Abstracts
Résumé
En 1922, Luc Durtain publie son premier roman commencé dans les tranchées : Douze cent mille. Connu jusque-là comme poète, familier de l’Abbaye de Créteil et unanimiste, il appartient à cette « génération nouvelle » groupée autour de Jules Romains qui cherche à contrer les divagations du symbolisme en renouant avec la description du réel et du peuple. Parenté thématique qui justifie son annexion au mouvement populiste en compagnie de ses amis Romains et Duhamel (ils siégeront tous les trois comme membres du jury du Prix du roman populiste). Fable sociale particulièrement dense, Douze cent mille se donne pour mission de représenter cette « nécessité d’après-guerre » : « gagner sa vie ». Se posant contre les excès d’analyse du roman bourgeois, le roman de Durtain s’avère moins une description minutieuse du quotidien des classes laborieuses qu’une violente satire de la bourgeoisie oisive et du snobisme à travers les tribulations de Bongrand, picaro moderne et héros positif. Se refusant à une littérature de parti, sans pour autant dissimuler sa sympathie pour la cause socialiste, faisant le lien entre société d’argent et société guerrière, Douze cent mille illustre par anticipation la doctrine populiste et en souligne d’ores et déjà et comme malgré lui toutes les apories.
Abstract
Begun in the trenches, Luc Durtain’s first novel, Douze cent mille, is published in 1922. An established poet who advocates unanimism and is a familiar face at the Abbaye de Créteil, Durtain belongs to the “new generation” that orbits Jules Romains and counters the ramblings of symbolism with a rekindled description of reality and the masses. Such a thematic filiation explains his embracing the populist movement along with his friends Romains and Duhamel (all three would eventually be on the jury for the Populist Novel Award). Douze cent mille is a particularly dense social fable, the goal of which is to depict the “post-war necessity” of “earning one’s keep”. Opposing the excessive analyses of bourgeois novels, and beyond a mere exacting description of the working masses’ daily drudgery, Durtain’s work is an aggressive satire of the idle bourgeoisie and snobbism as seen through the trials besetting Bongrand, a positive hero and modern picaro. Eschewing partisanship, yet openly supportive of the socialist movement, Douze cent mille bridges the worlds of money and war. It also points to the upcoming populist doctrine, seemingly unwittingly putting forth all of its aporias.
Appendices
Références
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