
Mémoires du livre
Studies in Book Culture
Volume 9, Number 1, Fall 2017 Le traducteur et ses lecteurs Translators and their Readers Guest-edited by Véronique Béghain, Shirley Fortier and Patricia Godbout
Table of contents (12 articles)
Articles
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Les avatars du texte en traduction : réflexions d’une praticienne
Françoise Wuilmart
AbstractFR:
Tout lecteur s’approprie le contenu d’un texte qu’il intègre dans sa structure réceptive, constituée par sa personnalité propre et par l’épistémè de son temps. Une alchimie s’instaure entre le texte produit par l’auteur et le texte lu par un individu, entre l’émetteur et le récepteur. In fine, il y aura autant d’avatars d’un texte qu’il y aura de prises de sens. Le lecteur participe donc de l’actualisation d’un texte, comme le souligne Umberto Eco dans Lector in fabula. Cette inévitable multiplicité de lectures s’explique aussi par la polysémie, label de tout grand texte d’auteur. Le texte est rarement le reflet de l’intention première de l’auteur, qui « est écrit » autant qu’il écrit. Par sa plume passe à son insu une foule d’éléments qu’il ne contrôle pas forcément. Or, le traducteur est un lecteur particulier, un lecteur de métier qui se doit, ou se devrait, de privilégier une réception et une recréation polysémiques, faute de quoi sa traduction serait une prise de sens personnelle et donc réductrice. Trois « intentions » de base : l’intentio auctoris, l’intentio operis et l’intentio lectoris tissent donc la trame subtile du « texte final ». Mais, dans le cas du lecteur-traducteur, le troisième paramètre (intentio lectoris) est l’écueil majeur à éviter à tout prix.
EN:
All readers appropriate the content of a text which they then integrate into their receptive structure, formed by their own personality and by the epistemology of their era. An alchemy develops between the text produced by the author and the text read by an individual, between the transmitter and the receiver. Ultimately, there will be as many avatars of a text as there will be meanings. Readers take part, therefore, in the actualization of a text, as emphasized by Umberto Eco in Lector in fabula. This unavoidable multiplicity of readings is also explained by polysemy, a trademark of all great writing. The text is rarely the reflection of the initial intention of the author who “is written” as much as she or he writes. Unbeknownst to authors, a mass of elements over which they inevitably have no control pass through their pen. Translators, however, are a specific type of reader. They are readers by profession who must, or ought to, privilege a polysemic reception and recreation. If they do not, their translation would be a personal interpretation and therefore reductive. Three basic “intentions” – l’intentio auctoris, l’intentio operis and l’intentio lectoris weave together, therefore, the subtle pattern of the “final text.” However, in the case of the reader-translator, the third parameter (intentio lectoris) is the major pitfall to be avoided at all costs.
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Lire et (re)traduire : l’exemple de la poésie d’Adrienne Rich
Charlotte Blanchard
AbstractFR:
Cet article se propose de décrire le travail de retraduction à la lumière des premières traductions du poème le plus connu d’Adrienne Rich, « Diving into the Wreck ». Ce texte emblématique de l’engagement féministe de la poétesse a fait l’objet de deux traductions en français. Afin d’illustrer le processus de retraduction, nous analyserons le poème, les habitus des traducteurs, et leurs traductions. Nous verrons ainsi que ces dernières, en tant que traductions-introductions, contiennent ce qu’Antoine Berman nomme des « tendances déformantes », inclinant la traduction à s’éloigner de la dynamique de l’original. Nous esquisserons ensuite une nouvelle traduction afin de déterminer des stratégies qui peuvent être mises en place en retraduction, au sujet notamment des enjeux principaux du poème : le niveau de langue, la concrétude du style et le traitement du genre grammatical.
EN:
This article seeks to describe the work of retranslation in light of the first translations of Adrienne Rich’s best-known poem, “Diving into the Wreck.” This text, one that is emblematic of the poet’s feminist activism, has been translated into French twice. In order to illustrate the process of retranslation, we will analyse the poem itself, the habitus of the translators, and their translations. By doing so, we will show that these latter, as “translations-introductions,” contain what Antoine Berman named “deforming tendencies,” tendencies that lead to a distancing of the translation from the dynamics of the original. Lastly, we will offer a new translation in order to determine strategies which can be used in retranslation, especially in the translation of the poem’s main issues: speech register, concreteness of style and treatment of grammatical gender.
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Traduire des mathématiques « pour et par des élèves » dans la première moitié du xixe siècle : acteurs et pratiques de traduction à travers trois cas d’étude en Europe et aux États-Unis
Konstantinos Chatzis, Thomas Morel, Thomas Preveraud and Norbert Verdier
AbstractFR:
Consacré à la question de la traduction en matière de mathématiques, qu’il aborde ici par l’intermédiaire d’un acteur particulier, l’« élève », à la fois destinataire et, parfois, producteur de traductions, le présent article se structure principalement autour de trois études de cas. La première concerne la production, dans les États-Unis des années 1820 et 1830, d’une série de manuels de mathématiques et de mécanique théorique, élaborés à partir de manuels français et destinés aux étudiants de l’Université Harvard et de l’Académie militaire de West Point. La seconde s’attache à la traduction, en 1828, d’un manuel anglais dans l’espace germanophone. La troisième se penche sur la presse mathématique française de la première moitié du xixe siècle, illustrée ici par le journal des candidats à l’École polytechnique et à l’École normale (Nouvelles annales de mathématiques) et le journal des « progrès en mathématiques » (Journal de mathématiques pures et appliquées). Les objectifs poursuivis consistent à faire émerger des points saillants, à identifier des pistes prometteuses pour la suite de l’enquête, et à tenter d’établir un premier bilan, provisoire et sujet à des modifications, sur la question de la traduction mathématique et de ses éventuelles spécificités par rapport aux traductions relevant d’autres domaines.
EN:
This article, based on three case studies, deals with the “translation” issue in the field of mathematics, here addressed through the specific figure of the “student,” simultaneously recipient, but sometimes also author, of translations. The first case study concerns American adaptations of a series of French mathematics and mechanics textbooks geared towards students at Harvard and at West Point Military Academy in the 1820s and 1830s. The second considers the 1828 translation of an English textbook in a German-speaking environment. The third focuses on two 19th century French mathematics journals that regularly published translations: the first was intended for École polytechnique or École normale candidates (Nouvelles annales de mathématiques) while the second was concerned with “the progress in mathematics” (Journal de mathématiques pures et appliquées). The article seeks to pinpoint highlights, identify promising investigative pathways and, finally, attempt to offer an initial and temporary assessment, subject to modification, of the question of mathematics translation and its possible specificities in relation to translations in other fields.
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Imprimer et traduire : Lyon au xve siècle
Jean-Benoît Krumenacker
AbstractFR:
À partir de 1476, les imprimeurs lyonnais proposent de nombreuses traductions à un public qui ne maîtrise pas suffisamment le latin pour accéder aux classiques ou aux ouvrages scientifiques et religieux de l’époque. On recense ainsi, pour tout le xve siècle, près de 150 éditions de traduction à Lyon, soit un dixième de la production totale. Cet article, qui montre l’importance de la ville dans la traduction d’ouvrages à succès comme de textes plus contemporains, se penche sur les choix éditoriaux de ces imprimeurs quant à la production de traductions. Il met également en lumière la collaboration des imprimeurs avec une élite intellectuelle locale, qui effectue les nouvelles traductions ou en révise d’anciennes. L’attention sur ces personnages peu connus permet ainsi de faire émerger des groupes cohérents au service de plusieurs imprimeurs.
EN:
As of 1476, the printers of Lyons offered numerous translations to a public that did not master Latin well enough to access the classics or the scientific and religious works of the time. Thus, there are nearly 150 translation editions in Lyons for the fifteenth century, or one-tenth of the total production. This paper, which demonstrates the importance of the city in the production of translations of successful works and of more contemporary texts, examines the editorial choices of the printers of Lyons with regards to the production of translations. It also highlights the collaboration of printers with a local intellectual elite who carried out the translations or revised older ones. Attention to these little-known players allows in this way the emergence of coherent groups in the service of several printers.
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Rééditer l’Odyssée au xxie siècle : l’éditeur de classiques et le traducteur, ou l’éditeur comme traducteur
Cécile Rabot
AbstractFR:
L’article analyse le rôle de l’éditeur dans la traduction d’un classique, c’est-à-dire à la fois dans le choix d’une traduction du texte, mais aussi dans sa traduction en livre. Il s’appuie sur le cas des rééditions ou adaptations de l’Odyssée d’Homère en langue française, publiées en France depuis 2000. Valeur culturelle et économique sûre, le classique, traduit dans toutes les langues, est aussi infiniment réédité en une multitude de versions, qui perpétuent et infléchissent le texte. Chaque version prend appui sur le capital symbolique du « grand auteur » et contribue à redistribuer l’auctorialité entre celui-ci et ceux qui le traduisent, l’adaptent, l’illustrent ou le commentent. La matérialité de l’objet et le paratexte (couverture, iconographie, préface, notice biographique, appareil pédagogique, glossaire, note sur la traduction, etc.) adressent le livre à des catégories de destinataires, l’orientent vers des usages (esthétiques, didactiques, éthiques, ou d’évasion) et, plus généralement, déterminent la manière dont il est perçu et lu.
EN:
This paper, based on case-studies of new editions and adaptations of Homers’ Odyssey published in French in France since 2000, analyzes the role of the publisher in the translation of a classical text, more specifically in selecting a translation of the text, and in translating it into a book. A classical text, a culturally and economically assured value, is translated into many languages but also infinitely reedited into many versions that perpetuate and transform it. Each version capitalizes on the symbolic value of the “great author” and contributes to the redistribution of the authorship between the author and those who translate it, adapt it, illustrate it or comment on it. The materiality of the book and the paratext (cover, iconography, preface, biographical note, pedagogical indications, glossary, translation notes etc.) orient the book towards categories of designated readers, direct its uses (esthetic, didactic, ethical, or entertainment), and determine the way it is perceived and read.
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“Quality not Quantity”: The Role of the Editor and the Language Consultant in the English Translations of Swedish and Norwegian Children’s Fiction at Turton & Chambers, 1988–92
Charlotte Berry
AbstractEN:
This article takes as its subject the project of British author and editor Aidan Chambers to set up a small press dedicated to publishing modern European children’s literature in translation, 1988–92. Positioned within Gideon Toury’s framework of Descriptive Translation Studies, this paper outlines the history of the firm and its founding ideology to publish children’s literature “with a difference” for a British audience. As a result, preliminary norms (relating to text, author and translator selection) and operational norms (relating to translation strategies) for four novels by Maud Reuterswärd, Peter Pohl and Tormod Haugen are identified and analyzed. Fundamental to the article’s methodology is the use of bibliographical, archival and oral history primary sources. The principal focus of research interest is Chambers’ use of language consultants in addition to his commissioned translators in an unusual and sometimes challenging professional collaboration of editor-translator-consultant within a Nordic-British setting.
FR:
Le présent article aborde un projet lancé par Aidan Chambers, écrivain et éditeur britannique, soit la création d’une maison d’édition vouée à la littérature jeunesse européenne contemporaine en traduction (1988-1992). Il s’inscrit dans le cadre de la traductologie descriptive de Gideon Toury et présente l’historique de l’entreprise et son idéologie fondatrice : la publication d’une littérature jeunesse « différente » pour un public britannique. De ce fait, sont identifiés et analysés les critères préliminaires (relatifs au choix du texte, de l’auteur et du traducteur) et les critères d’exécution (relatifs aux stratégies de traduction) dans quatre romans de Maud Reuterswärd, Peter Pohl et Tormod Haugen. Notre méthodologie se fonde sur l’utilisation de sources primaires bibliographiques, archivistiques et d’histoire orale. Nous accordons une attention particulière au recours, par Chambers, à des consultants linguistiques (outre les traducteurs qu’il a retenus), ce qui donne lieu à une collaboration inhabituelle et parfois difficile entre éditeur, traducteur et consultant, dans un contexte scandinavo-britannique.
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Translation Revision as Rereading: Different Aspects of the Translator’s and Reviser’s Approach to the Revision Process
Giovanna Scocchera
AbstractEN:
As a synonym for “revision,” dictionaries of different European languages include such terms as rilettura, relecture, relectura and rereading. The concept of “rereading” is also used by most translators and revisers when having to describe the process of revising a translation. This act of rereading, however, takes on different forms and purposes depending on the agent by whom it is performed, that is, the translator of the text or the reviser of the translation. As a matter of fact, revision is a second, further reading for the translator who has been working on his/her translation, but it is a “new” reading for the reviser, who approaches the translated text for the first time and, because of his/her “new vision,” can provide different insights on the work done by the translator and spot any weaknesses it may have. Drawing on current research in the field of revision as well as on first-hand data on professional revision in the publishing sector, this work aims at highlighting the peculiarities of revision as rereading when performed by translators and revisers as well as analyzing the latter’s different modes of execution, strategies, purposes and products.
FR:
Sont donnés comme synonymes de « révision », dans les dictionnaires des différentes langues d’Europe, des termes comme relecture, rilettura, relectura et rereading. Le concept de « relecture » est également utilisé par la plupart des traducteurs et des réviseurs pour décrire le processus de révision d’une traduction. Pourtant, la relecture ne revêt pas la même forme ni ne vise les mêmes objectifs selon que c’est le traducteur du texte ou encore le réviseur de la traduction qui s’en charge. En réalité, pour le traducteur, la révision est une deuxième lecture, plus attentive, alors que pour le réviseur abordant le texte traduit pour la première fois, elle constitue une « nouvelle » lecture. Ce dernier, en vertu du « regard neuf » qu’il pose sur la traduction, peut offrir des perspectives inédites sur le travail réalisé par le traducteur et repérer d’éventuelles faiblesses. Se fondant sur les recherches actuelles dans le domaine de la révision, ainsi que sur des données de première main concernant la révision professionnelle dans le secteur de l’édition, cet article met en lumière les particularités de la révision en tant que relecture, qu’elle soit réalisée par des traducteurs ou des réviseurs. Il propose, enfin, une analyse des différentes approches ou stratégies retenues par les réviseurs, des objectifs qui sont les leurs et du travail qu’ils produisent.
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Examining the “Invisible”: How are Published Translations Reviewed in the United Kingdom and France?
Martyn Gray
AbstractEN:
In his 1995 seminal work, The Translator’s Invisibility, Lawrence Venuti examines the impact of how translations are reviewed on the visibility of the translator. The American scholar contends that a fluent translation approach, which ultimately makes the work of the translator “invisible” to the final reader, is the main criterion by which translations are read and assessed by reviewers; any deviations from such fluent discourse are thus dismissed as inadequate. The present research will draw upon a corpus of British and French reviews collected from two broadsheet supplements in each country to analyze the extent to which the media’s reviews of published translations continue to reinforce—or indeed challenge—the notion of translators’ invisibility. The research will demonstrate that, whilst fluency and transparency are still revered by a large number of reviewers, especially in the UK, the reviews in this corpus show a remarkable degree of openness towards diverse translation approaches.
FR:
Dans son important ouvrage paru en 1995, The Translator’s Invisibility, Lawrence Venuti examine l’incidence de la réception critique des oeuvres traduites sur la « visibilité » des traducteurs. Le chercheur américain y soutient qu’un style de traduction fluide, qui rend le travail du traducteur « invisible » aux yeux du lecteur final, constitue le principal critère qu'utilisent les critiques dans le jugement qu'ils posent sur une traduction. Aux yeux de ceux-ci, tout écart à cette fluidité rendrait la traduction insatisfaisante. Cet article, qui s’appuie sur un corpus de critiques recueillies dans deux journaux grand public britanniques et français, a pour but d’analyser dans quelle mesure les critiques renforcent – ou bien contestent – la notion de l’invisibilité des traducteurs. L’article conclut que, même si fluidité et clarté sont toujours prisées par la plupart des auteurs de critiques, surtout en Grande-Bretagne, on trouve dans celles composant le corpus une grande ouverture d’esprit quant à la diversité des stratégies utilisées par les traducteurs.
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Reviewers as Readers with Power: What a Case of Retranslation Says about Author, Translator and Reader Dynamics
Arzu Eker Roditakis
AbstractEN:
The Black Book, Orhan Pamuk’s second novel in English translation, was published in Güneli Gün’s translation in 1994 and in a retranslation by Maureen Freely in 2006. The decision for retranslation was mainly taken by the author on the basis of the criticism the first translation received from the reviewers, the most significant readers of translations with their power to consecrate foreign authors and their work in their new cultural settings. This study will present an analysis of the two translations of The Black Book, taking as its point of departure the criticism expressed in the reviews. The analysis will reveal the ways in which the first translation served as a criterion for the retranslation and how the two translators represented the author and his work differently, which was mainly enabled because of the changing status of Orhan Pamuk as an author in the English-speaking world between 1994 and 2006.
FR:
Le livre noir, deuxième roman d’Orhan Pamuk en traduction anglaise, a été publié en 1994 dans la traduction de Güneli Gün, puis dans la retraduction de Maureen Freely en 2006. La décision de retraduire a relevé surtout de l’auteur, sous l’influence de l'accueil réservé à la première traduction par les critiques, ces derniers étant les lecteurs les plus importants des traductions, puisqu'ils détiennent le pouvoir de consacrer les auteurs étrangers et leurs oeuvres dans de nouveaux lieux culturels. Le présent article propose une analyse des deux traductions anglaises du Livre noir, à la lumière de la recension critique. Il permettra de voir la manière dont les choix faits dans la première traduction ont, en quelque sorte, servi de critères pour la seconde, et de constater que les deux traductrices ont représenté l’auteur et son oeuvre différemment, surtout en raison de l'évolution du statut de Pamuk en tant qu'auteur dans le monde anglophone entre 1994 et 2006.
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Creating Reading Habits Through Translation in Turkey (1840–1940)
Ahu Selin Erkul Yaǧci
AbstractEN:
Although translated books and readers are visibly and inextricably linked, readers, readers’ expectations, attitudes and habits have only been partially analysed in translation research. In a similar vein, the relationship between translation and reader was rather left undiscovered by scholars studying translation/book/reading history. The aim of this paper is to present the findings of my comprehensive doctoral research on the pioneering role translation played in the history of reading and readers in Turkey between 1840 and 1940 by problematizing the relationship between translation, readers and their reading habits. This hundred year period is characterized by an apparent transformation in the literary production (especially in the number of translated works) and the publishing industry, which created an expansion in the number of readers and the development of new forms to suit the needs and tastes of this new readership. Data from a variety of sources including readers’ letters and auto/biographical accounts will be used in this article to investigate readers, their reading habits and the transformative process they experienced through this reading (r)evolution. In the absence of library records and marginalia due to the inherent characteristics of the period under study, these letters and auto/biographical accounts are of primary importance in providing evidence of what and how the readers were actually reading. Their active involvement in the process (of selection and consumption of translated and/or indigeneous works) is also reflected through the views, experiences and perceptions that are present in these letters and accounts.
FR:
Bien que les oeuvres en traduction soient visiblement et inextricablement liées à leur lectorat, la recherche en traduction n’a offert jusqu’à présent qu’une analyse partielle de ces lecteurs, de leurs attentes, attitudes et habitudes de lecture. De même, les chercheurs en histoire de la traduction, du livre et de la lecture se sont assez peu intéressés à la relation entre la traduction et le lecteur. Cet article présente les résultats de mes recherches doctorales sur le rôle primordial joué par la traduction dans l’histoire de la lecture et des lecteurs en Turquie entre 1840 et 1940, et problématise le lien qui unit la traduction aux lecteurs et à leurs habitudes de lecture. Cette période de 100 ans se caractérise par une transformation manifeste de la production littéraire (en particulier quant au nombre d’oeuvres traduites) et de l’industrie de l’édition, qui engendra une expansion du lectorat et le développement de nouvelles formes répondant aux besoins et aux goûts de celui-ci. Des données de sources diverses, dont des lettres et des récits (auto)biographiques de lecteurs, seront utilisées dans cet article pour révéler les caractéristiques du lectorat et des habitudes de lecture, ainsi que les changements qu’ils connurent durant cette (r)évolution de la lecture. En l’absence d’archives de bibliothèques et de notes marginales, absence inhérente à la période à l’étude, les lettres et les récits (auto)biographiques revêtent une importance primordiale si l’on souhaite établir ce que les lecteurs de l’époque lisaient réellement ainsi que la manière dont ils le faisaient. Leur participation au processus (de sélection et de consommation d’oeuvres traduites ou indigènes) se reflète également dans les points de vue, les expériences et les perceptions consignés dans ces lettres et récits.
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The Destabilization of Symbolic Boundaries in the Consumption of Translated Fiction
Duygu Tekgül
AbstractEN:
For several decades, the positive norms of cosmopolitanism and omnivorousness have dominated cultural consumption in Britain. This paper will discuss the implications of these interrelated affinities in the popular reception of fiction in translation. Ethnographic data for the study has been collected mostly through participant observation with book club members in the UK. Through an analysis of statements made by readers, the article will illustrate how reading and discussing fiction in translation encourages readers to mobilize their international cultural capital and how horizontal and vertical boundaries between genres become blurred. Consequently, individual translations may become “upgraded” or “downgraded” in aesthetic terms, especially in the ways these books have been packaged and marketed to readers.
FR:
Au cours des dernières décennies, deux normes positives, le cosmopolitisme et l’omnivorité, ont dominé la consommation culturelle en Grande-Bretagne. Dans cet article, nous examinons l’incidence de ces affinités interreliées sur la réception populaire des oeuvres de fiction en traduction. Notre analyse repose sur des données ethnographiques collectées, en majorité, par l’observation des activités de clubs de lecture au Royaume-Uni. Les commentaires de lecteurs et de lectrices servent ainsi de base pour illustrer la manière dont la lecture d’oeuvres traduites et la discussion qui s’ensuit encouragent ceux-ci à mobiliser leur capital culturel international, ainsi que la façon dont les frontières horizontales et verticales entre les genres littéraires en viennent à s’estomper. En conséquence, les traductions sont « revalorisées » ou « dévalorisées » sur le plan esthétique, notamment en fonction de leur commercialisation pour un nouveau lectorat.