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L’ouvrage Méthodologie de l’intervention en travail social : L’aide à la personne est présenté comme un manuel de formation qui a pour objectif d’offrir aux étudiants et aux intervenants un instrument de réflexion et d’analyse de la pratique du travailleur social. Après plusieurs rééditions depuis la parution originale du livre en 1981, de Robertis et ses collaborateurs en proposent une édition révisée et actualisée.
Le livre, composé de 12 chapitres, est structuré essentiellement autour du processus d’intervention. Les deux premiers chapitres permettent d’abord de situer le développement de la méthodologie de l’intervention individuelle, sur le plan historique en France et sur le plan des connaissances en sciences sociales. Le troisième chapitre est une présentation générale de la méthodologie d’intervention proposée par les auteurs. Les principaux concepts sont définis et les sept phases composant le processus d’intervention sont présentées selon leur ordre logique et chronologique. Chaque phase du processus est ensuite approfondie dans un chapitre, à l’exception de la phase de la mise en oeuvre du projet d’intervention qui fait l’objet de quatre chapitres. Ainsi, le chapitre 4 traite des deux premières phases du processus, soit le repérage de la demande ou du problème social et l’analyse de la situation. Le chapitre 5 est consacré à la troisième phase du processus d’intervention, celle de l’évaluation diagnostique. Le chapitre 6 aborde la quatrième phase du processus, l’élaboration du projet d’intervention, sous l’angle du contrat. Le chapitre 7 se veut une introduction à la phase 5 de la mise en oeuvre du projet d’intervention, laquelle est approfondie dans les chapitres 8 (six types d’intervention directe), 9 (quatre types d’intervention indirecte) et 10 (intervention indirecte au niveau des organismes sociaux). L’évaluation des résultats, sixième phase du processus d’intervention, est examinée dans le chapitre 11 sous l’angle de sa pertinence et des outils nécessaires à sa réalisation. Enfin, le chapitre 12 est consacré aux différentes formes de clôture de l’intervention et aux enjeux pour l’usager et le travailleur social lors de cette dernière phase. En conclusion, les auteurs émettent quelques réflexions concernant trois thèmes non abordés dans leur ouvrage, soit l’éthique et la déontologie, l’intervention sociale d’intérêt collectif et la recherche en travail social.
Bien que l’on puisse s’interroger sur certains choix des auteurs, par exemple quant au découpage des phases du processus d’intervention, quant aux types d’interventions directes et indirectes ou quant aux différents outils d’évaluation des résultats de l’intervention, l’ouvrage offre un portrait intéressant, détaillé et appliqué de la méthodologie de l’intervention. L’un des points forts du livre est certainement son caractère pédagogique. La préoccupation des auteurs pour l’articulation entre la théorie et la pratique de l’intervention est manifeste. Les aspects méthodologiques de l’intervention sont explicités en lien avec le contexte légal et organisationnel de la pratique, et ils sont illustrés par des exemples ajoutant à la compréhension. Le lecteur aurait toutefois apprécié un regard plus critique quant au rôle du travailleur social au regard des contraintes organisationnelles et des valeurs sociales. Le rôle d’acteur de changement social n’est guère développé.
L’intention de l’auteure et de ses collaborateurs de proposer une démarche générale rendant compte de « ce qui est commun à toutes les situations particulières de l’action quotidienne » (page 14) se heurte cependant au caractère ambitieux d’un tel projet. Le livre est structuré de façon cohérente, mais certains thèmes auraient mérité d’être mieux circonscrits. Le titre complet de l’ouvrage étant Méthodologie de l’intervention en travail social : L’aide à la personne, le livre aurait gagné à se concentrer uniquement sur l’intervention individuelle et à mettre de côté la méthodologie de l’intervention de groupe. Bien que les chapitres débutent souvent par une définition des principaux concepts et leur origine étymologique, au fil du texte, le lecteur se trouve submergé par d’autres concepts qui sont mis en relation sans plus d’approfondissement. Il en ressort une confusion conceptuelle et il devient difficile de saisir les particularités de tel type d’intervention au regard de tel autre.
Une deuxième limite importante de cet ouvrage a trait à sa mise à jour. L’auteure et ses collaborateurs annoncent quatre chapitres « entièrement nouveaux dans leur conception et contenu » (page 12), mais seul le chapitre sur l’évaluation des résultats est un ajout, d’ailleurs pertinent, original. Les chapitres, dits nouveaux et les autres, ont certes été révisés et actualisés. La mise à jour est toutefois inégale, autant sur le plan du développement des connaissances que des changements sociaux, par exemple dans les rôles familiaux. De même, l’analyse et la réflexion critique sur les pratiques diffèrent grandement d’un chapitre à l’autre. L’intérêt du lecteur s’en trouve donc émoussé. Bien que l’on retrouve des références bibliographiques récentes, certains incontournables, dont la définition internationale du travail social adoptée en 2000, ne sont pas mentionnés.
Depuis sa parution en 1981, ce livre a été l’un des textes de référence dans les programmes de formation à l’intervention individuelle. Cette nouvelle édition a été motivée principalement par l’évolution des problèmes sociaux, les changements dans les politiques sociales et les programmes sociaux, la transformation des pratiques d’intervention et les changements entourant la formation menant au Diplôme d’État d’assistant en service social en France. En ce sens, l’ouvrage sera particulièrement utile aux enseignants et étudiants français. Certains de ces éléments ne sont toutefois pas spécifiques au contexte français et bien que le livre en soit fortement imprégné, étudiants et praticiens québécois peuvent y trouver leur intérêt à l’égard des aspects méthodologiques de l’intervention individuelle.