Débat : Faut-il supprimer les voix?

Faut-il supprimer les voix ? Là n’est pas la question ! Réponse d’un ancien entendeur de voix[Notice]

  • Roger Boisvert

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  • Roger Boisvert, jr

C’est à la suite de la prise de neuroleptiques que j’ai pour la première fois fait l’expérience d’hallucinations auditives. D’autres facteurs — entre autres une crise psychotique qui m’avait mené à l’hôpital — étaient sûrement pour quelque chose. Ma trajectoire de vie est parsemée d’expériences de troubles mentaux variés. Diagnostics : schizophrénie (j’ai eu toutes les formes connues ainsi que la plupart des symptômes listés en incluant des hallucinations pour toutes les facultés sensorielles…). J’ai aussi expérimenté des périodes récurrentes de dépression, que j’ai fini par régler moi-même pour de bon (mais ça c’est une autre question de débat…). Je suis quelqu’un qui a exploré tous les recoins de la folie — qui a pu traverser la maladie plusieurs fois sans en être trop démoli. Mais revenons à ces premiers épisodes, où les voix sont apparues… J’étais alors dans la mi-vingtaine — et je ne savais trop ce qui m’arrivait. Les premières années, j’étais dérouté par leur discours — que ces voix soient malveillantes ou bienveillantes… Je me suis même partiellement laissé mener par elles (dans un texte intitulé « Les moineaux mènent au ciel » que j’avais rédigé il y a plusieurs années, paru dans L’Entonnoir, j’illustre ce phénomène). Mais il y a toujours eu une étincelle d’intelligence en moi qui était comme une réticence à me laisser prendre en otage par toutes ces manifestations, comme si une partie était intouchée par la folie. De nature très curieux, poussé à vouloir comprendre comment elles fonctionnent, quels sont les mécanismes perceptuels en jeu, quels sont ses déclencheurs et ce qui entretient leur manifestations, je me plonge dans l’étude de ces phénomènes. Ayant toujours eu divers projets — études, travail, implication communautaire et sociale — je trouve des façons de composer avec pour continuer à mener ma vie de façon décente. Après un long parcours, j’en arrive à comprendre que les voix sont en fait mes propres pensées qui se font entendre en dehors de moi — qui se reflètent — qui réverbèrent — Les voix sont ni bonnes — ni mauvaises — elles se font parfois menaçantes — parfois bien rassurantes et même agréables ! J’en arrive à comprendre comment en atténuer les effets, les impacts et même à les réintégrer ! J’en arrive à comprendre comment elles deviennent omniprésentes et envahissent mon micro-univers — elles occupent toute la place, et c’est là que co-apparaît un sentiment de claustrophobie ! La plupart du temps, c’est ce sentiment qui peut désarçonner la personne qui entend des voix — ce qui peut interférer avec son bon jugement. Par des lectures, des interrogations, des échanges avec d’autres personnes qui comme moi entendent des voix, je découvre divers moyens pour en atténuer l’emprise — pour les dissiper. J’apprends vite que l’isolement social est un facteur aggravant — qu’il faut absolument briser. D’où l’importance des groupes d’entraide et autres groupes communautaires pour favoriser le bien-être socio-affectif et contrer le désoeuvrement — l’importance d’avoir un environnement qui soit chaleureux, accueillant, hospitalier… Et s’il arrive que l’hôpital s’avère nécessaire — il n’est pas contre-indiqué, à mon avis, en autant bien sûr que le personnel et ce milieu soient accueillants et chaleureux. L’erreur de la psychiatrie pure et dure a été de vouloir supprimer à tout prix les voix ; ou encore de les voir comme une maladie en soi, un cancer à vaincre ! La personne se sent alors invalidée, et son dérapage risque de s’accentuer. À cet égard, je suis d’accord que tenter de supprimer les voix conduit à en renforcer les symptômes de détresse. La médication comme telle peut être à certains moments …

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