Abstracts
Résumé
En ce 150e anniversaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, l’article qui suit explore la manière dont les règles non écrites et les conventions concernant la Couronne dans le système de Westminster, en général, et la règle de l’indivisibilité de la Couronne, en particulier, ont servi à augmenter le prestige et les pouvoirs des exécutifs provinciaux au sein de la fédération canadienne, et ce, malgré un texte semblant hiérarchiser l’État fédéral au regard des provinces. D’abord, le texte présente les principales règles concernant la Couronne et le rôle de cette dernière dans la structure constitutionnelle, pour, par la suite, observer la manière dont l’exercice de la prérogative royale par les gouvernements canadiens a permis d’augmenter leur autonomie par rapport aux autorités impériales. Puis il analyse l’ambivalence des constituants lors de la genèse du fédéralisme canadien relativement au rôle des provinces ; finalement, il démontre, entre autres, par une analyse de la jurisprudence, comment le droit non écrit et les conventions constitutionnelles ont favorisé les provinces.
Abstract
On the 150th anniversary of the British North America Act, 1867, this article explores how the unwritten rules and conventions regarding the Crown in the Westminster system, in general, and the rule of the indivisibility of the Crown, in particular, have increased the prestige and the powers of provincial executive power in the Canadian federation, even if the text of the Constitution appears to rank the federal government over the provinces. First, the article reviews the main rules concerning the Crown and its role in the constitutional structure, and then examines how the use of the royal prerogative by Canadian governments has allowed them to increase their autonomy with respect to the imperial authorities. Second, the article analyzes the ambivalence of the Fathers of Confederation at the birth of Canadian federalism with regard to the role of the provinces. Through an analysis of case law, it then shows how unwritten law and conventions have helped the provinces.
Resumen
En este 150˚ aniversario del Acta de la Norteamérica británica de 1867, este artículo examina de qué manera las reglas no escritas y las convenciones relacionadas con la Corona en el sistema de Westminster, en general, y la regla de la indivisibilidad de la Corona, en particular, han servido para extender el prestigio y los poderes del poder ejecutivo provincial en el seno de la federación canadiense, incluso si el texto constitucional parece establecer una jerarquía del Estado federal sobre las provincias. El texto presenta en un primer momento las principales reglas relacionadas con la Corona y su rol en la estructura constitucional, posteriormente observa cómo el ejercicio de la prerrogativa real de los gobiernos canadienses ha permitido ampliar su autonomía, en relación con las autoridades imperiales. Seguidamente, el texto analiza la ambivalencia de los constituyentes al momento del nacimiento del federalismo canadiense, en relación con el papel que juegan las provincias, y finalmente, muestra a través de un análisis jurisprudencial, de qué manera el derecho no escrito y las convenciones constitucionales han favorecido a las provincias.
Article body
L’union des colonies de l’Amérique du Nord britannique dans un système fédéral, « sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni », posait, dès les premiers termes du préambule de 1867[1], le problème de la compatibilité du fédéralisme avec les fondements du régime britannique. Ce système de Westminster, pensé pour un État unitaire, est caractérisé par la collaboration entre les pouvoirs de l’État réunis sous une couronne, indivisible et souveraine. Ce sont pourtant ces principes constitutionnels britanniques et cette couronne indivisible qui ont permis, dans une certaine mesure, l’émancipation à la fois du Dominion du Canada dans son ensemble, à l’époque impériale, et le maintien des provinces et du fédéral dans une relative égalité de statut au sein de la fédération canadienne. Véritable trait d’union du fédéralisme canadien[2], la Couronne est l’institution par laquelle la souveraineté canadienne peut se partager entre deux ordres de gouvernement, tout en demeurant indivisible[3].
Ajoutant notre contribution à celle d’autres qui ont étudié la relation entre la Couronne et le fédéralisme[4], nous souhaitons démontrer que la notion de « Couronne », malgré son symbolisme d’un passé colonial[5], a juridiquement permis la mise en place d’un fédéralisme fondé sur des rapports d’égalité entre le fédéral et les provinces, et ce, même si le texte de la Loi constitutionnelle de 1867[6] pouvait, à certains égards, laisser présager le contraire. Les règles non écrites de droit strict[7] et les conventions constitutionnelles au sujet de la Couronne ont donc, en quelque sorte, grandement limité la portée de certains éléments du texte constitutionnel[8].
Il convient de commencer par l’esquisse d’un portrait des règles fondamentales constituant la Couronne ainsi que de ses pouvoirs dans le système impérial britannique (1) pour, ensuite, observer la manière dont ces principes constitutionnels britanniques ont favorisé la mise en place d’un fédéralisme d’égalité au Canada (2).
1 De l’Empire à l’indivisibilité
Forme juridique difficile à définir, l’Empire britannique alliait l’unité politique et un certain degré d’autonomie pour ses parties[9]. Au coeur de ce système impérial, la Couronne était considérée comme une et indivisible à travers l’Empire lors de l’union en 1867. Ainsi, le Canada ne formait qu’un seul royaume avec le Royaume-Uni et ses autres colonies[10].
1.1 Les origines de la Couronne impériale
Selon le système britannique, la Couronne est une institution juridique. Dès l’époque de la Magna Carta, Bracton énonçait que « the law makes the King », et c’est précisément la raison pour laquelle ce dernier est soumis au droit[11]. Selon sir William Blackstone, la Couronne est une corporation sole[12], et elle est dévolue sans interrègne[13] suivant la common law, telle qu’elle a été confirmée et modifiée, de temps à autre, par des lois du Parlement impérial[14]. Ce système sui generis constitue, pour Benoît Pelletier, la charge du souverain et les règles de succession : « By constitutional custom, these laws and principles are part of a system that is sui generis. The amalgamation of these statutes and customary principles constitute the office of the sovereign as well as the rules of succession[15]. »
Ces règles et principes étaient, à l’époque impériale, modifiables uniquement par le Parlement impérial par l’effet de la common law constitutionnelle, codifiée plus tard dans la Colonial Laws Validity Act, 1865[16].
Depuis, environ, les XVe et XVIe siècles, la Couronne anglaise est, suivant les enseignements de Plowden, indivisible, ce qui correspond à une règle d’indivisibilité de l’État[17], et elle est impériale, puisque souveraine sur l’Angleterre elle-même[18]. Blackstone écrit : « The meaning therefore of the legislature, when it uses these terms of empire and imperial, and applies them to the realm and crown of England, is only to assert that our king is equally sovereign and independent within his dominions, as any emperor is in his empire[19]. »
Pour Guilluy, il s’agit de la conception Tudor de l’Empire, laquelle est synonyme de souveraineté : le roi d’Angleterre est tout autant souverain que pouvait l’être un empereur[20]. La vocation unificatrice du caractère impérial de la Couronne, quant à elle, sera posée par les rois Stuart[21], et perdurera jusqu’à l’apogée de l’Empire britannique.
En 1603, le roi d’Écosse, Jacques VI, de la dynastie des Stuart, est devenu également roi d’Angleterre en tant que Jacques Ier[22], sans pour autant que ses royaumes et ses couronnes s’unissent juridiquement[23]. Cinq ans plus tard, la Calvin’s Case[24] est venue établir que les sujets des couronnes écossaise et anglaise partageaient une allégeance commune au souverain personnellement, sans égard à la divisibilité de ses royaumes[25]. Ainsi, les sujets écossais pouvaient posséder des biens immobiliers en Angleterre. L’allégeance est une institution de common law qui correspond à la citoyenneté contemporaine : elle comporte, notamment, pour le sujet, un devoir d’obéissance à son roi et, pour ce dernier, un devoir de protection envers ses sujets[26].
La création de la Grande-Bretagne en tant qu’État unitaire s’est néanmoins faite un siècle plus tard. La Couronne britannique est le résultat de l’union législative de l’Écosse et de l’Angleterre, mise en oeuvre par les Unions Acts de 1706-1707[27], et de l’uniformisation des règles principales du droit public de ces royaumes et de leurs colonies[28]. La Couronne britannique, en tant qu’héritière de la Couronne anglaise, était donc également impériale et indivisible. Ces attributs ont été mobilisés pour permettre la gouverne de l’Empire : au xixe siècle, les tribunaux ont établi que la prérogative et les droits de la Couronne étaient indivisibles à travers l’Empire puisque la Couronne elle-même l’était[29].
Il faut reconnaître que la Couronne est, dans la structure constitutionnelle de l’Empire en général, tout comme dans celle des colonies (ou ex-colonies) en particulier, une notion juridique « aussi imprécise qu’omniprésente[30] ». Au-delà de sa signification identitaire ou politique[31] tirée de la règle de common law d’allégeance à la Couronne, ou des serments prêtés par les titulaires de charges publiques à l’endroit de Sa Majesté[32], la « Couronne » est un terme juridique pouvant référer à, au moins, deux réalités constitutionnelles. D’une part, comme la reine détient seule, en droit strict, le pouvoir exécutif[33], on fera parfois référence à la Couronne en voulant précisément parler de ce pouvoir. Ainsi en est-il, par exemple, lorsqu’on décrit l’interaction de la Couronne et du Parlement[34]. La Couronne est alors équivalente aux pouvoirs et aux droits détenus par la reine et son gouvernement. Encore que, dans certains cas, le terme « Couronne » désigne la reine seulement, et n’inclut pas ses ministres ou son gouvernement[35], solution très stricte généralement écartée en droit canadien[36], probablement parce que Sa Majesté canadienne doit, dans l’immense majorité des cas, exercer ses pouvoirs par l’entremise de l’un de ses gouvernements en raison du fédéralisme[37].
D’autre part, la Couronne correspond à l’État. Comme André Émond le souligne, la Couronne « symbolise et se confond juridiquement avec l’État anglais » et, strictement, le mot « État » ne fait pas partie de la terminologie juridique britannique[38]. D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a récemment affirmé que la Couronne est « l’État dans sa globalité[39] ». Il faut dire que, fondamentalement, la Couronne détient tous les pouvoirs de l’État. Cet enseignement a été dernièrement expliqué par la Cour suprême dans l’affaire Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, où la juge Karakatsanis, pour la majorité, écrit :
Au fil de plusieurs siècles de transformation et de conflits, le système anglais est passé d’un régime où la Couronne détenait tous les pouvoirs à un régime où des organes indépendants aux fonctions distinctes les exercent. L’évolution de fonctions exécutive, législative et judiciaire distinctes a permis l’acquisition de certaines compétences essentielles par les diverses institutions appelées à exercer ces fonctions[40].
Malgré cette évolution, une constante demeure : les « diverses institutions » qui exercent les trois fonctions de l’État soit comprennent Sa Majesté, soit exercent leurs pouvoirs sur sa nomination et en son nom[41]. Le pouvoir exécutif appartient à la reine[42], c’est-à-dire à la Couronne au sens exécutif du terme, tandis que le pouvoir législatif appartient à la « Reine-en-Parlement[43] » et le pouvoir judiciaire est exercé par des tribunaux nommés par la reine et constitués par la « Reine-en-Parlement ». Par exemple, les cours supérieures sont, comme la Cour suprême l’a rappelé dès 1879, les « tribunaux de la Reine[44] ». Cette confusion des pouvoirs de l’État s’est vu progressivement neutraliser par l’effet des conventions constitutionnelles et des règles jurisprudentielles. Dans l’affaire R. (Canada) c. R. (Île-du-Prince-Édouard), la Cour d’appel fédérale a bien synthétisé cette « séparation » fonctionnelle des pouvoirs dans la Constitution britannique à l’époque de l’union de 1867. Le juge en chef Jackett, pour la majorité, écrit :
b) que, vers 1867, comme résultat de cette évolution progressive (législative, jurisprudentielle et conventionnelle), le gouvernement était exercé au Royaume-Uni :
(i) du point de vue législatif, par le souverain agissant par l’entremise des chambres du Parlement du Royaume-Uni et sur leur avis et de leur consentement ;
(ii) du point de vue exécutif, par le souverain agissant soit sur l’avis soit par l’entremise de ministres (appelés collectivement le « gouvernement » du « jour ») lesquels ministres n’étaient pas, en règle générale, choisis par le souverain, mais remplissaient leurs fonctions en conservant la confiance du Parlement ;
(iii) du point de vue judiciaire, par des juges nommés par le souverain sur l’avis des ministres, mais qui, une fois nommés, étaient, durant bonne conduite, indépendants en fait, sinon en droit, du souverain, du gouvernement exécutif et du Parlement ;
de sorte que, sous réserve des exceptions contenues dans la loi, alors que d’autres détenaient en fait le pouvoir et la responsabilité, tous les actes du gouvernement, au sens le plus large du terme, étaient, en droit, des actes du souverain et que tous les biens publics lui étaient dévolus[45].
La jurisprudence récente de la Cour suprême a eu pour effet de formaliser encore plus, par l’ajout de garanties d’indépendance administrative et financière à la garantie de l’inamovibilité qui existait déjà, l’indépendance entre le pouvoir judiciaire et les autres pouvoirs de l’État[46]. À l’époque impériale, cette étanchéité était cependant bien moins complète. Par l’entremise de l’indivisibilité de la Couronne impériale, le pouvoir exécutif du Canada appartenait à la « Reine de l’Empire[47] », le pouvoir législatif suprême à la « Reine-en-son-Parlement impérial[48] » et le pouvoir judiciaire ultime à la « Reine-en-conseil, fontaine de toute justice[49] ».
La Couronne impériale était donc le système de contrôle de l’Empire britannique : elle permettait au gouvernement de Sa Majesté pour le Royaume-Uni d’exercer le pouvoir exécutif par les avis donnés à Sa Majesté concernant le Canada, et le pouvoir législatif par l’entremise du du Parlement impérial[50].
1.2 L’indivisibilité de la Couronne au service de l’autonomie des dominions
Si la Couronne, comme forme d’organisation de l’État, était l’instrument de contrôle du Royaume-Uni sur le Canada, c’est pourtant la même institution juridique qui a permis, dans une certaine mesure, l’octroi de pouvoirs aux gouvernements de la fédération canadienne.
Cette reconnaissance de pouvoirs aux exécutifs fédéral et provinciaux du Canada s’est opérée par le « véhicule » de la prérogative royale[51], source de pouvoirs exécutifs tirée directement de la common law, mais pouvant être limitée à tout moment par la loi du Parlement[52].
Une des premières reconnaissances de pouvoirs tirés de la prérogative à l’exécutif fédéral canadien a eu lieu dans l’affaire Canada v. Bank of Nova Scotia en 1885. Dans cette dernière, l’insolvabilité de la Bank of Prince Edward Island a provoqué un conflit entre le gouvernement fédéral et la Banque de Nouvelle-Écosse quant à l’ordre de collocation. La Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard a nié toute existence de la prérogative du gouvernement fédéral d’être payé en priorité sur les autres créanciers suivant la common law[53], affirmant, du même coup, que ce n’était qu’un créancier ordinaire. Infirmant la décision, la Cour suprême du Canada a reconnu que la prérogative est indivisible à l’échelle de l’Empire comme la Couronne est elle-même indivisible. Le juge Strong écrit :
That, for the purpose of entitling itself to the benefit of its prerogative rights, the Crown is to be considered as one and indivisible throughout the Empire, and is not to be considered as a quasi-corporate head of several distinct bodies politic (thus distinguishing the rights and privileges of the Crown as the head of the government of the United Kingdom from those of the Crown as head of the government of the dominion, and, again, distinguishing it in its relations to the Dominion and to the several provinces of the dominion) is a point so settled by authority as to be beyond controversy[54].
En conséquence, la Couronne ne hiérarchise pas juridiquement l’exécutif britannique par rapport à l’exécutif fédéral canadien. Le gouvernement fédéral canadien n’a pas une simple délégation de pouvoirs de la Couronne britannique : il fait partie de la Couronne britannique elle-même. Bien sûr, les prérogatives les plus importantes de la Couronne, comme celles qui sont relatives aux affaires étrangères, ne pourront être exercées, quant au Canada, que de l’avis des ministres britanniques conformément aux conventions constitutionnelles existantes à l’époque. Cependant, en droit formel, tout est en place pour que le Canada puisse affirmer sa souveraineté. Le simple changement de conventions constitutionnelles ayant eu lieu entre la Première Guerre mondiale et le Statut de Westminster[55], dont le point d’orgue a été la Déclaration Balfour de 1926, a permis l’exercice des prérogatives royales les plus importantes par les ministres canadiens[56]. Des traités pourront être conclus, des guerres pourront être déclarées entre le Canada et d’autres États, le tout de l’avis des ministres canadiens[57].
L’institution de la Couronne permettra la mise en place de la souveraineté canadienne en fournissant une assise juridique à l’exercice par les exécutifs canadiens, notamment, du jus tractatuum, du droit de déclarer la guerre et de signer la paix, du pouvoir d’adopter des symboles de l’État (dont les titres royaux) et d’octroyer des honneurs. Ultimement, la Couronne se divisera en droit formel entre le Canada et le Royaume-Uni[58], mais c’est parce qu’un jour il y a eu indivisibilité de la Couronne impériale que l’exécutif au Canada est doté de toute la puissance et des prérogatives de la Couronne telles qu’elles existaient dans la Constitution britannique.
2 De l’indivisibilité au fédéralisme
Le principe de l’imbrication du pouvoir exécutif canadien dans l’institution de la Couronne, par application du modèle britannique, s’est reproduit dans le fédéralisme canadien. Détentrice des pouvoirs exécutifs fédéraux et provinciaux du Canada, la Couronne est, en définitive, l’un des principaux vecteurs du fédéralisme au sein de l’architecture constitutionnelle canadienne.
2.1 Le texte de 1867 et le désir contradictoire des constituants
Les débats ayant mené à l’union des colonies britanniques d’Amérique du Nord ont été marqués par une controverse sur le situs de la souveraineté en contexte fédéral. Difficile dès lors de se référer aux réflexions qui portent sur le modèle britannique quant à cette question, ce dernier demeurant celui d’un État unitaire. Or, les Pères de la Confédération canadienne auraient pu se tourner vers le modèle américain, nouvellement établi, pour résoudre leur problème. À juste titre, Marc Chevrier précise que leurs homologues américains avaient d’ailleurs contourné le problème de la souveraineté en contexte fédératif en octroyant celle-ci au peuple, qui l’exercerait à travers des organes se limitant mutuellement par l’effet d’un système de poids et de contrepoids (checks and balances) :
Les Américains contournèrent la difficulté qu’elle soulevait en définissant la fédération comme un ordre politique sans souverain qui se maintient par l’équilibre concurrentiel des pouvoirs, et si cet équilibre venait à être rompu, par insuffisance des freins et contrepoids, on en référerait alors au juge subsidiairement […] Les fédéralistes [américains] parvinrent à répondre à l’objection des défenseurs de la souveraineté des États en transformant le sens du concept classique de souveraineté. Pour ce faire, ils critiquèrent le concept de souveraineté parlementaire de Blackstone et insistèrent plutôt sur l’idée que tout ordre politique doit tirer sa légitimité de la souveraineté du peuple[59].
Au Canada, la Constitution est inspirée par un vecteur de « revanche loyaliste sur la pensée révolutionnaire américaine[60] ». Plus encore, nombre de « Pères » fondateurs canadiens, dont John A. Macdonald en première ligne, estimaient que cette mauvaise attribution de la souveraineté aux États-Unis était en réalité la plus grande faiblesse de leurs voisins du Sud[61]. George-Étienne Cartier, fervent partisan de l’Empire, prétendait que l’atteinte du « vrai bonheur » demeurait même impossible « sous une forme républicaine de gouvernement[62] ». En somme, Andrew Smith souligne que la « tapisserie » de l’union est plutôt teintée par les fils d’un certain « loyalisme » envers la Grande-Bretagne[63]. Nulle part il n’est question de souveraineté dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique : on parle plutôt d’un réaménagement de la relation qui unit les colonies canadiennes à l’Empire, le tout largement influencé par le modèle impérial britannique[64].
Cette forme de loyalisme à l’endroit de la métropole et de son modèle se perçoit éloquemment dans les références, au sein de la Loi constitutionnelle de 1867, à la reine, qui conserve le pouvoir exécutif[65], à ses représentants (gouverneur général et lieutenants-gouverneurs) et au maintien de la suprématie législative de Westminster[66], ce qui comprend le Comité judiciaire du Conseil privé comme organe judiciaire ultime[67]. La souveraineté appartient à la Couronne, qui est, pour l’heure, la même que celle du Royaume-Uni. Marc Chevrier écrit :
Le cadre colonial plaçant la souveraineté dans le Parlement britannique, il devenait plausible de penser qu’une telle union reposerait sur des attributions de compétences entre deux paliers de gouvernement que garantirait la loi impériale, qui jouerait alors un rôle équivalent à celui de la Constitution américaine. Les États provinciaux tireraient donc leurs pouvoirs directement de la loi impériale, et non par délégation du Parlement fédéral[68].
Le fédéralisme établi en 1867, quant à lui, est situé quelque part entre un système des plus décentralisés[69] et celui d’un État unitaire[70]. Le choix canadien a été rapidement qualifié de « quasi-fédéralisme[71] » ou de fédéralisme imparfait[72]. En effet, le potentiel juridique dont disposent les autorités fédérales par l’effet du texte de 1867 pour « dominer le dispositif institutionnel[73] » est significatif. John A. Macdonald aurait d’ailleurs préféré reproduire le modèle d’union législative établi par l’Acte d’Union de 1840[74] dans le nouveau dominion, comme la Grande-Bretagne elle-même avait été formée de l’union des royaumes d’Écosse et d’Angleterre 160 ans plus tôt[75]. Comme l’écrivait Jean-Charles Bonenfant, « John A. Macdonald eut préféré l’union législative au fédéralisme, mais à cause du Bas-Canada et des provinces maritimes il comprit qu’elle était impraticable, mais il fit en sorte que la nouvelle constitution fut la plus centralisatrice possible[76] ».
La rédaction du texte de 1867 ayant été réalisée sous la supervision des autorités de Whitehall, qui voulaient également une autorité centrale forte, une foule de détails permettaient d’asseoir une interprétation constitutionnelle à l’avantage du gouvernement central, contrairement au désir du Bas-Canada et des provinces maritimes. Au-delà de l’évident pouvoir de désaveu et de réserve[77], il y a notamment la nomination du lieutenant-gouverneur par le gouverneur-en-conseil[78], la qualification unique du Parlement fédéral comme « Parlement[79] », la désignation de « Conseil privé de la Reine » au fédéral par opposition à l’appellation « Conseil exécutif provincial[80] », et une tentative apparente de substituer le lieutenant-gouverneur à la reine dans la législature provinciale[81].
Malgré tout, une ambivalence subsiste chez les constituants. Devant les centralisateurs, certaines provinces, dont le Québec et les provinces maritimes, concevaient la Loi constitutionnelle de 1867 comme ajoutant un ordre de gouvernement fédéral, égal aux provinces, aux constitutions provinciales, lesquelles demeuraient telles qu’elles existaient avant l’union — sauf pour ce qui est nécessaire aux fins du fédéralisme[82].
En définitive, hormis la souveraineté clairement remise à la Couronne, la Loi constitutionnelle de 1867 laisse planer le flou quant à la nature exacte des pouvoirs législatif et exécutif des provinces.
2.2 La Couronne au service des provinces
À terme, le désir contradictoire des constituants quant à la nature du fédéralisme canadien a été tranché par la jurisprudence, surtout celle du Comité judiciaire du Conseil privé britannique, et par les conventions constitutionnelles.
Particulièrement quant au pouvoir exécutif des provinces, mais aussi quant à leur pouvoir législatif, le Comité judiciaire interprétera implicitement la Constitution de 1867 à la lumière du droit constitutionnel britannique. C’est, en définitive, l’application d’un système où la Couronne (l’État) est une, indivisible et souveraine à un pays où il y a deux ordres de gouvernement. Dans la définition de la nature des pouvoirs exécutif et législatif des provinces, l’égalité de statut l’emportera sur des détails textuels à l’avantage du fédéral.
Prélude à l’affirmation de l’indivisibilité de la Couronne canadienne, le célèbre arrêt Hodge c. La Reine[83], dès 1883, a donné le ton en refusant d’interpréter le texte de 1867 comme hiérarchisant le législatif provincial par rapport à son homologue fédéral. Alors que l’accusé soulevait la maxime Delegatus non potest delegare devant une poursuite fondée sur un règlement pris en vertu d’une législation ontarienne, le Comité judiciaire a affirmé la souveraineté des législatures provinciales dans leurs champs de compétence. Sir Barnes Peacock, rendant le jugement de Leurs Seigneuries, écrit :
It appears to their Lordships, however, that the objection thus raised by the appellants is founded on an entire misconception of the true character and position of the provincial legislatures. They are in no sense delegates of or acting under any mandate from the Imperial Parliament. When the British North America Act enacted that there should be a legislature for Ontario, and that its legislative assembly should have exclusive authority to make laws for the Province and for provincial purposes in relation to the matters enumerated in sect. 92, it conferred powers not in any sense to be exercised by delegation from or as agents of the Imperial Parliament, but authority as plenary and as ample within the limits prescribed by sect. 92 as the Imperial Parliament in the plenitude of its power possessed and could bestow. Within these limits of subjects and area the local legislature is supreme, and has the same authority as the Imperial Parliament, or the Parliament of the Dominion, would have had under like circumstances to confide to a municipal institution or body of its own creation authority to make by-laws or resolutions as to subjects specified in the enactment, and with the object of carrying the enactment into operation and effect[84].
Ainsi, malgré la dénomination employée dans le texte de 1867[85], il n’existe pas qu’« un » Parlement au Canada, il y en a également un par province.
Neuf ans plus tard, dans l’affaire Liquidators of the Maritime Bank of Canada v. Receiver General of New Brunswick, l’exécutif provincial du Nouveau-Brunswick a voulu se prévaloir de son droit d’être payé en priorité dans la liquidation de la Banque maritime suivant, de nouveau[86], la common law[87]. Ce droit lui avait été nié sous prétexte que la Loi constitutionnelle de 1867 avait coupé les liens entre la Couronne et le gouvernement provincial. Cet argument, pourtant conforme à l’opinion des autorités exécutives britanniques sur la position des provinces[88], a été rejeté sans équivoque. Lord Watson, rendant le jugement de Leurs Seigneuries, écrit :
Their Lordships do not think it necessary to examine, in minute detail, the provisions of the Act of 1867, which nowhere profess to curtail in any respect the rights and privileges of the Crown, or to disturb the relations then subsisting between the Sovereign and the provinces. The object of the Act was neither to weld the provinces into one, nor to subordinate provincial governments to a central authority, but to create a federal government in which they should all be represented, entrusted with the exclusive administration of affairs in which they had a common interest, each province retaining its independence and autonomy[89].
Le Comité judiciaire a décidé que la nomination du lieutenant-gouverneur par le gouverneur général ne changeait rien à son statut d’égal représentant de la souveraine :
There is no constitutional anomaly in an executive officer of the Crown receiving his appointment at the hands of a governing body who have no powers and no functions except as representatives of the Crown. The act of the Governor-General and his Council in making the appointment is, within the meaning of the statute, the act of the Crown ; and a Lieutenant-Governor, when appointed, is as much the representative of Her Majesty for all purposes of provincial government as the Governor-General himself is for all purposes of Dominion government[90].
Puisque le gouvernement fédéral n’a de pouvoirs que comme représentant de la Couronne, la nomination du lieutenant-gouverneur est un acte de cette dernière. De plus, le Comité judiciaire juge alors que le pouvoir exécutif des provinces est exercé par le lieutenant-gouverneur au nom de la reine et que les propriétés provinciales appartiennent en droit à Sa Majesté. Partant, la Couronne est une et indivisible à l’échelle canadienne.
Cependant, la question de l’aménagement pratique de cette indivisibilité en contexte fédéral demeurait ouverte. Dans l’affaire In Re Silver Brothers Ltd., le Comité judiciaire a établi que, malgré l’indivisibilité de la Couronne, les propriétés de chaque ordre de gouvernement sont à distinguer. Le vicomte Dunedin, rendant jugement pour Leurs Seigneuries, écrit : « It is true that there is only one Crown, but as regards Crown revenues and Crown property by legislation assented to by the Crown there is a distinction made between the revenues and property in the Province and the revenues and property in the Dominion. There are two separate statutory purses. In each the ingathering and expending authority is different[91]. »
Autrement dit, chaque gouvernement de Sa Majesté possède un trésor et des propriétés distinctes, de même qu’un procureur général afin de poursuivre et d’être poursuivi en son nom[92]. La Couronne canadienne connaît ainsi une forme de « divisibilité fonctionnelle[93] », tout comme la Couronne impériale elle-même en connaissait une lors de l’apogée de l’Empire.
Dans l’affaire Bonanza Creek Gold Mining Co. v. R., le Comité judiciaire a décidé que le partage de l’autorité exécutive, et donc de la prérogative royale, suivait en substance le partage des compétences législatives[94]. Ce principe primordial quant à la structure du fédéralisme canadien emporte un bon nombre de conséquences pratiques sur les pouvoirs provinciaux, notamment les suivantes.
Dès 1896, dans l’affaire In re Queen’s Counsel, la Cour d’appel de l’Ontario reconnaissait le pouvoir de cette province d’octroyer le titre de « conseiller de la Reine » aux avocats[95]. La décision de la Cour suprême en 1879 dans l’affaire Lenoir v. Ritchie[96], qui refusait aux provinces ce pouvoir somme toute mineur, mais lourd de sens sur le plan constitutionnel, avait été infirmée par celle du Comité judiciaire dans l’affaire Liquidators of the Maritime Bank v. Receiver General of New Brunswick[97].
La prérogative en matière d’honneurs et de symboles étatiques semble aussi appartenir aux exécutifs tout autant fédéral que provinciaux. Beaucoup seront peut-être surpris d’apprendre que le drapeau du Québec a d’abord été adopté en vertu de la prérogative royale, par un décret (« arrêté en conseil ») daté du 21 janvier 1948[98], et ce, afin de remplacer l’Union Jack, lui-même adopté par prérogative royale par le roi George III en 1801[99]. Les médailles du lieutenant-gouverneur du Québec sont également octroyées sans aucune habilitation législative.
De manière plus importante, c’est l’indivisibilité de la Couronne qui a incité les tribunaux britanniques à accorder l’immunité contre les poursuites internationales aux sociétés d’État provinciales canadiennes. Dans l’affaire Mellenger c. New Brunswick Development Corporation, la Cour d’appel d’Angleterre reconnaît que, comme mandataire de la Couronne du chef de la province, la New Brunswick Development Corporation bénéficie de l’immunité des États[100]. La province est en définitive un État souverain au sens de cette règle. Lord Denning écrit : « The Crown is sovereign in New Brunswick for provincial powers, just as it is sovereign in Canada for dominion powers : see Maritime Bank of Canada (Liquidators) v Receiver General of New Brunswick. It follows that the Province of New Brunswick is a sovereign state in its own right, and entitled, if it so wishes, to claim sovereign immunity[101] ».
De même, l’immunité fiscale de la Couronne, constitutionnalisée par l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867[102], recevra une interprétation généreuse. Dans le Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, la majorité de la Cour suprême écrit :
Clement, dans The Law of the Canadian Constitution (3e éd., 1916), à la p. 643, a jugé inutile l’art. 125 de l’A.A.N.B. [TRADUCTION] « Il n’est pas destiné, dit-il, à porter atteinte à la règle générale concernant l’exemption des biens de la Couronne de la taxation comme cette règle doit s’appliquer, par exemple, en Angleterre ou dans une colonie dotée d’une seule législature. Il a été inséré, par souci de précaution, pour empêcher le Dominion d’imposer des taxes à des fins fédérales sur les biens détenus par la Couronne à des fins provinciales, et vice versa. »
Quoi qu’il en soit, l’art. 125 a manifestement pour objet d’empêcher un palier de gouvernement d’empiéter, par voie de taxation, sur les biens d’un autre palier de gouvernement[103].
Même sur les revenus tirés de l’exportation de leurs biens, cette immunité profite aux sociétés de la Couronne (du chef d’une province) comme Hydro-Québec.
Dans l’affaire Alberta c. Canada (Commission canadienne des transports), la Cour suprême a appliqué l’indivisibilité de la Couronne à la règle codifiée dans la Loi d’interprétation[104] fédérale, voulant que la Couronne ne soit liée par une loi du Parlement que par mention expresse ou par implication nécessaire[105]. En l’espèce, le gouvernement albertain s’est soustrait à la réglementation fédérale sur l’aéronautique, la Couronne étant indivisible[106].
Plus récemment, l’indivisibilité de la Couronne a servi d’assise à la reconnaissance du statut des gouvernements provinciaux comme interlocuteurs des Premières Nations dans les champs de compétence provinciaux. Dans l’affaire Première Nation de Grassy Narrows c. Ontario (Ressources naturelles)[107], la Cour suprême avait à déterminer si le gouvernement fédéral devait participer à la délivrance de permis d’exploitation forestière et minière par la province sur un territoire couvert par un traité de 1873. Négocié et signé par le gouvernement fédéral avant l’annexion du territoire à la province de l’Ontario, ce traité reconnaissait certains droits aux Ojibwés.
Sans jamais être explicitement exprimé, le principe de l’indivisibilité de la Couronne a permis à la Cour suprême d’établir, à l’unanimité, quelques règles qui, de fait, favorisent l’autonomie des provinces même lorsque des droits plus larges sont reconnus aux peuples autochtones. Résumant cette position, la juge en chef McLachlin écrit :
Les promesses contenues dans le Traité no 3 étaient celles de la Couronne, non du Canada [le gouvernement fédéral]. Leur respect incombe aux deux ordres de gouvernement en conformité avec le partage des pouvoirs opéré par la Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, lorsqu’il a été déterminé que les terres visées par le traité lui appartenaient, la province de l’Ontario est devenue responsable de leur administration dans les domaines relevant de sa compétence suivant l’art. 109, le par. 92 (5) et l’art. 92A de la Loi constitutionnelle de 1867, sous réserve des dispositions du traité. Dès lors, la province peut prendre des terres visées par le traité à des fins d’exploitation forestière[108].
Comme « émanation[s] de la Couronne[109] », les gouvernements provinciaux sont les seuls responsables des obligations de celle-ci envers les peuples autochtones en matière provinciale. Ils doivent donc respecter les obligations découlant du principe de l’honneur de la Couronne et de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La juge en chef McLachlin écrit :
Toutefois, ce pouvoir n’est pas inconditionnel. La province de l’Ontario est liée, dans l’exercice de ce pouvoir, par les obligations qui incombent à la Couronne. Elle doit l’exercer conformément à l’honneur de la Couronne et elle est assujettie aux obligations fiduciaires de Sa Majesté à l’égard des intérêts autochtones. Ces obligations lient la Couronne. Le gouvernement qui exerce un pouvoir de la Couronne – qu’il s’agisse du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement provincial – est assujetti aux obligations de la Couronne envers le peuple autochtone concerné[110].
Ce raisonnement préserve la compétence législative et exécutive des provinces sur les territoires à l’intérieur desquels des droits constitutionnels sont reconnus aux Autochtones[111].
L’indivisibilité de la Couronne et le partage de l’autorité exécutive opérés par l’arrêt Bonanza Creek Gold Mining Co. v. R.[112] servent finalement d’assise à l’exercice des relations internationales par les gouvernements provinciaux. Le Québec, en particulier, a été en mesure d’établir des délégations et des missions diplomatiques à l’étranger[113], notamment en suivant la doctrine Gérin-Lajoie, laquelle défend également un jus tractatuum provincial dans les champs de compétence du Québec[114]. Comme la compétence législative de mettre en oeuvre des traités autres que ceux de l’Empire suit le partage des compétences prévu dans la Loi constitutionnelle de 1867[115], la prérogative royale de signer les traités devrait, en application de l’arrêt Bonanza Creek Gold Mining Co. v. R.[116], suivre le même partage. Ce point n’est cependant pas exempt de difficultés et suscite une controverse doctrinale[117].
Sur le plan conventionnel, le gouvernement responsable provincial s’est placé comme une limite à l’exercice de pouvoirs par le gouvernement fédéral à l’endroit du lieutenant-gouverneur[118]. En effet, il semble reconnu que toute ingérence de la part des ministres fédéraux à l’endroit du lieutenant-gouverneur comme partie du gouvernement de la province violerait la convention constitutionnelle selon laquelle le lieutenant-gouverneur n’agit que de l’avis de ses ministres ayant la confiance de la chambre élue par la province[119]. D’ailleurs, la Cour suprême a elle-même reconnu que le lieutenant-gouverneur n’est pas un fonctionnaire fédéral, malgré sa nomination par le gouverneur-en-conseil[120]. L’exercice du désaveu et de la réserve des lois provinciales violerait également les conventions constitutionnelles[121]. Cependant, la nomination du lieutenant-gouverneur demeure le fait du gouvernement fédéral, ce qui est, de toute évidence, une entorse à l’égalité des deux ordres de gouvernement au Canada. Du moins, à défaut d’une révision formelle de la Constitution, il serait souhaitable que le gouverneur général nomme le lieutenant-gouverneur de l’avis du premier ministre de la province visée, à la manière dont la reine procède pour le gouverneur général depuis 1930[122].
En 1978, le gouvernement fédéral a proposé, au sein de son projet de loi no C-60 sur la réforme constitutionnelle, de donner au gouverneur général sa « propre autorité constitutionnelle[123] », afin qu’il n’agisse plus simplement par délégation de pouvoirs de la reine. Les provinces ont refusé unanimement ce changement à l’équilibre fédéral existant au sein de la Couronne, puisque cela aurait fait du gouverneur général, de facto, le chef d’État du Canada[124]. Outre qu’il aurait modifié « le symbole de la souveraineté canadienne en substituant à la fiction des pouvoirs royaux celle des pouvoirs du gouverneur général[125] », le projet de loi aurait placé le gouverneur général officiellement « au-dessus de toute autre fonction publique[126] ». Néanmoins, même si un tel changement n’a pas été apporté par la Loi constitutionnelle de 1982, des traces de cette tentative de hiérarchisation fédérale-provinciale se trouvent dans la procédure de modification prévue à la partie V, qui prévoit que le gouverneur général proclamera les amendements constitutionnels une fois qu’ils auront fait l’objet d’une résolution de chaque chambre parlementaire visée[127]. Il ne faut pas y voir, selon nous, davantage qu’une question procédurale, d’autant plus que l’alinéa 41 a) a pour objet de protéger, par la procédure unanime, les règles liées à « la charge de Reine[128] » et que le gouverneur général n’a de pouvoirs que comme représentant de Sa Majesté[129].
Conclusion
Paradoxalement, c’est l’application du modèle unitaire britannique qui sauve les provinces de dispositions semblant les subordonner au fédéral. En principe, la Couronne canadienne est indivisible, et l’exercice de ses pouvoirs est partagé entre deux ordres de gouvernement égaux[130]. À ce sujet, nous abondons dans le sens de D. Michael Jackson et Lynda M. Haverstock : selon leur conclusion, la Couronne et la forme monarchique de la Constitution canadienne ont davantage servi l’autonomie des provinces que les volontés centralisatrices[131]. Bien entendu, les acteurs politiques qui ont animé cette couronne à travers les époques n’ont pas toujours été les défenseurs de la souveraineté partagée que ladite couronne représente pourtant.
Malgré leur portée limitée par l’effet de la jurisprudence et des conventions constitutionnelles, les détails textuels de la Loi constitutionnelle de 1867 hiérarchisant l’État fédéral par rapport à l’État provincial nourrissent, depuis leur rédaction, les plaidoiries pour un régime axé sur la primauté de l’État fédéral, où le lien direct entre la Couronne et le gouvernement provincial est rompu. De l’affaire Liquidators of the Maritime Bank v. Receiver General of New Brunswick[132] en 1892 (négation des prérogatives royales des provinces) à l’affaire Motard c. Canada (Procureure générale)[133] en 2015 (procédure de modification unilatérale fédérale des règles de désignation du chef de l’État), il y a, en définitive, une constante. Cette « tentation » impériale, qui mène à ce que certains ont qualifié de « fédéralisme dominateur[134] », est d’autant plus dangereuse qu’elle peut s’appuyer parfois sur certaines pratiques symboliques[135], parfois sur le texte de la Constitution afin d’établir une forme de subordination contraire au principe de l’égalité entre le fédéral et les provinces. Fort heureusement, l’indivisibilité de la Couronne demeure un rempart contre cette tentation.
Appendices
Remerciements
Les recherches de Julien Fournier et d’Amélie Binette sont financées par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada dans le contexte du Programme de bourses d’études supérieures du Canada Joseph-Armand-Bombardier (BESC M). Ils tiennent à remercier le professeur Patrick Taillon pour la lecture des versions antérieures du présent texte et les évaluateurs anonymes pour leurs judicieux commentaires.
Notes
-
[1 ]
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.), préambule, al. 1 (traduction non officielle).
-
[2 ]
Motard c. Canada (Procureure générale), 2016 QCCS 588 (plaidoirie orale du Canadian Royal Heritage Trust).
-
[3 ]
Switzman c. Elbing, [1954] B.R. 421, infirmé pour d’autres motifs dans l’affaire Switzman c. Elbling, [1957] R.C.S. 285, ainsi que cité par Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, par. II-131 : « si, d’une part, la souveraineté est une et indivisible, il n’y a rien qui répugne dans les préceptes du fédéralisme que l’exercice de la souveraineté soit partagé. C’est la situation de fait et de droit au Canada. » Voir aussi Nicole Duplé, Droit constitutionnel : principes fondamentaux, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2014, p. 226 et 227.
-
[4 ]
David E. Smith, « Empire, Crown and Canadian Federalism », Canadian Journal of Political Science, vol. 24, no 3, 1991, p. 451 ; Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale. Précis de droit des institutions administratives, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 310 et 311 ; Patrice Garant, Droit administratif, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010 ; D. Michael Jackson et Lynda M. Haverstock, « The Crown in the Provinces : Canada’s Compound Monarchy », dans Jennifer Smith et D. Michael Jackson (dir.), The Evolving Canadian Crown, Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2012, p. 11 ; Andrew Smith et Jatinder Mann, « A Tale of Two Ex-Dominions : Why the Procedures for Changing the Rules of Succession are So Different in Canada and Australia », (2014) 52 Commonwealth & Comparative Politics 376.
-
[5 ]
Comme Denis Baranger, Écrire la constitution non-écrite. Une introduction au droit politique britannique, Paris, Presses universitaires de France, 2008, p. 196, le soutient, il faut distinguer « [l]e concept de Couronne […] de l’idée de monarchie héréditaire ».
-
[6 ]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1.
-
[7 ]
Nous nous référerons également au droit strict, qui peut être sanctionné par les tribunaux, par les termes « droit formel ».
-
[8 ]
Il serait également possible d’avancer que ces conventions constitutionnelles et règles de droit non écrites (ou jurisprudentielles) sont paraconstitutionnelles, selon le cadre d’analyse proposé par Patrick Taillon, « Une Constitution en désuétude. Les réformes paraconstitutionnelles et la “déhiérarchisation” de la Constitution au Canada », dans Louise Lalonde et Stéphane Bernatchez, avec la collab. de George Azzaria (dir.), La norme juridique « reformatée ». Perspectives québécoises des notions de force normative et de sources revisitées, Sherbrooke, Éditions Revue de droit de l’Université de Sherbrooke, 2016, p. 297, et par Patrick Taillon et Amélie Binette, « Le fédéralisme canadien : sources, pratiques et dysfonctionnements », dans Le fédéralisme : du droit public au droit privé, Lausanne, Institut suisse de droit comparé [à paraître].
-
[9 ]
Voilà ce que Thibault Guilluy, « Les conceptions de l’Empire dans l’histoire britannique (xvie-xviiie siècle) : entre unité et union », (2015) 14 Jus Politicum 11, appelle la conception « Stuart » de l’Empire.
-
[10]
« In all these matters in the 18th and 19th Centuries it was a settled doctrine of constitutional law that the Crown was one and indivisible. The colonies formed one realm with the United Kingdom, the whole being under the sovereignty of the Crown » : R. v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, ex parte Indian Association of Alberta, [1982] Q.B. 892, 2 All E.R. 118 (C.A.), p. 3 (Lord Denning MR). Jean-Charles Bonenfant, « L’esprit de 1867 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 17, no 1, 1963, p. 19, à la page 35 (l’italique est de nous), explique la situation en ces termes :
Lorsque la troisième résolution de Québec, le futur article 9 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, dit que le pouvoir ou gouvernement exécutif résidera dans le souverain du royaume uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, et sera administré par le souverain ou le représentant du souverain, suivant les principes de la constitution britannique, on ne songe pas à une reine Victoria en qui s’incarneraient une reine du Royaume-Uni et une reine du Canada, mais à un seul personnage dont les actes en politique extérieure, inspirés uniquement par ses ministres anglais, vont engager le Canada.
-
[11]
Robert Blackburn, « The Head of State », dans Halsbury’s Laws of England, 5e éd., vol. 20, « Constitutional and Administrative Law », 2014, no 16, note 9. Voir aussi : « The Crown Imperial », (1914) 34 C.L.T. 708 ; George W. Prothero, Select Statutes and Other Constitutional Documents Illustrative of the Reigns of Elizabeth and James I, Oxford, Clarendon Press, 1894, p. 409, note 2 ; Jean Leclair, « L’avènement du constitutionnalisme en Occident : fondements philosophiques et contingence historique », (2011) 41 R.D.U.S. 159, 189. Les tribunaux ont fait référence à la maxime Rex sub deo et lege, notamment dans les affaires suivantes : Prohibitions del Roy, (1607) 12 Co. Rep. 63, 77 E.R. 1342 ; Canadian Broadcasting Corp. c. Attorney General for Ontario, [1959] R.C.S. 188 (j. Rand, pour les juges Cartwright et Fauteux).
-
[12]
William Blackstone, Commentaries on the Laws of England, vol. 2, South Hackensack, Rothman Reprints, 1803, p. 469.
-
[13]
Canada c. Desrosiers, [1908] 41 R.C.S. 71 (motifs du juge en chef Fitzpatrick) ; Calvin’s Case, (1608) 7 Co. Rep. 1a, 77 E.R. 377.
-
[14]
W. Blackstone, préc., note 12, p. 191 (il peut s’agir également de coutume constitutionnelle). Voir aussi : Peter W. Hogg, « Succession to the Throne », (2014) 33 N.J.C.L. 83, 84 et 87 ; Anne Twomey, « Succession to the Crown of Canada », dans Michel Bédard et Philippe Lagassé (dir.), La Couronne et le Parlement. The Crown and Parliament, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 319, à la page 321. Ces lois du Parlement impérial sont principalement le Bill of Rights, 1689, Will. & Mary sess. 2, c. 2 (R.-U.), l’Act of Settlement, 1700, 12 & 13 Will. III, c. 2 (R.-U.), l’Union with Scotland Act, 1706, 6 Ann., c. 11 (R.-U.), art. 2, l’Union with England Act, 1707, Ann., c. 7 (A.S.P.), art. 2 (dans la mesure où cette loi écossaise peut être qualifiée de loi impériale), la Royal Marriages Act, 1772, 12 Geo. III, c. 11 (R.-U.), et la His Majesty’s Declaration of Abdication Act, 1936, 1 Edw. VIII and 1 Geo. VI, c. 3 (R.-U.).
-
[15]
Benoît Pelletier, « The Constitutional Requirements for the Royal Morganatic Marriage », (2005) 50 McGill L.J. 265, 275.
-
[16]
Colonial Laws Validity Act, 1865, 28 & 29 Vict., c. 63 (R.-U.) ; Nadan v. The King, [1926] A.C. 482, UKPC 13.
-
[17]
Paul Lordon, La Couronne en droit canadien, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1992, p. 4.
-
[18]
Ce caractère impérial de la Couronne anglaise a été établi dans la foulée de la rupture d’Henri VIII avec la papauté : Act in Restraint of Appeals, 1533, 24 Hen. VIII, c. 12 (R.-U.).
-
[19]
W. Blackstone, préc., note 12, p. 235 (l’italique est de nous).
-
[20]
T. Guilluy, préc., note 9, p. 4 et 5.
-
[21]
Id., p. 11.
-
[22]
André Émond, Constitution du Royaume-Uni. Des origines à nos jours, Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 305 et 306.
-
[23]
T. Guilluy, préc., note 9, p. 10.
-
[24]
Calvin’s Case, préc., note 13, 10 a, 389. Voir aussi P. Garant, préc., note 4.
-
[25]
Au Canada, l’allégeance et le serment sont maintenant destinés à la Couronne ainsi qu’au système de gouvernement du Canada, et non à la reine personnellement : McAteer et al. v. Attorney General of Canada, 2014 ONCA 578, par. 50 et 51 (j. Weiler).
-
[26]
Calvin’s Case, préc., note 13, 5 b, 383.
-
[27]
Union with Scotland Act, 1706, préc., note 14, art. 2 et 8 ; Union with England Act, 1707, préc., note 14, art. 2 et 8.
-
[28]
John D. Ford, « The Legal Provisions in the Acts of Union », (2007) 66 Cambridge L.J. 106, 108 :
In contrast to the earlier statement that the laws regulating trade, customs and excise should become the same in Scotland as they already were in England, the suggestion here was that the laws concerning public right might be made the same throughout the United Kingdom, as to some extent they would be when the Acts of Union were passed. The commissioners were clearly thinking of what would now be called constitutional laws, but there was some uncertainty at the time about the status of the criminal law of Scotland.
aussi Julien Fournier et autres, « L’abdication d’Édouard VIII en 1936 : “autopsie” d’une modification de la Constitution canadienne », dans M. Bédard et P. Lagassé (dir.), préc., note 14, p. 353, à la page 366.
-
[29]
In re Bateman’s Trust, [1873] L.R. 15 Eq 355 ; In re Oriental Bank Corporation, ex parte the Crown, (1884) 28 Ch. D. 643 ; Daniel P. O’Connell, « The Crown in the British Commonwealth », (1957) 6 I.C.L.Q. 103, 105.
-
[30]
Jean-Charles Bonenfant, « Destitution d’un premier ministre et d’un lieutenant-gouverneur », (1963) 28 Cahiers des Dix 9, 31.
-
[31]
L’allégeance en common law faisait en sorte que les ressortissants de l’Empire partageaient la qualité de sujets britanniques, et ce, jusqu’à une période relativement récente : H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. III-67–III-71 ; Leslie C. Green, « From Empire through Commonwealth to… ? », (1978) 16 Alta. L. Rev. 52, 53 ; Thomas Franck, « The Crown as Head of the Commonwealth », (1955) 2 U.B.C. Legal Notes 167, 171 et 172. Un autre exemple de cette signification identitaire ou politique est le terme « Loyaliste » à la Couronne, qui décrit les opposants à l’indépendance des États-Unis au xviiie siècle.
-
[32]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, art. 128 et annexe 5 ; Loi sur les serments d’allégeance, L.R.C. 1985, c. O-1, par. 2 (1).
-
[33]
Voir l’article 9 de la Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1.
-
[34]
Voir, par exemple, André Émond, « L’évolution de la relation entre la Couronne et le Parlement anglais », dans M. Bédard et P. Lagassé (dir.), préc., note 14, p. 5.
-
[35]
D. Baranger, préc., note 5, p. 196.
-
[36]
Black v. Canada (Prime Minister), [2001] O.J. No. 1853 (ONCA), par. 33 ; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. V-2.36.
-
[37]
Voir infra, section 2.2.
-
[38]
A. Émond, préc., note 22, p. 282 et 283. Voir aussi : P. Issalys et D. Lemieux, préc., note 4, p. 306 ; D. Baranger, préc., note 5, p. 195.
-
[39]
Première Nation de Grassy Narrows c. Ontario (Ressources naturelles), [2014] 2 R.C.S. 447, par. 39 (j. en chef McLachlin, pour la Cour).
-
[40]
Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, [2013] 3 R.C.S. 3, par. 28 (j. Karakatsanis, pour la majorité) (l’italique est de nous).
-
[41]
Robert Blackburn, « Crown, in General », dans Halsbury’s Laws of England, préc., note 11.
-
[42]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, art. 9.
-
[43]
Id., art. 17 ; D. Baranger, préc., note 5, p. 4.
-
[44]
Valin c. Langlois, [1879] 3 R.C.S. 90 (j. en chef Ritchie) : « [Les cours supérieures] sont les tribunaux de la Reine, tenus de prendre connaissance de toutes les lois et de les appliquer, qu’elles aient été adoptées par le Parlement du Canada ou par les législatures locales » (notre traduction ; l’italique est de nous).
-
[45]
R. (Canada) c. R. (Île-du-Prince-Édouard), [1978] 1 C.F. 533 (C.A.), par. 23 (j. en chef Jackett) (l’italique est de nous).
-
[46]
Voir particulièrement le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard ; Renvoi relatif à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3, par. 139 (j. en chef Lamer, pour la majorité). Voir aussi par exemple : Mackin c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances) ; Rice c. Nouveau-Brunswick, [2002] 1 R.C.S. 405 ; Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 3.
-
[47]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, art. 9 et 10. La reine exerçait le pouvoir exécutif elle-même et par l’entremise d’un gouverneur général ou d’un autre administrateur dont elle constituait la charge par lettres patentes.
-
[48]
Id., art. 129 ; Colonial Laws Validity Act, 1865, préc., note 16 ; Nadan v. The King, préc., note 16.
-
[49]
Ces appels au Comité judiciaire existaient en vertu de la prérogative royale, reconnue par des lois impériales, dont les Judicial Committee Acts : Judicial Committee Act, 1833, 3 & 4 Will. IV, c. 41 (R.-U.) ; Judicial Committee Act, 1844, 7 & 8 Vict., c. 69 (R.-U.). Ces lois impériales, parce qu’elles concernaient expressément les dominions, rendaient supralégislatif le mécanisme d’appel au Comité judiciaire durant la période précédant l’année 1931 : Nadan v. The King, préc., note 16. Le rôle du Comité judiciaire, avant l’adoption du Statute of Westminster, 1931, 22 & 23 Geo. V, c. 4 (R.-U.), consistait, entre autres, en un contrôle de la conformité des lois canadiennes avec les lois impériales en vertu de la Colonial Laws Validity Act, 1865, préc., note 16. Le Comité judiciaire du Conseil privé britannique (« Reine-en-conseil ») était donc garant de la suprématie de la « Reine-en-son-Parlement » britannique, selon Gérald-A. Beaudoin, avec la collab. de Pierre Thibault, La Constitution du Canada. Institutions, partage des pouvoirs, Charte canadienne des droits et libertés, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 169 :
En 1867, le Comité judiciaire du Conseil privé […] et les tribunaux canadiens avaient à appliquer la Colonial Laws Validity Act de 1865 qui prévoit que les lois des « colonies » ne doivent pas aller à l’encontre des lois britanniques applicables aux colonies ; donc, dans notre cas, à l’encontre de la Loi constitutionnelle de 1867. Toute loi qui contrariait par exemple le partage législatif ou la Constitution en général pouvait être déclarée nulle ou ultra vires, ou, encore, inopérante.
-
[50]
Dans l’affaire R. (Canada) c. R. (Île-du-Prince-Édouard), préc., note 45, par. 23 c), le juge en chef Jackett précise « que, durant la période qui a conduit à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, les colonies et autres possessions de la Couronne britannique situées hors du royaume proprement dit, parfois appelées “provinces”, étaient assujetties à l’autorité du souverain agissant sur l’avis des ministres du Royaume-Uni et avec la sanction législative du Parlement du Royaume-Uni » (l’italique est de nous).
-
[51]
Canada (Premier ministre) c. Khadr, [2010] 1 R.C.S. 44, par. 34 (per curiam) :
La prérogative royale est [TRADUCTION] « le résidu du pouvoir discrétionnaire ou arbitraire dont la Couronne est légalement investie à tout moment » : Reference as to the Effect of the Exercise of the Royal Prerogative of Mercy Upon Deportation Proceedings, [1933] R.C.S. 269, p. 272, le juge en chef Duff, citant A.V. Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution (8e éd. 1915), p. 420. Il s’agit d’une source limitée de pouvoir administratif ne découlant pas de la législation, que confère la common law à la Couronne : Hogg, p. 1–17.
-
[52]
Sauf pour les prérogatives potentiellement protégées par la Constitution formelle du Canada, pensons, par exemple, au commandement des armées (Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, art. 15) ou à d’autres prérogatives au coeur de la charge de la reine, du gouverneur général ou du lieutenant-gouverneur (Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.), art. 41 a)). Voir : Patrick Taillon et Louis-Philippe Lacombe, « Le rôle du Parlement dans le déroulement des opérations extérieures », (2015) 31 A.I.J.C. 569 ; Re : The Initiative and Referendum Act, [1919] A.C. 935 (C.P.) ; Conacher c. Canada (Premier ministre), [2010] 3 R.C.F. 411, 2009 CF 920, appel rejeté : 2010 C.A.F. 131, permission d’appeler refusée.
-
[53]
P. Garant, préc., note 4.
-
[54]
Canada v. Bank of Nova Scotia, [1885] 11 R.C.S. 1, 19 et 20 (j. Strong) (l’italique est de nous).
-
[55]
Statute of Westminster, 1931, préc., note 49.
-
[56]
Imperial Conference 1926, Inter-imperial Relations Committee. Report, Proceedings and Memoranda, Doc. E (I.R./26) Series, 1926, [En ligne], [www.foundingdocs.gov.au/resources/transcripts/cth11_doc_1926.pdf] (21 septembre 2017). Voir Noel Cox, « Black v. Chretien and the Control of the Royal Prerogative », (2003) 12 Const. F. 94, 99, qui en réfère à Herbert Evatt, The Royal Prerogative, Sydney, The Law Book Company, 1987.
-
[57]
H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. II-61–II-63. Voir, par exemple, la Loi concernant la Convention avec la Belgique, 1924, 14 & 15 Geo. V, c. 9.
-
[58]
Cela a été démontré notamment par le fait que la Couronne britannique était en guerre contre l’Allemagne nazie alors que la Couronne canadienne ne l’était pas, et ce, du 3 au 10 septembre 1939 : D.P. O’Connell, préc., note 29, 117 ; L.C. Green, préc., note 31, 62 ; T. Franck, préc., note 31, 171 ; Stanley A. De Smith, The New Commonwealth and its Constitutions, Londres, Stevens & Sons, 1964, p. 11. Cette divisibilité a notamment été reconnue par la jurisprudence et par la législation fédérale : R. v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, ex parte Indian Association of Alberta, préc., note 10, p. 8 (Lord Denning MR) : « Hitherto I have said that in constitutional law the Crown was single and indivisible. But that law was changed in the first half of this century – not by statute – but by constitutional usage and practice. The Crown became separate and divisible – according to the particular territory in which it was sovereign. This was recognised by the Imperial Conference of 1926 » (l’italique est de nous) ; Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, c. C-29, annexe ; Loi de 2013 sur la succession au trône, L.C. 2013, c. 6, préambule, par. 2. Voir aussi : Noel Cox, « The Control of Advice to the Crown and the Development of Executive Independence in New Zealand », (2001) 13 Bond L.R. 166, 188 ; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. II-65 ; N. Duplé, préc., note 3, p. 226 et 227 ; Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 5e éd., Scarborough, Thomson Carswell, 2007, p. 302 et 303 ; Jacques-Yvan Morin et José Woerhling, Les constitutions du Canada et du Québec. Du Régime français à nos jours, Montréal, Éditions Thémis, 1994, p. 383 et 384 ; P. Garant, préc., note 4 ; David Keeshan, « Crown », dans Halsbury’s Laws of Canada, no HCW-7, à jour au 1er octobre 2012. En droit britannique contemporain, la Chambre des Lords considère que la Couronne est divisible dès l’établissement d’un gouvernement local, aussi minimaliste soit-il : R. v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, [2005] UKHL 57, notamment aux paragraphes 4, 12 et 17 (Lord Bingham of Cornhill).
-
[59]
Marc Chevrier, « La genèse de l’idée fédérale chez les pères fondateurs américains et canadiens », dans Alain-G. Gagnon (dir.), Le fédéralisme canadien contemporain. Fondements, traditions, institutions, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2006, p. 19, aux pages 38 et 39. Si les Pères fondateurs canadiens ont rédigé la Constitution d’une colonie « qui ne pouvait s’exprimer dans le monde que par l’intermédiaire de la Couronne britannique » (J.-C. Bonenfant, préc., note 10, à la page 35), le rejet des institutions britanniques par leurs homologues américains a généré plutôt un « grand vide » dans l’organisation du pouvoir étatique. Ces derniers ont dû « réinventer leur langage politique » (M. Chevrier, préc., à la page 30). Voir aussi : Frank L. Schoell, Histoire des États-Unis, 4e éd., Paris, Payot, 1985, p. 109 ; Hannah Arendt, Essai sur la révolution, Paris, Gallimard, 1967, p. 46 et 60.
-
[60]
M. Chevrier, préc., note 59, à la page 52. L’auteur précise aussi ceci (p. 27) : « Le Canada est le seul pays des Amériques qui n’ait pas largué le système politique hérité de sa métropole pour y substituer le sien […] Le Canada a donc refusé la rupture novatrice. Sa fondation procède de la volonté de préserver auprès des colonies restées loyales à la couronne anglaise le génie du parlementarisme britannique. »
-
[61]
Débats parlementaires sur la question de la confédération des provinces de l’Amérique britannique du Nord, Québec, Hunter, Rose et Lemieux, 1865, p. 33, 34 et 40. George Brown et Thomas D’Arcy McGee, pour leur part, ont soutenu que le fait de laisser la compétence de modifier l’Acte de l’Amérique du Nord britannique au Parlement impérial a permis de contourner ce problème de souveraineté en sol colonial canadien. Gerald P. Browne, Documents on the Confederation of British North America. A Compilation Based on Sir Joseph Pope’s Confederation Documents Supplemented by other Official Material, Toronto, McClelland and Stewart, 1969, p. 122. Pour une analyse doctrinale des débats « préfédératifs », voir notamment : J.-C. Bonenfant, préc., note 10, à la page 28 ; Jennifer Smith, « Canadian Confederation and the Influence of American Federalism », Canadian Journal of Political Science, vol. 21, no 3, 1988, p. 443.
-
[62]
Joseph Tassé, Discours de Sir Georges Cartier, Montréal, Eusèbe Senécal & Fils, 1893, p. 465. La pensée loyaliste de Cartier se résume bien dans cette déclaration, où l’on précise que, « so long as England shall be England, and so long as England shall enjoy the freedom and the advantage of a Parliament, our political gravitation and our political affection will always be towards the “mother country” » : Royal Commonwealth Society, Proceedings of the Royal Colonial Institute, vol. 1, Londres, Royal Colonial Institute, 1870, p. 34.
-
[63]
D.E. Smith, préc., note 4, 453. Voir aussi Elizabeth Mancke, « Early Modern Imperial Governance and the Origins of Canadian Political Culture », Canadian Journal of Political Science, vol. 32, no 1, 1999, p. 3.
-
[64]
P. Taillon et A. Binette, préc., note 8.
-
[65]
L’article 9 de la Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, est ainsi formulé : « À la Reine continueront d’être et sont par la présente attribués le gouvernement et le pouvoir exécutifs du Canada » (traduction non officielle).
-
[66]
Id., art 129.
-
[67]
Nadan v. The King, préc., note 16.
-
[68]
M. Chevrier, préc., note 59, à la page 43.
-
[69]
Eugénie Brouillet, La négation de la nation. L’identité culturelle québécoise et le fédéralisme canadien, Sainte-Foy, Septentrion, 2005, p. 191-198 ; J.-Y. Morin et J. Woerhling, préc., note 58, p. 154 et 155.
-
[70]
Pour une explication de cette dualité idéologique, voir notamment : Vincent C. Macdonald, « Judicial Interpretation of the Canadian Constitution », (1936) 1 U.T.L.J. 260, 261-264 ; Frederick Vaughan, The Canadian Federalist Experiment. From Defiant Monarchy to Reluctant Republic, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2004 ; Robert C. Vipond, « 1787 and 1867 : The Federal Principle and Canadian Confederation Reconsidered », Canadian Journal of Political Science, vol. 22, no 1, 1989, p. 3.
-
[71]
L’un des précurseurs de cette qualification du Canada comme quasi-fédération est Kenneth C. Wheare, Federal Government, 3e éd., Londres, Oxford University Press, 1953, p. 19.
-
[72]
Henri Brun et Guy Tremblay, Droit constitutionnel, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 437 ; John Williams, « “The Blizzard and Oz” : Canadian Influences on the Australian Constitution Then and Now », dans Linda Cardinal (dir.), Shaping Nations : Constitutionalism and Society in Australia and Canada, Ottawa, University of Ottawa Press, 2002, p. 5, à la page 22. Pour sa part, André Burelle, Le mal canadien : essai de diagnostic et esquisse d’une thérapie, Saint-Laurent, Fides, 1995, p. 37, parle d’un « fédéralisme tronqué ».
-
[73]
P. Taillon et A. Binette, préc., note 8.
-
[74]
Acte d’Union, 1840, reproduit dans L.R.C. 1985, app. II, no 4.
-
[75]
Union with Scotland Act, 1706, préc., note 14 ; Union with England Act, 1707, préc., note 14.
-
[76]
J.-C. Bonenfant, préc., note 10, à la page 28 (l’italique est de nous).
-
[77]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, art. 55-57 et 90. Voir aussi E. Brouillet, préc., note 69, p. 171.
-
[78]
Id., art. 58. J.-Y. Morin et J. Woerhling, préc., note 58, p. 252, soulignent que « [l]es dispositions relatives à la nomination, à la révocation et au traitement du lieutenant-gouverneur indiquent que l’intention des Pères de la Confédération était d’en faire à la fois le représentant de la Couronne et le porte-parole du gouvernement fédéral, chargé de communiquer les vues de celui-ci et de faire respecter ses priorités au niveau provincial ».
-
[79]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, art. 17 : « There shall be one Parliament for Canada, consisting of the Queen, an Upper House styled the Senate, and the House of Commons » (l’italique est de nous). Même dans la Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 52, ce vocabulaire centralisateur qui oppose « Parlement » et « législatures » est repris.
-
[80]
Id., art. 11 et 63.
-
[81]
Id., art. 69 et 71.
-
[82]
L’ouvrage de Thomas-Jean-Jacques Loranger, Lettres sur l’interprétation de la Constitution fédérale : première lettre, Québec, Imprimerie A. Coté et cie, 1883, aux pages 59 à 61, est représentatif du désir de ces constituants. Les articles 9, 12, 65 et 129 de la Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, notamment, permettent de soutenir cette thèse de la continuité quant au pouvoir exécutif.
-
[83]
Hodge c. La Reine, [1883] 9 A.C. 117.
-
[84]
Reference re : Liquor License Act of 1877 (Ont.), [1883] J.C.J. No. 2 (C.P.), par. 36 (l’italique est de nous).
-
[85]
Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 52.
-
[86]
Voir supra, section 2.1.
-
[87]
P. Garant, préc., note 4.
-
[88]
D.M. Jackson et L. Haverstock, préc., note 4, à la page 14.
-
[89]
Liquidators of the Maritime Bank v. Receiver General of New Brunswick, [1892] A.C. 437 (C.P.), par. 4 (l’italique est de nous).
-
[90]
Id., par. 6.
-
[91]
In Re Silver Brothers Ltd., [1932] A.C. 514 (C.P.), par. 22 (l’italique est de nous).
-
[92]
Voir : Attorney-General v. Great Southern and Western Railway Company of Ireland, [1925] A.C. 754 (H.L.) ; Theodore c. Duncan, [1919] A.C. 696, [1919] 26 C.L.R. 276 (C.P.).
-
[93]
N. Duplé, préc., note 3, p. 226 ; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. II-132.
-
[94]
Bonanza Creek Gold Mining Co. v. R., [1916] 1 A.C. 566 (C.P.), par. 16 (vicomte Haldane) ; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. VI-2.22. La jurisprudence du Comité judiciaire sur la position du lieutenant-gouverneur a été réitérée par la Cour suprême en 1948 dans l’affaire Canada v. Carroll, [1948] R.C.S. 126 (j. Taschereau, au nom du juge en chef Rinfret et du juge Estey). Voir aussi : Alberta c. Canada (Commission canadienne des transports), [1978] 1 R.C.S. 61 (j. en chef Laskin, pour les juges Martland, Judson, Ritchie, Pigeon, Dickson et Beetz) ; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. VI-1.49.
-
[95]
In re Queen’s Counsel, [1896] O.J. No. 70 (ONCA).
-
[96]
Lenoir v. Ritchie, [1879] 3 R.C.S. 575.
-
[97]
Liquidators of the Maritime Bank v. Receiver General of New Brunswick, préc., note 89.
-
[98]
Ce décret a par la suite été remplacé par diverses lois du Parlement du Québec, notamment la Loi sur le drapeau officiel, S.R. 1964, c. 2, et la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec, L.Q. 1999, c. 51. Dans certaines provinces, comme le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique, il semble que le Parlement n’ait adopté aucune loi, le drapeau provincial y flottant donc toujours en vertu de la prérogative royale.
-
[99]
Bibliothèque et Archives nationales Canada, Great Britain. Sovereign (1760–1820 : George III), Mg livres – Mic. F. CC-4 no 49760 (no AMICUS : 6750929) :
By the King : a proclamation, declaring His Majesty’s pleasure concerning the royal stile and titles appertaining to the imperial crown of the United Kingdom of Great Britain and Ireland, and its dependencies, and also the ensigns armorial, flags, and banners thereof/By the King, a proclamation, declaring what ensigns or colours shall be borne at sea in merchant ships or vessels belonging to any of His Majesty’s subjects of the United Kingdom of Great Britain and Ireland, and the dominions thereunto belonging.
Comme son nom l’indique, cette proclamation est applicable au Royaume-Uni et dans ses colonies.
-
[100]
Mellenger c. New Brunswick Development Corporation, [1971] 1 W.L.R. 604, 2 All E.R. 593 (C.A.).
-
[101]
Id. (l’italique est de nous).
-
[102]
Loi constitutionnelle de 1867, préc., note 1, art. 125.
-
[103]
Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, [1982] 1 R.C.S. 1004, 1065 (jj. Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Estey et Chouinard, majoritaires) (l’italique est de nous). Voir aussi H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. VI-87.
-
[104]
Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, art. 17.
-
[105]
Alberta c. Canada (Commission canadienne des transports), préc., note 94, 71 (j. en chef Laskin, pour les juges Martland, Judson, Ritchie, Pigeon, Dickson et Beetz) ; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. IX-89.
-
[106]
Cet arrêt pose toutefois le problème du partage de la compétence de légiférer sur les prérogatives royales des gouvernements fédéral et provincial : H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. IX-94–IX-97 ; P. Issalys et D. Lemieux, préc., note 4, p. 1365 et 1366. Voir aussi Quebec North Shore Paper c. C.P. Ltée, [1977] 2 R.C.S. 1054, 1063 (j. en chef Laskin pour la Cour) : « Il est bon de rappeler que le droit relatif à la Couronne a été introduit au Canada comme partie du droit constitutionnel ou du droit public de la Grande-Bretagne ; on ne peut donc prétendre que ce droit est du droit provincial. Dans la mesure où la Couronne, en tant que partie à une action, est régie par la common law, il s’agit de droit fédéral pour la Couronne du chef du Canada, au même titre qu’il s’agit de droit provincial pour la Couronne du chef d’une province, qui, dans chaque cas, peut être modifié par le Parlement ou la législature compétente. »
-
[107]
Première Nation de Grassy Narrows c. Ontario (Ressources naturelles), préc., note 39.
-
[108]
Id., par. 35 (l’italique est de nous).
-
[109]
Id., par. 48.
-
[110]
Id., par. 50.
-
[111]
Cette approche de la Cour a été critiquée par Kent McNeil, « The Obsolete Theory of Crown Unity in Canada and its Relevance to Indigenous Claims », (2015) 20 Rev. Const. Stud. 1. Voir aussi : Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, [2014] 2 R.C.S. 256 ; Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010.
-
[112]
Bonanza Creek Gold Mining Co. v. R., préc., note 94.
-
[113]
Historiquement, les représentants du Québec étaient envoyés à l’étranger sous l’autorité de décrets du lieutenant-gouverneur en conseil : François LeDuc, Guide de la pratique des relations internationales du Québec, Québec, Les Publications du Québec, 2009, p. 6.
-
[114]
Id., p. 233.
-
[115]
Attorney-General for Canada v. Attorney-General for Ontario, [1937] A.C. 326 (C.P.).
-
[116]
Bonanza Creek Gold Mining Co. v. R., préc., note 94 ; Lorne Giroux, « La capacité internationale des provinces en droit constitutionnel canadien », (1967) 9 C. de D. 241, 250.
-
[117]
Voir notamment : Jacques-Yvan Morin, « La personnalité internationale du Québec », (1984) R.Q.D.I. 163 ; Stéphane Beaulac, « The Myth of Jus Tractatus in La Belle Province : Quebec’s Gérin-Lajoie Statement », (2012) 35 Dalhousie L.J. 237 ; Hugo Cyr, Canadian Federalism and Treaty Powers : Organic Constitutionalism at Work, New York, P.I.E. Peter Lang, 2009.
-
[118]
N. Duplé, préc., note 3, p. 341 et 342 ; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. VI-1.50–VI-1.51.
-
[119]
Id.
-
[120]
Canada v. Caroll, préc., note 94.
-
[121]
H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, VI-1.71 ; N. Duplé, préc., note 3, p. 341 et 342.
-
[122]
H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, p. 371.
-
[123]
Le projet de loi sur la réforme constitutionnelle. Texte et notes explicatives publiés dans le but d’inciter les citoyens à prendre part à la discussion sur la réforme constitutionnelle, telle que proposée dans un projet de loi présenté au Parlement par le Gouvernement du Canada, au mois de juin 1978, Ottawa, Gouvernement du Canada, 1978, p. 16, notes à l’article 43 (ci-après « Projet de loi no C-60 »).
-
[124]
« À la conférence interprovinciale des premiers ministres tenus à Régina en août 1978, les provinces, dont le Québec, se sont opposées à toute modification du rôle du chef de l’État au profit de l’augmentation de l’autorité du gouverneur général dont la nomination et la révocation sont laissées à la discrétion du gouvernement fédéral » : Ministère des Affaires intergouvernementales, Dossier sur les discussions constitutionnelles 1978-1979, Québec, Gouvernement du Québec, 1979, p. 28.
-
[125]
Id.
-
[126]
Projet de loi no C-60, préc., note 123, p. 16, art. 44.
-
[127]
Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 52, art. 38, 41 et 43.
-
[128]
Id., art. 41 a).
-
[129]
Liquidators of the Maritime Bank v. Receiver General of New Brunswick, préc., note 89, par. 4 (Lord Watson).
-
[130]
H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, préc., note 3, par. II-132 ; supra, note 4.
-
[131]
D.M. Jackson et L. Haverstock, préc., note 4, à la page 25.
-
[132]
Liquidators of the Maritime Bank v. Receiver General of New Brunswick, préc., note 89.
-
[133]
Motard c. Canada (Procureure générale), préc., note 2 (plaidoirie orale du défendeur).
-
[134]
James R. Mallory, « The Five Faces of Federalism », dans Paul-André Crépeau et Crawford B. Macpherson (dir.), The Future of Canadian Federalism. L’avenir du fédéralisme canadien, Toronto, University of Toronto Press, 1965, p. 3, à la page 11 ; Pierre Patenaude, « La Constitution canadienne, une lourde hypothèque pour le Québec », dans Pierre Patenaude (dir.), Québec-Communauté française de Belgique : autonomie et spécificité dans le cadre d’un système fédéral, Montréal, Wilson & Lafleur, 1992, p. 5.
-
[135]
Pensons notamment au titre du lieutenant-gouverneur, qui est « Honorable » au lieu de « Son Excellence le très honorable » comme l’est le gouverneur général, et le plus petit nombre de coups de canon accordé au lieutenant-gouverneur au moment du salut : D.M. Jackson et L. Haverstock, préc., note 4, à la page 13.