Abstracts
Résumé
Plusieurs projets participatifs, comme les bibliothèques vivantes ou la collecte de la mémoire locale, sont des occasions pour la bibliothèque de porter la voix des plus invisibles et des plus inaudibles de nos concitoyens, et de donner de l’écho à leurs mots et récits. Or, longtemps lieux de silence, lieux de préparation aux débats démocratiques plutôt que lieux de débats, les bibliothèques n’avaient pas à prendre en compte la possibilité pour les individus de pouvoir prendre la parole. Or, les réticences à prendre la parole sont nombreuses et il ne pourra suffire de tendre le micro pour que la parole fuse. La prise de parole ne relève pas simplement d’une volonté de s’exprimer et d’une liberté de le faire.
Il convient dès lors de se demander si ces projets parviennent, dans leurs formes variées, à donner la parole aux plus inaudibles, à rendre leurs récits audibles par tous et à amorcer le travail de reconnaissance attendu, ou s’ils n’en donnent que l’illusion, renforçant par-là la méfiance des usagers envers les appels à leur participation et engagement. C’est à cette méprise sur les intentions et les effets des projets visant à faire prendre la parole aux usagers en bibliothèque que cet article veut répondre, en observant et analysant les enjeux d’outils mis en oeuvre par des bibliothécaires dans de telles situations. En analysant la spécificité de ces outils, nous montrerons que la bibliothèque, en les utilisant, si elle est loin de résoudre la difficulté initiale, offre cependant aux inaudibles des temps de réappropriation de leur propre parole, premiers pas pour pouvoir être entendus, et retrouver place dans la société et participer à sa transformation.
Abstract
Many inclusive projects, such as Living Libraries or the collection of local memory, represent opportunities for libraries to be a voice for the most invisible and inaudible of our fellow citizens and to give echo to their words and stories. For a long time, libraries have been a place of silence and democratic debates over a place of plain debates, and did not have to take account of the possibility for individuals to speak. Yet, there is much reluctance to speak [up] and extending the mic will not suffice for words to fly. Taking a stand to speak does not simply stem from the will of expression and the freedom to do so.
We need to evaluate if these projects succeed, in their various forms, in giving a voice to the most inaudible, in rendering their stories audible to all and in initiating the work of expected recognition, or if they only allude to it, reinforcing patrons’ wariness to participate and engage. This article wants to address the misunderstanding regarding the intentions and effects of projects aiming to give a voice to the [library] patrons, all while observing and analyzing the issues of the tools implemented in such situations. In analyzing the specificity of these tools, we demonstrate that the library, in using them, even if it is far from resolving the initial hurdle, offers nevertheless some re-appropriation of their own voice to the inaudible, some first steps to be heard, to find a place in society and to participate in its transformation.
Appendices
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