Number 91, 2023 Des projets collaboratifs pour renouveler la citoyenneté culturelle ? Guest-edited by Louis Jacob and Christine Schaut
Table of contents (13 articles)
Section 1 – Les institutions aux prises avec la participation
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Des espaces communs de citoyenneté culturelle ? Bibliothèques publiques et organismes communautaires au prisme des dimensions collaborative et citoyenne
François R. Derbas Thibodeau and Christian Poirier
pp. 15–42
AbstractFR:
Cet article s’intéresse aux visions et aux pratiques collaboratives entre institutions culturelles et organismes communautaires, thématique encore peu traitée de façon empirique et dans la littérature scientifique. Le domaine des bibliothèques publiques au Québec apparaît comme un cas particulièrement pertinent, proposant avec le modèle du « tiers-lieu » une redéfinition des approches traditionnelles de relation aux publics, ainsi qu’un virage « citoyen » s’arrimant notamment au déploiement d’espaces de collaboration diversifiés, incluant des acteurs de la société civile organisée particulièrement interpellés par ces évolutions. Comment les dimensions citoyennes et les représentations symboliques de la collaboration sont-elles travaillées par une pluralité d’acteurs aux intérêts, aux représentations et aux modes d’action différenciés ? Quelles synergies et conflictualités les structurent ou en découlent? Mobilisant le concept de citoyenneté culturelle, l’article s’appuie sur une démarche qualitative comportant des entretiens de groupe auprès de responsables d’organismes consacrés aux femmes monoparentales et aux jeunes ainsi qu’une recherche documentaire. Il permet de mettre au jour un écart entre les intentions et les logiques institutionnelles effectives, qui témoigne du caractère toujours embryonnaire de l’instauration d’espaces communs de citoyenneté culturelle. L’étude développe des considérations théoriques et empiriques qui en découlent, proposant une réflexion portant sur une conception « forte » de la démocratie culturelle et soulignant la pertinence du politique, tant pour la recherche que pour les milieux de pratique.
EN:
This article focuses on the visions and practices of collaboration between cultural institutions and community organizations, a theme that has not yet been sufficiently addressed empirically or in the scientific literature. The field of public libraries in Quebec appears to be a particularly relevant case, proposing with the “third place” model a redefinition of traditional approaches to relations with the public, as well as a “citizen” shift that is tied to the deployment of diversified collaborative spaces, including actors from organized civil society who are particularly interested in these developments. How are the citizen dimensions and symbolic representations of collaboration worked on by a plurality of actors with potentially differentiated interests, representations and modes of action? What synergies and conflictualities structure them or arise from them? Drawing on the concept of cultural citizenship, the article is based on a qualitative approach involving group interviews with leaders of organizations dedicated to single mothers and young people, as well as documentary research. It reveals a gap between intentions and institutional logics, which testifies to the still embryonic nature of the establishment of common spaces for cultural citizenship. The study develops resulting theoretical and empirical considerations, proposing a reflection on a “strong” conception of cultural democracy and highlighting the relevance of the political dimension, both for research and practice.
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Les effets de la participation citoyenne sur le travail culturel
Élise Vandeninden
pp. 43–61
AbstractFR:
Notre recherche prend son ancrage dans une enquête sociologique consacrée aux « centres culturels », des structures nées en Belgique (plus précisément en Fédération Wallonie-Bruxelles) au début des années 1970 et ayant pour mission de soutenir l’objectif étatique de décentralisation culturelle. S’il semble aujourd’hui pertinent d’étudier ces lieux pour explorer le renouvellement de la citoyenneté culturelle, c’est en raison de l’évolution du secteur : depuis 2013, une réforme y impose la « participation citoyenne » dans l’espoir de régénérer les rapports institution-population. Dans cet article, nous proposons d’envisager les effets de cette impulsion des pouvoirs publics sur le travail culturel de proximité. Trois étapes structureront notre réflexion : il s’agira (1) d’interroger la particularité d’une offre participative qui s’inscrit dans un cadre législatif et donc contraignant; (2) de comprendre comment les professionnels du secteur la configurent et lui donnent du sens différemment; et (3) d’analyser les enjeux sociaux et politiques des différentes pratiques participatives. Nous avons l’ambition d’éclairer la façon dont une certaine conception de la participation citoyenne permet, au sein des institutions culturelles, de lutter contre l’exclusion, les inégalités et la discrimination.
EN:
Our research is devoted to Belgian “cultural centres” which are already old institutions but which, since 2013, have been undergoing a redeployment. Indeed, a new decree promotes cultural rights and with them, citizen participation. We will observe (1) what is the particularity of this participatory offer that comes from the public authorities and then (2) examine its different configurations by professionals in the sector and (3) conclude on the social and political issues of these practices. Finally, it will be a question of showing how a certain conception of citizen participation allows, within cultural institutions, to fight against exclusion, inequalities and discrimination.
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Vers une citoyenneté culturelle émancipatrice à Montréal ? Le cas de Montréal-Nord, une source d’inspiration
Juan-Luis Klein, Diane-Gabrielle Tremblay, Mathilde Manon and Wilfredo Angulo
pp. 62–85
AbstractFR:
Cet article porte sur la place citoyenne dans la culture de proximité à Montréal. Il s’appuie sur une recherche s’intéressant à la vision que les acteurs locaux ont du rôle de la culture dans le développement local et de la place des citoyens et citoyennes dans le développement culturel. Menée en 2021-2022, la recherche se fonde sur l’idée selon laquelle l’activité culturelle constitue une sphère importante du développement des villes, autant sur le plan de l’économie que sur celui de l’intégration et de la cohésion sociale des collectivités. L’arrondissement de Montréal-Nord permet de documenter certains des principaux enjeux soulevés dans cette recherche touchant à la participation citoyenne au développement local par la culture, notamment en ce qui concerne la citoyenneté culturelle. Dans ce territoire, le thème de la citoyenneté culturelle est devenu central tant pour la mairie que pour les acteurs socioéconomiques et culturels; il émerge comme un axe d’intervention qui rapproche les acteurs politiques et les organismes communautaires. Cette approche donne à la population un rôle actif dans la mise en place des activités culturelles, en plus de favoriser la créativité citoyenne et la pratique des arts amateurs. Cette perspective s’inscrit dans la volonté de développer une identité citoyenne émancipatoire qui renverse les stigmates affectant le territoire.
EN:
This text addresses the issue of the place of citizens in local culture in Montreal. It is based on a research on the vision that local stakeholders have of the role of cultural and artistic initiatives in local development and the place of citizens in cultural development. Carried out in 2021-2022, the research is based on the idea that cultural activity is an important sphere of urban development, in economic terms as well as in terms of community integration and social cohesion. The district of Montréal-Nord provides an opportunity to address some of the main questions raised in this research concerning citizen participation in local development through culture-oriented initiatives, particularly regarding cultural citizenship. In this district, the issue of cultural citizenship has become central to both municipal managers and socio-economic and cultural stakeholders. This issue is emerging as a field of intervention that brings together political actors and community organizations. Such an approach gives the population an active role in setting up cultural activities and encourages citizens’ creativity and the practice of amateur arts. This perspective flows from the desire to develop an emancipatory civic identity that can overcome the stigmas attached to the area.
Section 2 – Une citoyenneté culturelle située
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Intervention artistique et production de citoyenneté dans un quartier de Santiago du Chili
Fernando Ossandón, Luis Campos Medina and Mónica Aubán Borrel
pp. 86–110
AbstractFR:
Le Musée à ciel ouvert de San Miguel est une initiative lancée en 2010 par des habitant·e·s du quartier du même nom, dans le but de contrer la détérioration de l’environnement ainsi que la pression des entreprises immobilières. Dans le présent texte, nous nous intéressons à la création et au développement de ce musée dans une optique de production de citoyenneté. Nous proposons d’envisager ce phénomène comme un cas d’« extension du processus d’inclusion » (Sassen, 2003 : 64) qui interviendrait dans les dynamiques matérielles et symboliques de l’inégalité urbaine au Chili. Cette inclusion expansive favoriserait la revitalisation des relations au sein de la population. La méthodologie consiste en la réalisation de trente-cinq entretiens individuels, six entretiens de groupe, trois accompagnements à des visites guidées d’étudiant·e·s ainsi qu’en une cartographie des investissements et une cartographie des oeuvres murales du quartier. En nous appuyant sur les informations tirées de cette recherche, nous concluons que le Musée à ciel ouvert de San Miguel correspond à une nouvelle manière de composer le territoire du quartier, dans la mesure où ce musée a permis l’émergence de nouveaux modes d’interaction chez ses habitant·e·s, de nouvelles dynamiques de relation à l’égard du milieu dans lequel il se trouve ainsi que de nouvelles formes de reconnaissance qui dérogent aux stigmates habituels associés aux quartiers pauvres de Santiago de Chile.
EN:
The Museo a Cielo Abierto de San Miguel is an initiative led by inhabitants of the neighbourhood of the same name that emerged in 2010, with the aim of addressing the dynamics of environmental degradation and the pressure of real estate companies that were developing projects in the sector. In this text, we approach the experience of creating and setting up the museum from the perspective of the production of citizenship, proposing that it was an “expansive inclusion” (Sassen, 2003: 64) that intervened on the dynamics of urban inequality that affect Chilean cities, both materially and symbolically, but also generated virtuous processes of relationship between the inhabitants and their environment. The methodology included thirty-five individual interviews, six group interviews, three guided student visits, a cadaster of investments and a cadaster of the murals in the neighbourhood. Based on this information, we affirm that the Museo a Cielo Abierto de San Miguel generated a new way of composing the neighbourhood territory, insofar as it made it possible for new forms of interaction to emerge among its inhabitants, new dynamics of linkage with the neighbourhood environment, as well as new forms of recognition from outside the neighbourhood, different from the usual stigmas that affect the poor neighbourhoods of Santiago de Chile.
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Action sociale partisane, ethnicisation et citoyenneté culturelle en Italie du Sud : le cas d’étude d’une Maison du peuple dans un ancien hôpital psychiatrique judiciaire à Naples
Florian Pietron
pp. 111–138
AbstractFR:
Cet article se focalise sur le modèle d’action sociale partisane expérimenté à Naples au sein de la Maison du peuple, située dans l’ancien hôpital psychiatrique judiciaire de la ville. Ce complexe de 9000 m2 abandonné depuis plusieurs années fut occupé par un collectif de militant·e·s communistes en 2015 dans le but de donner vie à des pratiques sociales, politiques et culturelles à travers le principe d’autogestion. En 2017, le collectif décida de fonder l’organisation politique de gauche radicale Potere al popolo! (Pouvoir au peuple!). La structure fut alors convertie en Maison du peuple, au sein de laquelle les militant·e·s expérimentent désormais un modèle d’action sociale hybride. Afin d’analyser ce modèle, nous proposons le concept d’« action sociale partisane », définie comme une forme d’action collective impliquant la production de pratiques sociales par une organisation politique. Sur le plan empirique, nous présentons l’histoire de ce projet collaboratif et nous faisons état des pratiques organisées par les participant·e·s au sein de cet espace. Aussi, nous analysons les logiques d’action sur lesquelles se fonde le modèle étudié ainsi que leur évolution depuis la fondation de l’organisation politique Potere al popolo!. Enfin, en nous appuyant sur la théorie actionnaliste développée par Alain Touraine, nous interrogeons les effets de l’action sociale partisane au sein de la Maison du peuple de Naples, en ce qui concerne la redéfinition de leur identité culturelle par les acteurs·rice·s impliqué·e·s. En conclusion, nous discutons le rapport entre citoyenneté culturelle et processus de subjectivation.
EN:
This article focuses on the model of partisan social action experimented in Naples, in the House of the people located in a former Judicial psychiatric hospital. This 9,000 m2 complex, abandoned for several years, was occupied by a collective of communist activists in 2015, with the aim of giving life to social, political and cultural practices through the principle of self-management. In 2017, the collective decided to found the radical-left political organization Potere al popolo! (Power to the people!). The complex was then converted into a House of the people, where activists now experiment a hybrid model of social action. To analyze this model, we propose the concept of « partisan social action », defined as a kind of collective action involving the production of social practices by a political organization. At the empirical level, we present the history of this collaborative project and report on the practices organized by participants within this space. We also analyze the logics of action on which this model is based, and how they have evolved since the founding of Potere al popolo!. Finally, drawing on the actionist theory developed by Alain Touraine, we examine the effects of partisan social action within the House of the people in Naples, in terms of the redefinition of their cultural identity by the actors involved. In conclusion, we discuss the relationship between cultural citizenship and the processes of subjectivization.
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Une participation dépolitisée ? Des modalités d’appropriation aux écueils de l’institutionnalisation de la Fête des voisins
Sarah Demichel-Basnier
pp. 139–161
AbstractFR:
En principe, la Fête des voisins est portée de manière autonome par les citoyens désireux de raviver les solidarités de voisinage et de définir collectivement les modalités du vivre-ensemble. À partir d’une recherche qualitative (entretiens, observations, corpus documentaire) menée dans une ville moyenne située dans l’ouest de la France et comportant des quartiers concernés par la Politique de la Ville, cet article interroge la dimension politique de l’événement lorsque la participation des habitants fait l’objet d’une institutionnalisation par la municipalité. Il met d’abord en évidence la manière dont la Fête des voisins s’articule à des objectifs politiques qui conduisent les acteurs institutionnels à osciller entre une logique d’accompagnement des habitants et une logique d’encadrement de leurs pratiques. Ensuite, en s’intéressant aux modalités d’appropriation des habitants, l’article montre les variations sociales et de genre dans la participation à l’événement, mais aussi la manière dont celle-ci peut ouvrir un espace d’expression tant sur des problématiques individuelles que collectives. Ainsi, bien que l’institutionnalisation de la Fête des voisins reproduise certains écueils de l’injonction à la participation qui traverse l’action publique française, elle donne à voir des formes de citoyenneté ordinaire et reste un dispositif pouvant favoriser le développement des capacités d’agir des habitants.
EN:
In principle, Neighbors’Day is carried out autonomously by citizens wishing to revive neighborhood solidarity and to collectively define the terms of togetherness. Based on qualitative research (interviews, observations, documentary corpus) conducted in a medium-sized town in western France with neighbourhoods concerned by urban politics, this article questions the political dimension of the event when its participation is institutionalized by the municipality. It first highlights the way in which the Neighbors’ Day is linked to political objectives that lead institutions to oscillate between a logic of accompanying inhabitants and a logic of supervising their practices. Then, by focusing on the modalities of inhabitant appropriation, the article shows the social and gender variations in participation, but also the way in which it can open a space for expression on both individual and collective issues. Thus, although the institutionalization of Neighbors’ Day reproduces some of the pitfalls of the injunction to participate that run through French public action, it reveals forms of ordinary citizenship and remains a mechanism that can promote an empowerment process.
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Saisir l’engagement habitant dans un projet CLTB : le cas d’Arc-en-Ciel
Charlotte Gyselynck
pp. 162–180
AbstractFR:
Cet article entend saisir les formes et les enjeux de l’engagement habitant au sein du projet de logement collectif Arc-en-Ciel du Community Land Trust Brussels (CLTB). L’enquête ethnographique consécutive à la fin du programme d’accompagnement du projet par le CLTB met en évidence l’importance des préoccupations matérielles dans le quotidien des habitant·e·s. Ces dernier·ère·s s’y engagent de façon variable, de la prise de parole publique aux engagements s’exprimant davantage par le registre de l’action. L’article souligne la façon dont le décalage d’intensité de ces engagements peut devenir source de tension, révélant l’équilibre complexe entre les intérêts individuels et collectifs que suppose un projet CLTB.
EN:
This article explores the forms and challenges of residents’ engagement in the collective housing project Arc-en-Ciel of the Community Land Trust Brussels (CLTB). Based on an ethnographic survey following the end of the CLTB’s support program, the study highlights the importance of material preoccupations in the daily lives of residents. Inhabitants engage in these issues in varying ways, from public deliberation to concrete modes of action. The article shows how the different scales of engagement can become a source of tension, revealing the complex balance between individual and collective interests implied by a CLTB project.
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Tiers-lieux et politiques de solidarité en France : la quête contrariée du pouvoir d’agir
Amélie Tehel, Romain Pasquier and Armelle de Guibert
pp. 181–197
AbstractFR:
Les tiers-lieux sont en plein développement en France ces dernières années. Cette contribution se concentre sur les tiers-lieux solidaires, des espaces qui agissent au quotidien en faveur des personnes en situation de vulnérabilité. Entre occasions d’expérimentation fructueuses et fragilités structurelles, nous interrogeons la manière dont les tiers-lieux solidaires peuvent ou non favoriser le développement du pouvoir d’agir des personnes vulnérables. Notre analyse s’appuie sur une enquête ethnographique auprès de plusieurs tiers-lieux solidaires en France, conduite dans le cadre d’un projet postdoctoral. Cette étude empirique se compose d’observations et d’entretiens conduits avec des personnes en situation de vulnérabilité, ainsi qu’avec les équipes professionnelles qui coordonnent, animent et assurent leur accompagnement. Par leur démarche d’hospitalité, d’accompagnement personnalisé et d’horizontalité des relations, les tiers-lieux solidaires semblent en effet constituer des espaces particulièrement propices à l’expérimentation en faveur de l’accompagnement social. Toutefois, l’action solidaire en tiers-lieu se révèle particulièrement exigeante pour les professionnel·le·s qui y exercent. Le tiers-lieu est un espace d’incertitude (modèles économiques fragiles, conditions matérielles parfois précaires), et l’exercice professionnel n’y est pas toujours aisé (changement de pratiques professionnelles, ambiguïté entre activité professionnelle et engagement citoyen…). Ainsi, les tiers-lieux solidaires nous apparaissent remarquables dans la qualité de leur engagement et dans leur capacité à expérimenter de nouveaux modes de faire. Toutefois, ils semblent également assumer une démarche palliative face à la fragilisation des engagements politiques en matière d’action sociale.
EN:
The development of third places these last few years in France is significant. This article focuses on solidarity third places, which are engaged in social action to help people in vulnerable situations. Between structural fragilities and fruitful opportunities for experimentation, we question the way in which solidarity third places may or may not foster the empowerment of vulnerable people. Our analysis is based on an ethnographic study within several third places in France. This empirical study, conducted as part of a post-doctoral project, consists of observations and interviews with people in vulnerable situations, as well as with the professional coordination teams. Thanks to their approach of hospitality, personalized support and horizontal relationships, solidarity third places seem to be particularly well-suited to experiment new ways of practicing social support. However, this engagement is particularly demanding for the professional teams. Their economic models are fragile, and the material conditions sometimes precarious. Furthermore, working in such places implies to bring change in professional practices, with sometimes a profound ambiguity between professional activity and civic commitment. To our point of view, the quality of their commitment and their ability to experiment with new ways of practicing social work are remarkable. However, they also appear as a palliative approach to the withdrawal of public policies.
Section 3 – Les laboratoires de la citoyenneté culturelle
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L’horizon de la démocratie habitée à l’épreuve du cinéma participatif du Centre Vidéo de Bruxelles
Ana Póvoas
pp. 198–224
AbstractFR:
Cet article traite d’un nouveau référentiel théorique à même de prendre en compte la dimension politique des enjeux spatiaux des sociétés contemporaines : la démocratie habitée. Ce référentiel est tout d’abord construit à partir du croisement des axes de renouvellement de l’éducation permanente en Belgique francophone avec la théorie de la justice spatiale que je propose au sein d’un groupe de chercheurs, dont font également partie Jacques Lévy et Jean-Nicolas Fauchille. Dans la première partie, je synthétise les référentiels historiques de l’éducation permanente ainsi que leur traduction dans la régulation de ce champ par la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). À partir de ce portrait, j’identifie l’émergence du nouveau référentiel de la démocratie habitée. Celui-ci postule que la production collective d’un projet culturel ou artistique de longue haleine peut partager, dans certaines conditions, les finalités et les outils de diverses formes de démocratie participative. Avec une focale géographique, cette production collective concerne ici un travail citoyen qui porte spécifiquement sur des questions relatives à l’habiter de l’espace contemporain. Dans la deuxième partie de l’article, j’élabore l’étude de cas d’un dispositif d’éducation permanente de cinéma participatif : les Ateliers urbains du Centre Vidéo de Bruxelles (CVB). L’analyse de cas s’appuie sur un processus de réflexivité collaborative lente, que je développe avec le CVB depuis 2020. Les va-et-vient entre théorie et analyse empirique des films et de ses méthodes ont permis de problématiser trois enjeux de cohérence interne des pratiques de démocratie habitée, présentés dans la conclusion.
EN:
This article presents a new theoretical reference which takes into account the political dimension of the spatial stakes of contemporary societies: inhabited democracy. This framework is firstly constructed through the intersection of the axes of the renewal of permanent education in French-speaking Belgium with the theory of spatial justice that I put forward among a group of researchers, including Jacques Lévy et Jean-Nicolas Fauchille. In the first part, I summarise the historical references of legitimacy of permanent education as well as their translation in the regulation of this field by the Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). From such a portrait, I identify the emergence of a new framework that I call inhabited democracy. Once theorised, this framework postulates that the collective production of a lengthy cultural or artistic project can share the aims and tools of certain forms of participatory democracy. With a geographical focus, this collective production refers to citizens work which specifically concerns questions related to the inhabiting of contemporary space. In the second part, I develop the case study of a permanent educational device for participatory cinema: the Ateliers urbains of the Centre Vidéo de Bruxelles (CVB). The case study is based on a process of slow collaborative reflexivity, that I have developed with the CVB since 2020. The back and forth between theory and empirical analysis of films and its methods lead to the formulation of three stakes on which the internal coherence of inhabited democracy in practice depends, presented in the conclusion.
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Un modèle d’échanges citoyens et collaboratifs : les résidences d’artistes
Nathalie Desmet
pp. 225–246
AbstractFR:
L’expansion des pratiques artistiques sociales et collaboratives depuis les années 1990 place les résidences d’artistes comme des dispositifs particulièrement adaptés à la construction d’une citoyenneté culturelle, notamment dans les zones isolées ou oubliées. De nombreuses résidences reçoivent des artistes pour des projets précis et les sélectionnent en fonction de leurs capacités présupposées à créer du commun, tout en répondant aux enjeux soulevés par les transformations sociétales et environnementales actuelles. Des entretiens avec des artistes et des responsables de résidence, une observation participante et l’analyse de récits de résidence ont permis d’établir que cette émancipation ne passe pas uniquement par la participation à des ateliers de création encadrés ou à des actions de médiation, mais par la présence même des artistes et les méthodes et pratiques de recherche qu’ils apportent sur le territoire. Cette présence temporaire s’ancre autour de l’hospitalité et des possibilités qu’elle offre localement. L’accueil constitue également l’une des conditions pour que des échanges se créent au gré des envies et des affinités personnelles, pour que les résidences puissent devenir des sites d’apprentissage et de production de connaissances libres. Notre étude montre enfin comment ces résidences, en laissant la possibilité au dissensus de s’exprimer, permettent la construction de la subjectivité et de la solidarité dans la résolution de problèmes communs, mêlant ainsi jouissance de droits culturels et exercice de la citoyenneté.
EN:
The expansion of social and collaborative artistic practices since the 1990s has made artists’ residencies particularly well suited to the construction of cultural citizenship, especially in isolated or forgotten areas. Many residencies receive artists on specific projects and select them according to their presumed capacity to create something common, while responding to the issues raised by current societal and environmental transformations. Interviews with artists and residency managers, participant observation and the analysis of residency stories have made it possible to establish that this emancipation does not only take place through participation in supervised creative workshops or mediation actions, but through the very presence of the artists and the research methods and practices that they bring to the territory. This temporary presence is anchored around hospitality and the possibilities it offers locally. Hospitality also constitutes one of the conditions for exchanges to be created according to personal desires and affinities, and for the residencies to become sites of learning and production of free knowledge. Finally, our study shows how these residences allow for the construction of subjectivity and solidarity in the resolution of common problems, by allowing for the possibility of dissent, thus combining the enjoyment of cultural rights and the exercise of citizenship.
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L’espace médiatique comme lieu d’exercice de la citoyenneté culturelle sourde
Laure Abdelmoumeni Pierini, Marie Achille, Fanny Bieth, Sarah Heussaff, Florence Lacombe and Véro Leduc
pp. 247–267
AbstractFR:
La population sourde représente environ 8 % de la population au Canada. Considérées socialement comme des personnes handicapées, les personnes sourdes forment une minorité culturelle et linguistique – qui connaît un taux de participation sociale moindre. Si les perspectives prédominantes considèrent la surdité comme un manque et une incapacité, plusieurs personnes s’identifiant comme Sourdes sont fières de leur appartenance à une ou plusieurs communautés et cultures sourdes, et de signer une ou plusieurs langues des signes. Dans le cadre de la recherche On vous fait signe! Citoyenneté culturelle des personnes sourdes et pratiques d’accessibilité culturelle, l’équipe de la Chaire de recherche du Canada sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes et les pratiques d’équité culturelle a mené, en 2021, 21 entrevues vidéo avec des artistes sourd·e·s et des travailleur·euse·s culturel·le·s sourd·e·s et entendant·e·s ayant développé des pratiques exemplaires en matière d’accessibilité culturelle. Ces entrevues permettent de coconstruire une définition de la citoyenneté culturelle des personnes sourdes, d’en documenter les principaux enjeux, et de comprendre comment les relations de pouvoir traversent les lieux de la culture. Les résultats de la recherche suggèrent que les perspectives sourdes sur la citoyenneté culturelle diffèrent de la revue de la littérature sur le concept. Ces entrevues ont été enregistrées afin de diffuser des extraits de ces riches réflexions, sous la forme de courtes capsules vidéo thématiques. Cette approche se fonde sur l’importance de l’agentivité médiatique et du développement de modes de production des connaissances par et pour les personnes sourdes. Ainsi, en fin d’article, nous situons la vidéo comme meilleure forme d’écriture des langues des signes, et comme technique propice au développement des savoirs signés, au témoignage et à la sensibilisation.
EN:
The Deaf population represents approximately 8 % of the population in Canada. Socially viewed as disabled, Deaf people are a cultural and linguistic minority with lower rates of social participation. While prevailing perspectives view deafness as a lack and disability, many people who identify as Deaf are proud of their belonging to one or more Deaf communities and cultures, and of signing one or more Sign languages. As part of the research On vous fait signe! Citoyenneté culturelle des personnes sourdes et pratiques d’accessibilité culturelle, the Chaire de recherche du Canada sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes et les pratiques d’équité culturelle team conducted 21 video interviews in 2021 with Deaf artists and Deaf and hearing cultural workers who have developed exemplary practices in cultural accessibility. These interviews allow us to co-construct a definition of cultural citizenship of Deaf people, to document the main issues at stake, and to understand how power relations cross cultural spaces. The research outcomes suggest that Deaf perspectives on cultural citizenship differ from the literature review of the concept. These interviews were recorded in order to share excerpts of these rich reflections in the form of short thematic video vignettes. This approach is based on the importance of media agentivity and of developing modes of knowledge production by and for deaf people. Thus, at the end of the article, we identify video as the best form of writing sign languages, and as a technique for developing signed knowledge, testimony and awareness.
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Le métissage de la scène théâtrale montréalaise : (trans)formations de l’ethos de la citoyenneté culturelle
Jean-François Côté
pp. 268–288
AbstractFR:
Cet article analyse les transformations culturelles qui se présentent sous la forme d’un métissage sur la scène théâtrale montréalaise depuis quelques décennies. En partant de l’exemple de la pièce Pas perdus, présentée à Montréal en 2022, qui illustre le mélange des cultures, l’article interroge la formation des traditions culturelles dans le contexte des expériences théâtrales. La confrontation entre les personnes et les personnages permet une transfiguration des identités qui réfléchit la diversité des expériences culturelles de la migration et de l’autochtonie. Ce mouvement de transformation est évalué à l’aune du nouvel ethos de la citoyenneté promu par l’isonomie des personnes à l’échelle internationale. La scène théâtrale montréalaise réfléchit ce mouvement dans les expérimentations scéniques qu’elle propose.
EN:
This article analyzes the cultural transformations that appear on the theatrical scene in Montreal in the last decades, through a métissage process. Drawing on the play Pas perdus, presented in Montreal in 2022, showing a cultural mix, the article focuses on the formation of cultural traditions in the context of theatrical experimentations. The confrontation between persons and characters allows a transfiguration of identities that exposes the diversity of cultural experiences, from migration to indigeneity. This transformational movement is gauged by the new ethos of citizenship promoted by the equality of persons at the international level. The theatrical scene in Montreal reflects this movement through its various theatrical experimentations.