Partie 4 : Notes de recherche

Xénophores. Récit d’une promenade montréalaise[Record]

  • Hendrik Sturm

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  • Hendrik Sturm
    École supérieure d’art et de design Toulon Provence Méditerranée

Invité au colloque La promenade au XXIe siècle qui s’est tenu à Montréal en mai 2017, j’ai eu le privilège de présenter ma démarche d’artiste-promeneur, non pas par un exposé théorique en salle, mais par l’expérience d’une promenade réelle, partagée avec les colloquants. Il me fallait trouver un parcours de trois heures dans une ville où je venais pour la première fois; je suis donc arrivé quelques jours avant le colloque pour faire du repérage. Je sortais d’un projet art et science appelé Karst. Entrer dans l’Anthropocène au cours duquel un collectif d’artistes et de chercheurs se sont interrogés sur le rôle du substrat géologique dans la fabrication d’un paysage. J’ai donc transposé mon intérêt pour les carrières et me suis interrogé sur l’origine des matériaux de construction de la ville de Montréal. Que sont devenues les carrières après leur exploitation? Une première journée de prospection avec une amie immigrée à Montréal a confirmé mon intuition. Les carrières ont disparu en ville, mais elles ont effectivement eu un impact sur la morphologie urbaine. Malheureusement, le lieu était trop éloigné. Un départ de la promenade à partir du campus de l’Université McGill, où avait lieu le colloque, s’imposait pour pouvoir respecter la durée imposée de trois heures (Figure 1). Nous quittons le bâtiment où se tient le colloque et appréhendons déjà le coeur du campus. L’Université McGill doit son nom et son existence à James McGill, un immigrant écossais qui a fait fortune dans le commerce de la fourrure, des munitions et du bois, puis dans la spéculation immobilière. À sa mort en 1813, il a légué une somme d’argent et le terrain de sa maison d’été, située sur le flanc du mont Royal, pour « l’avancement des sciences » et la « cré[ation] d’un collège » (Université McGill, 2019). Sur le terrain inférieur, la partie basse du campus, une statue à son effigie le montre en marche contre le vent, sa main retenant son chapeau. J’ai été surpris de lire plus tard qu’il possédait six esclaves noirs : la promotion de la science n’excluait pas l’esclavagisme, aboli au Canada dans les années 1830. Le campus a été doté en 1882 du musée Redpath, premier établissement muséal du genre intégré à une institution académique canadienne. Ce beau bâtiment néoclassique construit au bord du pré central a été financé par Peter Redpath, héritier d’une famille d’industriels du sucre (l’entreprise Redpath est d’ailleurs toujours active). Le musée abrite une riche collection d’objets d’histoire naturelle et d’objets ethnographiques (Figure 2). Son premier directeur, John William Dawson, géologue, était le recteur du McGill College, avant qu’il le transforme en université. Un cairn dans le parc rappelle la découverte et l’identification par Dawson d’objets archéologiques amérindiens à proximité du campus. Ces objets ont été attribués un temps au village d’Hochelaga, village iroquois dont Jacques Cartier parle dans le récit de sa découverte du mont Royal en 1535. J’invite le groupe dans le musée et lui présente mes découvertes. Comme j’avais disposé de peu de temps pour la préparation de la promenade, j’y avais cherché mon inspiration. Une première révélation m’avait été donnée par les xénophores regroupés dans une vitrine dédiée aux mollusques (Figure 3). Le terme xénophore est formé de xéno, qui signifie « étranger », et de phore, « qui porte ». Au cours de leur vie, ces escargots marins « porteurs d’étrangers » captent des objets sur leur coquille. Il s’agit dans la plupart des cas de coquillages, de petites pierres, de fragments de coraux, voire même d’artefacts comme des capsules de bouteille. On dirait que cet assemblage est formé d’objets …

Appendices