le logiciel Surfer dans le cas de BI, BII et BIII et à partir de la moyenne des hauteurs de sédiments dans le cas de B0, Vt : volume total de chaque bassin, MS : concentration de la matière sèche déterminée sur un échantillon moyen à partir de prélèvements à l'entrée, milieu et sortie de chaque bassin, EH : équivalent habitant).

Sludge production in each pond (Vs: sediment volume calculated by the Surfer software for ponds (BI, BII and BIII) and by the mean of sediment thickness for the pond (B0); Vt: total volume of each pond; DM: Dry matter reported on average samples collected at the inlet, centre and outlet of each pond; PE: person-equivalent).

Production de boue dans chaque bassin (Vs : volume des sédiments calculé par le logiciel Surfer dans le cas de BI, BII et BIII et à partir de la moyenne des hauteurs de sédiments dans le cas de B0, Vt : volume total de chaque bassin, MS : concentration de la matière sèche déterminée sur un échantillon moyen à partir de prélèvements à l'entrée, milieu et sortie de chaque bassin, EH : équivalent habitant).

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Dans le cas de notre étude, le taux de production de boue estimé sur l’ensemble de l’installation (0,029 m3•EH‑1•an‑1) est proche de ceux obtenus par GOMES DE SOUSA (1988), qui a mesuré une moyenne de (0,02 m3•EH‑1•an‑1) au Portugal, ainsi que ceux de NELSON et al. (2004) qui ont enregistré des taux d’accumulation qui varient entre 0,021 à 0,036 m3•EH‑1•an‑1 au Mexique et qui ont suggéré qu’il existe plusieurs facteurs pouvant conditionner le taux d’accumulation par équivalent habitant. Parmi ceux-ci, on peut citer les rejets industriels, les pluies diluviennes ainsi que l’infiltration. NELSON et al. (2004) ont aussi montré que 0,04 m3•EH‑1•an‑1 est une valeur estimée raisonnable pour des bassins anaérobies et facultatifs localisés dans une région centrale du Mexique, ainsi que dans les régions où la température moyenne est au-dessous de 20 °C.

Sur un bassin de traitement d’effluent d’un réacteur UASB, CAVALCANTI et al. (2002) ont enregistré une valeur de 0,028 m3•EH‑1•an‑1 sous climat tropical. Par contre, sous climat océanique, CARRE et al. (1990) ont quant à eux enregistré une valeur moyenne de 0,12 m3•EH‑1•an‑1 sur 12 bassins primaires.

Le calcul de la production de boue en m3•EH‑1•an‑1 n’est pas, selon nous, la meilleure façon d’exprimer les résultats car la concentration des boues peut varier. Ainsi, il nous semble préférable d’exprimer la production en poids sec par équivalent habitant et par an. Le taux d’accumulation total calculé sur l’ensemble de l’installation est égal à 4,14 kg MS•EH‑1•an‑1, avec une température moyenne de l’eau qui varie entre 32 °C et 12 °C (GHRABI et FERCHICHI, 1994). Cette valeur est proche de celle obtenue par NELSON et al. (2004), qui ont enregistré une valeur de 3,48 kg MS•EH‑1•an‑1 sur un bassin facultatif au Mexique.

3.2 Caractérisation des sédiments dans le cas du bassin facultatif

Le tableau 5 regroupe les moyennes des résultats d’analyses physico-chimiques effectuées sur 18 carottes prélevées au niveau du bassin (BI) et découpées en 98 tronçons.

Tableau 5

Caractéristiques des sédiments du bassin facultatif (%) g•100 g-1 matière sèche, MF : matière fraîche.

Sediment characteristics for facultative pond: % dry matter; FM: fresh matter.

Caractéristiques des sédiments du bassin facultatif (%) g•100 g-1 matière sèche, MF : matière fraîche.

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Les résultats d’analyse montrent que les sédiments présentent des teneurs élevées en matière organique (51,3 %). Ces valeurs peuvent être comparées à celles trouvées par ZANOTELLI et al. (2005) (cette référence concerne des lisiers de porc) qui ont enregistré des valeurs de 56 % pour (MV) et 24,6 % pour (MS) sur des sédiments d’un bassin anaérobie précédé d’un décanteur. CARRE et WELTE (1986) ont indiqué des valeurs de 17,4 % pour (MS) et 27,4 % pour (MV) sur des sédiments qui proviennent du bassin de tête de la station d’épuration par lagunage naturel de la commune de la Chapelle Thouarault (France).

Dans le cas de notre étude, les résultats d’analyse de sédiments ont montré une relative pauvreté en éléments fertilisants (NT et PT), par rapport à des produits tels que fumier, lisier et boues aérobies stabilisées qui ont été décrits par LEGEAS et al. (1992). L’utilisation agricole des boues constitue leur devenir le plus logique, bien que leur composition ne leur confère pas toujours un intérêt agronomique particulier. Dû à leur longue maturation dans le fond des bassins, les teneurs en azote et phosphore sont faibles (LEGEAS et al., 1992). Quand le lagunage se fait en plusieurs bassins, les boues issues du premier sont celles qui possèdent la valeur fertilisante la plus élevée (CARRE et WELTE, 1986). L’utilisation agricole et la détermination des quantités à épandre devraient donc tenir compte de ces variations de composition.

3.3 Variations horizontale et verticale des caractéristiques de sédiments

La comparaison entre les caractéristiques de sédiments prélevés à l’entrée et sortie du bassin facultatif montre qu’il n’existe pas de différence significative. Les rapports MV/MS calculés au niveau des deux sites considérés (entrée et sortie) sont respectivement 0,52 et 0,50 (Tableau 6), indiquant ainsi que la boue est bien minéralisée comparée à une boue de stations de types boues activées. D’après PICOT et al. (2005), si le rapport MV/MS est inférieur à 0,6, la boue est considérée comme complètement stabilisée.

Tableau 6

Caractéristiques des sédiments à l'entrée et à la sortie du bassin facultatif (%) g•100 g-1 matière sèche, MF : matière fraîche.

Sediment characteristics at the inlet and the outlet of the facultative pond: % dry matter; FM: fresh matter.

Caractéristiques des sédiments à l'entrée et à la sortie du bassin facultatif (%) g•100 g-1 matière sèche, MF : matière fraîche.

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Des travaux antérieurs de CARRE et BARON (1987) et NELSON et al. (2004) ont montré que la teneur en matière sèche à l’entrée est supérieure à celle en sortie, du fait d’une fraction plus importante de sable et de fraction minérale qui sédimentent préférentiellement à ce niveau. Cette différence peut aussi être liée à la compression des sédiments à l’entrée, due à une épaisseur plus importante. Dans le cas de notre étude, les particules minérales ont déjà décanté pour l’essentiel dans le décanteur primaire ainsi que le bassin anaérobie situé en tête des bassins de lagunage étudiés.

Lors de l’étude de la variabilité verticale des différentes caractéristiques des sédiments, le bassin facultatif a été subdivisé en deux parties : partie (a), la plus profonde (2,34 m) située à l’entrée du bassin et partie (b), d’une profondeur de 1,44 m et située près de la sortie du même bassin. En raison de la différence entre l’épaisseur des différentes carottes prélevées, les échantillons issus de la première et deuxième moitié ont été traités à part.

La figure 5 montre qu’il existe une forte corrélation entre l’épaisseur des sédiments et la teneur en matière sèche (R= 0,9), avec des valeurs qui varient de 1 % à l’interface eau-sédiment jusqu’à 23 % au fond du bassin. Des résultats similaires ont été trouvés par CARRE et BARON (1987) et NELSON et al. (2004) qui confirment que la teneur en matière sèche dans la couche la plus profonde est supérieure à celle à la surface. L’augmentation de la teneur en matière sèche avec la profondeur est liée à l’âge des sédiments et au phénomène de compression.

Figure 5

Relation entre l'épaisseur des sédiments et la teneur en matière sèche (MS), 0 correspond au niveau du fond du bassin.

Relationship between sediment thickness and dry matter content. 0 corresponds to the bottom of pond.

Relation entre l'épaisseur des sédiments et la teneur en matière sèche (MS), 0 correspond au niveau du fond du bassin.

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Aussi bien dans le cas des carottes prélevées au niveau de la partie (a) que celles prélevées au niveau de la partie (b), la teneur en matières volatiles dans la couche de surface correspondant à des sédiments jeunes est supérieure à celle de la couche la plus profonde ou la plus ancienne. Ces résultats confirment les observations de SOMIYA et FUJII (1984).

La figure 6, donnant les profils verticaux de la teneur en carbone, azote, et phosphore, montre une diminution importante du contenu en carbone et azote en fonction de la profondeur, liée au processus de minéralisation qui se produit à long terme.

Figure 6

Répartition verticale des teneurs en MS, MV, CT, NT et PT au niveau des parties (a) et (b) du bassin facultatif, 0 correspond à l'interface eau-sédiment.

Vertical variation of sediment content in DM, VM, TC, TN and TP, in sections (a) and (b) of the facultative pond. 0 corresponds to the sediment-water surface.

Répartition verticale des teneurs en MS, MV, CT, NT et PT au niveau des parties (a) et (b) du bassin facultatif, 0 correspond à l'interface eau-sédiment.

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Des études antérieures portant sur l’analyse de l’eau interstitielle des sédiments ont montré qu’à l’interface eau-sédiment, l’échange est gouverné principalement par diffusion moléculaire. Selon NAMECHE et al. (1997), des mécanismes biologiques et physiques tels que la bioturbation et l’advection influencent également le taux d’échange entre les sédiments et l’eau interstitielle.

4. Conclusion

Sous climat méditerranéen, la production de boue mesurée sur la filière pilote de lagunage, alimentée par un effluent décanté, est relativement faible par rapport aux valeurs rapportées dans la littérature, probablement en raison des températures plus élevées. La valeur du taux d’accumulation estimée sur toute la station et calculée à partir du volume total de boue produite dans l’ensemble des bassins est de 0,029 m3•EH‑1•an‑1, ce qui correspond à un total de 4,14 kg MS•EH‑1•an‑1. Les productions de boue applicables en Tunisie seront validées au moyen de la nouvelle méthode de mesure des épaisseurs des sédiments comprenant un DGPS (Diferential Global Positioning System) couplé à un échosondeur JUPSIN et al. (2009). Cependant, il n’est pas recommandé d’exprimer la production de boue en volume (m3•EH•an‑1), car la concentration des boues peut varier en fonction de l’âge, la composition et la compression des dépôts. D’autre part, un équivalent habitant est comptabilisé différemment d’un pays à un autre. Nous suggérons donc de calculer une production de boue ramenée à une charge (kg MES ou DCO (boue)•kg‑1 DBO ou DCO (éliminée), comme dans le cas des systèmes de type boues activées. À titre d’exemple, une première estimation de la production de boue estimée sur l’ensemble de la station est de 0,25 kg DCO (boue)•kg‑1 DCO éliminée) correspondant à un taux de production de matière sèche équivalent à 0,34 kg MS (boue)•kg‑1 DCO (éliminé). Il serait donc intéressant de rassembler ce type de données sur les installations et de voir, par conséquent, l’intérêt de développer de nouvelles méthodes de mesure de production de boue.

La distribution des sédiments au sein des trois bassins est loin d’être homogène, avec une accumulation maximale aux entrées et sorties des bassins. Du point de vue de leurs propriétés physico-chimiques, ces sédiments se caractérisent par leur teneur relativement importante en matières organiques et leur relative pauvreté en éléments fertilisants. Ces derniers ne devraient toutefois pas limiter leurs possibilités de valorisation agricole, qui restent d’ailleurs la principale voie pour l’élimination de ces sous-produits organiques. Cependant, une attention particulière devra être portée sur la réutilisation des sédiments en raison de leur pouvoir de rétention des micropolluants, notamment les métaux lourds.

L’étude de la variabilité horizontale des sédiments a montré qu’il n’existe pas de différence significative entre les caractéristiques des sédiments prélevés à l’entrée et à la sortie du bassin facultatif BI. Cependant, l’étude de la répartition verticale des paramètres, tels que MS, MV, CT, NT et PT, a montré que ces derniers dépendent de la profondeur.