Résumés
Résumé
Si le prélude en do majeur du Clavier bien tempéré a souvent été analysé pour son genre, sa forme, sa structure harmonique, voire son expression de la tonalité, les études de cette oeuvre qui en découlent ont pourtant le plus souvent été faites indépendamment de son contexte immédiat. De sorte qu’au lieu de nous révéler la pensée créatrice de Bach, ces analyses du prélude en do majeur ne nous transmettent inévitablement que la compréhension après coup qu’en avaient les commentateurs qui les ont faites. Cet article entend retracer autant que possible le cours de cette pensée créatrice, au moyen des techniques improvisatoires acquises par la pratique de la basse continue.
Abstract
Despite the “Prelude in C Major” from The Well-Tempered Clavier having been analyzed in terms of its genre, form, harmonic structure and even expression of tonality, the resulting studies of this work have often been done independently of its immediate context. Because of this, instead of revealing Bach’s creative thoughts, these analyses of the work inevitably convey the after-the-fact understanding of the authors. This article intends to, as much as possible, retrace this creative vision through the improvisatory techniques associated with the practice of basso continuo.
Corps de l’article
Je parle aux Studieux ; car tous les autres sont exclus des sciences.
Campion 1976 [1730], 4
En 1722, alors même que Jean-Philippe Rameau fait publier à Paris son Traité de l’harmonieréduite à ses principes naturels, Johann Sebastian Bach, à Köthen, termine la compilation de son Clavier bien tempéré[1]. Composée d’abord à l’intention de la « jeunesse musicale désireuse de s’instruire[2] », comme on lit sur la page de titre, cette collection de 24 préludes et fugues compte parmi les oeuvres les plus importantes de l’histoire de la musique. Par son biais, Bach, à l’instar de Rameau, se fait pédagogue ; mais son enseignement, plutôt que de prendre la forme d’une théorie écrite, prend celle d’exemples musicaux pratiques présentés selon une progression simple et constante[3]. À ce propos, il n’est pas sans intérêt de rappeler que le Petit livre de clavier[4] — dont Bach avait entrepris la rédaction au début de 1720 à dessein d’instruire son fils Wilhelm Friedemann, alors âgé de neuf ans — préserve les premières versions de onze des douze préludes initiaux du Clavier bien tempéré [5].
D’une simplicité parfaite, le prélude en do majeur qui ouvre le recueil a justement été regardé comme « un portail, une voûte d’entrée menant au temple[6] » (Gray 1938, 13 ; voir Riemann 1906 [1890], 1), offrant ainsi, peut-être, une exception au fait que :
dans le cas de Bach, l’éventuel investigateur du processus de création est très rapidement découragé dans sa recherche. Car celui-ci réalise assez tôt que Bach était un artisan remarquablement « propre », et que, si ses compositions semblent rarement avoir jailli complètement mûries de la tête du compositeur, les manuscrits contiennent peu de traces de la genèse des compositions qui y sont notées[7]
Marshall 1972, vol. i, vii
C’est donc ce « portail » que je me propose de traverser, pour ainsi dire, espérant montrer que celui-ci permet également d’entrer dans la pensée créatrice de son auteur, pour peu qu’on soit éclairé des lumières de la grammaire musicale appropriée. Mais auparavant, les interprétations d’un passage spécifique de ce prélude n’ayant jamais obtenu l’unanimité (Exemple 1), il convient de jeter un coup d’oeil rétrospectif sur quelques-unes de celles qui ont été proposées. Nous entreverrons du même coup les diverses méthodes d’analyse employées.
Interprétations d’un passage équivoque
[C]e qui est équivoque n’offre que deux sens : […] il y a un sens très-clair dans ce qui est équivoque, mais ce sens peut être trompeur.
Lafaye 1858, 335-336 ; les italiques sont de lui
Au chapitre de son traité de composition portant sur le prélude en tant que genre musical, Carl Czerny (1848-[1839], 114) donne pour modèle le prélude en do majeur réduit à son ossature essentielle (Exemple 2[8]).
La réduction originelle de Czerny propose deux accords par mesure, notés en blanches[10]. Elle s’appuie sur son édition erronée du Clavecin bien tempéré (1837) et, de ce fait, contient la mesure apocryphe — montrée ici par des crochets et non comprise dans la numérotation des mesures — ajoutée au prélude par Christian Friedrich Gottlieb Schwencke en 1801[11]. On s’explique mal, aussi, la raison pour laquelle Czerny, à la mesure 23, fausse la conduite des voix en ajoutant un do grave, jamais entendu dans la version figurée du prélude, plutôt que de considérer une doublure du fa ou du ré. En outre, sa réduction harmonique, réalisée sans aucune indication des intervalles ajoutés aux notes de la basse par des chiffres arabes ou des fonctions harmoniques par des chiffres romains[12], n’est accompagnée d’aucun commentaire analytique. Mais, puisqu’il exclut de l’ossature le si de la mesure 23, on conçoit aisément qu’il voie le la bémol comme portant l’accord de sixte et triton[13], c’est-à-dire l’accord de septième construit sur la deuxième note de la gamme mineure dans son second renversement, ou, selon la terminologie de l’époque, dans sa « troisième face[14] ». Cela peut en surprendre certains ; or, c’est aussi l’avis de Frederick Iliffe (1897, 2) et Heinrich Schenker (1969 [1932], 36-37), qui, dans leurs analyses respectives de cette oeuvre, confèrent également au si de la mesure 23 un rôle purement ornemental. Contrairement à Czerny, cependant, ces auteurs rejettent tous deux l’accord de quarte consonante (c’est-à-dire l’accord parfait dans sa « troisième face ») interpolé par Schwencke. La réduction offerte par Iliffe, également sans commentaire, se rapproche beaucoup de celle de Czerny, à ceci près qu’elle présente un seul accord par mesure (mais toujours noté sous la forme de blanches répétées), qu’elle indique le plus souvent seulement quatre des cinq voix, et que la basse y est entièrement chiffrée. Quant à l’analyse de Schenker, plus complexe et qui prend la forme graphique particulière qu’on lui connaît, elle montre les diverses relations structurelles au moyen de réductions successives allant du niveau de surface (Vordergrund) à la structure fondamentale (Ursatz), réductions qui sont toutes accompagnées des chiffres romains de la théorie des degrés[15]. Qui plus est, Schenker a largement commenté son analyse dans deux lettres adressées à l’un de ses disciples à l’hiver 1930, par lesquelles on voit qu’il comprend le passage entier autrement que ses deux devanciers[16]. Selon la notion de prolongation, principe central de sa méthode, 1) l’accord de la mesure 22 n’en est pas un de septième diminuée[17], mais le prolongement de l’accord de septième[18] précédent, la fonction de sous-dominante restant sous-entendue malgré les inflexions chromatiques (fa dièse et mi bémol) ajoutées euphoniquement, selon lui, pour adoucir la dissonance de septième majeure (fa-mi), plus forte ; 2) le fa grave de la mesure 21 se prolonge encore implicitement jusqu’à la mesure 23 : d’une part, ceci permet la résolution de la dissonance fa-mi (mes. 21) sur la consonance imparfaite fa-ré (mes. 23) selon les règles du contrepoint (retard 7-6) ; et, d’autre part, fait de cette harmonie non pas un accord de sixte et triton sur la bémol, mais de grande sixte (c’est-à-dire un accord de septième sur la deuxième note de la gamme dans sa « seconde face ») sur fa. Cette interprétation, dont la logique peut sembler forcée, trouve possiblement son fondement dans la version originelle du prélude en do majeur que contient le Petit livre de clavier de Wilhelm Friedemann. En effet, comme le montre l’Exemple 3, le passage correspondant, plus simple et entièrement diatonique, ne comporte que les trois accords (iv7-ii65-v7) considérés par Schenker dans sa structure intermédiaire (Mittelgrund) : ceux de septième sur fa, de grande sixte sur fa et de septième sur sol.
De son côté, Luce Beaudet (2016) envisage la chose d’un point de vue différent (Exemple 4).
Son analyse, établie surtout selon le paradigme du cycle de quintes i-iv-vii-iii-vi-ii-v-i, tel que formulé dans la théorie des degrés de Simon Sechter (1853), considère au contraire le contenu harmonique des mesures 23-24 comme consistant uniquement en l’accord de septième sur sol, suite logique, dans le cycle de quintes, de la dominante secondaire précédente. Par conséquent, le si de la mesure 23 y est vu comme une note harmonique et le la bémol comme une appoggiature. Cette conception trouve un appui, entre autres, chez Hugo Riemann (1906 [1890], 2-3), dans son examen du prélude fait à la lumière de sa « théorie des fonctions » (« Funktionstheorie »). Riemann (1895 [1893]) reconnaît trois fonctions tonales principales : la tonique (T), la dominante (D) et la sous-dominante (S). Au lieu de chiffres romains, son système particulier de notation donne pour ce même passage les indications f 7 <, d 9 >, g 9 >, g 7 sous la voix aiguë du prélude, la seule à être notée (deux blanches répétées par mesure[21]). Le second accord, d 9 >, est vu comme une « seconde dominante » (DD), c’est-à-dire la dominante de la dominante, et le la bémol comme la base d’un accord autonome de seconde superflue (ou septièmediminuée dans sa « quatrième face »).
Je pourrais encore multiplier les exemples à l’appui de l’un ou l’autre point de vue, mais ce n’est pas le but de cet article. Il ne s’agit pas de savoir qui a raison et qui a tort (bien que j’y reviendrai plus loin), ni de juger de la valeur de l’une ou l’autre interprétation : on ne saurait douter du fait que ces analyses du prélude en do majeur aient, chacune à leur façon, très bien servi les buts pédagogiques de leurs auteurs. Il s’agit plutôt de faire remarquer que ni les réductions simples et sommaires de Czerny et Iliffe, ni les analyses plus complexes et complètes de Riemann, Schenker et Beaudet, ne contribuent réellement à améliorer notre compréhension du processus compositionnel sous-jacent, bien que cela ne soit pas leur but premier et malgré leur utilité certaine à d’autres égards. C’est pourquoi je me propose de traiter ici cette question, en traçant, comme complément, une image aussi juste que possible de ce processus de création qui paraissait à Marshall presque impossible à retrouver. C’est là une tâche qui, cependant, ne peut être menée à bien qu’à la condition de répondre aussi parfaitement que possible à l’exigence minimale en matière d’analyse des musiques anciennes, à savoir : l’emploi d’une méthode fondée sur la grammaire musicale appropriée (Bent 1998). Car il va sans dire que les théories des degrés et des fonctions tonales du xixe siècle, de par leur anachronisme, n’offrent qu’une bien faible utilité pour ce qui est d’entrer plus avant dans la genèse des oeuvres qui leur sont antérieures. Pour mieux s’imaginer Bach composant au clavier, c’est vers la théorie de la basse continue qu’il faut se tourner[22].
L’art de la basse continue
[J]e veux donner mon secret […]. J’ai eu beaucoup d’écoliers de Théorbe, & de guitare, qui, en trois mois, n’avoient plus besoin de mes leçons
Campion 1976 [1730], 20, 22
Dans son histoire de la musique en cinq livres, Hugo Riemann (1912) intitule celui portant sur la période baroque « L’Ère de la basse continue[23] », du nom de l’une de ses innovations les plus importantes. Caractère essentiel du langage musical des xviie et xviiie siècles, la basse continue est un art qui, en effet, s’est pratiqué dans toute l’Europe pendant les deux siècles environ qui ont suivi l’avènement de la seconda prattica (Williams et Ledbetter 2001[24]). Son principe est le suivant : à partir d’une simple ligne de basse notée, le musicien jouant d’un instrument harmonique — à clavier ou de la famille des luths — crée une texture polyphonique en improvisant un accompagnement accordique[25]. Cette ligne de basse contient parfois seulement les notes elles-mêmes, mais d’autres fois des chiffres leur sont adjoints qui indiquent de façon plus ou moins précise les harmonies voulues par le compositeur. C’est pourquoi, pour bien pratiquer cet art, il est au préalable « nécessaire de posséder toutes les bonnes règles du contrepoint[26] » (Gasparini 1708, 6).
L’art de la basse continue était si fondamental aux yeux des musiciens de l’époque que Carl Czerny pouvait encore affirmer, dans le second quart du xixe siècle, que l’enseignement de la composition musicale repose essentiellement sur la basse continue et le contrepoint, et que « ces deux sciences sont incontestablement aussi essentielles au compositeur que l’orthographe et la grammaire à celui qui souhaite devenir poète[27] » (1848 [1839], iii). Deux documents confirment de surcroît le rôle primordial de la basse continue dans l’approche didactique et le processus compositionnel de J. S. Bach. Le premier est une lettre de sa main, datée du 18 mai 1727, dans laquelle il relate avoir enseigné à l’un de ses étudiants « la basse continue, et les règles fondamentales de la composition basées dessus[28] » (David et Mendel 1998, 135). Le second est une lettre bien connue de Carl Philipp Emanuel Bach décrivant les leçons de composition de son père :
Pour ce qui est de la composition, il allait directement avec ses élèves aux choses pratiques sans passer par les espèces arides du contrepoint telles que les donnent Fux et d’autres. Ses élèves commençaient leurs études par celle de la basse continue à quatre voix. Ensuite, il passait aux chorals : au début, il composait lui-même la basse et eux l’alto et le ténor, puis il leur enseignait à composer la basse. […] La réalisation d’une basse continue et l’introduction aux chorals sont sans aucun doute la meilleure façon d’étudier la composition[29]
David et Mendel 1998, 399
La quasi-synonymie des termes basse continue et composition (ou, du moins, leur très forte complémentarité) se trouve en outre clairement affirmée dans plusieurs ouvrages portant sur ces sujets, dont celui de François Campion (1976 [1716]), théorbiste dans l’orchestre de l’Académie Royale de Musique, justement intitulé Traité d’accompagnement et de composition[30]. La tradition d’accompagnement en basse continue, alors déjà vieille de plus d’un siècle[31], y trouve d’ailleurs un apport considérable qui sera repris tout au long du siècle par des théoriciens de toutes nationalités : la règle des octaves de musique[32].
Le but premier de la règle de l’octave est de fournir au musicien une formule normalisée pour l’harmonisation d’une ligne de basse non ou mal chiffrée. En d’autres mots, la règle indique l’accord le plus approprié à chacune des notes de la gamme, selon sa direction[33]. Campion (1976 [1716], planches [1-2]) la présente sous la forme de vingt-quatre gammes majeures et mineures mélodiques chiffrées, c’est-à-dire dans tous les tons des deux modes, et dont les deux prototypes — do majeur et ré mineur — sont reproduits dans l’Exemple 5.
À l’exception de la sus-dominante, lorsqu’elle se porte vers la dominante, les gammes majeure et mineure sont harmonisées de façon identique. Le contenu harmonique de la règle peut être résumé tel qu’indiqué dans le Tableau 1 (page suivante).
Cette règle relativement simple d’enchaînements des accords n’épuise aucunement, on le conçoit aisément, les possibilités auxquelles peuvent atteindre les accompagnateurs et compositeurs expérimentés. Comme l’affirme notamment Rameau à ceux de ses lecteurs qui, même éventuellement, ne passeraient pas outre la règle :
vos mains me seront témoins qu’ils [vos doigts] sont plus en habitude de faire la Petite Sixte sur le deuxième degré du Ton, que pas un autre Accord ; cependant on y peut faire aussi l’Accord de Septième, ou celui de Neuvième & Quarte[35] […] ; ainsi des autres degrez du Ton, à chacun desquels [la règle n’applique] qu’un Accord par prédilection, lorsqu’il peut s’y en trouver un ou deux autres
1732, 11 ; les italiques sont de lui[36]
Et Campion lui-même de rajouter : « à la seconde [note] du ton mineur en montant, j’aime beaucoup mieux [l’accord de petite sixte et] fausse quinte[37], au lieu de [celui de petite sixte], je trouve cet accord plus sensible, quand on procede par degrez conjoints » (1976 [1716], 11 ; les italiques sont de lui). C’est donc dans le but de compléter quelque peu le tableau qu’il fait suivre ses vingt-quatre gammes de deux autres basses chiffrées (planche [3]), l’une mineure, l’autre majeure, mais cette fois-ci contenant une pédale (« point d’orgue ») de tonique, des mouvements disjoints, ainsi que des modulations (Exemple 6).
Par ce supplément, Campion enrichit le vocabulaire harmonique fourni par la règle en y introduisant les accords de seconde (6a et 6b, mes. 2[39]), de quarte consonante (6a et 6b, mes. 5, 8 ; 6b, mes. 19, 26), de septième (6a et 6b, mes. 7 ; 6b, mes. 16, 27), de septième superflue (6a, mes. 104[40]), de septième superflue et sixte mineure (6b, mes. 10[41]), de neuvième (6a, mes. 14 ; 6b, mes. 19[42]), de sixte superflue et quarte (6b, mes. 16[43]), de quintesuperflue et tierce (6b, mes. 22[44]), de seconde superflue (6b, mes. 24), et de septième diminuée (6b, mes. 25). Par ailleurs, pour surprenante qu’elle soit, la résolution de l’accord de triton sur un accord parfait par saut de quarte descendant à la basse (6a et 6b, mes. 12-13) est un procédé tout à fait régulier et propre au langage harmonique prétonal. Saint-Lambert, entre autres, la donne également en exemple, tout en précisant les conditions de son emploi :
Quand la Basse fait trois notes de suite, dont les deux premières sont en même degré [= répétées], & la troisiéme descend d’une quarte, en tombant sur le premier temps de la mesure, [s]i la première porte un accord parfait […], la seconde doit porter un Triton, & la troisiéme un accord parfait avec mouvement contraire
1710 [1707], 26, 105[45]
Aussi, bien que la règle se pratique d’abord en « contrepoint simple », c’est-à-dire de façon accordique note contre note, rien n’interdit aux improvisateurs plus chevronnés de « monter ou descendre les octaves par d’autres accords figurez […] ; car les octaves se peuvent figurer de bien des façons differentes : neanmoins l’on y doit toûjours découvrir le veritable cannevas » (Campion 1976 [1716], 9, 18). À cet effet, plusieurs ouvrages de l’époque, dont le plus achevé est sans doute celui de Friedrich Erhard Niedt (1706), fournissent une foule de façons d’élaborer en écriture fleurie tant la ligne de basse que les accords ajoutés[46]. Dans cet esprit, la moitié ascendante de la règle pourrait être figurée ainsi, dans une texture à trois voix rappelant celle des sonates en trio (Exemple 7).
D’autre part, s’il est malaisé de connaître parfaitement les détails de l’éducation musicale qu’a reçue J. S. Bach, on peut tout au moins présumer, comme le soutient Ledbetter (2002, 53), que ceux-ci se reflètent de façon générale dans le Musicalische Handleitung de Niedt (1710 [1700] ; 1706), qui avait étudié avec son cousin Johann Nicolaus Bach. Qui plus est, J. S. Bach avait chez lui le Der General-Bass in der Composition (1728) de Johann David Heinichen, un ouvrage dont il approuvait manifestement les principes et pour lequel il agissait comme agent de vente à Leipzig[48]. Cela, à son tour, présuppose un lien étroit entre les deux musiciens et permet de penser que Bach possédait également un autre ouvrage de Heinichen, Neu erfundene und gründliche Anweisung… zu vollkommener Erlernung des General-Basses (1711), publié dix-sept ans auparavant. Tel que mentionné ci-haut (note 33), Heinichen y harmonise les gammes majeure et mineure (schemata modorum), donnant à chacune des sept notes son accord naturel (natürlichen ambitu modorum), parfois d’une manière identique à celle de Campion, parfois avec de légères variantes. Quelques années plus tard, l’un des plus ardents partisans de la règle en Allemagne, le luthiste David Kellner (1732, 29-34), reproduira les planches [1 et 2] de Campion en conservant ces mêmes dénominations (natürlichen ambitu et schemata der zwölff Dur-/Moll-Thöne), mais avec quelques modifications d’armures ; et Carl Philipp Emanuel Bach (1762, 327-328), qui l’avait sans doute reçue de son père, concevra encore la règle de Campion comme la méthode d’improvisation la plus rapide et la plus naturelle qui soit[49].
Enfin, j’ai déjà souligné que l’art de la basse continue consiste à improviser, ou, comme on le disait alors, préluder. Selon François Couperin, en effet, le « [p]rélude est une composition libre, [… faite par] des genies capables de produire dans l’instant » (1717 [1716], 60), et c’est encore ainsi que Rousseau définit le verbe dans son dictionnaire :
Préluder […, c]’est composer & jouer impromptu […]. C’est là qu’il ne suffit pas d’être bon Compositeur […], mais qu’il faut encore abonder de ce feu de génie & de cet esprit inventif qui font trouver & traiter sur le champ les sujets les plus favorables à l’Harmonie & les plus flatteurs à l’oreille. C’est par ce grand Art de Préluder que brillent en France les excellents Organistes
1768, 389 ; les italiques sont de lui[50]
Malgré son caractère local, cette affirmation doit être vue comme générale, l’art de préluder ayant été pratiqué avec le même degré d’excellence, hors de France, dans tout le reste de l’Europe. Et cela nous ramène naturellement au prélude de Bach.
Analyse du prélude en do majeur
À gens éclairés, mon tableau d’octaves suffit pour la maniére de placer un accord : & le point d’orgue, pour celle de le composer, par le secret que je vous donne
Campion 1976 [1730], 20
Il est vraisemblable que Carl Philipp Emanuel Bach, par le biais du second livre de sa méthode de clavier, transmette « la doctrine de l’accompagnement et de l’improvisation libre[51] » (1762, page de titre) telle qu’il l’avait reçue de son père. D’ailleurs, dans le dernier chapitre, qui traite de la façon dont il faut s’y prendre pour improviser un prélude, se trouve une description qui s’applique si parfaitement au prélude en do majeur qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’il avait alors cette oeuvre de son père à l’esprit :
Il y a des occasions où un accompagnateur doit improviser avant le début d’une pièce. Une telle improvisation, puisqu’elle prépare l’auditeur pour la pièce qui suit, est considérée comme un prélude. […] La tonalité principale doit d’emblée être établie et prévaloir pendant un certain temps, afin que l’auditeur ne soit pas désorienté […]. [Le claviériste] tire sa basse de la gamme ascendante et descendante du ton, en variant les chiffres de la basse continue ; il peut y insérer quelques demi-tons [c’est-à-dire du chromatisme], disposer les notes de la gamme dans l’ordre ou le désordre, et jouer le tout dans le style brisé ou soutenu à une vitesse convenable. Un point d’orgue sur la tonique aide à établir la tonalité, et ce tant au début qu’à la fin. Un point d’orgue sur la dominante est aussi efficace à l’approche de la cadence finale[52] »
1762, 327-328
Par l’expression « tire sa basse de la gamme ascendante et descendante du ton », Carl Philipp Emanuel réfère à la règle de l’octave[53]. C’est un fait que Lester (1998) a fort bien reconnu, en plus de démontrer avec éloquence que cette description procédurale peut bien s’appliquer non seulement au prélude en do majeur, mais encore à ceux en do mineur, ré majeur et mi mineur du Clavier bien tempéré [54]. Là où mon opinion diffère de la sienne, pour me limiter au prélude en do majeur qui nous occupe ici, c’est sur le nombre d’octaves impliquées. Lester considère l’ossature sous-jacente des mesures 1-19 comme étant composée d’une seule octave, et plus précisément de la moitié descendante de la règle en do majeur (Exemple 8).
Selon ce point de vue, Lester voit des accords irréguliers de septième sur les sus-dominante et sus-tonique, ainsi que de sixte sur la sous-dominante. Mais, pour qu’il y ait règle de l’octave, il ne suffit pas que la basse fasse entendre une gamme ascendante ou descendante ; il faut encore y trouver les accords prescrits par cette règle. Or, l’inadéquation harmonique de l’Exemple 8 avec le Tableau 1 est manifeste. Et pour autant qu’on puisse invoquer les quelques autres possibilités d’accords évoquées par Rameau (ci-dessus, p. 77-78), je doute fort que Bach ait fait appel à ces substitutions plus avancées dès ce premier prélude, lequel, je le rappelle, a d’abord été destiné à l’usage de Wilhelm Friedemann, puis à celui de la « jeunesse musicale désireuse de s’instruire ». Ici, comme dans tout autre domaine, il faut connaître la règle avant l’exception, un principe qui, sans doute, guidait Bach dans sa démarche pédagogique. Ayant cela à l’esprit, je vois plutôt à l’intérieur de ces dix-neuf mesures initiales plusieurs octaves, ou, devrais-je dire, fragments d’octaves. J’appuie mon opinion sur celle de Campion, qui, en parlant des modulations, s’exprime en ces termes :
La grande affaire est de sçavoir quand on change d’octave, car une Musique est un assemblage d’une partie de ces octaves ; c’est ce qui se découvre par le diéze extraordinaire à l’octave dans laquelle on est, & ce diéze extraordinaire, se rencontrant devant la notte, ou devant le chiffre [de la basse], annonce l’octave du semi ton au-dessus du diéze […]. J’accompagne une Musique en la mineur ; […] aprés avoir traité quelque temps cette octave, j’y rencontre un ré diéze : surement je suis dans l’octave du mi [;] après avoir traité quelque temps cette octave – plus ou moins, car quelquefois il n’y a qu’une notte, par ce qu’un diéze efface l’autre, le dernier ayant toûjours lieu, je rencontre un ut diéze : surement je suis dans l’octave du ré ; aprés avoir traité cette octave, je rencontre un sol diéze : sûrement je rentre dans l’octave du la, & ainsi du reste. […] Ceux qui voudront se divertir sur un Instrument, pourront faire le tour des octaves, [… qui] toutes ensemble ne composent qu’un prélude
1976 [1716], 8-9, 18[56]
Campion met ce raisonnement à l’oeuvre dans l’Addition à son traité (1976 [1730], 29), en l’appliquant à l’aria « Vous devez vous animer », tiré de l’opéra Atys de Lully, dont il reproduit la partie de basse continue pour en montrer la permutation des octaves (Exemple 9).
Le ré dièse « extraordinaire » signale l’entrée dans l’octave de mi (mes. 8-9), le fa dièse dans celle de sol (mes. 15), et le fa naturel dans celle de do (mes. 16).
Pour revenir au prélude en do majeur, j’irai même plus loin dans ma démonstration en montrant que les accords interpolés par Bach entre ceux demandés par la règle, aussi bien que ceux qui accompagnent les « points d’orgue » de sa seconde moitié, proviennent tous des formules normalisées et typiques du langage tonal naissant que proposent aux débutants les manuels d’accompagnement et de composition de l’époque[57]. Car en donnant ses préludes à l’étude, il s’agissait avant tout pour Bach de rendre familiers à ses élèves (notamment Wilhelm Friedemann) les principales formes d’accords par la pratique d’enchaînements simples et tombant facilement sous les doigts[58] (Ledbetter 2002, 117, 143). L’Exemple 10 montre donc mon analyse du prélude en do majeur d’après la pratique contemporaine de la basse continue, que je fais suivre de commentaires explicatifs.
Commentaires analytiques
Exordium
L’exorde (mes. 1-4), qui sert à établir la tonalité[60], reproduit à l’identique les quatre enchaînements initiaux des suppléments de Campion (voir Exemples 6a et 6b, mes. 1-4). Également utilisée par Dandrieu au début de plusieurs de ses « Tables pour s’exercer » (1718, tables [ix, x, xi], xii, xiii et xiv), cette formule cadentielle a le mérite de bien installer la tonalité, mais sans toutefois être trop conclusive du fait que l’accord de septième de dominante s’y trouve renversé[61]. Conformément à la règle de l’octave, la tonique porte l’accord parfait et la sensible, vu son mouvement ascendant suivant, celui de fausse quinte. Quant au passage de l’accord parfait à celui de sixte sur la tonique (mes. 4-5), qui substitue simplement à la quinte une sixte, il s’agit d’un enchaînement courant, tombant facilement sous les doigts, et avec lequel Dandrieu débute même sa « Table pour s’exercer sur l’Accord de la Septième » (1718, table [x]).
Propositio
Dès la mesure 6, apparaît un fa dièse « extraordinaire » indiquant la sortie de l’octave de do et l’entrée dans celle de sol. Dans ce contexte, les notes do et si de la basse deviennent sous-dominante et médiante (mes. 6-7), et, de ce fait, portent respectivement les accords de triton et de sixte demandés. Les mesures 8-9 qui suivent sont une transposition des mesures 2-3 précédentes, montrant une variation possible et tout aussi fréquente de la résolution de l’accord dissonant de seconde : la basse y descend toujours conjointement, mais la quinte de l’accord, plutôt que de la suivre en sixtes parallèles, reste en place pour créer une dissonance. Ce fragment d’octave de sol se conclut aux mesures 10-11, où l’accord parfait de tonique fait suite, de façon régulière, à celui de petite sixte sur la sus-tonique. Bach brouille cependant quelque peu la piste, en évitant une doublure du la par la basse (mes. 10), doublure que semblait annoncer la répétition des notes par deux amorcée à la mesure 5, pour mettre plutôt sous l’accord de petite sixte un ré grave, c’est-à-dire sa basse fondamentale selon la théorie de Rameau[62]. Ce faisant, Bach remplace l’« imitation de cadence par renversement » naturelle de la règle par une « cadence parfaite », laquelle, toujours selon Rameau (1722, 54-61), consiste à faire suivre l’accord de septième de dominante de celui parfait de tonique, tous deux dans leur « première face ».
Confirmatio
Un nouveau dièse « extraordinaire » signale l’entrée dans l’octave de ré (mes. 12-13). Cette modulation, du reste très brève, se fait de la même manière que la précédente (mes. 6-7), c’est-à-dire au moyen de la sous-dominante descendant à la médiante[63], mais à ceci près que l’accord régulier de triton sur la sous-dominante y est remplacé par celui de triton et tierce mineure, sa variante la plus proche[64]. Bach revient ensuite « à propos & naturellement » dans l’octave initiale de do (mes. 14-19), par la duplication à la quinte inférieure du fragment d’octave de sol précédent (mes. 6-11). La sous-dominante y reçoit aussi l’accord substitut de triton et tierce mineure, permettant la continuation de la descente chromatique, au ténor, commencée trois mesures plus tôt.
Confutatio
Les mesures 20-21 sont la conclusion de la partie descendante de la règle sur fa, dont l’octave est annoncée par le bémol « extraordinaire ». Comme aux mesures 10-11 et 18-19, l’accord de petite sixte sur la sus-tonique est supporté par sa basse fondamentale, cependant que la sensible, elle, reste ici en place. Ainsi, après avoir enseigné la façon d’intégrer à la règle la cadence parfaite, Bach montre maintenant comment l’éviter en ne l’imitant « qu’en partie […, puisque] l’accord consonant [parfait sur fa s’y trouve] altéré par l’addition d’une Tierce, qui y introduit la dissonance de la Septième » (Rameau 1722, 68[65]). La mesure 22 marque le retour dans l’octave de sol, mais pendant un court moment seulement[66] : la sensible, fa dièse, y reçoit l’accord de septième diminuée, le cousin germain, pour ainsi dire, de celui de fausse quinte régulier[67]. L’accord parfait sur la tonique sol, annoncé par cette sensible, subit pour sa part une double transformation (mes. 23-24) : d’une part, et comme précédemment, Bach lui adjoint une tierce supplémentaire (fa) qui le rend dissonant et qui permet de sortir de l’octave de sol pour rentrer dans celle de do[68] ; d’autre part, Bach en fait d’abord un accord de seconde superflue (mes. 23) « occasionné par la suppression de la note Dominante, à laquelle on substitue la 6e du ton » (Corrette 1753, 44), c’est-à-dire un accord « par emprunt, en ce que la Dominante tonique cède son fondement à la Sixiémedes tons mineurs seulement[69] » (Rameau 1722, 282-285 ; les italiques sont de lui). Au reste, les enchaînements des mesures 22-24 n’ont rien d’exceptionnel et doivent être considérés comme des automatismes acquis par la pratique. Campion, dans son supplément, en donne même une variation encore plus développée (voir Exemple 6b, mes. 24-27) : à l’inverse de ce qui se produit chez Bach, l’accord de seconde superflue « par emprunt » sur la sus-dominante y précède celui de septième diminuée sur la sous-dominante altérée, en plus de voir sa résolution sur l’accord de septième de dominante encore plus différée par celui de quarte consonante interpolé[70]. De son côté, Heinichen (1728, 718-719), qui désapprouve ce mouvement mélodique de tierce diminuée — assez fréquent pour en tenir compte, surtout dans la musique théâtrale —, reproduit un passage presque identique pour en montrer les défauts (Exemple 11a).
Mieux vaut, selon lui, passer immédiatement de l’accord de septième diminuée à celui parfait sur sol ou médiatement par un accord de petite sixte sur la. De ce dernier cas résulte une double approche de la dominante par saut de tierce mineure – ascendante par l’accord de fausse quinte (ou septième diminuée) et descendante par celui de petite sixte (ou petite sixte et fausse quinte ; Exemples 11b-c) — conforme à la règle, la dominante devenant alors tonique du fait du fa dièse « extraordinaire » et du changement d’octave résultant. Cette suite d’accords « améliorée » abonde d’ailleurs tant dans les oeuvres des grands maîtres que dans les leçons que contiennent les traités musicaux de l’époque, comme ces autres variantes que permet le mode mineur (Exemples 11d-e) : une double approche régulière ascendante par l’accord de grande sixte et descendante par celui de sixte et triton (ou sixte superflue et quarte). Qui plus est, Heinichen (1728, surtout 230) légitime l’approche de la dominante au moyen de ses demi-tons supérieur et inférieur — portant respectivement les accords de sixte superflue et quarte (ou seconde superflue) et fausse quinte (ou septième diminuée) — avec interpolation de l’accord parfait ou de quarte consonante sur la dominante (Exemples 11f-g). Voilà sans doute l’origine de la « mesure Schwencke » (revoir l’Exemple 2) et, de là, on en revient naturellement aux enchaînements de Bach et Campion qui éludent cette interpolation (Exemples 11h-i) ; il en va de même dans un passage donné par Gugl (1719, 50), notamment, quelques années auparavant (Exemple 11k). Enfin, je veux souligner la grande similitude que présentent entre elles les basses du prélude de Bach (Exemple 10, mes. 21-24) et de cet autre extrait donné par Heinichen comme étant vicieux par ces dissonances mal gérées (Exemple 11j ; 1728, 621). Il apparaît dès lors que ce motif mélodique de tierce diminuée, sous quelque forme que ce soit, et loin d’être particulier à Bach, n’est qu’un autre de ces lieux communs du langage tonal naissant qui, telle la résolution du triton par saut de quarte (voir ci-dessus, p. 78), semblent s’être éteints avec les derniers grands accompagnateurs baroques.
Avant d’aller plus avant dans l’analyse du prélude, je veux revenir brièvement sur le contenu harmonique de la mesure 23 et les deux principales interprétations présentées. On l’a vu, lorsque la sus-dominante du mode mineur descend à la dominante, la règle de l’octave demande que la première de ces notes reçoive l’accord de sixte et triton. Et s’il n’en tenait qu’à cela, il faudrait donner raison à Czerny et Iliffe, qui voient le si comme une note étrangère à l’harmonie[72]. Or, s’il est vrai que les musiciens du xviiie siècle, dans ce contexte, avaient sans doute bien souvent pour réflexe initial de donner cet accord à la sus-dominante, cela n’exclut aucunement d’autres possibilités, comme je viens de le démontrer. Dandrieu, par exemple, dans sa « Table pour s’exercer sur l’Accord de la Seconde Superflue » (1718, table xx), montre que lorsque la sus-dominante mineure descend sur la dominante, ces notes peuvent recevoir, en plus des accords réguliers, ceux irréguliers de seconde superflue et de quarte consonante. Campion, de son côté, place parfois sur la sus-dominante mineure l’accord de sixte superflue et quarte (voir l’Exemple 6b, mes. 16). Dans l’un comme dans l’autre cas, le second accord régulier ou irrégulier permet toujours la bonne résolution des notes attractives du premier. Campion et Rameau légitiment même la tenue d’une seule harmonie sur ces deux notes, en considérant l’accord de seconde superflue sur la sus-dominante comme étant une variante de celui de septième de dominante qui suit (ce dernier étant lui-même un substitut à l’accord parfait prescrit par la règle, par l’ajout d’une tierce supplémentaire ; voir Heinichen 1728, 452). Dès lors, la pensée harmonique baroque permet également de voir le si comme faisant partie intégrante de l’harmonie — comme le proposent Riemann et Beaudet —, d’où il découle que, dans cette question, personne n’a tort ni raison : tout est affaire de point de vue. Quant à savoir comment Bach lui-même interprétait cet accord, c’est une question à laquelle on ne peut répondre avec certitude et je m’en tiens, pour ma part, à l’explication que j’en ai donnée au début de cette sous-section.
Peroratio
À la mesure 24, comme je l’ai mentionné dans la sous-section précédente, l’accord parfait sur sol annoncé par celui de septième diminuée précédent est rendu dissonant par l’ajout d’une tierce supplémentaire, et perd de ce fait sa fonction de tonique au profit de celle de dominante du nouveau ton (revoir la note 68). Il marque aussi le début d’une pédale de dominante, puis de tonique[73], qui inscrivent la musique des douze dernières mesures du prélude dans l’octave principale de do majeur. En effet, dans ce contexte particulier, les altérations « extraordinaires » (mes. 28 et 32) ne causent plus aucun changement d’octave, puisque « la conséquence [en] est suspenduë par un point d’Orgue » (Campion 1976 [1716], 10-11[74]). Ici encore, par les accords qu’il fait défiler sur cette première moitié de pédale (mes. 24-27), Bach, le pédagogue, enseigne une formule cadentielle aussi familière que clichée. C’est, notamment, la « cadance dans la mesure plaine » de Fleury (1660, 37), la « cadence longue de quarte et tierce » de Bartolotti (1669, 19), la « cadence septiesme majeure » de Grenerin (v.1682, 5), et la « cadence principale composée[75] » de Gasparini (1708, 30), à cette différence près que chez Fleury, Grenerin et Gasparini, l’accord de quarte correspondant à celui de la mesure 26 est dépourvu de septième[76]. Dandrieu la donne aussi à l’étude dans sa « Table pour s’exercer sur l’Accord de la Quarte Consonante » (1718, table xii), mais avec la dissonance de septième uniquement dans le premier accord. En outre, on remarque qu’il s’agit simplement de l’harmonisation requise selon la règle pour les degrés 4-3-2 (voir Exemple 5a, mes. 12-14), à laquelle est adjointe une pédale de dominante. Quant aux mesures 28-31, elles sont harmonisées de façon identique, exception faite de l’accord de septième superflue (mes. 28), une variante que l’on retrouve encore une fois chez Dandrieu, entre autres, dans sa « Table pour s’exercer sur l’Accord de la Seconde Superflue » (1718, table xx[77]). Bach conclut son prélude en enseignant l’un des nombreux enchaînements pouvant trouver place sur un « point d’orgue » de tonique, enchaînement tout aussi stéréotypé et que l’on retrouve, encore une fois, dans le supplément de Campion (voir Exemple 6a, mes. 7-11) : Bach ne fait que remplacer l’accord de septième qui, chez Campion, suit celui de quarte consonante (mes. 9), par un accord de seconde[78]. Heinichen, notamment, propose la formule harmonique entière (mes. 24-31) à divers endroits de son traité (1728, surtout 414).
Conclusion
Si mon but est atteint, l’analyse que j’ai présentée du prélude en do majeur aura permis au lecteur de se transporter, en quelque sorte, à Köthen, chez J. S. Bach, pour y entrevoir l’une des leçons dans l’art de préluder données par le père à son fils. En franchissant cette « voûte d’entrée menant au temple », Wilhelm Friedemann recevait son initiation à la règle de l’octave, tout en se familiarisant davantage avec les formes d’accords (Griffe en allemand) les plus simples et leur bon enchaînement. Qui plus est, mon analyse devrait avoir montré qu’il ne s’agissait pas seulement, pour Bach, de présenter la règle sous sa forme la plus simple, telle que la donne Campion, mais encore de mettre en évidence la possibilité d’user de ses « conventions apparemment dénuées d’intérêt […] pour composer une musique […] toujours vibrante[79] » (Lester 1998, 46) et ce, en l’augmentant d’interpolations harmoniques qui tombent facilement sous les doigts tout en montrant « l’ordre qu’exige la Modulation dans la pratique des acords » (Dandrieu 1718, [3] ; voir la note 57). Enfin, j’espère avoir fait ressortir que ce n’est qu’en examinant les oeuvres anciennes à l’aide de théories historiquement justes que nous parviendrons vraiment à pénétrer la pensée musicale qui leur a présidé. Pour ce qui est de la musique du premier xviiie siècle, la connaissance de la règle des octaves de musique est aussi nécessaire qu’indispensable. Campion nous en donne d’ailleurs la raison, et c’est à lui que je laisse le mot de la fin :
Le chemin des octaves est sûr, & leur pratique rend l’oreille Musicienne & infaillible, & les Maistres qui les enseigneront bien, feront d’habiles gens. […] Je ne doute pas que les Maistres à Chanter, & les Maistres d’Enfans de Choeur, qui voudront, sans prévention, les enseigner, ne fassent une pepinière de tres-habiles gens […] Ceux qui douteront de la vérité des principes des octaves, n’auront pour s’en convaincre, qu’à consulter les ouvrages de Messieurs [Nicolas] Bernier, [Louis-Nicolas] Clerambault, [Jean-Baptiste] Morin, & tant d’autres, dont il me faudroit faire une liste trop longue, s’il me falloit les nommer tous. Ils verront que les octaves y sont servies ponctuellement & clairement ; car quelques varietez qu’il y ait dans leur Musique, l’on y trouvera toûjours la simplicité des octaves
1976 [1716], 18-19[80]
Parties annexes
Annexes
Annexe 1. Nomenclatures et constitution des accords usuels
Annexe 2. J. S. Bach, Petit livre de clavier, « Praeludium 1 »
Annexe 3. J. P. Kirnberger, Analyse du prélude en la mineur de J. S. Bach (extrait)
Annexe 4. J.-F. Dandrieu, « Table pour s’èxercer sur l’Acord de la Seconde Superflue »
Note biographique
Patrice Nicolas est professeur au Département de musique de l’Université de Moncton (Nouveau-Brunswick, Canada), où il mène notamment le projet d’expériences immersives en réalité virtuelle Musique et musiciens en Acadie, xviie–xixe siècles, en collaboration avec l’Institut d’études acadiennes. Spécialiste des musiques anciennes, il s’intéresse particulièrement à la prosopographie des musiciens, au contrepoint improvisé, à la théorie musicale et à l’analyse des oeuvres du xive au xviiie siècle. Ses plus récents travaux ont paru chez Brepols, dans les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, dans la Revue de musicologie, dans le Tijdschrift van de Koninklijke Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis et dans le Grove Music Online.
Notes
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[1]
Das Wohltemperirte Clavier, BWV 846-869. Sur la genèse de cette compilation et ses sources, voir Jones 1994, Heinemann 1997 et Ledbetter 2002. Par ailleurs, qu’il me soit permis ici de remercier Michel Cardin, Marie-Ève Piché et les relecteurs anonymes pour leurs judicieux commentaires et suggestions.
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[2]
« Zum Nutzen und Gebrauch der Lehr-begierigen Musicalischen Jugend ». Sauf indication contraire, les traductions sont de moi.
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[3]
Voir Ledbetter 2002, 126-140.
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[4]
Clavier-Büchlein vor Wilhelm Friedemann Bach.
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[5]
Ce sont, dans l’ordre, les préludes en do majeur, do mineur, ré mineur, ré majeur, mi mineur, mi majeur, fa majeur, do dièse majeur, do dièse mineur, mi bémol mineur, et fa mineur.
-
[6]
« a portal, an archway leading into the temple ».
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[7]
« in the case of Bach the would-be investigator of the creative process is discouraged very early in his pursuit. For one realizes soon enough that Bach was a remarkably “clean” worker, and that, while his compositions rarely seem to have sprung forth fully grown from the head of their creator, the manuscripts contain few traces of the genesis of the compositions notated in them ». La traduction française est celle de Marchand (1997, vol. i, 33), que j’ai quelque peu amendée.
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[8]
Czerny présente cette oeuvre en illustration de la première espèce de prélude dont il traite et qu’il appelle « en accords complets » (« in full chords »). Ceux-ci peuvent être simplement plaqués ou, comme le fait Bach, figurés selon un motif rythmique particulier.
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[9]
D’après le Fonds Bach (Mus. ms. Bach P 415), Staatsbibliothek zu Berlin – Preußischer Kulturbesitz, Berlin, fos 2vo-3ro.
-
[10]
J’ai fait le changement de notation pour faire coïncider la numérotation des mesures des Exemples 1 et 2.
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[11]
C’est d’ailleurs à partir de cette version non authentique que Charles-François Gounod composera la contre-mélodie de sa Méditation sur le 1er prélude de piano de J. S. Bach et ses dérivés Vers sur un album et Ave Maria. Fryderyk Chopin fait possiblement allusion à la « mesure Schwencke », en 1839, lorsqu’il écrit à un ami : « je corrige moi-même une édition parisienne des oeuvres de Bach ; il y a non seulement des erreurs de gravure, mais, je crois, des erreurs harmoniques commises par ceux qui prétendent comprendre Bach. Je ne le fais pas avec la prétention de le comprendre mieux qu’eux, mais avec la conviction que je devine quelquefois comment cela doit être » (cité dans Pourtalès 1927, 111). Pour en revenir à la réduction de Czerny, c’est moi qui ajoute les chiffrages de la basse continue, afin de faciliter la comparaison avec les différents extraits musicaux reproduits dans la suite. À cet effet, et puisque les musiciens du xviiie siècle ne s’entendent pas tous sur la façon de chiffrer les différents accords — « [p]lusieurs à leur gré inventent tous les jours quelques nouvelles maniéres de chiffrer » (Campion 1976 [1730], 36) —, j’utilise, pour plus d’uniformité, un système inspiré de Dandrieu (1718) et Coedès (1806, 66 bis), modifiant au besoin et sans autre mention les chiffrages originaux (lorsqu’ils sont présents) des extraits présentés.
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[12]
La « théorie des degrés » (« Stufentheorie ») trouve son origine dans les écrits de Georg Joseph Vogler (1802) qui, reconnaissant la possibilité pour chacun des degrés de la gamme d’être la fondamentale d’un accord, leur assigne les chiffres romains i-vii. S’en inspirant, Gottfried Weber (1830-1832 [1817-1821]) proposera par la suite un système indiquant en plus la qualité des accords au moyen de chiffres majuscules (i-vii, pour les accords majeurs) et minuscules (i-vii, pour ceux mineurs).
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[13]
Je donne aux accords les noms qu’ils avaient au xviiie siècle (voir l’Annexe 1).
-
[14]
Rousseau, notamment, dans son Dictionnaire de musique, précise qu’un accord « peut avoir autant de Faces qu’il y a de Sons qui le composent » (1768, 217 ; les italiques sont de lui). Voir aussi, entre autres, Rameau 1732, 13.
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[15]
Pour une introduction à la méthode de Schenker, voir Meeùs 1993.
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[16]
Sur ces lettres et leur contenu, voir Drabkin 1985.
-
[17]
Accord de septième de sensible du mode mineur dans sa « première face ».
-
[18]
Accord de septième d’espèce ou de dominante dans sa « première face ».
-
[19]
D’après le Fonds des manuscrits et livres rares (Music Deposit 31), Beinecke library — Yale University, New Haven, fos [14ro-14vo]. Cette toute première version du prélude en do majeur (Ledbetter 2002, 361, note 4) contient aussi des ajouts ultérieurs (mes. 5 et 7). Seuls les accords des six premières mesures sont figurés ; ceux des mesures 7-13 sont notés en blanches répétées, et les suivants en rondes (voir l’Annexe 2). C’est moi qui ajoute les chiffrages de la basse continue.
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[20]
Le modèle d’analyse de Beaudet s’inspire de Goldman (1965). Le prélude en do majeur lui sert à démontrer les divers mécanismes d’intervention sur le cycle de quintes, à savoir : la substitution, l’interpolation et la déviation. C’est moi qui ajoute les chiffrages de la basse continue, conformément aux accords indiqués par les chiffres romains.
-
[21]
Une lettre barrée montre l’absence de cette fondamentale et les chevrons, au besoin, la qualité (majeure ou mineure) de l’intervalle dissonant désigné par le chiffre précédent.
-
[22]
Johann Philipp Kirnberger (1773, 55-115), qui passe pour avoir été l’un des élèves de Bach, analyse deux oeuvres de ce dernier à l’aide de cette même grammaire musicale, en leur adjoignant leurs basses fondamentales (selon la théorie de Rameau) entièrement chiffrées : la fugue en si mineur (vol. i) et le prélude en la mineur (vol. ii) du Clavier bien tempéré ; voir l’Annexe 3.
-
[23]
« Das Generalbasszeitalter ».
-
[24]
Ces auteurs ont recensé un peu plus de cent méthodes de basse continue publiées entre 1600 et 1800.
-
[25]
Pour le dire autrement, « en joüant la Basse, on y doit joindre d’autres Parties, pour former des accords, & de l’harmonie. [… Au clavier,] on joüe la Basse de la main gauche, & à chaque note de Basse que l’on touche, on en ajoute trois autres de la main droite, faisant ainsi un accord sur chaque note » (Saint-Lambert 1710 [1707], 1, 19).
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[26]
« è necessario il possesso di tutte le buone regole del contrapunto ».
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[27]
« These sciences [thorough bass and counterpoint] are indisputably as essential to the composer, as orthography and grammar to him who desires to become a poet ».
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[28]
« thorough bass, and the fundamental rules of composition based thereupon ».
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[29]
« In composition he started his pupils right in with what was practical, and omitted all the dry species of counterpoint that are given in Fux and others. His pupils had to begin their studies by learning pure four-part thorough bass. From this he went to chorales; first he added the basses to them himself, and they had to invent the alto and tenor. Then he taught them to devise the basses themselves. […] The realization of a thorough bass and the introduction to chorales are without doubt the best method of studying composition » (les italiques sont dans l’original).
-
[30]
Selon J. S. Bach, la basse continue, véritable composition improvisée, est le berceau de la composition musicale (d’après Lester 1996 [1992], 49 : « Thoroughbass is the beginning of composing; indeed, it may be called an extemporaneous composition »). Je rapporte aussi l’opinion de Rameau, pour ne donner qu’un seul autre exemple : « D’autres enseignent totalement la Composition, ou conseillent de l’apprendre avant l’Accompagnement ; comme si cet Accompagnement n’étoit pas la Composition même, aux talens près qu’il faut joindre à l’un pour faire usage de l’autre ; encore n’acquiert-on promtement la sensibilité de l’Oreille à l’Harmonie, principal de tous les talens pour la Composition, que par le secours de l’Accompagnement : Preuve que cet Art doit être le premier en datte, pour qui veut devenir Musicien » (1732, 9-10). Rousseau en fera plus tard la paraphrase, ajoutant que se dire compositeur avant accompagnateur, « c’est comme si l’on proposoit de commencer par se faire Orateur pour apprendre à lire » (1768, 8-9).
-
[31]
Sur l’évolution de la pédagogie et de la pratique de la basse continue aux xviie et xviiie siècles, voir notamment Christensen 1992, Lester 1996 [1992], et Williams et Ledbetter 2001.
-
[32]
Campion n’est cependant pas l’inventeur de la règle de l’octave. Comme il l’avoue ouvertement, elle « est de l’invention de feu M. de Maltot mon Predecesseur en l’Academie Royale de Musique. Je l’ay receu de lui comme le plus grand témoignage de son amitié […] & je ne sçache pas qu’il ait fait part de ce secret à d’autres qu’à moi » (1976 [1716], 7). Et bien que ce soit vraisemblablement par son traité que la règle a universellement été connue — « M. Campion est le premier qui en ait favorisé le Public » (Rameau 1732, 7) —, il faut sans doute plutôt y voir la codification officielle d’une longue tradition orale ; sur ce point, voir aussi Christensen 1992, 100. Quoi qu’il en soit, Rousseau peut encore affirmer, quelque cinquante ans plus tard, que « c’est par cette méthode [la règle de l’octave] que la plûpart des Maîtres enseignent encore aujourd’hui l’Accompagnement » (1768, 8 ; les italiques sont de lui).
-
[33]
Pour des exemples d’harmonisation de la gamme antérieurs à la règle de Campion, voir notamment Fleury 1660, 11, 17 ; Nivers 1689, 160 ; Samber 1707, 58-66, 92-104 ; Gasparini 1708, 58-61 ; Saint-Lambert 1710 [1707], 90-117 ; et Heinichen 1711, 201-204. Pour des exemples ultérieurs, voir notamment Gugl 1719, 36, 44-45 ; Heinichen 1728, 746-752, 763-764, 903-912 ; Kellner 1732, 31, 34 ; Mattheson 1735, 221-224 ; Bach 1762, 328-330 ; Kirnberger 1774 [1771], 127 ; Heck v. 1777, 74-79 ; et Giuliani 1847, 84.
-
[34]
Sauf indication contraire, c’est moi qui réalise les basses chiffrées. En ce qui concerne les quelques quintes consécutives de même nature qui s’y trouvent, je porte à l’attention du lecteur, à qui la pédagogie moderne les fait craindre, l’opinion de Rameau sur ce sujet : « Voudriez-vous priver l’Auditeur de pouvoir être affecté de toutes les Consonances dans un Accord […] ? Le priverez-vous de cette satisfaction, en faveur d’un respect outré pour une Règle mal appliquée, pour une Règle qui ne regarde que deux parties détachées, qu’on veut rendre différentes entr’elles ? Au reste les deux [quintes et] octaves de suite ne sont sensibles dans l’Accompagnement, que lorsqu’on se distrait du reste du Concert, pour y donner toute son attention ; elles ne le sont même qu’aux Musiciens prévenus sur l’article ; encore le plus souvent leur Oreille n’en est-elle frappée, qu’après que leurs yeux les en ont avertis » (1732, 61 ; les italiques sont de moi). C’est une opinion que partagent explicitement plusieurs autres musiciens de l’époque, dont Saint-Lambert : « Quoique deux Octaves ou deux Quintes de suite par mouvement semblable soient ce qu’il y a de plus rigoureusement déffendu en Musique, on n’en fait pas grand scrupule dans l’Accompagnement [… ;] il ne s’agit alors que de joüer la Basse fidellement, & de faire entendre l’harmonie des Parties, laquelle se trouve toute aussi bonne en faisant deux Quintes ou deux Octaves qu’en ne les faisant pas » (1710 [1707], 125 ; les italiques sont de moi). Bien sûr, « toutes les bonnes règles du contrepoint » avaient appris à ces musiciens que de telles quintes et octaves consécutives peuvent, de toute façon, être considérées comme « sauvées » en imaginant le croisement des voix et le mouvement contraire conséquent (voir Gasparini 1708, 62 ; Rameau 1722, 212). Sur le même sujet, voir Nicolas 2013a, 16 et Nicolas 2013b (« La grammaire dyadique »).
-
[35]
Accord parfait dans sa « première face » avec retards de la tierce (4-3) et de l’octave (9-8).
-
[36]
Sur ces autres possibilités harmoniques, voir aussi celles proposées par Heinichen (1728, 738-744) dans ses « règles spéciales » (« special-regeln »).
-
[37]
Accord de septièmediminuée dans sa « seconde face ».
-
[38]
Campion fait ensuite la remarque que « [p]our parvenir à la connoissance parfaite de la composition & de l’accompagnement, il faut non seulement pratiquer ces accords, ainsi qu’ils sont écrits ; mais les transposer dans les onze autres semi-tons [de chaque mode] » (1976 [1716], 17).
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[39]
Accord de septième d’espèce dans sa « quatrième face ».
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[40]
Accord de septième de dominante avec ajout d’une quinte sous la fondamentale.
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[41]
Accord de septièmediminuée avec ajout d’une septième majeure sous la fondamentale.
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[42]
Accord de septième d’espèce avec ajout d’une tierce sous la fondamentale.
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[43]
Accord de sixte augmentée « française ».
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[44]
Accord de septième de dominante avec ajout d’une tierce sous la fondamentale (usité en mineur seulement).
-
[45]
C’est précisément ce qui se passe aux mesures 11-13 des Exemples 6a et 6b ; voir aussi Gasparini (1708, 17).
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[46]
Sur ce sujet, Lorenz Christoph Mizler remarque que « le Capellmeister Bach […] accompagne chaque basse continue d’un solo, de sorte que l’on pense qu’il s’agit d’une pièce de musique concertante, comme si la mélodie jouée à la main droite était écrite à l’avance. Je peux en témoigner, l’ayant entendu personnellement » (David et Mendel 1998, 328 : « Capellmeister Bach […] accompanies every thorough bass to a solo so that one thinks it is a piece of concerted music and as if the melody he plays in the right hand were written beforehand. I can give a living testimony of this since I have heard it myself »).
-
[47]
Cet exemple est de moi. J’omets volontairement les chiffrages additionnels que devrait comporter la basse pour bien rendre compte de la figuration, afin de mieux faire ressortir ceux de la règle.
-
[48]
Voir Tatlow 2015, 18.
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[49]
« Die kürzeste und natürlichste Art, deren sich auch allenfalls Clavierspieler von wenigen Fähigkeiten bey dem Vorspielen bedienen können » ; voir aussi la page suivante.
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[50]
Au tournant du siècle, André-Ernest-Modeste Grétry prétend encore que quiconque appliquera sa Méthode simple pour apprendre à préluder pourra « improviser harmoniquement, et plus ou moins agréablement, selon les idées mélodieuses que la nature seule inspire. […] Qu’on essaie cette méthode simple ; je réponds qu’elle suffit pour devenir harmoniste improvisateur » (1802, 2-4).
-
[51]
« die Lehre von dem Accompagnement und der freyen Fantasie ».
-
[52]
« Es giebet Gelegenheiten, wo ein Accompagnist nothwendig vor der Aufführung eines Stückes etwas aus dem Kopfe spielen muß. Bey dieser Art der freyen Fantasie, weil sie als ein Vorspiel angesehen wird, welches die Zuhörer zu dem Inhalt des aufzuführenden Stückes vorbereiten soll […]. Im Anfange muß die Haupttonart eine ganze Weile herrschen, damit man gewiß höre, woraus gespielet wird […]. [Clavierspieler] daß man die auf- und absteigende Tonleiter der Tonart, woraus gespielet werden soll, mit allerhand Bezifferungen, und einigen eingeschalteten halben Tönen, in, und ausser der Ordnung mit einer gewissen Vorsicht, zum Grunde leget, und die dabey vorkommenden Aufgaben gebrochen, oder ausgehalten in einem beliebigen Tempo vorträget. Die Orgelpuncte über der Prime sind bequem, die erwählte Tonart bey dem Anfange und Ende festzusetzen. Vordem Schlusse können auch sehr wohl Orgelpuncte über der Dominante angebracht werden ».
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[53]
Des lettres placées entre parenthèses et insérées dans sa description, mais omises dans la citation précédente, renvoient à dix-neuf variations possibles sur la règle de l’octave, ainsi qu’à des exemples d’harmonisation des « points d’orgue » de tonique et de dominante.
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[54]
Schenker, dans son analyse précitée, remarque également que les dix-neuf premières mesures du prélude en do majeur sont basées sur une gamme descendante (1969 [1932], 36) ; voir aussi Drabkin 1985, 244. Ce fait est encore souligné par Ledbetter, selon qui cette pièce « est fondée sur les deux formules les plus courantes pour l’improvisation des préludes, et dont les premiers spécimens remontent à la tablature d’Adam Ileborgh (1448) : une gamme descendante et une pédale » (2002, 146 ; « constructed on the two commonest improvisation formulas for preludes going back to the earliest examples in Adam Ileborgh’s tablature (1448): a descending scale and a pedal »). Bien qu’il ne mentionne pas la règle de l’octave, Iliffe voit juste lorsqu’il affirme que la forme du prélude en do majeur « est clairement une version artistique affinée d’un type de prélude communément improvisé » (1897, 1 : « Its form is evidently an artistically matured version of a familiar type of extemporaneous preludizing »).
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[55]
Je reproduis la réduction de Lester à l’identique, hormis toutefois les chiffrages des notes noires (interpolations hors règle) et des points d’orgues finals. J’omets aussi un commentaire, ici sans importance, sur la symétrie des harmonies qui accompagnent la pédale de dominante (voir 1998, 35). Par « cadre », Lester entend soit une prolongation de la tonique, soit une véritable pédale de tonique (1998, 34).
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[56]
C’est la raison pour laquelle l’intitulé de son traité spécifie « selon la règle des octaves de musique » : au-delà de la règle fondée sur une octave prototypique non modulante pour chacun des deux modes, Campion entend aussi initier ses lecteurs, par ses tables complémentaires (revoir l’Exemple 6), à l’art de la modulation par l’assemblage de fragments d’octaves différentes. C’est moi qui mets les noms des notes en italiques. J’ai aussi corrigé la ponctuation qui rend difficile la lecture de ce passage dans sa forme originelle.
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[57]
Pour ne pas alourdir inutilement le texte par de trop nombreuses traductions, je me limiterai principalement aux traités français de Rameau (1722) et Dandrieu (1718), en plus de celui de Campion (1976 [1716]). Rameau et son traité n’ont plus besoin de présentation. Quant à Jean-François Dandrieu, grand contrapuntiste et organiste de la chapelle royale, il est le claviériste français le plus louangé du xviiie siècle après François Couperin et Rameau (Fuller 2001). Son traité propose à l’apprenti accompagnateur/compositeur vingt-et-une « Tables pour s’exercer » aux divers accords (voir l’Annexe 4), et à la suite desquelles « on en trouve deux autres dont la première regarde la Modulation majeure, et la seconde la Modulation mineure. Dans l’une et dans l’autre Table les notes se succèdent par degrez conjoints de la Finale à son Octave, soit qu’elles montent soit qu’elles decendent [= règlede l’octave], ce qui fera voir aisément l’ordre qu’exige la Modulation dans la pratique des acords » (1718, [3]). Pour la pleine compréhension de cette citation, je rappelle que le terme modulation s’entend, au xviiie siècle, de deux façons. Selon Brossard, moduler, c’est « faire passer un Chant par les Chordes essentielles & naturelles d’un mode plus souvent que par les autres » ou, au contraire, « sortir quelque fois hors du Mode, mais pour y entrer à propos & naturellement » (1703, n. p., « Modulatione » ; les italiques sont de lui). Rousseau abonde dans le même sens, lorsqu’il écrit que la modulation, « [c]’est proprement la manière d’établir & traiter le Mode » ou, au contraire, « l’art de conduire l’Harmonie & le Chant successivement dans plusieurs Modes d’une manière agréable à l’oreille » (1768, 298). Dandrieu utilise le terme dans sa première acception.
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[58]
Ces formes d’accords sont désignées sous le nom de Griffe dans les ouvrages de langue allemande traitant tant du clavier que du luth.
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[59]
Pour rendre la comparaison plus facile, j’adopte la notation en noires, une par mesure, des suppléments de Campion (revoir l’Exemple 6), à l’exception des notes constitutives de la règle que je présente en notes évidées.
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[60]
Voir la description procédurale de Carl Philipp Emanuel (1762, 327-328, ci-dessus p. 80).
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[61]
On la retrouve aussi, notamment, dans les exemples donnés par Samber (1707, 110), Saint-Lambert (1710 [1707], 42), Gugl (1719, 8), et Delair, qui précise que lorsque « la premiere note est sincopée […], on fait la seconde et ses accompagnemens [= accord de seconde] sur la seconde partie de ladite note sincopée, et la sexte et la fausse quinte [= accord de fausse quinte] sur la suivante, pourvu que l’on monte ensuite du semiton » (1690, 38-39). Au reste, cela n’a rien d’étonnant, compte tenu qu’il s’agit, depuis Giacomo Carissimi au xviie siècle, de la formule privilégiée pour harmoniser la phrase initiale des récitatifs (voir Ledbetter 2002, 145). Selon Rameau, c’est là une « imitation de cadence par renversement […,] qui réveille l’Auditeur à tout moment par la diversité que cause ce renversement » (1722, 67). Sur les cadences « évitée[s] ou imitée[s] », voir Rousseau 1768, 62. Pour une figuration différente de ce même canevas harmonique cadentiel, voir les quatre premières mesures du prélude en mi mineur (vol. i) du Clavier bien tempéré. Enfin, pour deux variations sur le second accord de cette formule cadentielle, voir Grenerin (v.1682, 11).
-
[62]
Sur ce sujet, Rameau remarque que l’inverse est tout aussi possible, car « si l’on retranche la Basse fondamentale [de l’accord de septième de dominante], & que l’on mette alternativement à sa place l’une des autres parties, l’on trouvera tous les Accords renversez de ceux-cy, dont l’Harmonie sera toûjours bonne, parce que si la basse fondamentale en est retranchée, elle y est toûjours sous-entenduë » (1722, 57). Schenker (1969 [1932], 36) considère également le la comme étant structurellement plus important que le ré, ce dernier n’étant indiqué dans son graphique de ligne génératrice (Urlinie-Tafel), autrement réalisé en rondes, qu’au moyen d’une croche.
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[63]
Corrette (1753, 78-79) et Kirnberger (1774 [1771], 108), notamment, enseignent aussi la modulation au moyen de l’accord de triton, qui transforme la note de basse qui le porte en sous-dominante du nouveau ton. Il en va de même de Campion : « Ceux qui [voudront faire le tour des octaves] auront soin pour la liaison d’harmonie, de faire sur la derniere [note] de chaque octave, aprés l’accord ordinaire, le triton, moyennant quoy ils iront de l’une à l’autre » (1976 [1716], 18).
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[64]
En d’autres mots, à l’accord de septième de dominante dans sa « quatrième face » se substitue celui de septièmediminuée dans sa « troisième face ». D’ailleurs, à propos de l’intervalle de triton de l’accord du même nom, Campion remarque que « ordinairement [dans la règle] il est accompagné de la 6te & de la 2de, & c’est une élegance de l’accompagner de la 3ce mineure » (1976 [1716], 11 ; voir Delair 1690, 26). Revoir aussi l’Exemple 6b, mes. 12.
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[65]
Une autre façon d’« éviter les cadences en les imitant » consiste à rendre « mineure la Tierce qui se trouve naturellement majeure dans les Dominantes, pouvant ainsi conduire une assez longue suite de chant & d’Harmonie, sans y introduire aucune conclusion » (Rameau 1722, 68). Au passage, je souligne que c’est précisément à la mesure 21 que la basse cesse enfin sa descente, pour changer de direction et s’immobiliser ensuite quelque temps sur la dominante. Il n’est peut-être pas fortuit que cet endroit corresponde approximativement à la section d’or du prélude : 35 mesures ÷ 1,618 = 21,6. Sur le nombre d’or dans les oeuvres de J. S. Bach, voir Marchand (1997 et 2003), qui discerne aussi dans le prélude en do majeur une allusion possible à la série de Fibonacci (1997, vol. i, 371-372).
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[66]
Comme le souligne Campion, « quelquefois il n’y a qu’une notte » (1976 [1716], 9).
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[67]
« La septiéme [note] du ton porte quelquefois la 7e diminuée » (Campion 1976 [1716], 12).
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[68]
En effet, au moyen du chromatisme descendant (ici les notes fa dièse et fa des mesures 22-23), « chaque Notte tonique [c’est-à-dire portant normalement l’accord parfait] peut devenir Dominante du Ton dans lequel on entre » (Rameau 1722, 286 ; les italiques sont de lui).
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[69]
Les exemples qu’en donne Rameau proposent une résolution identique à celle de Bach, sur l’accord de septième de dominante dont « il [l’accord de seconde superflue] tire son origine par emprunt » (1722, 285). C’est ce même principe qui permet la substitution évoquée par Campion (ci-dessus, note 64), ainsi que celles pratiquées par Bach (mes. 12, 14 et 23). Dans tous ces cas, on remarquera qu’il s’agit seulement de remplacer la fondamentale de l’accord par la neuvième, une substitution simple et à la portée de tous les apprentis accompagnateurs/compositeurs.
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[70]
Deux variantes de ce que propose ici Campion étaient aussi familières aux lecteurs du traité de Dandrieu (1718, tables vi, vii, xviii, xix, xx et xxi), qui intègre dans plusieurs de ses tables un fragment de basse presque identique, soit : sus-dominante mineure, sous-dominante naturelle et dominante, lesquelles portent respectivement les accords de sixte et triton (ou seconde superflue), grande sixte et parfait.
-
[71]
J’ai transposé certains de ces passages afin de faciliter la comparaison.
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[72]
C’est aussi l’opinion de Lester (1998, 35), qui favorise l’accord de sixte et triton.
-
[73]
Revoir la description procédurale de Carl Philipp Emanuel (1762, 327-328, ci-dessus p. 80).
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[74]
Dans les commentaires relatifs à son supplément, Campion (1976 [1716], 11) considère effectivement que le premier changement d’octave ne s’y fait qu’à la fin de la pédale de tonique, sur l’accord de triton (revoir les Exemples 6a et 6b, mes. 12).
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[75]
« cadenza composta maggiore ».
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[76]
On trouve encore cette cadence dans plusieurs ouvrages de langue allemande, dont ceux de Niedt 1710 [1700], sig. [C4vo]-Dro ; Samber 1707, 105 ; Gugl 1719, 21 ; et Kellner 1732, 26.
-
[77]
Sur un « point d’orgue » de dominante, Dandrieu fait s’enchaîner les accords de septième superflue, de quarte et parfait, suivis de l’accord parfait sur la tonique. Concernant la disparité entre les accords de quarte (chez Dandrieu) et de quarte consonante (chez Bach), dans lesquels la quarte est accompagnée de la quinte ou de la sixte, Campion précise que, dans ce contexte cadentiel, « au lieu de la 6te, on met si l’on veut la 5te » (1976 [1716], 15 ; voir Exemples 6a, mes. 15-16 ; et 6b, mes. 26-27). Pour un emploi similaire de l’accord de septième superflue, voir aussi les Exemples 6a et 6b, mes. 10-11.
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[78]
Voir aussi les autres variantes d’harmonisation des pédales de tonique et de dominante que donnent notamment Dandrieu (1718, tables xii, xiii, xiv, [xv, xvi], xvii, xviii, xix, xx et xxi) et Bach (1762, 329-330).
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[79]
« seemingly dull conventions […] to create ever vibrant […] music ».
-
[80]
L’Addition de Campion se termine par une série d’approbations, dont celle de « Messieurs [Louis-Nicolas] Clerambault & [Antoine] Forqueray, Organistes », qui se lit comme suit : « Nous avons lû avec plaisir cette addition au traité d’Accompagnement & de Composition du Sieur Campion, que nous avons jugé très conforme à la bonne harmonie, & par conséquent, très-utile à tous ceux qui veulent accompagner de quelqu’instrument que ce soit, n’y ayant aucune Méthode aussi sensible, ni si abregée que la Règle de l’Octave, dont nous nous servons nous-même préférablement dans nos Leçons, & dans nos chiffres. Fait à Paris ce vingtiéme Juillet 1729. [Signé] M. Forqueray, Clerambault » (1976 [1730], 55). Compositeur réputé et auteur d’un traité intitulé Principes de composition (manuscrit non daté), Nicolas Bernier occupe notamment le poste de « maître de musique » à la Sainte-Chapelle de Paris entre 1704 et 1726, à la suite de Marc-Antoine Charpentier. Quant à Jean-Baptiste Morin, concurremment « ordinaire de la musique » du duc d’Orléans et futur régent de France Philippe ii (v. 1701–), et « maître de la chapelle et de la chambre » puis « surintendant de la musique » de Louise-Adélaïde d’Orléans (1719-1731), il est considéré avec Bernier comme l’un des premiers créateurs de la cantate française (Montagnier 2001 et Turellier 2001).
-
[81]
La majeure partie de cette édition revue et augmentée était prête pour publication en 1722 ; voir les « Suppléments », p. 938.
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