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Le livre de Bayne et Woolcock aborde la diplomatie économique dans le contexte du nouveau monde global émergeant comme résultat des processus économiques et politiques en cours depuis dix à quinze ans. Il porte essentiellement sur la politique extérieure des principaux pays développés du monde, son objectif étant d'identifier comment les États conduisent leurs relations économiques internationales en ce début du xxie siècle, comment ils prennent leurs décisions sur le plan intérieur et comment ils négocient sur le plan extérieur avec les autres États.
Bien que ce soient les États qui attirent l'attention de l'ouvrage, le livre prend un chemin innovateur parce qu'il inclut les acteurs non étatiques, principalement les ong, qui exercent de plus en plus d'influence dans les processus de prises de décision. Cette influence découle des changements apparus après la fin de la guerre froide et avec les progrès du processus de mondialisation.
Édité par Nicholas Bayne et Stephen Woolcock, qui écrivent une grande partie des chapitres, ainsi que l'introduction et les conclusions, ce livre est le produit de cours et de séminaires tenus à la London School of Economics and Political Science. Il tourne autour de deux axes: les tensions entre politique et économie et celles existant entre facteurs internes et externes dans les prises de décision, dans les deux cas en relation avec le thème central du livre : la nouvelle diplomatie économique.
La structure du livre est divisée en deux parties, plus l'introduction et les conclusions, soit au total 18 chapitres. La première partie, qui aborde La nature de la diplomatie économique (The Nature of Economic Diplomacy) contient huit chapitres. Ceux-ci examinent des questions théoriques et pratiques et des cas d'étude historiques et contemporains, en majorité sous la plume des éditeurs, en plus de la participation de Colin Budd et de Phil Evans. La deuxième partie traite des Niveaux multiples de la diplomatie économique (Multi-Level Economic Diplomacy) et comprend également huit chapitres qui abordent des cas empiriques et pratiques de la nouvelle diplomatie économique ; dans cette partie s'expriment des praticiens expérimentés dans ce domaine (diplomates, fonctionnaires internationaux et gouvernementaux, ainsi que des représentants d'ong), comme Colin Budd, Phil Evans, Matthew Goodman, Patrick Rabe, Ivan Mbirimi, Nigel Wicks et Richard Carden, qui fournissent la partie pratique du livre, laquelle comprend aussi des analyses des éditeurs eux-mêmes.
Rédigé en suivant une excellente méthodologie, chaque chapitre commence par une synthèse du sujet traité, dans laquelle l'auteur signale aussi les liens thématiques avec les autres chapitres, ainsi qu'avec les objectifs généraux du livre et les conclusions partielles. Le travail d'éditeur de Bayne et Woolcock permet au lecteur de situer chaque sujet et chaque chapitre dans le contexte d'ensemble que l'ouvrage entend présenter.
En expliquant la nature de la diplomatie économique, Bayne et Woolcock commencent par poser la question de savoir pourquoi cela vaut la peine d'étudier ce sujet. Ils répondent en indiquant quatre raisons principales, qui à leur tour fondent des objectifs allant au-delà des sujets spécifiques traités dans les chapitres, mais correspondant aux caractéristiques de la politique et de l'économie à l'époque de l'après-guerre froide et de la mondialisation du capitalisme. La première des raisons invoquées est que la diplomatie économique est à la fois un processus et des structures. Plus les rapports de pouvoir sont équilibrés, plus le processus de négociation semble important. Deuxièmement, la diplomatie économique est de plus en plus importante, dans la mesure où après la guerre froide les facteurs de sécurité jouent un rôle moins important, face aux relations économiques qui tendent à prévaloir. Troisièmement, les gouvernements ressentent le besoin d'être efficaces et de poursuivre l'objectif d'améliorer le bien-être économique dans une économie globale, et avec le progrès de la mondialisation les gouvernements doivent choisir une politique favorisant l'interaction entre l'économie interne et l'économie internationale. Quatrièmement, les gouvernements se trouvent exposés à une pression croissante pour exercer leur responsabilité économique (accountability). La transparence et la responsabilité gouvernementales sont à présent des consignes essentielles dans le débat sur la mondialisation.
Pour définir donc la nouvelle approche de la diplomatie économique, celle-ci comporte l'utilisation d'un maximum d'instruments ; ce plus grand spectre de mesures va de la négociation informelle et la coopération à la création et au renforcement des règles ou régimes obligatoires, en passant par des formes légères de régulation, telles que les codes de conduite. Tout ceci implique des restrictions à l'autonomie de la politique nationale et aussi une diplomatie économique qui est souvent marquée par la confrontation, pouvant conduire directement au bord du conflit, y compris sous la forme de mesures économiques punitives prises dans la suite d'objectifs politiques, etc.
Ce qui distingue la diplomatie économique de la diplomatie politique est le fait que la première est sensible aux développements des marchés. Cette distinction fait surgir une préoccupation qui plane au-dessus de l'ensemble: les liens entre économie et politique. Ainsi, le principal argument du livre est que les gouvernements essaient de réconcilier trois types de tensions : celles existant entre le politique et l'économique, entre pressions intérieures et internationales et entre les gouvernements d'un côté et les acteurs non gouvernementaux de l'autre, comme les entreprises privées et les ong.
Les éditeurs se demandent comment réconcilier les objectifs économiques et politiques, étant donné que les États utilisent des instruments de politique économique pour atteindre des objectifs politiques et aussi économiques. Les alternatives possibles surgissent d'une compréhension correcte des acteurs impliqués à présent dans la diplomatie économique moderne. C'est quand ils abordent ce point-ci que nous trouvons l'un des aspects innovateurs du livre.
Comme l'analyse Woolcock, il y a trois groupes principaux d'acteurs dans la diplomatie économique : les États nationaux (National State Actors), qui comprennent les branches exécutive et législative ; les acteurs non étatiques (Non-State Actors), qui comprennent les groupes d'intérêt des entreprises et les organisations de consommateurs, ainsi que, en dernier lieu, les acteurs transnationaux (Transnational Actors), parmi lesquels on peut énumérer la société civile globale, les entreprises internationales, les organismes internationaux et les communautés épistémiques (ou communautés scientifiques).
L'incorporation de quelques-uns de ces acteurs, qui auparavant n'étaient guère pris en considération dans leur dimension réelle, reflète la relation entre la plus grande responsabilité économique des gouvernements et l'influence acquise par ces nouveaux acteurs, tant sur la formulation de la politique publique que sur les négociations internationales et les accords ou traités auxquels les États arrivent au bout des processus de négociation. De cette façon il y a une perspective nouvelle et plus complexe sur les processus de prises de décision gouvernementales et le rôle des différentes composantes des sociétés nationales qui cherchent à améliorer leurs opportunités et conditions de bien-être dans le monde de l'économie globale.
Ces conditions et caractéristiques, internes et internationales, constituent le cadre des nouvelles stratégies de la diplomatie économique. L'analyse comparative de caractère historique qu'apportent les études de cas, en particulier dans le domaine du commerce international, permet d'acquérir une vue d'ensemble sur les processus qui ont rendu la dynamique de la diplomatie économique de plus en plus complexe par le nombre accru des acteurs qui y prennent une part active, ce qui rend aussi nécessaire une connaissance plus précise des processus de prises de décision, tant internes qu'internationaux.
Tous ces processus et leurs analyses respectives spécifiques sont présentés à travers les études de cas qui, avec un regard sur leur évolution historique, permettent d'aboutir à une vision tout à fait mise à jour du monde de l'économie globale contemporaine et à la projection de ses dynamiques en ce début du xxie siècle. C'est dans ce contexte que l'on passe en revue le gatt/omc, le développement des « sommets économiques » (Economic Summits), le G-8, la diplomatie économique bilatérale des États-Unis, les relations économiques américano-japonaises, la diplomatie économique de l'Union européenne, les institutions internationales, la diplomatie économique des pays en développement, les relations entre les gouvernements, les institutions financières internationales et la coopération internationale et, en dernier lieu, le système mondial de commerce.
Le livre se termine par un regard attentif sur les conflits et les réponses des gouvernements et des sociétés à l'impact du processus de mondialisation sur le bien-être et sur les liens toujours plus étroits entre politiques nationales et internationales.
En conclusion, le livre constitue un excellent apport à un sujet-clé de l'agenda de la politique mondiale actuelle. Il aide à comprendre la politique internationale que suivent les grandes puissances économiques, comme les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, ainsi que les diplomaties économiques respectives qu'elles appliquent. Peut-être un regard sur ce qui est en train de se passer en Amérique latine et dans ses négociations économiques et commerciales internes et internationales aurait-il donné au livre un regard encore plus complet sur les nouveaux scénarios de la diplomatie économique internationale ; mais les apports du livre n'en sont pas moins extrêmement positifs.
Bien que l'on constate une lecture critique de quelques-unes des politiques suivies par les principaux centres de pouvoir économique, il y a souvent une vue un peu idéaliste, parfois candide ou peut-être trop indulgente sur certaines institutions, comme l'omc, le fmi et le G-7, où existe, objectivement, un exercice réel du pouvoir qui s'étend à travers elles jusqu'à l'ensemble de l'économie mondiale. Malgré cela, les apports dépassent largement cette petite critique, car ils offrent au lecteur un panorama très large et général des organismes, des institutions, des processus et des agendas sur tout ce qui concerne et influence la diplomatie quand celle-ci s'occupe d'économie internationale. Comme le signalent les auteurs en présentant le dernier chapitre qui reflète la diplomatie économique des années 2000, « la proposition est plutôt d'identifier quelques-unes des tendances dominantes qui surgissent pendant les années quatre-vingt-dix et les premières années du nouveau siècle, et qui justifient que l'on parle de la nouvelle diplomatie économique » (p. 287).
C'est un livre nécessaire, indispensable pour l'enseignement universitaire et les acteurs étatiques et non étatiques, nationaux et internationaux, professionnellement impliqués dans les négociations économiques et le maniement de la diplomatie dans le nouveau contexte mondial.