Reviews / Comptes rendus

Seul et avec l’autre. La vie en colocation dans un quartier populaire de Québec. Par Madeleine Pastinelli. (Québec, CELAT et Presses de l’Université Laval, collection Intercultures, 2003. ISBN 2-7637-7975-1.)[Record]

  • Marie-Blanche Fourcade

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  • Marie-Blanche Fourcade
    Université Laval
    Québec

La rentrée scolaire 2003 a vu fleurir parmi ses nouveautés un petit guide qui mérite attention. Intitulé « Contrat d’entente entre colocataires, prévenir et régler les conflits », le volume propose les bases d’un contrat entre nouveaux colocataires afin de débuter sereinement une vie commune. Au-delà des aspects concrets, l’ouvrage fait surtout prendre conscience que le principe de la cohabitation « non familiale » s’est considérablement développé ces dernières années au Québec, engendrant au sein de chaque habitation partagée de nouveaux rapports et des pratiques quotidiennes diversifiées. Il faut voir dans ce mode d’habiter devenu si populaire, en particulier auprès des étudiants et des jeunes travailleurs, un phénomène social révélateur de son temps qu’il est désormais essentiel d’analyser afin de comprendre les nouvelles sensibilités de notre société. C’est ce que Madeleine Pastinelli, doctorante en ethnologie de l’Université Laval, travaillant sur les pratiques de sociabilité électronique, s’était lancé comme défi dans le cadre de sa recherche de maîtrise effectuée dans le quartier de Limoilou à Québec et publiée au printemps dernier dans la collection Intercultures des Presses de l’Université Laval. Elle nous propose de suivre le parcours de douze colocataires afin d’en faire l’expérience à travers leurs recherches de logement, l’organisation quotidienne, l’aménagement de l’espace et, plus individuellement, les perceptions qu’ils peuvent avoir de l’avenir. La réflexion part ainsi du phénomène de groupe, du mode de vie, pour progressivement s’intéresser à la trajectoire de chacun. Le lecteur est tout d’abord convié dans les coulisses de la recherche en explorant les fondements de l’étude et de la méthode d’enquête. Comme l’explique Madeleine Pastinelli, l’entretien compréhensif pratiqué durant l’enquête était un moyen idéal de comprendre la situation, le plus justement possible, de l’intérieur. Puis, par la mise au point des concepts utilisés, comme le ménage, le couple ou la famille, on réalise rapidement que la colocation n’est pas si étrangère à nos habitudes et qu’elle emprunte allégrement aux formes plus traditionnelles des structures sociales. Il y a donc quelques traces de la famille, du célibat ou du couple dans la colocation, reste à savoir en quelles proportions et selon quelles configurations. Tout en cherchant à savoir si « les ménages non familiaux représentent un substitut de la conjugalité, une façon d’échapper aux modèles de référence ou au contraire, s’il s’agit d’une forme temporaire de compensation dans l’attente d’une nouvelle situation ou, encore, d’un nouveau modèle qui dispose de sa logique propre » (34), l’auteure analyse l’ensemble des facteurs qui pourraient façonner un modèle plus général de ce mode d’habitation. Le premier chapitre, à la fois théorique et pratique, élabore ainsi un double discours qui s’adresse tant à des chercheurs intéressés par de nouveaux terrains qu’à un public curieux d’en savoir davantage sur un phénomène vécu si naturellement et sur lequel on ne semble pas se poser de questions. Le second chapitre est consacré à une description ethnographique de la colocation. Un état des lieux de ce « style de vie » est d’abord constitué. Le portrait socio-économique des informateurs laisse penser, au vu de la diversité des profils, que toute personne est un colocataire potentiel. Un point commun réunit pourtant l’ensemble des personnes interrogées : l’instabilité, qu’elle soit affective, financière, sociale ou professionnelle. L’habitation partagée apparaît alors comme une réponse ingénieuse et temporaire à une circonstance donnée. Le fort attachement des informateurs à leur quartier, Limoilou, est évoqué à travers l’un des sous-titres du chapitre : « Le village en ville » (65). En effet, l’idée de village dans lequel les individus se connaissent et se fréquentent, chassant ainsi l’éventuelle solitude, se retrouve dans la colocation qui entraîne un partage communautaire de l’habitat …