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Si les auteurs peuvent se montrer particulièrement critiques à l’égard du raisonnement des magistrats lorsqu’il est question d’assurance[1], il faut cependant savoir reconnaître leurs bons coups. En effet, en matière d’interprétation, les tribunaux ont su s’affranchir de la dogmatique de la doctrine selon laquelle un contrat s’interprète toujours en cherchant l’intention commune des parties. Sur ce point, la doctrine accuse un retard considérable puisque les tribunaux ne justifient plus depuis longtemps le sens accordé, à titre d’exemple, au contrat d’assurance automobile à l’aide de l’intention commune des contractants[2]. Il semble donc que l’analyse minutieuse de l’interprétation du contrat d’assurance par les tribunaux puisse un jour jeter les bases d’une nouvelle théorie interprétative du contrat d’adhésion. Le présent article s’inscrit dans un projet de recherche plus général dont l’objet est de déterminer si la recherche de l’intention commune des contractants prévue par l’article 1425 du Code civil du Québec[3] est véritablement le processus suivi par les tribunaux lorsqu’ils interprètent un contrat d’assurance. Déjà, les travaux au sujet de l’assurance responsabilité professionnelle et de l’assurance construction démontrent que l’intention commune est éclipsée par d’autres facteurs non prévus dans le Code civil ou dans la théorie générale du contrat[4]. Une distinction importante s’impose toutefois avant de commencer l’étude de l’interprétation de la Convention d’indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles et de la police d’assurance automobile standard, car le terme « interprétation » est polysémique. En effet, il englobe à la fois l’opération intellectuelle et le résultat de cette opération. Dans notre article, nous ne nous intéressons pas au résultat interprétatif (ex. : l’avenant 5A fait-il du locateur automobile un assuré ?)[5], mais plutôt à l’opération interprétative, plus particulièrement aux arguments mis en avant par l’interprète afin de convaincre de la justesse de son interprétation (ex. : pour quels motifs l’avenant 5A couvre-t-il le locateur automobile ?). Dans un premier temps, il sera question ci-dessous de la Convention d’indemnisation directe ; dans un second temps, nous examinerons la police d’assurance automobile standard.

1 Convention d’indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles

Le Groupement des assureurs automobiles (GAA) est une personne morale constituée par la Loi sur l’assurance automobile[6] qui réunit les assureurs agréés, c’est-à-dire autorisés à pratiquer l’assurance automobile et titulaires d’un permis délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF)[7]. Le GAA doit établir une convention d’indemnisation directe relative :

  1. à l’indemnisation directe du préjudice matériel subi par un assuré en raison d’un accident d’automobiles ;

  2. à l’évaluation des dommages subis par des automobiles et à l’expertise nécessaire ;

  3. à l’établissement d’un barème de circonstances d’accident pour le partage de la responsabilité du propriétaire de chaque automobile impliquée ;

  4. à la constitution d’un conseil d’arbitrage pour décider des différends entre assureurs agréés et naissant de l’application de la convention ;

  5. à l’exercice du droit de subrogation entre assureurs[8].

L’article 116 LAA au sujet de l’indemnisation du propriétaire d’une automobile pour le préjudice matériel prévoit ceci : « Le recours du propriétaire d’une automobile en raison du préjudice matériel subi lors d’un accident d’automobiles ne peut, dans la mesure où la convention d’indemnisation directe visée dans l’article 173 s’applique, être exercé qu’à l’encontre de l’assureur avec lequel il a contracté une assurance de responsabilité automobile[9]. »

De son côté, la Convention d’indemnisation directe procède à « une détermination mécanique de la responsabilité[10] » en ne tenant pas « compte du fait que les accidents d’automobiles sont toujours des cas d’espèce[11] ». Dans les faits, « cette méthode d’indemnisation directe risque d’apporter des solutions boiteuses quand des circonstances ou des facteurs ainsi écartés au départ sont des éléments déterminants dans l’appréciation de la responsabilité. Il reste qu’en raison de la multiplicité des cas traités, un certain équilibre est susceptible de s’établir quant aux assureurs[12] ». Jean-Hubert Smith-Lacroix et André Bélanger expliquent en peu de mots l’objectif du procédé et de la Convention d’indemnisation directe :

Celle-ci réduit les frais en permettant que la plus petite partie possible des coûts de la réparation du préjudice soit absorbée par des intermédiaires (avocats, tribunaux, etc.) et que le traitement des dossiers soit aussi simple et rapide que possible. Pour réaliser sa mise en place, nous avons collectivement choisi, puisque cela est nécessaire au bon fonctionnement de la convention, de rendre obligatoire ce qu’on appelle communément le Chapitre A du contrat d’assurance automobile portant sur la responsabilité civile[13].

En fait, la Convention d’indemnisation directe est un « contrat » ayant un statut juridique très particulier au regard de la théorie générale du contrat. Exception notable à la liberté contractuelle, la loi impose aux assureurs de l’établir et dicte même les matières devant y figurer. Contrairement au principe de l’autonomie de la volonté, un assureur peut y être lié même s’il n’y a pas consenti puisque l’article 174 LAA prévoit que, « [s]i une convention d’indemnisation directe reçoit l’assentiment des assureurs agréés qui perçoivent au moins 50 % des primes brutes directes perçues pour l’assurance automobile au Québec, tout assureur agréé doit lui donner application[14] ». De plus, contrairement au principe de l’effet relatif des conventions, les nouveaux assureurs automobiles voulant exercer au Québec et n’ayant pas participé aux processus de négociations y sont liés[15]. Cette dérogation à l’effet relatif du contrat est analogue à la convention collective à laquelle les nouveaux salariés seront liés même s’ils n’étaient pas membres du syndicat lors des négociations. Fait particulier pour une convention, elle doit être publiée à la Gazette officielle du Québec pour entrer en vigueur[16]. Ultimement, elle figurera dans la réglementation[17]. Enfin, la Convention d’indemnisation directe lie l’État[18]. C’est dire à quel point ce domaine ne ressort pas exclusivement du droit privé. En somme, c’est plutôt une créature mi-contractuelle, mi-légale octroyant certains pouvoirs particuliers à l’assureur :

Chargé par la loi d’indemniser directement son assuré, l’assureur joue désormais un rôle considérable et inédit.

Il a compétence (a) d’apprécier les circonstances d’un accident à partir d’un barême préétabli sur la foi des données recueillies par son expert en sinistre […] et (b) de décider de la responsabilité de son assuré par celle des autres automobilistes impliqués ainsi que de l’indemnité à laquelle il a droit.

Sa décision connaît la contradiction.

De la sorte, l’assureur exerce une fonction assimilable à une fonction quasijudiciaire l’obligeant à motiver son adjudication[19].

Le procédé de règlement du dossier entre l’assuré et son assureur comporte d’ailleurs des ressemblances frappantes avec le droit administratif quant à la relation qui unit l’Administration gouvernementale et l’administré :

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Assurément, la Convention d’indemnisation directe constitue un contrat réglementé, créature juridique qui n’a cessé de se multiplier au cours des dernières années[22]. Le fait que le texte de la Convention d’indemnisation directe est reproduit dans un règlement conditionne des réflexes d’interprétation légale et non contractuelle chez l’interprète. Certains tribunaux citent d’ailleurs directement le règlement plutôt que la Convention elle-même[23]. Cela ne change rien quant au fond puisqu’il s’agit du même texte. Toutefois, la forme emprunte alors davantage à l’interprétation légale. De plus, aucune décision interprétant la Convention d’indemnisation directe ne cite les directives interprétatives du contrat prévues par les articles 1425 à 1432 C.c.Q. De même, il n’est aucunement question de chercher l’intention commune des parties ayant consenti à la Convention d’indemnisation directe. Contrairement à l’interprétation d’un contrat de gré à gré, les négociations intervenues entre les assureurs ne sont pas invoquées ni les versions provisoires du texte avant son entrée en vigueur. Certes, la Cour d’appel du Québec a déjà procédé à la comparaison des différentes versions de la Convention d’indemnisation directe, mais ce procédé se révèle plutôt rare dans la jurisprudence[24]. Enfin, la conduite antérieure des assureurs agréés n’est pas une variable dans l’équation interprétative.

En fait, contrairement aux prescriptions de l’article 1425 C.c.Q., une interprétation littérale est souvent privilégiée soit en citant certains articles de la Convention d’indemnisation directe  sans pour autant les expliquer[25], soit en soulignant les passages jugés pertinents afin de mettre l’accent sur certains termes[26]. Cette interprétation littérale peut également se traduire par une insistance sur les termes absents de la Convention d’indemnisation directe[27]. À d’autres occasions, il s’agit d’argumenter à l’aide de dictionnaires[28]. Proches parents de la théorie de l’acte clair, les arguments de l’évidence[29] et du sens commun sont également présents : « Cette interprétation s’impose, à mon sens, parce qu’elle découle de la lecture du texte intitulé “Accidents visés” qui, sans ambiguïté, réfère à “tous les dommages matériels résultant d’un accident...”[30]. » Bien que dans l’ensemble la justification du sens soit souvent laconique, la théorie de l’acte clair dans sa version la plus dogmatique (prétendre qu’un texte clair ne souffre pas d’interprétation) n’est jamais invoquée pour autant.

Phénomène intéressant, car elle est potentiellement transposable à d’autres contrats réglementés ou à d’autres réglementations contractualisées, l’interprétation de la Convention d’indemnisation directe se rapproche davantage de l’interprétation légale. À preuve, la détermination de son champ d’application dépend avant tout de l’interprétation des articles 116 et 173 LAA[31] et des définitions contenues dans la LAA[32]. Ainsi, l’« économie générale de la [LAA][33] » est un élément central du raisonnement. Interprétant la Convention d’indemnisation directe, la Cour d’appel faisait d’ailleurs une analogie avec l’interprétation légale :

In his text, Interpretation des Lois, 2nd ed. (1990), p. 350, P.A. Côté observes that regulations should be interpreted in harmony with their enabling legislation :

... dans l’interprétation des règlements, on présume non seulement qu’ils respectent les limites fixées par la loi habilitante, mais également qu’il y a cohérence, au point de vue de la forme, entre loi et règlement.

By analogy and without characterizing the Agreement as a regulation, I believe we ought to interpret the Agreement consistently with the terms and spirit of the Act[34].

En trame de fond, la cohérence du système occupe une place très grande dans le processus décisionnel. À titre d’exemple, la Cour d’appel se réfère à la « logique interprétative usuelle[35] ». Dans un souci de cohérence, l’interprète s’assure que son interprétation de la Convention d’indemnisation directe respecte la LAA[36], l’intention du législateur[37] et le Code civil[38]. Le Code de la sécurité routière[39] est également appelé à suppléer aux lacunes de la Convention d’indemnisation directe[40]. Le poids des interprétations précédentes s’avère un facteur également important[41] :

La jurisprudence est abondante concernant les cas d’accidents de la route impliquant un véhicule automobile heurtant un atténuateur d’impact. Monsieur le juge Jacques Lachapelle a fait une analyse détaillée de la question dans Société de service en signalisation SSS inc. c. Poitras […] Ainsi donc, le présent Tribunal fait sienne l’analyse du juge Jacques Lachapelle et tire les conclusions suivantes[42].

La jurisprudence remplace en quelque sorte la notion d’intention commune[43]. Citée à l’occasion, la doctrine contribue, elle aussi, à assurer la cohérence du système[44]. Contrairement à l’interprétation du contrat d’assurance chantier[45] ou de l’assurance responsabilité professionnelle[46], l’effet de l’interprétation n’est pas un argument très présent dans le discours actuel des magistrats, alors que les décisions plus anciennes en traitent un peu plus[47].

Les directives interprétatives entourant l’interprétation de la Convention d’indemnisation directe sont contradictoires. Selon le professeur Didier Lluelles, cité avec approbation par la Cour du Québec, « [l]e régime d’indemnisation directe étant exceptionnel, les conditions d’application prévues à la Convention devraient normalement être interprétées strictement[48] ». Pour la Cour d’appel, s’agissant avant tout d’une renonciation à l’exercice d’un droit, la Convention d’indemnisation directe doit s’interpréter restrictivement[49]. Selon la Cour du Québec, le chapitre de la LAA au sujet du dommage matériel doit être interprété strictement, tout comme la Convention d’indemnisation directe qui n’est pas d’application universelle[50]. Par ailleurs, la Cour du Québec se disait d’avis qu’il y avait lieu d’adopter une interprétation large et libérale de la LAA et des dispositions de la Convention d’indemnisation directe afin d’éviter « que soient réintroduites devant les tribunaux civils des réclamations découlant de collisions entre véhicules[51] ». Dans la même veine, la Cour d’appel concluait que les exceptions prévues dans la Convention d’indemnisation directe doivent être interprétées restrictivement (ce qui favorise une plus grande application de cette convention)[52]. Les contradictions au sujet des directives interprétatives applicables sont très intéressantes, car elles illustrent bien la manière dont le choix — d’apparence banal — effectué par l’interprète conditionne directement le résultat.

Pour conclure, la récente décision Haché c. Ville de Granby[53] de la Cour du Québec permet d’observer les particularités de l’interprétation de la Convention d’indemnisation directe. Dans cette affaire, un motocycliste chute en raison d’une fissure dans la chaussée. Sa moto frappe alors un véhicule immobile stationné. Son assureur refusant de l’indemniser pour les pertes matérielles, le motocycliste décide de poursuivre la Ville. La question en litige est toute simple : la Convention d’indemnisation directe s’applique-t-elle ? Afin de le déterminer, la Cour du Québec n’a pas recours aux articles 1425 à 1432 C.c.Q., pas plus qu’elle ne s’interroge quant à l’intention commune des contractants. Pour répondre à la question, elle utilise plutôt la jurisprudence et la doctrine. On pourrait croire qu’un tel procédé est en quelque sorte l’exception qui confirme les règles de la théorie générale de l’interprétation du contrat, mais ce n’est pas le cas. En effet, ce phénomène est également observable dans l’interprétation d’une multitude de contrats[54], dont la police d’assurance automobile standard.

2 Police d’assurance automobile standard

Le contrat d’assurance responsabilité automobile comporte trois particularités ayant des répercussions sur son interprétation. Tout d’abord, il est obligatoire pour quiconque est propriétaire d’une automobile circulant au Québec[55]. Ensuite, la LAA établit des garanties minimales auquel le contrat ne peut déroger. Enfin, son contenu est approuvé par l’AMF. L’assurance automobile obligatoire est donc un contrat sans véritable contenu à saveur contractuelle ou encore une contractualisation d’obligations légales[56]. Le contexte de rédaction (2.1) et l’environnement normatif (2.2) sont alors deux éléments dont il faut tenir compte dans la détermination du sens, à défaut de pouvoir trouver une intention commune unissant l’assuré et l’assureur.

2.1 Rédaction du contrat

Il importe de traiter du procédé entourant la rédaction du contrat d’assurance automobile puisque celui-ci a ensuite des répercussions importantes sur son interprétation. Tout d’abord, les formulaires sont rédigés par le GAA. Ils doivent par la suite être approuvés par l’AMF conformément à l’article 422 de la Loi sur les assurances[57]. L’effet de cette approbation sur l’interprétation n’est toutefois pas clair[58]. Et pour cause, même si le texte est accepté par une entité gouvernementale, cela ne garantit malheureusement pas la légalité de son contenu[59], le libellé clair des clauses[60] ou le respect de la langue française[61].

Selon le GAA, « [l]es contrats d’assurance auto ont été rédigés afin d’être davantage compréhensibles pour tous les assurés. Un vaste […] travail de simplification, fait en collaboration avec l’AMF, a permis de rendre plus clair[e] la F.P.Q. no 1 — Formulaire des propriétaires[62] ». Heureusement qu’il y a eu simplification, car ce contrat tient maintenant en seulement 35 pages[63]. Sept formulaires sont actuellement en vigueur :

  • F.P.Q. N° 1 Formulaire des propriétaires ;

  • F.P.Q. N° 2 Formule des conducteurs ;

  • F.P.Q. N° 4 Formule des garagistes et avenants ;

  • F.P.Q. N° 5 Assurance de remplacement ;

  • F.P.Q. N° 6 Formule des non-propriétaires et avenants ;

  • F.P.Q. N° 7 Formule d’assurance excédentaire de la responsabilité civile ;

  • F.P.Q. N° 8 Formule des locateurs et avenants[64].

Le « Formulaire des propriétaires » comporte deux parties : le chapitre A portant sur la responsabilité civile est obligatoire, alors que le chapitre B qui traite des dommages au véhicule assuré ne l’est pas. Des formulaires d’avenants viennent ensuite compléter la police d’assurance en fonction de la situation de l’assuré. À titre d’exemple, il existe 44 formulaires d’avenants pour adapter le « Formulaire des propriétaires » :

  • F.A.Q. N° 2 Conduite de véhicules dont l’assuré désigné n’est pas propriétaire par des conducteurs désignés (Chapitre A) ;

  • F.A.Q. N° 3 Garantie « responsabilité civile » pour le véhicule d’un gouvernement canadien ;

  • F.A.Q. N° 4a Transport d’explosifs ;

  • F.A.Q. N° 4b Transport de substances radioactives ;

  • F.A.Q. N° 5a Véhicules loués ou pris en crédit-bail Modifications lorsque le propriétaire et un locataire ou crédit-preneur sont désignés comme assurés ;

  • F.A.Q. N° 5b Véhicules loués pour une période de moins d’un an (par des locataires non désignés) ;

  • F.A.Q. N° 5c Véhicules loués à court terme (par des locataires non désignés) ;

  • F.A.Q. N° 5d Détournements de véhicules loués (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 8 Franchise pour les dommages matériels (Chapitre A) ;

  • F.A.Q. N° 8a Franchise pour les dommages matériels et les dommages corporels (Chapitre A) ;

  • F.A.Q. N° 9 Exclusion du risque maritime pour les véhicules amphibies ;

  • F.A.Q. N° 13c Restriction de la Protection 3 pour les vitres du véhicule (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 16 Remise en vigueur des garanties après le remisage du véhicule ;

  • F.A.Q. N° 19 Limitation de l’indemnité (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 20 Frais de déplacement (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 20a Frais de déplacement (formule étendue) (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 20b Frais de déplacement et perte de revenu (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 20c Frais de déplacement et perte de revenu (formule étendue) (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 21a Assurance des parcs automobiles (avec ajustement mensuel de la prime d’assurance) ;

  • F.A.Q. N° 21b Assurance des parcs automobiles (avec ajustement annuel de la prime d’assurance) ;

  • F.A.Q. N° 23a Préavis au créancier (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 23b Garantie accordée au créancier (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 24 Suspension de garanties pour le matériel de lutte contre l’incendie (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 25 Modification aux Conditions particulières ;

  • F.A.Q. N° 27 Responsabilité civile du fait de dommages causés à des véhicules dont l’assuré désigné n’est pas propriétaire (incluant les véhicules fournis par un employeur) (Chapitre A) ;

  • F.A.Q. N° 27a Responsabilité civile du fait de dommages causés à des véhicules dont l’assuré désigné n’est pas propriétaire (excluant les véhicules fournis par un employeur) (Chapitre A) ;

  • F.A.Q. N° 28 Restriction de garanties pour les conducteurs désignés ;

  • F.A.Q. N° 28b Modification du montant d’assurance sur les lieux d’un aérodrome (Chapitre A) ;

  • F.A.Q. N° 29 Extension de garanties pour les conducteurs désignés ;

  • F.A.Q. N° 30 Restriction des garanties pour certains équipements et matériel fixés au véhicule (Chapitre A) ;

  • F.P.Q. N° 31 Équipement n’appartenant pas à l’assuré désigné ;

  • F.A.Q. N° 32 Véhicules à but uniquement récréatif ;

  • F.A.Q. N° 33 Assurance pour les frais d’assistance routière ;

  • F.A.Q. N° 34 Assurance de personnes ;

  • F.A.Q. N° 34 (A-B) Assurance de personnes (modifications des montants d’assurance ou des personnes assurées) ;

  • F.A.Q. N° 37 (A-B) Modifications aux garanties pour les accessoires électroniques (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 40 Franchise en cas d’incendie (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 41 Modification aux franchises (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 43 (A-F) Modification à l’indemnisation (Chapitre B) ;

  • F.A.Q. N° 44 Ajouts de pays ou d’endroits pour l’application des garanties ;

  • F.A.Q. N° 45 Engagement formel visant le risque de vol d’un véhicule en entier (Chapitre B)[65].

Ainsi, la couverture pour l’ensemble des scénarios les plus usuels est déjà prévue. Le représentant en assurance n’a qu’à seulement ajouter les avenants nécessaires afin de former un contrat rapiécé. Comme le précise la Cour du Québec, l’assureur est libre d’agir à sa guise dans la mesure où il ne change pas les formulaires approuvés par l’AMF[66], ce qui, dans les faits, limite grandement sa liberté contractuelle. L’existence d’une multitude d’avenants a des répercussions quant à l’interprétation, car « la police standard doit se lire à la lumière des autres formulaires standard approuvés et rendus obligatoires au Québec[67] ». De plus, les assureurs argumentent souvent que le risque peut être couvert, mais à l’aide d’un avenant spécifique (qui ne fait évidemment pas partie de la police de l’assuré)[68]. Plutôt que de chercher l’intention commune subjective des contractants, les tribunaux tentent de déterminer objectivement l’utilité prédéterminée des avenants impliqués au dossier[69]. Un procédé similaire est également observable à l’égard du contrat d’assurance construction lequel est davantage assimilé à un bien plutôt qu’à un échange de volontés[70]. Par ailleurs, les décisions s’attachant au contexte de formation du contrat et à l’intention commune portent plus souvent sur l’étendue matérielle du contrat (Un avenant a-t-il été offert ou accepté par l’assuré ? Un véhicule particulier fait-il l’objet d’une couverture ?[71]). Les décisions s’interrogeant sur le sens à donner à une clause spécifique ne s’appuient pas sur l’intention commune des parties pour justifier le sens accordé au contrat[72]. Et pour cause, l’imposition du contenu contractuel se traduit plutôt par une interprétation en faveur de l’assuré[73].

La règle d’interprétation contra proferentem n’est pas sans causer plusieurs difficultés théoriques, car le contrat est imposé à l’assuré et à l’assureur. On ne peut donc pas proprement parler d’un contrat d’adhésion, c’est-à-dire un contrat dont « les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement discutées[74] », tout comme ce n’est pas un contrat de gré à gré. Le qualificatif « contrat non mutuel » est sans doute celui qui décrit le mieux la situation. Les difficultés entourant la qualification ne sont toutefois pas la plus grande curiosité entourant la règle contra proferentem. En effet, la clause 4a) comprenant l’expression « apte à conduire » a provoqué un débat jurisprudentiel où deux théories se sont affrontées pendant près d’une décennie en vue de déterminer si elle incluait la conduite avec facultés affaiblies[75]. Visiblement, cette clause était plus qu’ambiguë. Dans ce débat interprétatif entourant la même clause, seulement quelques décisions invoquent l’interprétation en faveur de l’assuré comme argument[76]. Or, si cette clause standard est jugée ambiguë, elle devrait l’être pour tous. Après tout, sa formulation ne diffère pas d’un contrat à l’autre. Ainsi, dans l’ensemble des décisions en jeu dans cette controverse, on aurait dû, à tout le moins, discuter de cette règle d’interprétation. Au contraire, la Cour supérieure a même qualifié cette clause de claire, « c’est-à-dire sans aucune ambiguïté[77] ». Voilà une preuve additionnelle que la distinction claire/obscure est une fumisterie. Ce constat démontre également bien à quel point, à l’aide d’une règle en apparence banale, car elle est présentée comme une vulgaire règle résiduelle, l’interprète jouit d’une immense discrétion à l’égard de l’attribution du sens[78]. Autre réalité ne cadrant pas avec la théorie interprétative du contrat, il y a plus de décisions interprétant la police d’assurance automobile standard en faveur de l’assuré que de décisions procédant à une réelle recherche de l’intention commune des contractants. Ce constat accrédite la thèse selon laquelle l’article 1432 C.c.Q. serait le premier principe interprétatif du contrat d’adhésion[79]. La recherche de l’intention commune est si marginale qu’à une occasion la Cour d’appel a même rejeté l’historique des négociations du contrat d’assurance automobile :

Appellant argued […] that when the policy was drafted and approved, the insurers did not contemplate covering a claim such as Cohen’s, as evidenced by the fact that the actuarial reduction of premium did not take such claims into account. I am not sure that the history of negociations leading to the wording of the policy is admissible as evidence, but even if it is, I find this argument very weak ; over-looking a possible source of claim is no criterion for interpretation. On the contrary, in the course of those negotiations, I feel sure that those concerned intended that insureds be protected from all claims, either by the new Act or by the newly revised policy, and did not intend to leave a loophole of exposure without protection, a loophole that certainly did not exist before the revision of the standard form of policy[80].

Le rejet par la Cour d’appel d’une argumentation créant indûment des trous de couverture témoigne en fait d’une préoccupation quant aux conséquences futures de l’interprétation[81] : « It seems to me that this would mean that the insurer’s undertaking as contained in the insuring agreement could be varied adversely to its interest after the happening of the event insured against by the independent act of the insured and such a situation in my view runs contrary to the law normally applicable in interpreting such an agreement[82]. » Dans une décision fort intéressante, la Cour du Québec exprimait ainsi ses préoccupations :

À mon humble avis et avec beaucoup d’égard pour les collègues qui ont accepté cette façon d’interpréter le contrat d’assurance, il m’apparaît que cela conduit à dénaturer totalement le contrat d’assurance et à travestir la notion de risque assurable.

J’irai même plus loin : cette façon d’interpréter cette clause de la police d’assurance standard risque de décimer le parc automobile québécois. Ce qu’il y a de plus sérieux c’est que certains assurés auront payé une surprime pour s’assurer en raison des problèmes de santé qui les affligent et qu’ils risqueront quand même de se voir refuser compensation. Toute l’affaire deviendrait un véritable jeu de roulette russe[83].

Réalité de plus en plus présente à l’égard de l’interprétation du contrat d’assurance, les enjeux de société sont explicitement exposés comme facteurs à prendre en considération dans l’interprétation du contrat[84]. Malgré tout, les effets de l’interprétation sont très peu discutés comparativement aux arguments du type exégétique[85] où certaines clauses sont simplement citées et où quelques termes sont soulignés[86]. À cette énumération s’ajoutent le recours aux dictionnaires usuels de langue[87], l’argument du sens commun[88] et la comparaison des versions française et anglaise de la police d’assurance standard[89]. À ce sujet, contrairement à l’arrêt Verdun c. Doré[90], où la Cour d’appel rejette le texte de la version anglaise du Code civil sur la base du proverbe italien selon lequel « le traducteur est un traître » (traduttore traditore), la Cour du Québec, dans la décision Larochelle c. Union canadienne (L’), compagnie d’assurances, écarte la version française au motif que « le texte français de la partie litigieuse de la police standard présentement en vigueur au Québec est une traduction pure et simple du texte anglais de cette même police. Son origine anglo-saxonne est en quelque sorte une vérité historique[91] ». La version française n’est donc qu’une mauvaise traduction : « comme on peut le constater à la simple lecture, le texte n’est pas rédigé dans un français correct, les mots “sans être” devant vraisemblablement être lus comme signifiant “à moins qu’il ne soit”[92] ». Il n’y a donc pas seulement l’AMF qui devrait approuver le texte des formulaires, l’Office québécois de la langue française devrait le faire aussi.

Ces décisions mettent toutefois le doigt sur un facteur important expliquant l’absence d’intention commune dans l’opération interprétative : l’origine américaine du texte. Citant John Newcombe, auteur de l’ouvrage The Standard Automobile Policy Annotated, la Cour du Québec souligne le passage suivant : « The difference in wording between the provinces does not alter the meaning[93] », ce qui contredit les arguments textuels. La Cour du Québec éclaire également le contexte de rédaction de la police d’assurance automobile standard :

Comme l’ont souligné plusieurs collègues, le texte litigieux fait partie du formulaire standard des polices d’assurance automobile au Québec depuis 1978 et on le retrouve dans la Gazette officielle du 28 février 1978.

Or, ce qui est intéressant de savoir c’est que ce texte n’avait rien de nouveau à cette époque. On ne faisait qu’officialiser un texte déjà largement utilisé depuis de nombreuses années par les assureurs faisant affaires tant au Québec qu’au Canada.

De fait, selon les informations obtenues par le Tribunal, c’est au début des années soixante que le Bureau d’Assurance du Canada (le BAC) aurait recommandé à ses membres d’utiliser dans une police dite standard le texte que l’on retrouve maintenant dans la législation québécoise.

Il est cependant certain qu’il était déjà utilisé par bon nombre d’assureurs canadiens, mais la date de son introduction au Québec ne m’est malheureusement pas connue malgré les recherches que j’ai demandé que l’on effectue à ce sujet.

Il est loin d’être impossible que ce texte date des années trente et qu’il soit d’origine américaine ainsi que le soulève l’auteur Heather A. Sanderson :

Comprehensive general liability insurance came into general currency in 1935 with the development in the United States of the first comprehensive general liability (CGL) policy by the National Bureau of Casualty and Surety Underwriters and the National Casualty Insurance Rating Bureau. As insurers based in the United States did business in Canada, this type of insurance soon became widespread in the country.

The Insurance Bureau of Canada (I.B.C.) and a similar body in the United States, the Insurance Services Office, have drafted and filed sample policies to be used as a guide by the insurers who underwrite this type of insurance. These policies are referred to as the ‘standard form policies”. The Canadian and American standard form policies are not identical but the differences are largely insignificant[94].

Comme nous venons de le souligner, le texte législatif en vigueur au Québec l’est aussi dans d’autres provinces canadiennes depuis des dizaines d’années.

On comprend alors pourquoi l’environnement normatif duquel émerge la formule standard et qui l’entoure est une variable importante de l’équation interprétative.

2.2 Environnement normatif

Le contrat d’assurance automobile est un contrat fortement réglementé et l’influence de cet environnement normatif se reflète, à bon droit, jusque dans l’interprétation de la police d’assurance. En effet, les changements apportés à la LAA sont discutés[95] ainsi que les objectifs déterminés par le ministre de la Justice dans ses commentaires sur les dispositions du Code civil[96]. L’interprète peut également effectuer une revue de l’évolution de la police d’assurance automobile standard[97]. Une solution cohérente « avec le régime public d’indemnisation des victimes de dommages corporels instauré par la Loi sur l’assurance automobile en 1978[98] » sera privilégiée, tout comme celle qui sera en accord avec les définitions contenues dans le Code civil[99].

L’importance de l’industrie a également des répercussions quant à l’interprétation des formulaires standards. Ainsi, l’avis du GAA contenu dans un bulletin d’information a été discuté[100], alors qu’à une autre occasion une publication du Bureau des services financiers (l’AMF aujourd’hui) était invoquée[101]. De même, la Cour d’appel a déjà interprété le contrat d’assurance automobile à la lumière de l’industrie de l’assurance automobile au Canada en discutant de la solution retenue par les tribunaux des autres provinces (Terre-Neuve-et-Labrador, Nouvelle-Écosse, Ontario, Saskatchewan, Manitoba) :

The text of clause 4a) has formed part of automobile insurance policies in a number of other provinces of Canada. The text in the Quebec Standard Policy is almost identical to the text in those provinces. It is interesting to note that the Courts in those provinces have interpreted the requirement in clause 4a) as being disjunctive and have also ruled that « qualified to drive » means a competence to drive[102].

Ce recours à la jurisprudence des autres provinces n’est pas surprenant dans la mesure où « le formulaire standard [au Québec] est rédigé en termes identiques ou analogues[103] » aux termes du formulaire standard des autres provinces et territoires canadiens. Si la doctrine participe également au processus interprétatif[104], la jurisprudence n’en demeure pas moins un élément central par rapport à la détermination du sens[105] : « Après avoir relu l’ensemble des jugements et des autorités cités par les procureurs des parties, le Tribunal se rallie à l’interprétation du texte de la clause 4 de la police standard retenue par les juges Gagnon et Bossé, l’argumentation la sous-tendant lui paraissant la plus convaincante[106]. » Une fois encore, on trouve davantage de décisions interprétant la police d’assurance automobile standard à la lumière du précédent que de décisions procédant à une réelle recherche de l’intention commune des contractants[107]. Cela n’est pas sans rappeler l’idée du roman à la chaîne élaboré par le professeur Ronald Dworkin où le précédent agit comme point de départ de l’histoire à venir[108]. L’interprétation préalablement donnée à la police d’assurance automobile standard cristallise en quelque sorte le sens puisque celui-ci sera par la suite pratiquement admis à titre de postulat[109]. À titre d’exemple, devant déterminer si le locateur automobile peut bénéficier de la protection du contrat d’assurance intervenu entre le locataire et l’assureur, la Cour d’appel étudie l’entente liant le locataire au locateur :

[Le locateur] et [le locataire] sont liés contractuellement par l’entente de location P-1 qui oblige le locataire à désigner le locateur comme assuré additionnel sur la police d’assurance automobile qu’il doit souscrire et maintenir en vigueur pendant toute la durée du bail. Dans l’interprétation du contrat d’assurance, en l’absence d’indications claires au contraire, on doit retenir la version qui est la plus propre à assurer la réalisation de cet objectif convenu contractuellement entre les parties au contrat de location en présumant que le locataire a voulu stipuler de façon à assurer le respect d’une obligation du contrat de location plutôt que d’y déroger.

Ces motifs militent en faveur d’une interprétation du contrat d’assurance D-1 selon laquelle le locateur du véhicule loué, GMAC, bénéficie d’une stipulation pour autrui qui lui confère le statut d’assuré même s’il n’est pas expressément identifié comme tel au contrat[110].

Ce raisonnement est par la suite suivi pour interpréter le même genre de police d’assurance[111] : « cet arrêt consacre de manière définitive le statut d’assuré du locateur propriétaire d’un véhicule qui fait l’objet de l’avenant F.A.Q. No 5a concernant un véhicule loué ou faisant l’objet d’un crédit-bail[112] ». Selon la Cour du Québec, « [c]ette qualification et reconnaissance du statut du locateur […] apparaît davantage respecter la réalité des conventions de location à long terme[113] ». Un phénomène similaire s’est produit dans les arrêts Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris et Caisse populaire des Deux Rives c. Société mutuelle d’assurance contre l’incendie de la Vallée du Richelieu, où la Cour suprême du Canada a interprété la clause hypothécaire type en fonction de la réalité des prêts hypothécaires, plus particulièrement en faveur des intérêts de l’industrie du crédit[114]. De même, dans l’arrêt Optimum, société d’assurances inc. c. Plomberie Raymond Lemelin inc., la Cour d’appel a interprété le contrat d’assurance chantier en fonction des besoins de l’industrie de la construction[115]. Il est intéressant de constater que, en dépit de l’effet relatif des conventions, des contrats auxquels l’assureur n’est pas partie prenante influent malgré tout sur la teneur de ses obligations[116]. Dans la même veine, l’interprétation du contrat d’assurance responsabilité professionnelle est guidée non pas par l’intention commune de l’assuré et de l’assureur, mais bien par la protection du public[117].

Conclusion

L’étude de l’interprétation de la Convention d’indemnisation directe et de la police d’assurance automobile standard démontre bien qu’il est possible d’interpréter certains contrats sans rechercher l’intention commune des contractants. Le sens est alors souvent justifié par d’autres facteurs tels que le précédent. Le recours à la jurisprudence dans ces cas est intéressant pour diverses raisons. Tout d’abord, il illustre à quel point l’interprétation de ces actes juridiques n’est pas une question de fait, mais plutôt une question de droit, caractéristique essentielle à prendre en considération en vue de l’élaboration d’une nouvelle théorie interprétative du contrat d’adhésion[118]. Sous l’angle de l’analyse de discours, la citation, dans une décision, d’une décision citant elle-même une décision (à l’image des poupées russes, la décision A cite la décision B, laquelle cite la décision C)[119] débouche sur de nouvelles pistes de recherche à explorer. Cet enchevêtrement crée un profond enracinement du sens qui n’est pas sans rappeler la théorie du roman à la chaîne du professeur Ronald Dworkin. Un tel procédé fait également oeuvre de doctrine puisqu’il établit un fil conducteur entre les décisions qui s’enchaînent. Bien qu’il soit présent, le poids des interprétations précédentes n’est pas toujours perceptible. En effet, d’un point de vue micro, c’est-à-dire en isolant une décision et en analysant ses procédés rhétoriques, il est possible que la décision en question n’argumente guère à l’aide de précédents. Toutefois, d’un point de vue macro, c’est-à-dire en tenant compte de la masse des décisions interprétant la Convention d’indemnisation directe ou la police d’assurance automobile standard et en analysant ces décisions par époque, on constate que le sens était beaucoup plus longuement justifié au cours des années 80. Ce bouillonnement interprétatif concomitant de l’entrée en vigueur de la LAA s’est ensuite refroidi, ce qui a créé alors en quelque sorte une interprétation fondatrice, c’est-à-dire un socle pour les interprétations futures, un lieu commun de la culture judiciaire en matière d’assurance automobile. Et cette interprétation fondatrice se base elle-même sur des arguments d’ordre à la fois historique, exégétique, doctrinal, conséquentialiste et équitable. Toutefois, cet exercice judiciaire collectif est dorénavant intériorisé, et il fait ainsi partie de la connaissance judiciaire, au point où il n’est plus toujours rappelé explicitement[120]. C’est ce qui explique les nombreuses décisions où le sens est « justifié » laconiquement. La signification de la Convention d’indemnisation directe et celle de la police d’assurance automobile standard sont alors tenues pour acquises, ce qui peut être vu comme une évidence aujourd’hui, mais une évidence derrière laquelle se trouve bel et bien un roman à la chaîne.