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Consommation des benzodiazépines

Entre 10 et 20 % de la population nord-américaine consomment des drogues psychotropes depuis plus d’un an dont 80 % consomment des benzodiazépines (BZD). Les résultats de l’Enquête de Santé Québec (Laurier et al., 1990) rapportent que 5,3 % des répondants âgés de plus de 15 ans ont utilisé des BZD au cours des deux jours précédents. Les BZD sont habituellement prescrits par le médecin de famille pour diminuer les troubles d’anxiété et l’insomnie. Par ailleurs, elles peuvent également diminuer les attaques de panique, les plaintes psychosomatiques telles que la migraine et la dermatite et elles peuvent aussi agir à titre de relaxant musculaire dans le traitement des problèmes de tics moteurs et de convulsions. Bien que le risque d’abus volontaire soit faible, l’incidence de la sur-utilisation de BZD est élevée et s’observe par la sur-prescription, la possession excessive de médicaments et le non-respect du dosage prescrit.

La dépendance

Un problème majeur de la consommation des BZD est la dépendance pharmacologique qu’elle entraîne après un traitement d’environ huit semaines. Aussi, la probabilité de poursuivre la consommation au-delà de cette période est élevée. La dépendance aux BZD risque de se produire chez n’importe quel patient après huit semaines de traitement à des doses normales. Petursson (1995) rapporte que la consommation d’alcool ou de médicaments dépresseurs du système nerveux central prédisposerait les individus à développer une dépendance physiologique aux BZD. La dépendance pharmacologique est définie par une inadaptation des sites des récepteurs en l’absence du médicament, après qu’ils se soient adaptés à celui-ci. Le terme « syndrome de dépendance » selon le DSM-IV inclut la préoccupation, l’usage compulsif et la rechute, qui comprennent autant des critères de dépendance pharmacologique que psychologique (Miller et Gold, 1990). Plusieurs auteurs ont noté l’importance des facteurs psychologiques de la dépendance pharmacologique mais les symptômes distinguant les dépendances psychologique et physique ne sont pas encore bien établis. Par ailleurs, la dépendance aux BZD devient problématique lorsqu’une personne souhaite mettre fin au traitement et qu’elle ne peut y parvenir ; lorsqu’une utilisation prolongée entraîne des problèmes ultérieurs d’adaptation et lorsque la qualité de vie de la personne est compromise par la prise du médicament. Paradoxalement, la prise chronique de BZD peut produire des difficultés d’adaptation au fur et à mesure que la tolérance se développe, créant de l’anxiété, des attaques de panique, de la dépression, de l’agoraphobie, de l’insomnie et de l’hostilité (Bisserbe et al., 1992). Si la dépendance se développe, elle peut entraîner de profondes modifications du caractère, du sommeil, de l’appétit, des attitudes envers les autres et envers soi-même, ainsi que des difficultés au niveau des relations interpersonnelles (Miller et Gold, 1990). L’utilisation des BZD dans certains cas peut même entraîner des réactions désinhibitoires se manifestant entre autres par une augmentation de l’anxiété, une hyperactivité, une désinhibition sexuelle, des rêves vivides, de l’hostilité et de la rage (Paton, 2002). Des études rapportent aussi que l’efficacité des BZD à long terme dans le traitement de l’insomnie diminue considérablement et entraîne d’avantage d’effets secondaires que la thérapie cognitivo-comportementale (Edenshaw, 2001).

La stratégie habituelle de sevrage consiste à diminuer progressivement la médication, soit en remplaçant un médicament par un autre possédant une longue demi-vie, soit par la réduction du dosage. Par exemple, Biserbe et al. (1992) recommandent une diminution du quart de la dose initiale durant deux semaines et de la moitié durant trois à quatre semaines, pour ensuite poursuivre de façon hebdomadaire avec le huitième ou le dixième de la dose jusqu’à la cessation complète. Comme pour les autres types de dépendance, le sevrage s’effectue selon une courbe négative exponentielle où l’atteinte du dosage final représente la plus grande difficulté pour le client. Bien que la période où il y a le plus de symptômes de sevrage rapportés se situe entre deux jours et deux semaines selon les BZD de courte ou de longue durée, le sevrage peut se prolonger et les symptômes d’anxiété et la dépression peuvent durer des mois (Juergens, 1993). Néanmoins, une partie de la clientèle peut diminuer l’utilisation du médicament sans aucun problème, dépendamment du dosage et du ratio de retrait (Ashton, 1984). Le tableau 1 illustre les demi-vies des principales benzodiazépines. Les réactions de sevrage se produisent un à trois jours après l’arrêt des médicaments de courte demi-vie et quatre à dix jours avec ceux de longue demi-vie. On constate que le retour des symptômes (émergence du problème original) est commun si la personne cesse subitement de prendre la médication. Ainsi, ces effets de sevrage représentent un obstacle considérable au succès thérapeutique avec un taux de rechute de 80 à 95 % (Klosko et al., 1990).

Tableau 1

Demi-vie des benzodiazépines

Demi-vie des benzodiazépines

Tableau 1 (suite)

Demi-vie des benzodiazépines

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Les symptômes de sevrage

Tyrer et al. (1988) ainsi que Rickels et al. (1988) considèrent que 40 % des utilisateurs chroniques souffrent de symptômes de sevrage sévères. Les symptômes plus légers peuvent également persister jusqu’à 24 mois après le traitement et impliquent 70 % des utilisateurs chroniques et ponctuels. Le sevrage est défini par un nouveau patron de symptômes d’une durée limitée ne faisant pas partie du tableau initial d’anxiété alors que la rechute est caractérisée par le retour de l’état d’anxiété initial. L’effet rebond est qualifié par une augmentation de l’anxiété au-dessus du niveau initial, ce qui peut être causé par le sevrage et la rechute combinés (Juergens, 1993). Les symptômes de sevrage sont au départ causés par le système nerveux autonome : tremblements, diaphorèse, sensibilité à la lumière et aux bruits, diminution du sommeil, symptômes gastro-intestinaux (Miller et Gold, 1990). Le sevrage et les symptômes de rebond sont souvent difficiles à distinguer l’un de l’autre. Ils sont similaires et peuvent évoluer pendant la première semaine après l’arrêt et plafonner deux à trois semaines plus tard. Les symptômes communs de sevrage aux BZD s’apparentent à ceux de l’anxiété. Toutefois, la nausée, la perte d’appétit, la dépression, le sentiment d’irréalité et l’augmentation de la perception sensorielle sont davantage des symptômes liés au sevrage qu’au rebond. La principale stratégie à adopter afin d’éviter les symptômes de sevrage est de diminuer progressivement la dose, de rassurer le patient et de procéder de façon conservatrice. Malgré tout, quelques études démontrent que 20 à 80 % des patients rechutent après l’arrêt de la médication (Davidson, 1990). Des tentatives ont été faites afin de combiner d’autres formes d’interventions psychothérapeutiques pendant le sevrage (Nagy et al., 1989) ou même de substituer la médication, mais il n’existe pas un tel ensemble de traitements disponible à ce jour. Comme avec toute dépendance aux médicaments, il existe de grandes différences individuelles quant aux symptômes de sevrage et quelques indications à l’effet que la personnalité prémorbide, de même que la durée de la dépendance et le dosage peuvent être des facteurs prédictifs des problèmes d’adaptation (Murphy et Tyrer, 1991). Dans certains cas, le sevrage a même déclenché une dépression, de la manie et un trouble obsessionnel-compulsif (Roy-Byrne, 1991). D’autres facteurs pouvant exacerber les symptômes du sevrage sont le dosage préalable (que le médicament ait été utilisé au besoin ou selon un horaire établi par le médecin) ainsi que la présence de traits de dépendance névrotique.

Les interventions psychosociales

Il existe un consensus à l’effet que l’arrêt des BZD devrait s’effectuer conjointement avec d’autres interventions non médicales comme la consultation psychologique, le soutien social et la psychothérapie (Juergens, 1992) et que l’absence de toute forme d’aide ou de soutien peut nuire considérablement au processus de sevrage (Fraser et al., 1990). Les interventions psychosociales ont prouvé leur efficacité comme traitement principal ou associé à la pharmacothérapie lors de problèmes d’anxiété tels que les phobies, le trouble panique et l’anxiété généralisée (Barlow et al., 1992). Ces interventions ont aussi démontré leur efficacité en les comparant aux BZD pour le traitement de l’insomnie (Lacks et Morin, 1992). De plus, elles ont été utilisées pour contrer les symptômes de sevrage et la prévention des rechutes lors de cas de dépendance à la drogue (Marlatt et Gordon, 1985). Différentes interventions psychologiques à long terme sont requises selon la sévérité du problème et du type de substances utilisées. Par contre, peu d’études ont permis d’évaluer la qualité des programmes de sevrage aux BZD à ce jour puisque la plupart de celles recensées dans la littérature ont des lacunes importantes au plan méthodologique telles que l’absence de groupe de comparaison (Oude et al., 2003).

Figure 1

Facteurs prédictifs d’une adaptation immédiate et à long terme à un sevrage aux benzodiazépines

Facteurs prédictifs d’une adaptation immédiate et à long terme à un sevrage aux benzodiazépines

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Le concept de la tolérance psychologique

Une des principales questions non résolues à propos de l’utilisation des BZD est la distinction entre les authentiques symptômes biochimiques générés par le sevrage (lesquels sont liés à la pharmacodynamique et à la pharmacocinétique des BZD, du dosage, et de l’adaptation des récepteurs), et les symptômes de rebond. Il y a également l’occurrence de symptômes d’anxiété additionnels : le retour du problème d’anxiété originel allié à de nouveaux problèmes créés par l’anticipation des difficultés et la perte des effets positifs immédiats dus à ceux-ci. Ces symptômes se ressemblent bien souvent et les critères habituellement utilisés pour les distinguer sont vagues, variables et peu fidèles (Ashton, 1984). En fait les symptômes peuvent être impossibles à différencier pour trois raisons principales : (a) la manière de rapporter les différents symptômes diffère beaucoup d’un individu à l’autre ; (b) la gravité des symptômes rapportés n’est pas nécessairement liée à des facteurs objectifs tels que le dosage et le type de BZD (de courte ou de longue durée) ; (c) l’habileté des individus à tolérer et à s’habituer aux symptômes détermine le niveau de détresse perçue durant le sevrage ainsi que son succès (Tyrer et al., 1983). Il semble alors plus approprié de favoriser une meilleure tolérance psychologique aux symptômes peu importe leur source plutôt que de tenter de distinguer les symptômes réels de sevrage de ceux psychogènes puisque pour le patient, les deux sont importants et entraînent de la détresse. Ce construit de tolérance psychologique est essentiellement un construit cognitif. Le degré de tolérance repose sur trois habiletés cognitives distinctes : (a) l’interprétation correcte de la signification des symptômes et de leur implication pour la santé ; (b) la confiance à pouvoir affronter les sensations immédiates du sevrage ; (c) la capacité de la personne à ne plus se percevoir comme étant dépendante des BZD ce qui permet de développer une nouvelle image de soi autonome (Gabe, 1994).

Une étude descriptive a soutenu que les problèmes d’adaptation chez les personnes en processus de sevrage (en comparaison avec des personnes consommant des BZD et avec d’autres ne prenant pas de BZD mais présentant les mêmes diagnostics) dépendent de facteurs cognitifs tels que l’anticipation des effets du sevrage et la capacité à les affronter. De précédentes études ont conclu que les facteurs psychosociaux comme la personnalité et le soutien social sont aussi importants pour une adaptation réussie (O’Connor et al., 1999). Par contre, nos résultats préliminaires révèlent qu’une analyse beaucoup plus fine des variables psychosociales et cognitives est nécessaire. Afin de réussir le sevrage et de prévenir la rechute, l’accent a principalement été mis sur de tels mécanismes cognitifs au cours des dernières années. Par exemple, lors du sevrage au tabac, augmenter la confiance des fumeurs à pouvoir s’adapter aux symptômes ressentis peut fortement les aider à les tolérer (O’Connor et Langlois, 1998). Lors d’une rechute de consommation d’alcool, le développement d’une image de soi capable de s’auto-contrôler favorise le succès du sevrage (Vaillant, 1983). Une autre étude rapporte qu’un locus de contrôle interne de même qu’un contrôle perçu par la personne sur les médicaments constituent des facteurs déterminants dans un processus de sevrage (Elsesser et Sartory, 1998). Enfin, élaborer une nouvelle interprétation des symptômes somatiques de l’anxiété aiguë constitue une excellente façon de réussir à amoindrir cette anxiété.

L’étude préliminaire

Dans une étude préliminaire (O’Connor et al., sous presse), nous avons examiné les caractéristiques du sevrage lors d’observations effectuées en milieu naturel en notant les succès et les échecs ainsi que les difficultés reliées au sevrage. Cette étude ne comportait pas d’intervention psychosociale mais les participants étaient encouragés à utiliser un programme de diminution graduelle en accord avec le médecin traitant, consistant en une réduction hebdomadaire du quart du dosage pour les premiers 75 % et se poursuivant avec le huitième, suivi du dixième de la dose initiale et ce jusqu’à l’arrêt complet. Les patients ont été suivis pour une durée allant de 12 à 21 semaines avec une durée moyenne de 15 semaines. Au-delà de ces 21 semaines, l’échec était constaté et tous les efforts de diminution de la posologie étaient arrêtés. Les patients ont été évalués à trois moments différents. Le niveau de base a été évalué 2 à 4 semaines avant de débuter la diminution (T0). Les patients ayant réussi leur sevrage étaient à nouveau évalués 4 à 10 jours après l’arrêt complet (T1). Cette période de temps a été choisie afin de coïncider avec la réadaptation chimique maximale des sites de récepteur des BZD où les possibilités de rechutes sont les plus élevées. Les patients n’ayant pas été capables de cesser leur médication ont été évalués 4 à 7 jours après avoir décidé avec leur clinicien que toute diminution de consommation du médicament cesserait (T1’). Les patients ayant réussi ont été évalués à nouveau après 3 mois (T2 : toujours sans médicament). Une période d’abstinence de trois mois a été considérée comme suffisante pour garantir le succès du sevrage, puisque la plupart des rechutes surviennent avant ce délai. En cas de rechute avant la fin de cette période, les patients étaient revus le plus rapidement possible après avoir recommencé leur consommation de BZD (T2’ : rechute).

De hauts niveaux de détresse psychologique (Préville et al., 1992) et d’inhibition comportementale (Widlocher et Pull, 1988) présents avant le début d’un traitement ont été reliés à l’échec, à des difficultés de sevrage et à la rechute. Ces traits, qui sont d’intensité variable pour chaque individu, ont été plus fortement associés avec les résultats finaux, que les groupes diagnostiques et la mesure de l’anxiété en tant que tel. Cela suggère donc que ce sont les états psychologiques reliés à la perception de ce que chaque individu pense pouvoir accomplir qui constituent les meilleurs indicateurs de sa réussite. Bien que le niveau de sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1982) n’ait pas été clairement relié au succès ou à l’échec à la toute fin (T1, T2), il a été associé avec la rechute au T2’. Le sentiment d’efficacité personnelle a évolué de manière différente en fonction du succès durant la période de sevrage progressive, ce qui suggère qu’il est cliniquement important de porter une attention particulière aux variables reliées au processus d’arrêt.

Le but de la présente étude consiste donc à examiner les effets d’interventions en fonction des variables psychosociales durant le traitement. L’objectif de cette étude est en continuité avec l’étude antérieure qui visait à examiner l’importance des diverses variables psychosociales et leur rôle dans le succès d’un sevrage. Nous avons donc développé un programme d’aide au succès de sevrage (PASSE) inspiré de l’approche cognitivo-comportementale afin de favoriser la réussite du sevrage. Le programme était surtout axé sur une augmentation de la tolérance psychologique face au sevrage dont les principales composantes identifiées antérieurement sont l’anticipation du sevrage, la confiance à pouvoir affronter le sevrage et la capacité d’être autonome sans médication. Le manuel du participant conçu pour cette nouvelle étude a été divisé selon les résultats d’études préalables afin de faciliter l’arrêt de la médication et de prévenir la rechute. La thérapie visait à travailler avec les effets immédiats du sevrage (voir figure 1). Nous avons donc comparé le traitement PASSE avec un groupe témoin impliqué dans des rencontres de soutien social sans aucune composante inspirée de l’approche cognitivo-comportementale. Les hypothèses formulées pour cette étude sont les suivantes : le groupe ayant reçu la thérapie cognitivo-comportementale démontrera moins de cas de rechute et de troubles d’adaptation après l’arrêt et trois mois plus tard que le groupe de soutien. Celui-ci démontrera à son tour moins de cas de rechute que le groupe contrôle n’ayant reçu que des consultations.

Méthodologie

Participants

Quarante-huit patients adultes âgés entre 21 et 65 ans ne souffrant pas d’anxiété d’origine psychotique depuis au moins trois mois ont été recrutés par le biais d’annonces dans les journaux et sur les babillards pour un traitement d’une durée minimale de huit semaines. Les critères d’inclusion et d’exclusion apparaissent au tableau 2.

Tableau 2

Critères d’inclusion et d’exclusion

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Procédure de sevrage

Tous les médecins traitants qui ont référé les participants connaissaient les buts de l’étude et ils (elles) étaient aveugles quant au groupe auquel appartenaient leurs patients. Le médecin coordonnateur (N. M.) fut chargé de faire en sorte que les procédures de sevrage soient de la plus grande uniformité. Il n’existe pas de méthode de sevrage standardisée mais la plus utilisée implique une réduction hebdomadaire du quart de la dose initiale durant 5 semaines jusqu’à un maximum de 43 jours, selon le type de demi-vie du médicament. Les patients ont été évalués à trois reprises : 1 mois avant la diminution de la médication (T0), entre 2 et 14 jours après avoir cessé la médication selon un calcul basé sur la demi-vie du médicament (T1) et 3 mois après l’arrêt (T2). Cette période de diminution a été choisie afin de coïncider avec les moments les plus intenses de réadaptation chimique post-sevrage. Le délai de 3 mois correspond au moment où une rechute peut facilement survenir (Ashton, 1984).

Évaluation finale du processus de sevrage

Les résultats finaux, après le délai de trois mois, sont évalués qualitativement en termes de rechute ou de succès. Quelle que soit la dose ou le type de médicament, si un sujet a recommencé à consommer des BZD, il est alors considéré comme ayant rechuté. Au contraire, si un sujet n’a toujours pas repris de BZD après le sevrage, il a réussi le sevrage. Enfin, une relance est effectuée environ 1 an après la fin du programme par le biais d’une entrevue téléphonique et d’un envoi postal auprès des participants ayant complété leur programme. Ce suivi est effectué auprès de tous les participants indépendamment du succès ou de l’échec du processus de sevrage.

Le Programme d’aide au succès du sevrage des benzodiazépines (PASSE)

Le programme PASSE est conçu pour être administré à un groupe de participants durant une période de 20 semaines. Ceux-ci devaient accomplir des exercices réguliers décrits dans leur manuel personnalisé. Ce dernier était divisé en trois sections : (1) la préparation ; (2) le passage à l’action ; (3) le maintien du sevrage.

La préparation

Le premier mois des rencontres hebdomadaires de groupe a été consacré à la préparation au sevrage. Celles-ci consistaient pour les participants à répondre à de nombreux questionnaires, à évaluer leurs connaissances des BZD ainsi que leurs effets, leur motivation à cesser la médication et leur anticipation à propos de leur succès et de leur future qualité de vie. De l’information leur a été transmise à propos de la nature et des effets des BZD, de la diminution de la médication et du programme en soi. Les croyances et les mythes à propos du sevrage ont également été abordés. Quarante questions courantes, à propos des BZD, ont été répondues et notées. L’importance des anticipations antérieures à propos de la préparation a été abordée à l’aide d’exercices montrant de quelle façon ces anticipations peuvent produire des prédictions trompeuses.

Un scénario personnalisé a été élaboré afin de montrer à quel point une mauvaise préparation peut être néfaste. Une préparation positive, empreinte d’une attitude plus souple à propos des anticipations a aussi été élaborée, en se basant sur des évidences présentes et des expériences antérieures. Une approche réaliste à la préparation prend également en considération les habiletés et les ressources de la personne, plutôt que d’associer de mauvaises anticipations à des peurs imaginaires.

Des échanges ont porté sur des interprétations et des préjugés fréquents à propos du sevrage, mettant en évidence l’importance de ne pas interpréter exagérément les événements, d’adopter une attitude empreinte de flexibilité et d’éviter de faire des généralisations à propos des risques d’échec. De plus, le manuel incluait également de l’information sur les attributions qui sont particulièrement importantes puisque la personne peut devenir extrêmement vigilante aux manifestations physiques inhabituelles et associer exagérément celles-ci au processus de sevrage. Afin d’éviter cette réaction, les patients ont reçu un guide en quatre étapes permettant d’identifier objectivement toutes les sensations et de les distinguer des variations physiologiques et psychologiques normales. Tous les clients ont tenu un journal quotidien de leur état cognitif et physique durant le mois précédant le sevrage afin d’évaluer les variations normales de l’humeur et de l’état de santé. Deux autres mécanismes d’adaptation ont été enseignés durant la préparation : la tolérance aux symptômes et la diminution de la sensibilité à l’anxiété. La tolérance aux symptômes de sevrage implique de se détacher des symptômes de sevrage et de s’habituer progressivement à ceux-ci, tout en sachant qu’à long terme, ils disparaîtront. La diminution de la sensibilité implique quant à elle qu’il n’y ait pas d’exagération des sensations d’anxiété et que ces réactions n’accroissent pas, en elles-mêmes, l’anxiété.

Le passage à l’action

Le sevrage a débuté à la cinquième semaine du programme et fut divisé en quatre étapes. La première, « le passage à l’action », s’est échelonnée de la sixième à la neuvième semaine. Chacun des clients suivait hebdomadairement un protocole basé sur ses expériences personnelles. Lors des réunions de groupe, les membres devaient identifier les pensées et sensations physiques qui représentaient une difficulté. Ils devaient déterminer sommairement si ces difficultés étaient nouvelles, reliées au sevrage ou non, s’il s’agissait de l’effet rebond d’un problème ou encore d’une variation normale. Le participant décidait alors du plan d’action à adopter, choisissait la ressource documentaire ainsi que la stratégie appropriée et complétait le plan d’action en appliquant la stratégie choisie jusqu’à la semaine suivante. À la fin de la semaine, un retour était effectué et les conséquences du plan d’action ainsi que les effets sur la poursuite du sevrage étaient abordés lors d’une discussion de groupe.

En complément, dix fascicules supplémentaires ont été fournis aux participants au fur et à mesure que les thèmes étaient abordés durant les sessions de thérapie et chacun d’entre eux répondait à un aspect précis du sevrage. Les thèmes sont présentés au tableau 3.

Tableau 3

Fascicules fournis aux participants inclus dans le manuel

Fascicules fournis aux participants inclus dans le manuel

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La seconde phase de sevrage, intitulée « Lâchez pas la patate », s’est déroulée de la dixième à la treizième semaine. Elle commençait d’abord par la récapitulation du cheminement parcouru afin de noter de façon spécifique toutes les nouvelles connaissances acquises. Par la suite les stratégies à long terme et les façons de surmonter les difficultés telles que la faible estime de soi, l’absence de soutien social, une pauvre qualité de vie et la sensibilité et la tolérance face à l’anxiété ont été présentées/discutées.

La troisième étape, s’étendant des semaines 14 à 17 portait sur le thème « presque arrivé : plus qu’un dernier effort ». La première partie de cette section visait à mettre l’accent sur les difficultés et les sensations désagréables finalement vaincues. Cette étape visait à faire prendre conscience aux participants de leur maîtrise des principaux outils nécessaires à l’arrêt complet de la médication, soit leur capacité à tolérer la diminution du dosage et à affronter tous les obstacles reliés. De plus, les avantages de la réduction de la consommation des BZD ont été soulignés. C’est également à ce moment précis que les participants devaient déterminer la date à laquelle le sevrage devait être complété.

Les trois dernières semaines, soit de la dix-huitième à la vingtième, mettaient l’accent sur la « prévention de toute rechute ». À cette étape, le sevrage était complété. Les participants se préparaient donc à la fin des sessions de groupe et à poursuivre leurs efforts avec l’aide du manuel et des conseils reçus. Ils étaient encouragés à réviser les stratégies apprises, à se remémorer leurs succès, à exploiter de nouvelles ressources personnelles développées grâce au programme, à entrevoir de nouvelles actions et à affronter de nouvelles situations sans retomber dans leurs anciens comportements problématiques.

Un autre objectif du programme visait à apprendre aux participants à auto-évaluer leur motivation et leur confiance en eux, à s’encourager par de courtes affirmations constructives, à ne plus se considérer comme des consommateurs de BZD et à penser que cette période de leur vie n’a plus de raison d’être. De plus, le programme visait à entrevoir les nombreux avantages de leur future existence en tant que non-consommateur, à être vigilant lors de situations risquées et, en cas de rechute, à ne pas dramatiser la situation, à analyser objectivement ce qui n’a pas fonctionné. Enfin, on a également encouragé la poursuite des liens interpersonnels développés entre les membres du groupe. Finalement, à la fin du programme, chaque participant a reçu un certificat d’attestation de leur participation : leur PASSE-port pour une vie sans BZD.

La condition de soutien social

Le groupe de soutien social s’est réuni au même rythme que le groupe de thérapie cognitivo-comportementale avec au moins un des thérapeutes en commun. Ses participants ont suivi la même diminution de leur consommation de BZD et ont également utilisé un manuel de sevrage soulevant les principales thématiques reliées au sevrage (pensées et comportements problématiques). Par contre, bien que les mêmes thèmes aient été abordés dans les deux conditions d’entraide, aucune technique cognitive ou comportementale n’a été proposée dans la condition soutien social et les échanges ont plutôt pris la forme de questions ouvertes. Par exemple, à propos du contrôle de l’anxiété, on a demandé aux participants : Qu’est-ce que l’anxiété ? Quelle en est la cause ? Quelles sont les conséquences de l’anxiété au quotidien ? Suite à ces discussions de groupe, les principaux éléments étaient résumés et on demandait aux participants de noter toutes les réflexions qu’ils avaient durant la semaine. Chaque semaine un thème différent était abordé et la procédure de soutien se répétait. Ainsi, aucune stratégie n’a été suggérée et toute demande spécifique d’un participant était discutée au sein du groupe.

L’intégrité du traitement

Les participants étaient choisis au hasard pour faire partie du groupe de soutien social ou de la thérapie cognitivo-comportementale (PASSE). Chacun des groupes de traitement (PASSE et soutien social) comptait 12 participants qui se réunissaient alternativement les lundis soirs ou les mercredis soirs afin de contrôler pour les effets liés au temps de mesure. Lors de chacune des sessions, la présence ou l’absence de BZD et de métabolites était vérifiée par un test EMIT effectué au département de biochimie hospitalier au hasard par deux personnes de chaque groupe. Chaque séance de groupe a été enregistrée par vidéo dans le but d’évaluer l’intégrité.

La formation des thérapeutes

Tous les thérapeutes ont reçu une formation à l’aide de deux groupes pilotes composés chacun de quatre personnes permettant de les familiariser avec la thérapie et les protocoles d’intervention. Toutes les séances de thérapie ont été filmées afin d’assurer l’intégrité du traitement et ont été suivies d’une évaluation aléatoire. Un des thérapeutes participait aux deux groupes alors que les deux autres ne se consacraient qu’à un seul des deux. Cette procédure avait pour objectif d’uniformiser les thérapies et de permettre un contrôle additionnel de l’intégrité du traitement en plus des évaluations aléatoires des vidéos. De plus, des évaluations du protocole des thérapeutes et de la condition de traitement ont été complétées à la fin du traitement par les participants.

Les rencontres avec les médecins ont eu lieu à la sixième, la huitième, la onzième, la quatorzième, la dix-septième et la vingtième semaine et respectent un protocole de diminution progressive du dosage créé par O’Connor et ses collaborateurs (sous presse). Les médecins, aveugles au type de traitement reçu, n’ont fait aucune psychothérapie et n’ont engagé aucune discussion de groupe. Seules les questions concernant les effets des médicaments ont été abordés lors des rencontres avec les médecins. La dernière rencontre effectuée à la vingtième semaine coïncidait avec la cessation des programmes de soutien pour les deux groupes d’intervention (PASSE et soutien social).

La condition conventionnelle de sevrage

Les deux conditions de traitement (PASSE et soutien social) ont été comparées à un groupe ne recevant aucun traitement mais effectuant un sevrage habituel sous supervision médicale uniquement (O’Connor et al., sous presse).

Les instruments de mesures

À trois reprises, les sujets ont reçu une évaluation clinique et psychologique d’une durée approximative de trois heures. Les questionnaires portaient sur trois sujets : des instruments de diagnostic clinique et des mesures des facteurs médiateurs de sevrage (figure 1) et des mesures quantitatives d’adaptation précédant et suivant le sevrage.

Les outils d’évaluation diagnostique clinique suivants ont été complétés au T0 et ont servi à établir les caractéristiques cliniques de l’échantillon afin de les comparer entre eux. L’Entrevue structurée pour les troubles anxieux selon le DSM-IV, une adaptation québécoise de Boivin et Marchand (1996) du Anxiety Disorders Interview Schedule for DSM-IV (ADIS-IV) (Brown et al., 1994, 2001), a été utilisée afin d’établir les diagnostics. Bien que l’ADIS-IV a été principalement conçue pour les troubles anxieux, elle contient aussi des questions diagnostiques pour les troubles de l’humeur, les troubles somatoformes, les abus de substances, les troubles psychotiques et les problèmes médicaux. L’administration de l’ADIS-IV donne des informations sur la présence des troubles de l’Axe I avec des cotes de sévérité. Une étude préliminaire révèle une bonne fiabilité entre les critères diagnostiques du DSM-IV et ceux de l’ADIS-IV. La fidélité au test-retest pour l’ADIS en ce qui concerne les différents troubles anxieux montre des Kappa qui s’établissent entre .60 et .86 des mesures médiatrices de sevrage ont été complétées au temps 0 et ont servi à établir l’équivalence des groupes.

Les mesures des facteurs médiateurs de sevrage complétées au T0 incluent : l’Eysenck Personality Inventory (EPI) (Eysenck et Eysenck, 1963, 1970) est une mesure standard de l’introversion et de l’extroversion qui a été validée en français et qui permet également d’établir des sous-échelles de sociabilité et d’impulsivité. L’extraversion (LES) et le trait névrotique (CNS) ont été reliés à des comportements de dépendance. Une troisième échelle mesure la désirabilité sociale.

Tableau 4

Conditions de recherche

Conditions de recherche

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Le Life Experience Survey (LES) (Sarason et al., 1978) mesure les expériences tant négatives que positives des participants ainsi que les sources d’anxiété dans 57 sphères de l’existence. L’habituel coefficient de stabilité se situe entre 0,63 et 0,64 (Sarason et al., 1978). Uniquement les résultats négatifs corrèlent avec ceux du STAI. Par ailleurs, il n’y a aucun lien avec l’échelle de désirabilité sociale selon l’étude de Lepage (1985).

Des mesures quantitatives de l’adaptation sont effectuées au tout début (T0), après l’arrêt de la médication (T1) et à la fin (T3) de l’expérimentation.

La Spielberger State-trait Anxiety (STAI) (Spielberger et al., 1983) est une mesure de l’anxiété en tant que trait et état qui a été standardisée sur une population québécoise (Bergeron, 1976). La fidélité de l’échelle de caractère Cronbach s’étend de 0,83 à 0,92. Chez les femmes, la fidélité alpha s’étend de 0,83 à 0,93 selon les situations anxiogènes et non anxiogènes (Spielberger et al., 1983).

Le Benzodiazepine Withdrawal Symptom Questionnaire (BWSQ) (Tyrer et al., 1990) est une échelle auto-administrée de 20 items catégorisant la sévérité des symptômes communs de sevrage. Elle a été abondamment étudiée avec le sevrage aux BZD et traduite en français par le Cyanamid Clinical Research (1989). Une première validation anglaise a été effectuée auprès de 230 patients dépressifs en procédure de sevrage aux BZD. Les résultats de l’étude révèlent que le score moyen obtenu au BWSQ diminue avec l’évolution du sevrage et qu’un changement dans le score prédit un succès au sevrage. De plus, il a été démontré qu’un faible score obtenu à la fin du processus de sevrage est prédictif de la probabilité de réutiliser des BZD durant les prochaines années. En somme, les auteurs concluent que ce questionnaire est un outil psychométriquement valide pour prédire l’usage futur de BZD (Couvee et al., 2002).

L’Inventaire Systémique de Qualité de Vie (Duquette et al., 1994) est un questionnaire de langue française mesurant la qualité de vie selon la capacité des sujets à réussir des objectifs personnels dans trente domaines de l’existence. Le résultat de la qualité de vie perçue représentant l’écart entre l’état actuel du sujet et son objectif visé, possède une fidélité test-retest élevée de 0,84. Les corrélations avec d’autres variables psychologiques telles la dépression, l’anxiété, le sentiment d’auto-efficacité et le stress sont modérées ou faibles, prouvant que ce questionnaire mesure uniquement cette dimension de qualité (Duquette et al., 1994).

Le Specific Performance Worries (Widlocher et Pull, 1988) est un questionnaire de dix items énumérant des difficultés anticipées causées par l’anxiété qui pourraient affecter la performance. Le clinicien détermine avec le participant le degré d’inconfort ressenti durant l’accomplissement des tâches quotidiennes. Des études portant sur la validité de contenu et de construit du questionnaire démontrent qu’il constitue une mesure efficace de l’inhibition généralisée causée par l’anxiété (Widlocher et Pull, 1988).

Résultats

Les résultats de succès et d’échec au sevrage apparaissent au tableau 5.

Tableau 5

Les résultats du succès et de l’échec du sevrage

Les résultats du succès et de l’échec du sevrage

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Les résultats des deux conditions expérimentales sont comparés à la condition contrôle. Les trois conditions sont équivalentes au niveau de base au plan des facteurs cliniques, socio-démographiques et des facteurs médiateurs de personnalité et événements de vie (tableau 6).

Le succès de sevrage

Au T2, trois mois après avoir cessé toute médication, 85 % des gens de la condition d’entraide avaient complété le sevrage et 89 % de ceux de la condition cognitivo-comportementale avaient complété avec succès la thérapie, en comparaison à seulement 39 % des participants de la condition contrôle. Cette différence entre le groupe contrôle et les groupes recevant les traitements actifs est significative (chi2 (2) = 6.96, p < 0.03). Néanmoins, en analysant ces ratios par rapport aux résultats initiaux, c’est-à-dire par rapport aux abandons du départ, le groupe cognitivo-comportemental a légèrement mieux réussi que le groupe soutien social (chi2 (1) = 2.27, p < 0.06). Le pourcentage d’abandon a été moins élevé avec le traitement cognitivo-comportemental qu’avec les deux autres conditions.

Tableau 6

Moyennes et écarts-types obtenus aux facteurs médiateurs de sevrage

Moyennes et écarts-types obtenus aux facteurs médiateurs de sevrage

SS = soutien social

CC = Comportement cognitif

EPI = Eysenck Personality Inventory

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Les résultats provisoires estimés un an après la fin du sevrage apparaissent au tableau 5. Ceux-ci sont limités puisque ce ne sont pas tous les participants qui ont atteint ce délai. Ces résultats n’ont été comptabilisés qu’avec les gens ayant complété le programme, qu’ils aient réussi ou échoué le sevrage. Ces chiffres provisoires montrent que des 26 membres de la condition contrôle, 15 ont continué de consommer des BZD comme auparavant alors que 4 participants n’ont pas réussi mais tentent à nouveau le sevrage avec l’aide d’un médecin, qu’une personne parmi celles ayant réussi le sevrage a rechuté depuis et enfin, seulement 6 des participants n’ont toujours pas recommencé à prendre des BZD. En ce qui concerne les conditions soutien social et cognitivo-comportemental, seulement un des participants dans chacune des conditions a rechuté. Il n’y a pas eu de différence dans la satisfaction face au programme, face au progrès individuel ou face aux attentes individuelles de la part des participants, quelle que soit la condition étudiée.

Mesures de l’adaptation

De plus, aucune différence n’est apparue à propos des symptômes de sevrage ou des nouveaux symptômes que ce soit au prétest ou aux relances parmi ceux ayant complété avec succès le programme. Ceci suggère donc que le succès ne s’explique pas simplement par la présence de symptômes physiologiques durant le sevrage.

Pour les résultats obtenus avec les questionnaires, on constate une différence significative entre les deux conditions expérimentales, entre le T1 et le T2 au niveau de l’anxiété (STAI de Spielberger) (F (1,18) 4.82 ; p < 0.04). Seuls les participants de la condition cognitivo-comportementale ont diminué leur anxiété après le sevrage, et également augmenté l’état de leur qualité de vie (F (1,20) 4,16 ; p < 0.05). Par contre, les participants des deux conditions de traitement actif ont manifesté une diminution de l’inquiétude de la performance (specific worries : F (2,30) 3.31 ; p < 0.05), surtout après la période préparatoire T0-T1 (F (1,19) 8.31 ; p < 0.01). Il n’y avait cependant aucune autre différence significative en ce qui concerne les autres mesures. Il y eut également une légère diminution dans les événements de vie négatifs seulement dans le groupe cognitivo-comportemental et une augmentation dans les événements de vie positifs post-traitement dans ce groupe, mais ces différences n’étaient pas significatives.

Discussion

Cette étude tente d’évaluer l’efficacité d’un traitement cognitivo-comportemental dans le cadre d’un sevrage aux benzodiazépines. Ce programme se distingue des autres approches cognitivo-comportementales puisqu’il ne met pas l’accent sur le traitement des troubles d’anxiété et du sommeil, mais sur les facteurs prédictifs du succès d’un sevrage. Ces facteurs qui incluent principalement la tolérance psychologique dont les éléments principaux sont le sentiment d’auto-efficacité, les croyances et les attentes personnelles face aux symptômes, la tolérance aux symptômes, la sensibilité à l’anxiété et sur la modification des facteurs psychosociaux comme le style de vie et l’estime de soi. Bien que les symptomatologies telles que l’anxiété et l’insomnie ont fait partie du programme, elles n’ont été considérées que comme des difficultés à court terme vécues durant le sevrage et non comme des thèmes de thérapie. Un autre aspect encourageant d’une bonne gestion à court terme des effets secondaires du sevrage réside en l’observation clinique que les personnes ayant longtemps pris des benzodiazépines puissent souffrir d’effets secondaires importants. De plus, dans certains cas, il peut ne pas y avoir de raison spécifique expliquant le début de l’utilisation des benzodiazépines, ou la cause de leur utilisation peut être un problème d’adaptation qui n’existe plus.

Tableau 7

Moyennes et écart-types obtenus aux questionnaires d’adaptation pour les deux groupes

Moyennes et écart-types obtenus aux questionnaires d’adaptation pour les deux groupes

SS = Soutien social

CC = Comportement cognitif

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D’autre part, il est intéressant de remarquer que la condition soutien social a obtenu un succès au sevrage comparable à celui de la thérapie cognitivo-comportementale et les deux conditions expérimentales obtiennent des résultats supérieurs à celui de la condition contrôle en terme de réussite au sevrage. La condition soutien social doit son succès à des facteurs sociaux non spécifiques, au soutien mutuel, au partage des expériences et aux discussions de problèmes. Même si aucune thérapie directive n’a été utilisée, les modifications des variables psychosociales prédisant la tolérance psychologique ont été comparables à celles de la thérapie cognitivo-comportementale. Par contre, la thérapie cognitivo-comportementale a démontré des résultats supérieurs par rapport au groupe de soutien en termes d’abandons et aux mesures d’adaptation post-sevrage. Cette découverte suggère qu’un sevrage fait avec l’aide d’un tel soutien social est préférable au sevrage effectué en l’absence de toute forme de soutien.

D’emblée, les résultats de l’étude suggèrent que la thérapie cognitivo-comportementale peut être employée avec succès non seulement pour traiter l’anxiété durant le sevrage aux BZD et ainsi se substituer aux effets des médicament (Otto et al., 1993), mais également pour aider à gérer efficacement les symptômes durant le sevrage. Nous avons observé dans cette étude une dissociation entre la sévérité des symptômes de sevrage et le résultat au sevrage. En fait, une personne pouvait très bien réussir le sevrage avec succès et ce malgré la présence de nombreux symptômes associés. Cette constatation suggère l’utilité d’une approche de traitement individualisé. La tolérance psychologique au sevrage qui serait un facteur important pour expliquer cette dissociation est composée comme nous l’avons remarqué, d’un amalgame de stratégies et d’habiletés psychosociales. Le programme développé dans cette étude privilégie ce type d’approche visant à travailler directement sur les multiples problématiques reliées au sevrage plutôt que sur le recours à une autre forme de médication. De plus, l’approche valorisée dans le cadre de cette étude se rapproche davantage d’une vision écologique du problème intervenant autant sur les variables psychosociales et interpersonnelles qu’au plan des différences interindividuelles. Ainsi, à notre connaissance, une seule autre étude (Oude et al., 2003) a tenté d’évaluer un programme de sevrage aux BZD en respectant les conditions méthodologiques requises (groupe témoin, critères d’inclusion/exclusion stricts, etc.). Par contre, cette étude privilégiait systématiquement une seule approche thérapeutique (la relaxation) et la perte différentielle de sujets était importante. Les résultats rapportés par Oude et al. (2003) suggèrent que la composante cognitive/béhaviorale intégrée au programme (relaxation), n’améliore pas significativement le succès au sevrage lorsque comparée à une procédure de sevrage traditionnelle. Un point important du programme de sevrage que nous avons créé constitue donc la diversité de stratégies offertes qui semble certainement profitable lorsqu’on la compare à une approche monothérapeutique.

En somme, le programme PASSE peut donc être employé avec confiance pour diminuer les symptômes de sevrage des benzodiazépines en le combinant à la thérapie cognitivo-comportementale et en l’accompagnant d’un manuel destiné au client. Notre étude a été effectuée pour répondre aux besoins particuliers d’une clientèle adulte. Il ne faudrait cependant pas supposer que les besoins des aînés ou ceux des adolescents sont identiques à ceux des adultes. Malgré tout, rien n’empêche de postuler qu’avec certaines modifications, le programme élaboré dans le cadre de notre étude pourrait se généraliser.