Les ateliers de l'éthique
The Ethics Forum
Volume 7, Number 1, Spring 2012
Table of contents (16 articles)
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Liminaire
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Le service sexuel comme « service artistique » : la dissolution du sexe pour une éthique minimale du travail du sexe
Julie Lavigne
pp. 4–23
AbstractFR:
Comment en arrive-t-on à proposer comme oeuvre d’art une relation sexuelle tarifée avec un collectionneur ? En 2003, l’artiste en art conceptuel et performeuse américaine, Andrea Fraser, commettra l’impensable de « coucher » avec un collectionneur afin de critiquer le milieu et surtout le marché de l’art contemporain. L’article qui suit propose une analyse thématique de l’aspect sexuel et éthique de cette oeuvre intitulée Untitled. Il sera d’abord question des significations possibles de cette performance et ses questionnements artistiques plus autoréférentiels. Je compte ensuite aborder plus précisément la position trouble de la subjectivité de l’artiste qui oscille entre une posture d’objet sexuel et d’artiste. De même, le texte fera état de la position novatrice que l’oeuvre présente sur les enjeux éthiques du travail du sexe en déconstruisant les arguments paternalistes généralement invoqués pour criminaliser le travail du sexe. Et finalement, j’aborderai la question de savoir comment la nature sexuelle de l’oeuvre vient désacraliser à la fois l’art et la sexualité, et par le fait même critiquer l’idée que la sexualité soit le siège de la subjectivité. En désacralisant ainsi la sexualité, je postule qu’Untitled offre la possibilité de concevoir le travail du sexe de manière plus neutre.
EN:
How can a sexual act in exchange of money with an art collector be offered as a work of art? In 2003, performer and conceptual artist Andrea Fraser committed the unthinkable of sleeping with an art collector in order to critique the contemporary art milieu and market. The following article proposes a thematic analysis of sexual and ethical components of this work of art entitled Untitled. I will first discuss possible meanings of such a performance and its artistic considerations. I will then address more precisely the troubled position of the artist’s subjectivity, which vacillates between a sexual object and an artist. Moreover, the article will highlight the innovative position presented by this work of art on ethical issues regarding sex work by deconstructing paternalistic claims generally used to support the criminalization of sex work. Finally, I will discuss how the sexual nature of this work of art comes to desecrate art, along with sexuality, thereby criticizing the idea that sexuality is the main site of subjectivity. Through this desecration of sexuality, I argue that Untitled offers the possibility to apprehend sex work in a more neutral way.
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L’État doit-il mettre fin au financement des écoles ethnoreligieuses ?
Marina Schwimmer, Andrée-Anne Cormier, Bruce Maxwell, David Waddington and Kevin McDonough
pp. 24–44
AbstractFR:
Cet article considère la question de la légitimité du financement public des écoles dites ethnoreligieuses à la lumière du modèle interculturaliste de citoyenneté. La première section dresse un bref portrait historique du débat autour de cette question tel qu’il s’est présenté au Québec. Ensuite, elle explique en quoi cette problématique révèle une tension inhérente aux principes clés de l’interculturalisme. La seconde partie propose une critique de l’approche standard pour aborder l’enjeu du financement public des écoles ethnoreligieuses et défend une approche alternative fondée sur une vision plus globale des finalités politiques de l’interculturalisme. La troisième et dernière section propose, en s’appuyant sur le modèle alternatif défendu, quatre mesures régulatrices visant à répondre aux difficultés que posent les politiques de financement public des écoles ethnoreligieuses.
EN:
This article considers the question of the legitimacy of publicly financing so-called ethnoreligious schools in light of the intercultural model of citizenship. The first section presents a sketch of the history of the debate over the public financing ethnocultural schools in Quebec. Next, it explains how this question reveals a tension inherent in the key principle of interculturalism. The second part offers a critique of the standard approach to the question of the public financing of ethnoreligious schools and defends an alternative approach based on a global vision of the political aims of interculturalism. In the third and final section, we draw upon the proposed alternative approach in order to introduce four regulatory measures that aim to address the political difficulties presented by the policy of publicly financing ethnoreligious schools.
Dossier : Violence et démocratie délibérative
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Sous la direction de Martin Blanchard
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Violence et démocratie délibérative : introduction
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Contestation internationale contre élites mondiales : l’action directe et la politique délibérative sont-elles conciliables ?
Francis Dupuis-Déri
pp. 50–75
AbstractFR:
Dans cet article, j’analyse à la lumière des normes libérales de la politique délibérative le bien-fondé de l’action directe contre les institutions internationales associées au néolibéralisme et à la mondialisation du capitalisme (Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce, etc.). Le processus délibératif de ces organismes étant illégitime du point de vue de la théorie de la politique délibérative, les activistes du mouvement altermondialiste sont en droit de contester ces organismes. De plus, une attitude de contestation peut avoir en elle-même une valeur délibérative pour au moins sept raisons : (1) lancer une délibération ; (2) élargir la participation à la délibération ; (3) renforcer la représentativité ; (4) faire circuler l’information et faire connaître les arguments (publicité) ; (5) stimuler l’imagination ; (6) pousser à l’action ; (7) relancer la délibération. Finalement, les mouvements sociaux tels que le mouvement altermondialiste peuvent être vus comme des forums délibératifs. Ainsi, qui veut évaluer la légitimité de l’action directe doit prendre en considération la nature délibérative du processus par lequel les activistes choisissent les moyens les plus efficaces à utiliser pour corriger les défauts du processus délibératif officiel et pour faire avancer l’égalité, la liberté et la justice.
EN:
In this article I examine the legitimacy of direct action in relation to liberal deliberative norms and global institutions (World Bank, World Trade Organization, etc.). Since the deliberative processes of these institutions are illegitimate according to the theory of deliberative politics, the activists of the movement for global justice should be legitimate to confront these institutions. Moreover, confrontational action in itself may have a deliberative value for at least seven reasons: (1) initiating deliberation (agenda-setting) ; (2) enlarging participation ; (3) enlarging representation ; (4) disseminating information and arguments (publicity) ; (5) stimulating imagination ; (6) pushing for action ; (7) re-opening deliberations. Finally, social movements such as the movement for global justice may be seen themselves as deliberative arenas. Thus, those who seek to evaluate the legitimacy of direct actions need to take into consideration the deliberative nature of the process through which activists decide which means may be more efficient in order to repair defects in the official deliberative process, and promote equality, liberty, and justice.
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L’action collective et la légitimité de la démocratie délibérative
Pierre Hamel
pp. 76–87
AbstractFR:
L’article de Francis Dupuis-Déri propose que l’action directe constitue une voie privilégiée pour améliorer et encourager des délibérations plus égalitaires et participatives. Mon commentaire est subdivisé en deux parties. Dans un premier temps je situerai l’enjeu de la démocratie délibérative du point de vue de l’action collective. Dans un second temps je reviendrai à la thèse mise en avant par Francis Dupuis-Déri pour mettre en lumière ce qui me semble important dans son analyse. Je soulignerai par ailleurs certaines limites de son texte. Cela me permettra de formuler des remarques supplémentaires au débat relatif à la portée de l’action des mouvements sociaux à l’endroit de la démocratie délibérative.
EN:
Francis Dupuis-Déri’s paper suggests that direct action represents an excellent mean to enhance and encourage more egalitarian and participatory deliberations. My comment is divided into two parts. Initially I will analyze the issue of deliberative democracy in terms of collective action. In a second step I will return to the thesis put forward by Francis Dupuis-Déri and highlight what I think is important to follow. I will also emphasise some limitations of this thesis. This will allow me to make supplementary remarks in line with the scope of social movements regarding deliberative democracy.
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Politique délibérative, démocratie représentative et action violente
Alban Bouvier
pp. 88–102
AbstractFR:
L’article de Francis Dupuis-Déri, « Contestation internationale contre élites mondiales : l’action directe et la politique délibérative sont-elles conciliables ? » soulève bon nombre de questions. Sur le fond, quoiqu’il m’eût été beaucoup plus agréable de multiplier les points d’accord en réponse à une aimable invitation à discuter cet article, je dois me résoudre à exprimer de nombreux désaccords, dont je ne sais pas toujours à quel point ils sont profonds, sauf sur une question, d’ordre éthique, où je suis sûr qu’ils le sont ; car j’ai souvent été dans l’embarras quant à l’identification de la véritable conception que l’auteur se fait de la politique délibérative. Mon propos consistera essentiellement à introduire des distinctions conceptuelles qui me semblent négligées par l’auteur. Ces désaccords ne vont pas, heureusement, sans quelques points d’accord sur des questions qui me semblent dénuées d’équivocité et que j’espère importantes pour l’auteur.
EN:
Francis Dupuis-Déri has published a paper on “Global Protesters Versus Global Elites: Are Direct Action and Deliberative Politics Compatible?” that raises many questions. Although it would have been much more enjoyable to multiply agreements in response to a kind invitation to discuss this article, I must express many disagreements about fundamental points in this paper, while I still do not know how deep they stand, except on an ethical question that I believe is profund, for I have often been in trouble in identifying the author’s conception of deliberative politics. I will focus my comments on introductory conceptual distinctions that seem neglected by the author. These disagreements are not, fortunately, without some points of agreements on issues that seem devoid of ambiguity, and that I hope are important for the author.
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And, I mean every word of it: Comments on Francis Dupuis-Déri’s “Global Protesters Versus Global Elite: Are Direct Action and Deliberative Politics Compatible ?”
Genevieve Fuji Johnson
pp. 103–111
AbstractEN:
Focusing on how recent protests centered on global economic and environmental injustices can contribute to furthering deliberative politics and realizing deliberative democracy, Francis Dupuis-Déri examines the important and historical tension between force and persuasion. However, casting protest as legitimate in the framework of deliberative politics and as serving deliberative democracy obscures its own value in endeavors to achieve social, economic, and environmental justice. Being sympathetic to Dupuis-Déri’s work, I wish to make several, interrelated conceptual and practical clarifications in order to bring back to the fore the fundamental importance of protest, in terms of contributions not to deliberative politics and deliberative democracy but to public discourse.
FR:
À partir d’une analyse de la manière dont les actions directes s’opposent aux injustices économiques et environnementales et peuvent contribuer à faire avancer et à réaliser la politique délibérative, Francis Dupuis-Déri examine la tension historique et importante entre la force brute et le pouvoir de persuasion. Cependant, le fait de chercher à légitimer la protestation dans le cadre de la politique délibérative et comme un moyen pour les fins d’une démocratie délibérative obscurcit la valeur propre des protestations pour réaliser la justice sociale, économique et environnementale. Étant sympathique aux travaux de Dupuis-Déri, je tiens à faire plusieurs clarifications conceptuelles et pratiques en vue de ramener à l’avant-scène l’importance fondamentale des protestations, en terme de contributions non pas à la démocratie délibérative, mais au discours public.
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Against Legitimacy
Matt James
pp. 112–118
AbstractEN:
Francis Dupuis-Déri confronts the domestication of radical ideas in his superb and stimulating essay, “Global Protestors Versus Global Elites: Are Direct Action and Deliberative Politics Compatible?”, and leads to the intriguing claim that the legitimacy of radical anti-capitalist protest rests ultimately on its internally deliberative quality. This account, however compelling as it stands in many ways, seems to give undue predominance to legitimacy claims. The problem of democracy and global capitalism today is that the global justice movement’s designated constituency does not exist as an actor, for the simple reason that the majority of its putative members have yet to accept the problem forwarded by the global justice movement. People must be convinced to join movements against corporate control, democratic weakening, and income inequality ; fortifying legitimacy among the already committed does not seem to be helping.
FR:
Francis Dupuis-Déri aborde la domestication des idées radicales dans son superbe et stimulant article sur la compatibilité entre l’action directe et la politique délibérative. Les thèses présentées conduisent à la position plutôt étonnante que la légitimité des protestations radicales et anticapitalistes repose en fin de compte sur leur qualité délibérative interne. Aussi convaincante soit-elle à bien des égards, cette analyse semble conférer une prédominance excessive aux revendications de légitimité. Le problème actuel de la démocratie et du capitalisme mondial est que le mouvement altermondialiste n’existe pas en tant qu’acteur, pour la simple raison que la majorité de ses membres présumés n’ont pas encore saisi le problème décrié par le mouvement altermondialiste. Les gens doivent être convaincus de rejoindre les mouvements sociaux contre le contrôle des entreprises, contre l’affaiblissement démocratique et contre l’inégalité des revenus ; le fait de fortifier la légitimité des revendications à des personnes déjà convaincues ne semble pas être de la plus grande aide.
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Démocratie ou oligarchie ? Quelques réflexions sur notre situation politique actuelle
Martin Breaugh
pp. 119–126
AbstractFR:
L’article de Francis Dupuis-Déri commenté ici et qui tente de réconcilier l’action directe avec la théorie délibérative pose un certain nombre de questions. En premier lieu, pourquoi concéder aux théories libérales un contenu démocratique alors que ces théories démontrent plutôt une mise à l’écart de l’agir collectif démocratique. En ce sens, les régimes libéraux ne sont pas tant élitistes que profondément oligarchiques. Une fois cette précision apportée au débat, il est possible de lire l’article de F. Dupuis-Déri comme opposant deux visions distinctes du monde, l’une émanant de l’extension du marché économique à toutes les sphères de la vie et l’autre exigeant un monde plus égalitaire. La question du populisme devient alors essentielle pour bien comprendre les raisons qui motivent à dépeindre un groupe comme étant violent et anti-démocratique. Il importe ainsi de bien nommer les phénomènes et, en particulier, de comprendre la nature oligarchique des régimes libéraux pour légitimer les actions directes.
EN:
My comments on Francis Dupuis-Déri’s paper, that tries to reconcile direct actions with deliberative theory, raises a number of questions. First, I wonder why the paper concedes any democratic substance to liberal theories, as these theories have repeatedly rejected all kinds of democratic collective action. In this sense, liberal regimes are not as much elitists as they are oligarchic. Once this clarification is made in the debate, it becomes possible to read F. Dupuis-Déri as contrasting two distinct visions of the world, one encouraging the expansion of the market in all spheres of life and the other demanding a more egalitarian world. The question of populism then becomes essential in trying to understand the reasons why a group is portrayed as being violent and anti-democratic. It is therefore important to properly name these types of phenomena and, in particular, to understand the nature of oligarchic liberal regimes if one wishes to bring legitimacy to direct actions.
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« L’argument de la vitrine cassée est le meilleur du monde moderne ». Reconsidérer les rapports entre l’action directe et la politique délibérative
Francis Dupuis-Déri
pp. 127–140
AbstractFR:
Dans ce texte, je réponds aux commentaires et aux critiques qui ont été adressées à mon texte de 2007 qui mettait en rapport l’action directe et la démocratie délibérative. Je concède que j’ai fait preuve d’un peu trop d’optimisme, en particulier dans un cadre politique libéral, à vouloir chercher dans ce face-à-face une voie permettant de déboucher sur un dialogue. Je reprends certains des commentaires qui me permettent de distinguer plusieurs formes de débats publics et de les pluraliser, pour faire place à des publics et des voix discordantes, dont un public anarchiste, qui par des actions directes revendique une voix égale aux autres publics.
EN:
In this paper, I respond to comments and criticisms that have been addressed to a paper I have published in 2007 that articulated direct action and deliberative democracy. I concede that I was a little too optimistic in seeking through this confrontation a path that would lead to a dialogue, especially in a liberal political context. I uptake some of the comments that help me in distinguishing many forms of public debate and pluralizing public spaces, in order to make way for discordant public and voices, and in particular an anarchist public that claims, with the help of direct action, an equal voice with others.
Dossier: Normativity and Normative Psychology
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Sous la direction de Mauro Rossi
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Normativity and Normative Psychology: Introduction
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La responsabilité et les limites du mal. Variations sur un thème de Strawson
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Tirer la responsabilité au clair : le cas des attitudes implicites et le révisionnisme
Luc Faucher
pp. 179–212
AbstractFR:
Dans cet article, je considère l’influence possible des recherches récentes sur les attitudes en psychologie sociale, principalement dans le paradigme des théories des processus duaux [dual process theories], sur notre compréhension de la responsabilité. La thèse que je soutiens est que certaines révisions à notre façon de comprendre la responsabilité et nos pratiques d’attribution de la responsabilité pourraient être justifiées par ces travaux. Avant de présenter les révisions que j’introduis, je décris les grandes lignes du paradigme que j’utiliserai, soit celui des théories processus duaux tel qu’appliqué aux attitudes. Puis, m’inspirant de Vargas (2004, 2005), je présente les différentes formes que peuvent prendre le révisionnisme. Parce que ces révisions s’appliquent à des notions qui sont utilisées à la fois par le commun des mortels et par les philosophes (qui tentent soit de les reconstruire rationnellement, soit de les modifier), je présente ce que l’on présume que pense chacun des groupes sur la question. Finalement, je présente trois révisions, plutôt « locales », que ces travaux pourraient inspirer.
EN:
In this paper, I want to consider the possible influence of recent research in social psychology about attitudes — more precisely in the dual process paradigm — on our comprehension of responsibility. The thesis I want to defend is that this body of work could inspire a certain number of revisions to our way of understanding responsibility. Before introducing these revisions, I describe, in broad strokes, the empirical paradigm of dual process as applied to attitudes. Then, in order to be clear about the kind of revisions that I will propose, I present Vargas’ taxonomy of revisionism (2004, 2005). Because revisions are applied to notions that are used both by folks and philosophers (that present their theories as reconstructions of common sense), I present what each group thinks of responsibility. Finally, I present three revisions — mostly local revisions —that theories of dual attitudes could inspire.
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Les psychopathes sont-ils heureux ? Un défi pour la moralité
Jessy Giroux
pp. 213–233
AbstractFR:
Dans le but de défendre la thèse de la correspondance entre le comportement moral et le bonheur, j’analyse dans cet article le cas problématique des psychopathes. Les psychopathes sont des individus qui ne reculent devant aucun interdit moral pour satisfaire leurs désirs, et qui ne ressentent aucun remord ou scrupule face à leurs agissements. En ce sens, ils paraissent obtenir un « ticket gratuit » dans le domaine de la moralité. Comment un défenseur de la thèse de la correspondance entre moralité et bonheur peut-il rendre compte du cas du psychopathe ? Le psychopathe vient-il réfuter cette thèse, ou représente-t-il plutôt une exception légitime ? Je défendrai ici une solution alternative ; après avoir proposé une version plausible de la thèse de la correspondance, je tenterai de démontrer que les psychopathes ne sont pas heureux, et ce en vertu de caractéristiques essentielles de la psychopathie. Leur statut de « criminel en puissance » et leur faible capacité de contentement sont les deux éléments centraux qui m’amèneront à conclure que les psychopathes ne sont pas heureux. Loin de réfuter ou d’échapper à la thèse de la correspondance, le cas des psychopathes vient donc en réalité renforcer cette thèse.
EN:
My goal in this paper is to defend the idea of a general correspondence between happiness and morality, and I do so by analyzing the problematic case of psychopaths. Psychopaths are individuals who are not bothered by moral restrictions when it comes to satisfying their desires. They feel no remorse and have no scruples, and as such they appear to be “free-riders” in the realm of morality. The unusual case of psychopaths will therefore pose a problem to someone who argues that there is a correspondence between happiness and morality: should psychopaths be seen as refuting the correspondence rule, or are they merely a legitimate exception to that rule? I will propose an alternative explanation; after having presented a plausible version of the correspondence thesis, I will try to show that psychopaths, for reasons constitutive of their nature, really are not happy. Psychopaths’ quasi-inevitable criminal behaviours as well as their low capacity for contentment are two central elements that lead me to argue that they are not happy. I therefore conclude that psychopaths, far from refuting the correspondence thesis, actually reinforce that thesis.
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La confiance et le rapport aux normes : le problème de la méfiance face à la différence
David Robichaud
pp. 234–252
AbstractFR:
Nous proposons dans ce texte une hypothèse explicative de la méfiance plus grande observée entre des individus différents les uns des autres sur un aspect identitaire jugé pertinent par ceux-ci. Nous débutons par présenter une esquisse de définition de la confiance et nous plaçons les normes de rationalité et de moralité au centre de cette définition. Nous faisons confiance à autrui pour qu’il respecte certaines normes explicites ou implicites. Cette définition nous permet d’éviter deux écueils : celui de considérer qu’il est immoral de ne pas faire confiance à autrui, et celui de considérer qu’il est irrationnel de ne pas faire confiance à autrui. Nous ne pouvons donc pas critiquer la tendance à ne pas faire confiance à des individus différents d’un pont de vue moral ou rationnel. Nous terminons en proposant une hypothèse permettant d’expliquer comment peut émerger la méfiance entre individus différents.
EN:
In this paper, I offer a hypothesis explaining how and why lower trust levels are observed between people who consider themselves as different on a relevant identity variable. I begin by clarifying the central aspects of a definition of trust built around the idea that trusting someone is basically trusting to follow some norms. These norms can be implicit or explicit; they can be norms of rationality and norms of morality. We trust people to act rationally or morally, which is different from trusting rationally or morally. I argue that defining trust as rational or moral is a mistake and so the lower trust level towards different people cannot be criticized from a rational or moral point of view. I conclude the paper by offering a possible explanation of this lower trust level based on my proposed definition.