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Introduction[1]

Dans un monde globalisé, de nombreux pays développés ont du mal à attirer les talents formés à l’étranger afin de combler les pénuries de main-d’oeuvre et d’augmenter leur productivité nationale ainsi que leur croissance économique. Conséquemment, il y a eu une croissance significative du nombre d’immigrants qui sont arrivés des pays du Sud (Global South) vers des pays d’immigration grâce aux processus de sélection des programmes d’immigration permanente, temporaire ou provisoire (Hawthorne 2013). L’intégration harmonieuse de ces immigrants sur le marché du travail de ces pays est essentielle pour « maintenir un large soutien public et politique » en faveur des programmes d’immigration, puisque le succès de l’intégration professionnelle des immigrants hautement qualifiés contribue à l’essor économique du pays et comble « les pénuries de compétences » (Fu et Hickey 2013 : 5). De plus, une transition rapide et sans embûche des immigrants vers le marché du travail du pays d’accueil est tout aussi profitable pour les pays d’émigration, puisque ces derniers peuvent bénéficier des transferts de fonds que leurs citoyens envoient dans leur pays d’origine (ibid.).

Les processus de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger dans les pays d’accueil jouent un rôle important relativement à l’accès à l’emploi des immigrants qualifiés dans leur domaine professionnel, en facilitant cet accès ou en le limitant, selon les cas. Les organismes de réglementation des pays d’accueil font face à des défis importants « pour maintenir leurs normes professionnelles tout en s’adaptant aux nouvelles trajectoires de mobilité, parfois transitoires, et en facilitant l’utilisation des compétences des personnes immigrantes » (Hawthorne 2013 : 1)[2]. D’une part, ces organisations professionnelles déterminent certaines normes et procédures d’entrée dans les professions visées afin de « protéger les travailleurs des risques reliés à l’emploi et […] les consommateurs de biens et services qui sont dangereux ou de mauvaise qualité » (Fu et Hickey 2013 : 6). D’autre part, ces organisations peuvent également servir de « poste de contrôle » en imposant « leurs critères de sélection […] [qui] peuvent involontairement pénaliser les individus possédant des titres de compétences ou de l’expérience provenant de l’étranger » (ibid. : 5-6). Par conséquent, plusieurs professionnels certifiés à l’international, particulièrement dans des pays du Sud, éprouvent de la difficulté à se requalifier dans le pays d’accueil en raison des nombreuses exigences réglementaires, souvent longues et complexes, auxquelles ils doivent satisfaire.

En réponse à ces contraintes, les gouvernements et les organismes de réglementation ont pris des mesures pour standardiser et simplifier les processus de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger. Par exemple, les autorités en matière de réglementation professionnelle (les gouvernements et/ou les organismes de réglementation) ont mis en place notamment les « champs de pratique limités », les « enregistrements conditionnels » et les « périodes de pratique restreinte » pour les professionnels de la santé formés à l’étranger (Hawthorne 2013 : 5). Il est à noter que ces pratiques de reconnaissance partielle ne garantissent pas nécessairement un processus de certification complet et sans embûche et peuvent, au contraire, mener à des délais de plusieurs années pour la reconnaissance intégrale des qualifications des immigrants (ibid. : 1).

Une autre mesure prise par les autorités en matière de réglementation est la reconnaissance automatique des qualifications étrangères dans différentes juridictions. Par exemple, la directive 2005/36/EC de la Commission européenne portant sur la reconnaissance des qualifications étrangères a comme objectif d’assurer la reconnaissance automatique, dans tous les États membres de l’Union européenne, des qualifications de sept professions réglementées, soit : médecin, infirmière, sage-femme, pharmacien, dentiste, vétérinaire et architecte. Pour faciliter et simplifier le processus de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger, il existe aussi des ententes bilatérales et multilatérales de reconnaissance mutuelle des qualifications, comme l’Entente Québec-France sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et l’Accord de Washington pour l’accréditation des diplômes d’ingénieurs au Canada (incluant le Québec), aux États-Unis, en Irlande, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, à Singapour, au Japon, en Afrique du Sud et à Hong Kong. Néanmoins, ces instruments profitent peu aux travailleurs qualifiés ayant complété leurs certifications et leur formation dans des pays du Sud.

En outre, même si ces nouvelles mesures visent à améliorer l’efficacité, la transparence et la rapidité du processus de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger, elles ne portent pas une attention suffisante au degré d’exigence (degree of strictness) des réglementations professionnelles dans les pays d’immigration, qui affecte vraisemblablement le contenu et les résultats de ce processus pour les professionnels qualifiés à l’étranger lorsqu’ils arrivent dans leur pays d’accueil.

Un nombre croissant d’études démontrent l’existence d’un lien étroit entre les réglementations professionnelles et les résultats des processus de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger (par exemple, le taux d’emploi d’immigrants au sein des professions réglementées) pour les travailleurs ayant suivi leur formation et acquis leur expérience dans un pays du Sud (Frank 2013; Girard et Smith 2013; Gomez et al. 2015; Owusu et Sweetman 2015). Tout en tenant compte de ces résultats, notre étude se penche sur la variation des normes professionnelles chez les pharmaciens dans quatre pays qui accueillent des immigrants hautement qualifiés – le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande – et où les réglementations professionnelles pour les pharmaciens sont élevées. Le cas des pharmaciens est intéressant étant donné l’augmentation de l’effectif mondial de pharmaciens (environ 16 % entre 2006 et 2012), dans le cadre des efforts visant à améliorer l’accès et la disponibilité des services pharmaceutiques (International Pharmaceutical Federation 2015 : 8). La forte demande d’expertise pharmaceutique intensifie aussi la concurrence entre les pays développés qui tentent d’attirer des pharmaciens formés à l’international (PFI) et qui font la promotion de leurs programmes d’immigration. Malgré ces développements, la non-reconnaissance (ou la reconnaissance partielle) des qualifications obtenues à l’étranger pose un sérieux problème à la mobilité internationale des PFI.

Les approches anthropologiques soutiennent que la non-reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger découle principalement de biais culturels et sociaux à l’égard des qualifications des travailleurs formés à l’international (Bauder 2003; Girard et Bauder 2007). En effet, les gouvernements et les organismes de réglementation professionnelle traitent différemment les professionnels qualifiés à l’international par le biais du processus de reconnaissance des qualifications. Ces perspectives nous ont permis d’accroître notre conscience et nos connaissances sur le rôle que joue la discrimination culturelle et sociale envers les professionnels formés à l’étranger dans le processus de reconnaissance de leurs qualifications.

Sans perdre de vue les contributions des approches anthropologiques, cette étude comparative tente de comprendre comment les normes de réglementation professionnelle qui sont fixées et/ou appliquées par les différents acteurs du domaine de la reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger (les organismes de réglementation professionnelle et les universités) peuvent servir, intentionnellement ou involontairement, à renforcer la discrimination envers les PFI. Il convient toutefois de noter que la discrimination qui affecte ces professionnels ne peut être entièrement attribuée aux lacunes des organismes de réglementation ou des établissements d’enseignement. En effet, ces organismes fonctionnent dans un environnement soumis à des contraintes liées aux ressources (telle que l’allocation, par le gouvernement, d’un budget limité relatif au processus de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger, pour les formations ou les stages supplémentaires). Ils peuvent également faire face à des enjeux liés à la coordination entre les différents acteurs clés (organisations professionnelles, établissements d’enseignement, gouvernements et employeurs). Cet article ne prétend pas faire une analyse exhaustive de l’ensemble des politiques et des procédures relevant des multiples niveaux de la reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger.

Ce texte commence par un résumé de la littérature portant sur la reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger en dégageant trois principaux courants : l’approche du capital humain, les perspectives anthropologiques et le point de vue institutionnaliste. Ensuite, en employant la perspective institutionnaliste, il se penche sur trois aspects de la réglementation professionnelle – la durée de la formation, la durée des stages et le nombre d’examens professionnels – afin d’évaluer les exigences imposées à la fois aux pharmaciens formés localement et à ceux qui sont formés à l’international. À partir de l’analyse de ces exigences réglementaires, l’article identifie différentes formes de discrimination sociale et culturelle affectant ces professionnels durant le processus de réaccréditation dans le pays d’accueil.

La reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger

Au cours des trois dernières décennies, la reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger a attiré l’attention de chercheurs du champ des politiques d’immigration. L’une des perspectives issues de cette littérature – une reformulation récente de l’approche du capital humain – soutient que la provenance nationale du capital humain (par exemple, l’éducation formelle et l’expérience de travail) affecte le niveau des revenus. Ainsi, les immigrants qui ont accumulé du capital humain à l’étranger ont tendance à avoir un salaire moins élevé que la population née au pays et qui y a obtenu son capital humain (Aydemir et Skuterud 2005; Ferrer et Riddell 2008; Friedberg et Hunt 1995; Reitz 2001; Warman et al. 2015). En suivant ce raisonnement, certaines études ont montré que les diplômes obtenus dans le pays d’accueil après l’immigration permettent de réduire considérablement l’écart de revenus entre les immigrants et les non-immigrants (Banerjee et Lee 2015). De manière générale, ce domaine de la recherche économétrique fournit des preuves concluantes quant à la non-reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger; cependant, elle ne nous informe pas sur les mécanismes qui sous-tendent cette non-reconnaissance dans les pays d’accueil.

Un autre courant de la littérature sur les politiques d’immigration se penche sur le rôle que jouent les biais culturels et normatifs vis-à-vis des qualifications des travailleurs formés à l’étranger (Akkaymak 2016; Bauder 2003; Girard et Bauder 2007). Ces perspectives anthropologiques soutiennent que les associations professionnelles et l’État traitent les immigrants différemment en les excluant des « emplois les plus recherchés afin de préserver ces emplois » pour les travailleurs locaux. Par exemple, les organisations professionnelles imposent des « exigences d’entrée » supplémentaires pour les immigrants qualifiés à l’étranger afin de limiter leur accès aux professions réglementées (Bauder 2003 : 699 et 703). De plus, ces organisations empêchent les immigrants, qui ne sont pas familiarisés avec les normes professionnelles en vigueur (par exemple, les codes de conduite), de travailler dans ces professions (Girard et Bauder 2007 : 45).

Les approches anthropologiques mettent en lumière les fondements de la non-reconnaissance (ou de la reconnaissance partielle) des qualifications acquises à l’étranger. Cependant, elles ne fournissent pas assez d’éléments permettant de comprendre les principes régulateurs des institutions de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger, qui influencent aussi l’accès à l’emploi des immigrants au sein des professions réglementées dans différents pays (Hawthorne 2015; Sweetman et al. 2015). Par ailleurs, ces perspectives se basent souvent sur des études de cas uniques qui nous permettent, certes, de mieux comprendre le contexte particulier d’un pays ou d’une juridiction particulière (voir par exemple : Girard et Bauder 2007; Blain et al. 2017; Guo 2007; Shan 2009). Néanmoins, les études comparatives font défaut dans ce champ et pourraient enrichir la littérature en contextualisant les expériences, locales ou nationales, de non-reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger en les plaçant dans un cadre élargi. Cette lacune provient principalement de la difficulté à évaluer la discrimination sociale et culturelle dans différents pays à l’aide d’une lunette comparative.

Les approches institutionnalistes permettent de compléter, dans une certaine mesure, les perspectives socioculturelles et de consolider leurs contributions théoriques et empiriques. Les chercheurs institutionnalistes reconnaissent que des règles formelles et informelles participent à la gouvernance de la vie sociale et politique (voir par exemple Scott 2005; Streeck et Thelen 2005). Certaines règles (telles que les traditions et les normes sociales) sont appliquées par la communauté à ses membres d’une manière informelle (Streeck et Thelen 2005 : 10). Parallèlement, des normes et des sanctions sont formalisées à travers des règles juridiques et écrites (ibid.). Les chercheurs institutionnalistes définissent ainsi une institution comme un ensemble d’éléments socioculturels et réglementaires (Scott 2005, 1995).

Cela dit, les perspectives institutionnalistes reconnaissent également que la structure des règles formelles et les composantes normatives et culturelles des institutions « peuvent ne pas être cohérentes et que l’une peut contrecarrer les effets de l’autre » (Scott 2005 : 11). Les coutumes et les normes sociales ne sont pas toutes nécessairement formalisées et, en ce sens, nous ne pouvons pas présumer que les éléments normatifs et culturels dicteraient toujours la manière dont les éléments réglementaires (ou formels) sont mis en application. Ainsi, il est important de déterminer « quels sont les éléments en jeu dans un contexte donné et dans quelle mesure ils agissent à se renforcer ou à se contrecarrer » (Scott 2008 : 429). En suivant cette analogie, cet article tente de comprendre dans quelle mesure les normes professionnelles (les éléments formels ou réglementaires) pour les professionnels qualifiés à l’étranger renforcent les biais culturels et sociaux.

L’article soutient que les préjugés sociaux et culturels se manifestent dans la façon dont les réglementations professionnelles sont utilisées lors des processus de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger pour les PFI originaires de pays du Sud. L’obtention d’une équivalence pour une qualification acquise à l’étranger (par exemple, l’éducation, l’expérience de travail et le permis de pratique du pays d’origine) est souvent considérée comme la première étape d’un long processus d’accréditation. De fait, même si les qualifications du PFI sont reconnues comme étant équivalentes aux normes locales, ces professionnels, qui pratiquaient déjà dans leur pays d’origine, doivent souvent remplir des exigences similaires à celles imposées aux diplômés en pharmacie dans le pays d’accueil. En outre, les PFI doivent satisfaire à des « exigences supplémentaires en matière de délivrance de permis » (par exemple, des examens théoriques et pratiques) qui ne font pas partie du processus d’accréditation destiné aux diplômés locaux en pharmacie. Il est également intéressant de noter que les pays d’accueil offrent des parcours de reconnaissance différents pour des pharmaciens formés dans certains pays développés. Cette pratique conduit, intentionnellement ou non, à renforcer des biais culturels et sociaux à l’égard des professionnels formés dans des pays du Sud.

Réglementations professionnelles et reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger pour les PFI

Le manque d’indicateurs et de mesures est l’une des principales difficultés rencontrées quant à la comparaison des degrés d’exigence des normes professionnelles en matière de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger. En réponse à cette problématique, cette étude se penche sur trois éléments de la réglementation professionnelle essentiels aux processus de reconnaissance des qualifications : les programmes d’enseignement, les stages (lors des études et après l’obtention du diplôme) et les examens professionnels. La nature des programmes d’enseignement fait partie intégrante de la réglementation professionnelle puisque l’évaluation des qualifications acquises à l’étranger est l’une des étapes nécessaires à l’accréditation, à l’inscription et à l’autorisation d’exercice de la profession. Ainsi, les pays d’accueil ayant des exigences plus élevées en matière d’enseignement et de formation en pharmacie affecteraient de manière négative l’évaluation des qualifications des PFI. De plus, les examens professionnels, là où ils existent, limitent encore plus l’accès à la profession de pharmacien dans les pays d’accueil, car ces examens testent souvent des connaissances et/ou des compétences liées à la profession qui sont spécifiques au pays d’accueil.

Pour examiner le degré d’exigence des réglementations professionnelles dans le pays d’accueil, cette étude se base sur trois indicateurs : 1) le nombre d’années d’études en pharmacie, 2) la durée des formations et des stages obligatoires (pendant les études et après l’obtention du diplôme) et 3) le nombre d’examens professionnels. Même si ces trois indicateurs ne tiennent pas compte des différences qualitatives entre le pays d’accueil et le pays d’origine (par exemple, le contenu des programmes, des formations, des stages et des examens), ils peuvent toutefois nous éclairer sur les barrières réglementaires que rencontrent les PFI qui veulent accéder à leur profession dans leur pays d’accueil (voir le tableau 1). De plus, pour identifier les exigences additionnelles imposées aux PFI provenant d’un pays du Sud, l’étude utilise des formes adaptées de ces indicateurs – 1) la durée de l’éducation additionnelle, 2) la durée des formations et des stages additionnels et 3) le nombre d’examens professionnels pour les PFI (voir le tableau 2).

Au cours du processus de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger, les pays d’accueil évaluent d’abord les qualifications acquises à l’étranger des PFI, ce qui consiste souvent en un examen documentaire des diplômes, de l’expérience et des permis de pratique délivrés dans le pays d’origine. La manière dont l’évaluation de ces qualifications est utilisée génère des biais culturels et sociaux défavorables aux PFI provenant de pays du Sud. Dans les pays d’accueil, l’évaluation des qualifications acquises à l’étranger est souvent la première étape d’un long processus d’accréditation. En fait, l’évaluation des qualifications ne sert pas à réduire les exigences d’accréditation pour les PFI originaires de pays du Sud, en particulier dans les cas où leurs qualifications sont reconnues comme étant équivalentes aux normes professionnelles du pays d’accueil.

Les PFI qui ont des qualifications considérées comme équivalentes aux normes locales doivent le plus souvent remplir des exigences similaires à celles qui sont attendues des nouveaux diplômés du pays d’accueil, comme la réussite d’examens professionnels et une période plus ou moins longue de formation professionnelle ou de stages (post-graduate training).

Pour illustrer ce point, le Bureau des examinateurs en pharmacie du Canada (BEPC) procède à l’évaluation documentaire des qualifications des PFI (diplômes universitaires, programmes, relevés de notes et accréditations ou permis de pratique) au nom des autorités réglementaires provinciales et territoriales. Dans la province de l’Ontario, si ces qualifications sont jugées acceptables, les PFI doivent passer deux examens – l’examen de qualification du BEPC (Parties I et II) et l’examen de jurisprudence – en plus du Stage pratique structuré (Structured Practical training Studentship) d’une durée de trois mois, que les étudiants en pharmacie de l’Ontario doivent aussi compléter (Ontario College of Pharmacists 2016a).

Tableau 1

Conditions d’entrée à la pratique pour les pharmaciens formés au pays

Conditions d’entrée à la pratique pour les pharmaciens formés au pays

* En Ontario et au Québec, les études en pharmacie durent entre cinq et six ans (incluant les années préparatoires). Ainsi, nous pouvons assumer qu’elles durent en moyenne cinq ans et demi.

** En Ontario, la formation « pre-graduating training » de trois mois (0,25 année) a été incluse dans le nombre total de mois de formation.

*** Au Québec, le stage d’un an (équivalant à 40 crédits) a été inclus dans le nombre total de mois de formation.

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Au Royaume-Uni, le UK National Recognition Information Centre (UK NARIC) évalue les qualifications des PFI provenant de l’extérieur de l’Espace économique européen. Si leurs qualifications sont jugées comparables à un diplôme de premier cycle avec un contenu adéquat en pharmacie, les PFI doivent remplir les mêmes exigences que celles qui sont imposées aux nouveaux diplômés locaux, soit une formation préalable à l’exercice d’un an (stage, internat) et l’examen d’enregistrement du General Pharmaceutical Council (2015 : 3; 2016a, 2016b).

La situation est similaire en Nouvelle-Zélande et en Australie. En Nouvelle-Zélande, les PFI formés dans un pays du Sud et dont les qualifications sont reconnues équivalentes doivent effectuer un stage à temps plein (internat) qui peut durer de 26 semaines (six mois) à 44 semaines (onze mois). Ils doivent de plus passer deux examens – le Written Exam et le Assessment Centre – qui font partie des exigences auxquelles les diplômés locaux en pharmacie doivent également se conformer (Pharmacy Council of New Zealand 2016b). En Australie, dans le cadre du processus d’accréditation, les PFI sont invités à fournir la documentation relative à leurs qualifications tels que leurs diplômes pertinents, leur expérience professionnelle et une preuve d’enregistrement à leur ordre professionnel délivré dans leur pays d’origine (Australian Pharmacy Council 2016a). À l’instar des diplômés locaux en pharmacie d’une université australienne, les PFI originaires d’un pays du Sud doivent effectuer un stage à temps plein de douze mois (internat) (Australian Pharmacy Board of Australia 2016, 2015) et doivent réussir l’examen d’évaluation pour l’inscription au registre, composé d’un volet écrit et d’un volet oral (Australian Pharmacy Council 2016b).

Une autre manifestation de biais culturels et sociaux se concrétise dans le fait que les PFI originaires de pays du Sud doivent se conformer à des exigences additionnelles qui ne font pas partie du processus d’obtention de la licence pour les nouveaux diplômés en pharmacie du pays d’accueil. Au Canada, les PFI doivent passer l’examen d’évaluation, l’une des étapes du processus régi par le BEPC, pour déterminer s’ils ont « complété un programme d’étude comparable à celui accrédité par le Conseil canadien de l’agrément des programmes de pharmacie (CCAPP) » (CCAPP 2016). Cet examen est une exigence imposée seulement aux PFI. En Ontario, les PFI doivent aussi réaliser un stage supplémentaire en milieu de travail (internat; Structural Practical Training Internship) de trois mois parallèlement au stage de formation (Structural Practical Training Studentship) (Ontario College of Pharmacists 2016a). En outre, si le PFI ne réussit pas l’examen de qualification lors de son premier essai, il ou elle doit compléter le programme pour les diplômés internationaux en pharmacie (International Pharmacy Graduate Program) de quatre mois, en plus de satisfaire aux conditions additionnelles mentionnées ci-haut (Ontario College of Pharmacists 2016b; University of Toronto 2016).

Tableau 2

Exigences en matière de formation et d’enregistrement/accréditation pour les PFI ayant des qualifications jugées équivalentes dans le pays d’accueil

Exigences en matière de formation et d’enregistrement/accréditation pour les PFI ayant des qualifications jugées équivalentes dans le pays d’accueil

S/O : sans objet.

* Si le PFI ne réussit pas l’examen de qualification du BEPC lors de son premier essai, il ou elle doit suivre le programme de quatre mois pour les étudiants en pharmacie diplômés à l’international (International Pharmacy Graduate Program).

** Au Québec, le programme de qualification en pharmacie pour les PFI dure 16 mois, incluant 720 heures (ou 5 mois) de formation universitaire.

*** La durée totale de formation additionnelle se situe entre 1 020 et 1 320 heures (en tenant compte du fait qu’un mois équivaut à 150 heures, elle varie donc entre 6,8 et 8,8 mois). Il y a deux types de formation que les PFI doivent suivre pour obtenir leur permis : la formation universitaire qui a lieu dans le cadre du programme de qualification en pharmacie (720 heures ou 5 mois) et l’internat (un stage qui a lieu après la réussite du programme de qualification en pharmacie) (600 heures ou 4 mois). Au total, la formation dure 1 320 heures. Dans certains cas, la durée de l’internat peut être raccourcie si le PFI obtient une reconnaissance partielle de l’internat (ex. : 300 heures ou 500 heures). Ainsi, nous estimons que la durée de l’internat varie entre 300 heures et 600 heures.

**** Ceci inclut uniquement le stage lié à l’internat, dont la durée varie entre 300 et 600 heures (de deux à quatre mois).

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Au Québec, les diplômés locaux en pharmacie de l’Université de Montréal et de l’Université Laval n’ont pas à compléter d’examen ou à suivre un stage post-universitaire (post-graduate training) (Université de Montréal 2016a; Université Laval 2016[3]). En revanche, un examen en pharmacie et un stage d’internat sont exigés pour les PFI diplômés d’un pays du Sud après qu’ils aient obtenu l’équivalence de leurs qualifications.

Il y a deux principaux parcours d’accréditation pour les PFI originaires de pays du Sud au Québec[4]. Dans le premier, semblable à celui adopté en Ontario, les PFI doivent passer leurs examens selon le processus du BEPC. S’ils réussissent ces examens, ils peuvent ensuite s’inscrire à l’internat au Québec, soit 600 heures de stage. Ce n’est qu’après avoir terminé l’internat qu’ils peuvent faire une demande de permis d’exercice à l’Ordre des pharmaciens du Québec. S’ils empruntent le deuxième parcours, les PFI font directement leur demande à l’Ordre des pharmaciens du Québec. Durant ce processus, ils doivent suivre le programme de qualification en pharmacie[5], d’une durée de 16 mois, incluant un stage universitaire de 720 heures (Université de Montréal 2016b). Après avoir réussi ce programme, les PFI doivent faire un internat[6] (Ordre des pharmaciens du Québec 2016a, 2016b : 2). Dans les cas où le PFI a obtenu une équivalence partielle de l’internat, sa durée peut être réduite (ex. : 300 ou 500 heures) (Ordre des pharmaciens du Québec 2016a, 2016b : 2).

Au Royaume-Uni, les PFI doivent aussi remplir des conditions supplémentaires. Par exemple, ils doivent s’inscrire à un programme d’évaluation d’un an pour les pharmaciens diplômés à l’étranger (Overseas Pharmacists’ Assessment Programme – OSPAP), qui est : « designed to ensure that those who have qualified overseas receive the appropriate education and training to prepare them for UK practice and entry to pre-registration training » (General Pharmaceutical Council 2015 : 3; General Pharmaceutical Council 2016b).

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ne font pas exception en ce qui concerne l’imposition de conditions additionnelles aux PFI pour l’obtention du permis d’exercice. Dans ces deux pays, les PFI originaires d’un pays du Sud doivent passer un examen supplémentaire d’évaluation des connaissances en sciences pharmaceutiques pour démontrer qu’ils possèdent des connaissances et des compétences équivalentes aux normes de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie (Pharmacy Council of New Zealand 2015 : 5; Australian Pharmacy Council 2016b). En Nouvelle-Zélande, ils doivent aussi suivre le cours « New Zealand Pharmacy Legislation » offert à la faculté de pharmacie de l’Université d’Auckland (Pharmacy Council of New Zealand 2015 : 5).

Un dernier élément est à souligner : les pays d’accueil ont des processus de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger plus courts pour les PFI originaires de pays développés, contribuant de ce fait à l’ancrage de biais culturels et sociaux à l’égard des qualifications des PFI originaires de pays du Sud. Par exemple, au Québec, les pharmaciens diplômés de certains pays développés sont soumis à moins d’exigences pour l’obtention de leur permis d’exercice. Les pharmaciens de pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie n’ont pas à compléter le processus du BEPC, ni à suivre le programme additionnel de qualifications en pharmacie. Ils doivent seulement faire l’internat. Les pharmaciens diplômés de la France peuvent passer directement à la partie II de l’examen de qualification du BEPC et ensuite entreprendre leur internat. S’ils ne suivent pas le processus du BEPC, ils doivent compléter le programme de qualifications en pharmacie ainsi que l’internat[7].

Dans le même ordre d’idées, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont également favorables aux PFI diplômés des pays développés. Premièrement, des ententes de reconnaissance existent entre les deux pays : les étudiants diplômés en pharmacie d’Australie doivent uniquement remplir les exigences qui sont imposées aux diplômés locaux de Nouvelle-Zélande (un stage après l’obtention du diplôme et deux examens d’accréditation), et les mêmes normes s’appliquent aux étudiants de Nouvelle-Zélande qui cherchent à obtenir leur permis en Australie (Pharmacy Council of New Zealand 2016c).

De plus, les deux pays offrent des parcours distincts de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger pour les PFI originaires du Royaume-Uni, des États-Unis, du Canada et de l’Irlande. Les PFI diplômés de pays anglo-saxons ne sont pas tenus de passer l’examen d’évaluation des connaissances en sciences pharmaceutiques (Pharmacy Council of New Zealand 2016c; Australian Pharmacy Council 2016c). Ces PFI sont plutôt appelés à passer l’examen d’évaluation des compétences pour pharmaciens formés à l’étranger (Competency Assessment of Overseas Pharmacists examination – CAOP), qui évalue la capacité des candidats à utiliser et à appliquer leurs connaissances et leurs compétences pharmaceutiques dans le cadre du travail en Nouvelle-Zélande et en Australie (ibid.). En outre, les PFI de ces pays doivent exercer une pratique supervisée qui équivaut à moins de la moitié de la durée totale du stage requis pour les PFI provenant de pays du Sud (Pharmacy Council of New Zealand 2016c; Australian Pharmacy Council 2016d). Ajoutons à cela que ces PFI n’ont pas nécessairement à passer les deux examens en Nouvelle-Zélande (examen écrit et Assessement Centre examination) ou en Australie (Registration Examination, parties écrite et orale) (Pharmacy Council of New Zealand 2016a, 2016c; Australian Pharmacy Council 2016d). Comme discuté précédemment, les PFI diplômés de pays du Sud et d’autres pays développés doivent obligatoirement réussir ces deux examens, ainsi que l’examen d’évaluation des connaissances en sciences pharmaceutiques.

Conclusion

À travers l’examen des réglementations professionnelles pour les pharmaciens dans différents pays d’accueil, cet article s’est penché sur la manière dont les normes réglementaires professionnelles sont définies et/ou mises en oeuvre par différents acteurs (par exemple, les organisations professionnelles et les universités) en matière de reconnaissance des qualifications étrangères. Il est apparu que ces processus peuvent, intentionnellement ou involontairement, contribuer à renforcer la discrimination sociale et culturelle à l’égard des PFI. En d’autres mots, lors du processus de réaccréditation dans le pays d’accueil, les PFI sont exposés à des biais sociaux et culturels à l’égard de leurs qualifications.

L’article a montré que l’étendue des conditions d’entrée à la profession pour les PFI dépend grandement du degré d’exigence (strictness) des réglementations professionnelles dans un pays donné. Par exemple, si cette réglementation professionnelle requiert un examen professionnel pour les pharmaciens formés localement (comme en Ontario au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Royaume-Uni), les PFI sont également tenus de remplir cette condition, même si leurs qualifications sont considérées comme étant équivalentes aux qualifications nationales. En ce sens, l’obtention d’une équivalence pour les qualifications acquises à l’étranger est souvent traitée comme la première étape d’un long processus d’accréditation. De plus, même si les qualifications que les PFI ont obtenues à l’étranger sont acceptées et considérées comme équivalentes aux normes nationales, ces professionnels doivent généralement remplir en plus des exigences comparables à celles requises pour les nouveaux diplômés en pharmacie du pays d’accueil.

Les biais culturels et sociaux à l’égard des qualifications des PFI se dévoilent aussi sous une autre forme : ces derniers doivent remplir des exigences d’accréditation supplémentaires qui ne font pas partie du processus d’accréditation des étudiants en pharmacie diplômés localement. Par exemple, les PFI doivent passer un examen supplémentaire – seulement exigé pour les PFI – en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Canada. De plus, les PFI doivent compléter des études additionnelles (au Québec et au Royaume-Uni) et des formations (tous les pays) pour obtenir leur réaccréditation. Ironiquement, pour pouvoir commencer ces études et suivre des formations supplémentaires, les PFI doivent d’abord obtenir une équivalence de leurs qualifications obtenues à l’étranger.

Il est aussi important de noter que les organismes réglementaires dans les pays d’accueil imposent des parcours de reconnaissance des qualifications obtenues à l’étranger différents pour les PFI originaires de certains pays développés, ce qui se traduit par des biais culturels et sociaux vis-à-vis des qualifications des PFI diplômés de pays du Sud. Par exemple, en Australie et en Nouvelle-Zélande, les PFI qui ont obtenu leurs qualifications dans des pays anglo-saxons sont traités différemment de leurs homologues diplômés dans d’autres pays et sont soumis à moins d’exigences pour accéder à l’exercice de la profession.

Il serait intéressant, dans le cadre de recherches futures, de vérifier si les résultats de cette étude s’appliquent à d’autres professions du domaine de la santé : médecin, dentiste, sage-femme et infirmière. De telles études permettraient de révéler davantage les interactions entre les réglementations professionnelles et l’intégration des professionnels de la santé formés à l’international dans le marché du travail du pays d’accueil. Il serait également nécessaire d’étudier les attitudes (ou les biais potentiels) des employeurs envers les travailleurs formés à l’international, et ce, dans plusieurs pays. En effet, les employeurs jouent un rôle essentiel dans l’intégration au marché du travail des travailleurs formés à l’international.