Comptes rendus

20 questions pour penser le travail social, de Jacques Riffault, Paris, Dunod, 2007, 199 pages[Notice]

  • Normand Brodeur

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  • par
    Normand Brodeur
    Professeur adjoint
    École de service social
    Université Laval

Jacques Riffault est éducateur et directeur adjoint de l'Institut régional du travail social d'Île-de-France Montrouge/Neuilly-sur-Marne. Le recueil 20 questions pour penser le travail social est constitué d'articles qu’il a publiés, d'entrevues qu’il a accordées et de conférences qu’il a prononcées entre 1996 et 2006. L’ouvrage vise à répondre à la demande de réflexion philosophique qui émerge chez les travailleurs sociaux français, dans le contexte d’un champ qui cherche à se définir comme discipline à part entière, de la multiplicité des références – et donc de la relative fragilité des assises théoriques et conceptuelles – et des difficultés liées à la définition de son identité professionnelle. Il ne prétend pas ajouter de références supplémentaires à la boîte à outils des travailleurs sociaux, mais plutôt les aider à penser par eux-mêmes, à réfléchir aux questions relatives, aux fondements de leur activité, à la validité des savoirs qui leur sont disponibles pour la mener à bien et à ses finalités. Le livre est divisé en trois grandes sections qui abordent respectivement les valeurs, la connaissance et le sens des pratiques sociales. Riffault a regroupé sous le thème des valeurs sept chapitres traitant de questions diverses. Le premier aborde les dimensions fondatrices de l’engagement professionnel en travail social. On y trouve non seulement la réaffirmation d’un certain nombre de valeurs telles que le refus des injustices, le respect de la dignité de la personne et la croyance en ses capacités et en celles de la société, mais aussi un appel à la rationalité. Selon l’auteur, celle-ci n’est « jamais donnée, mais toujours à construire » (p. 13). Elle renvoie notamment à la responsabilité des intervenants de rendre compte de leurs pratiques. Le second chapitre présente les différentes formes d’intervention sociale comme des pratiques d’influence. Cette notion, apparentée à une capacité générale de persuader, suppose un consensus entre la personne qui influence et celle qui est influencée sur les finalités qui donnent sens à leur relation. Mais elle laisse aussi le champ ouvert à des analyses mettant en évidence les rapports de force plus ou moins implicites entre les protagonistes. Puisque l’influence repose sur une combinaison de légitimité institutionnelle, de compétences et de normes, l’auteur estime que l’éthique et l’épistémologie sont des éléments d’interrogation nécessaires et indissociables de la pratique sociale. Le troisième chapitre porte sur la formation des professionnels. S’inspirant d’une expérience de formation sur la santé mentale et la lutte contre les exclusions auprès d’intervenants provenant de plusieurs horizons, l’auteur propose une formation interprofessionnelle permettant aux professionnels « de sortir de leur spécialité et de faire autre chose que ce pour quoi ils ont été formés initialement, sans pour autant perdre leur identité » (p. 39). Pour que cet objectif soit atteint, écrit-il, la formation initiale doit miser sur le développement d’une culture philosophique et sur l’écriture, de façon à ce que les futurs intervenants adoptent une position de praticien chercheur. Le quatrième chapitre explore un thème devenu tabou à la suite des travaux de Michel Foucault, soit celui de la sanction. Riffault soutient que l’éducation ne peut se passer de la contrainte, tout en précisant les conditions sous lesquelles l’éducateur peut légitimement en faire usage. Ainsi, le projet de l’éducation étant « la constitution de l’humanité dans l’homme [sic] » (p. 47), le recours à la sanction ne trouve sa légitimité dans la relation éducative que lorsqu’il permet d’ouvrir l’espace de l’échange. Il nécessite de plus un travail intérieur constant permettant à l’acteur de reconnaître la possibilité de céder lui-même à la violence et de se dérober à sa propre obligation d’échanger. Le cinquième chapitre tente de définir la praxis. Celle-ci se …