ChroniquesPoésie

Cinq volets pour un Triptyque[Notice]

  • André Brochu

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  • André Brochu
    Université de Montréal

Robert Giroux, qui fut jusqu’à une date récente le dynamique éditeur de la maison Triptyque et le directeur de la revue Moebius, s’est aussi illustré comme auteur de recueils de poèmes d’une belle tenue. Sa poésie en est une de présence à ce qui constitue l’univers singulier d’un homme. Tel est le cas notamment dans son dernier recueil, intitulé Debout sur le côté des choses, titre qui suggère un rapport au monde à la fois direct et délicat (ou risqué ?). Déjà, dans ses écrits antérieurs, Robert Giroux avait exploré une multiplicité d’approches, internes et externes à l’écriture proprement dite. Il avait inventorié, en véritable spécialiste, l’univers de la chanson ; mais aussi, sur le plan plus proprement créateur, la poésie narrative (Soleil levant). À plusieurs reprises, il donne à lire une forme d’évocations autobiographiques (par exemple, sa vie d’étudiant à Paris-Vincennes, dans L’hiver qui court suivi de La banlieue au coeur des villes). On retrouve ce filon mémoriel dans des poèmes sur Haïti (43-47), et surtout dans deux poèmes consacrés à ses frères décédés (26-27). L’un de ces poèmes prend la forme d’une lettre à un ami, au titre familier comme on en trouve peu souvent en poésie : « Bonsoir Momo » (26). (Momo, « ami cher, proche », revient aussi dans « Tumulte tu » [56-58], qui tient plus de la nouvelle que du poème.) Le poète ne dédaigne pas l’expression confidentielle, et même crue, comme dans « Petit Janus » où, s’adressant à un proche de dix ans, il s’exclame : « déjà tu t’amuses à te branler à tout vent » (38). Toutefois, les textes personnels qui, malgré leur cachet incontestablement littéraire, peuvent apparaître moins opportuns que d’autres, sont encadrés par des poèmes qui poussent très loin la recherche de l’image propre à transfigurer la représentation du réel. Dès le début du recueil, on lit ces vers inspirés : Les tiges (joncs, roseaux) ont ou sont des voix, leur immatérielle beauté flotte sur l’eau minéralisée (« lac d’argent ») dont le vent accentue la matérialité (« brossé »), ce vent trotte à la façon d’un animal, etc. Le paysage représenté est magiquement traversé de résonances qui en multiplient le sens. La peinture très vivante du paysage, sans abolir la description de premier niveau, l’enrichit de métaphores prenantes. Plus loin, partout, on retrouve le même pouvoir de suggestion : « Les étoiles voyagent sur des jambes de cristal/quand la nuit fige sous l’effet des vents ». (20) Les étoiles sont des êtres animés et matériels à la fois, qui suscitent l’émerveillement et confèrent à la nuit un sombre pouvoir d’enchantement. La disparité de l’inspiration, qui couvre aussi bien les humains que la nature, commande habituellement dans Debout sur le côté des choses une expression belle et soignée. Il arrive sans doute que le poète reste à la périphérie des sujets qu’il aborde, mais il donne généralement d’eux un aperçu valable et chaleureux. À côté de la diversité d’inspiration d’un Robert Giroux, c’est l’uniformité du langage de Diane-Ischa Ross, dans Les jours tigrés, qui frappe le lecteur. Voilà, en effet, un discours apparemment calme, précis et qui, sans être délibérément hermétique, nous entraîne de surprise en surprise, comme si l’énigme de la communication se creusait de l’intérieur. La poésie est alors une révélation sans fin du mystère des choses, accrochée aux vérités familières de la vie quotidienne et pourtant, constamment plongée dans la figure inédite, celle qui nous transmet la sensation de découvrir les objets et les êtres : Ces cinq vers, très suggestifs, échappent à la perception réaliste. Qui (ou …

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