Comptes rendusBook ReviewsReseñas

Boisvert Mathieu, 2018, Les hijras : portrait socioreligieux d’une communauté transgenre sud-asiatique. Montréal, Presses de l’Université de Montréal.

  • Émilie Arrago-Boruah

…more information

  • Émilie Arrago-Boruah
    Centre d’Études himalayennes (CEH), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Aubervilliers, France

Access to this article is restricted to subscribers. Only the first 600 words of this article will be displayed.

Access options:

  • Institutional access. If you are a member of one of Érudit's 1,200 library subscribers or partners (university and college libraries, public libraries, research centers, etc.), you can log in through your library's digital resource portal. If your institution is not a subscriber, you can let them know that you are interested in Érudit and this journal by clicking on the "Access options" button.

  • Individual access. Some journals offer individual digital subscriptions. Log in if you already have a subscription or click on the “Access options” button for details about individual subscriptions.

As part of Érudit's commitment to open access, only the most recent issues of this journal are restricted. All of its archives can be freely consulted on the platform.

Access options
Cover of Diversité de genre, Volume 47, Number 2, 2023, pp. 15-274, Anthropologie et Sociétés

Après avoir travaillé quinze ans sur les pèlerinages hindous, Mathieu Boisvert a constitué une équipe de recherche canado-indienne afin d’enquêter sur la communauté hijra qui regroupe en Inde des individus nés de sexe masculin, ou dans de rares cas, avec une malformation sexuelle, et s’habillant comme des femmes. Le présent ouvrage est le fruit de ce travail collectif dont l’auteur a rédigé la plupart des chapitres, à part celui sur la question du vieillissement (Isabelle Wallach) et celui sur le droit des hijras, écrit à deux (Mathilde Viau Tassé et Karine Bates). Construit en neuf chapitres à partir de récits de vie et de vingt-six entretiens avec des personnes hijras vivant dans le Maharashtra, à Mumbai ou à Pune, ce livre nous offre des portraits saisissants grâce à l’abondance de détails concrets et de confidences intimes. Il apporte en ce sens un réel éclairage par rapport à la littérature existante. Le récit de vie de deux hijras est intégralement ajouté à la fin ainsi que la réflexion d’une des interprètes indiennes dont le regard sur cette communauté a évolué au fur et à mesure de sa participation au projet. Ce livre, agrémenté d’un dossier photographique et d’un glossaire de termes vernaculaires, constitue par conséquent un florilège de témoignages poignants, actuels et très personnels. Professeur au Département de sciences des religions à l’Université du Québec à Montréal, Mathieu Boisvert n’a pas seulement retranscrit les témoignages des personnes interrogées par thématique : il avance une thèse. Fort de ses connaissances en anthropologie religieuse et sur le monde indien, il estime que la communauté hijra est calquée sur celle des différentes communautés ascétiques hindoues. L’auteur propose ainsi une approche « religiologique » (p. 18). Le parallèle entre le rituel d’entrée au sein de cette communauté et dans les lignées ascétiques est particulièrement convaincant, notamment grâce aux multiples témoignages entre le lien qui unit toute nouvelle recrue à sa guru, mais aussi à sa lignée d’appartenance. Chemin faisant, l’auteur arrive aussi à dresser les singularités religieuses de cette communauté. Tout d’abord, les frontières entre la religion hindoue et musulmane apparaissent comme étant particulièrement floues, d’autre part, le chapitre sur les rites funéraires apporte quelques éclairages inédits sur la primauté du sexe biologique sur le genre à cet instant précis de l’existence (p. 105-106). Enfin, certaines hijras reçoivent d’autres types d’initiations qui sont en principe le propre d’autres communautés, comme les jagtas. Ce point est capital, car de nombreuses communautés « transgenres » existent en Inde et les hijras ne représentent que l’une d’entre elles. L’ouvrage apporte également des données intéressantes sur les nouveaux liens de parenté symboliques que la structure sociale de cette communauté met en place. La description de la cérémonie d’allaitement (p. 133-136), qui fait un parallèle avec le lait et le sang, est très bien documentée. L’entrée dans la communauté apparaît en outre comme une renaissance lorsque la nouvelle recrue change de prénom. Quant à sa relation avec sa guru, le choix de s’en séparer au cours de sa vie se lit comme un divorce. Même si toute relation sexuelle entre hijras est prohibée, la séparation d’une disciple avec sa guru nécessite un passage devant les autorités qui régissent la lignée d’appartenance et qui décident de l’amende à verser. Sans le dire explicitement, l’auteur nous montre que l’adhésion à cette communauté peut générer des formes d’exploitation. Non seulement une hijra doit allégeance à sa guru, mais elle est censée suivre l’occupation principale de sa lignée, qu’il s’agisse de faire des bénédictions rituelles ou d’être travailleuse du sexe. Chaque hijra a même le devoir de s’occuper de sa guru jusqu’à sa …