
McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 65, Number 3, March 2020
Table of contents (6 articles)
Articles
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It’s the End of Working Time as We Know It: New Challenges to the Concept of Working Time in the Digital Reality
Tammy Katsabian
pp. 379–419
AbstractEN:
This article strives to unpack the concept of labour time in the digital reality. It does so by exploring the apparent gap between de jure notions of work and rest times, especially in Canada, and the way that people conduct their work time de facto given the technological advancements that enable them to work from a distance.
These recent challenges to the notion of working time have led to two main proposals of regulation. The first aims to return to the classical concept of working time and to restrict the working schedule. The other aims to celebrate the new technological capabilities to conduct work anytime and anyplace and disregards the dominant role of time in labour law. This article argues that these opposing models provide only partial solutions and both suffer from crucial deficiencies: they either ignore the dramatic changes in the world introduced by digital technology, or worse, they ignore the basic idea and purposes of labour rights.
Based on this struggle between labour law and technology, this article suggests a new paradigm for working time regulation—one which brings together the logic and structure of the new flexible online world with the basic principles of labour rights. This article thereby proposes default rules that provide basic protection to the employee and retain the idea that employees should be compensated for their actual working time and enjoy genuine rest time during the workday. This protection is enabled through the format and logic of information communication technology. At the same time, this article suggests that the default rules will also enable the parties to negotiate and agree on the financial value of additional working hours, in a way that takes into account the new possibilities of the digital age along with the purposes of labour rights.
FR:
Cet article s’efforce d’analyser le concept du temps de travail à l’ère du numérique. Il le fait en explorant l’écart apparent entre les notions de travail et de repos de jure, en particulier au Canada, et la façon dont les gens organisent leur temps de travail de facto, compte tenu des progrès technologiques leur permettant de travailler à distance.
Ces nouveaux défis que rencontre la notion de temps de travail ont conduit à deux propositions principales quant à sa réglementation. La première souhaite revenir à la notion classique de temps de travail et délimiter l’horaire de travail. La seconde souhaite accueillir les nouvelles capacités technologiques permettant de travailler à toute heure et en tout lieu et fait abstraction du rôle dominant que joue le temps en droit du travail. Cet article soutient que ces modèles antagonistes n’offrent que des solutions partielles et souffrent tous deux de lacunes importantes : soit ils ignorent les changements spectaculaires introduits dans le monde par les technologies numériques, soit, et pire encore, ils ignorent les idéaux et objectifs fondamentaux des droits reliés au travail.
En se basant sur cette tension entre le droit du travail et la technologie, cet article propose un nouveau paradigme de réglementation du temps de travail — un paradigme qui permettrait de réconcilier la logique et la structure de flexibilité du monde numérique avec les principes fondamentaux du droit du travail. Cet article propose donc des règles par défaut qui assurent une protection de base au salarié et maintient l’idée que les salariés doivent être rémunérés pour leur temps de travail réel et bénéficier d’un véritable temps de repos pendant la journée de travail. Cette protection est possible par le format et la logique des technologies de communication de l’information. En même temps, cet article suggère que les règles par défaut permettront également aux parties de négocier et de s’entendre sur la valeur financière des heures de travail supplémentaires d’une manière qui tient compte tant des nouvelles possibilités de l’ère numérique que des objectifs du droit du travail.
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Regards croisés entre le droit innu et le droit québécois : territorialités en conflit
Geneviève Motard
pp. 421–465
AbstractFR:
Cet article propose une étude des principales caractéristiques (acteurs, valeurs, principes et règles) des ordres juridiques québécois et innu au regard de leur rapport au territoire. Cette étude, principalement descriptive, est suivie d’une analyse des interactions qui régissent les deux ordres juridiques. L’article met en exergue l’importance des processus d’invalidation des règles de droit autochtone par le droit québécois de la propriété publique et privée et des ressources de la terre plus généralement.
Il met également en lumière les quelques règles et processus du droit québécois qui favorisent au contraire le respect des règles issues de l’ordre juridique innu. L’article propose, finalement, deux avenues de réforme du droit québécois qui auraient le potentiel de contribuer à la cessation des atteintes aux droits fonciers des Innus. La première piste de solution propose de rendre visible sur le territoire et dans les lois québécoises l’ordre juridique innu. La seconde piste de solution se fonde sur l’idée suivant laquelle il importe de supprimer les différentes formes de négation des droits fonciers autochtones qui subsistent en droit québécois, en le rendant notamment conforme au droit international et interaméricain.
EN:
This article presents a study of the main characteristics (actors, values, principles, and rules) of the Quebec and Innu legal traditions with respect to their relationship to territory. This primarily descriptive study is followed by an analysis of the interactions that govern the two legal traditions. The article highlights the process of invalidation of the rules of Indigenous law effectuated by Quebec’s law of public and private property, and land resources more generally.
It also highlights the few rules and mechanisms in Quebec law that, on the contrary, foster respect for the rules of the Innu legal tradition. Finally, the text proposes two avenues of Quebec law reform that would contribute to lessening infringements of Innu land rights. The first avenue proposes to make the Innu legal system visible, both on the territory and in Quebec laws. The second solution encourages eliminating the various forms of denial of Indigenous land rights that remain in Quebec law by bringing it into conformity with international and inter-American law.
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The Presumption of Restraint and Implicit Law
Michael Plaxton
pp. 467–497
AbstractEN:
Appellate courts have frequently held that the ambit of criminal offences is more restricted than a plain reading of their text would suggest. In doing so, they have not relied on the canon of strict construction or the doctrine of de minimis non curat lex. They have instead applied what I have elsewhere called a “presumption of restraint”—a rebuttable presumption that offences provisions should not be read in such a way that they criminalize courses of action that are widely regarded by the public as benign or laudable.
Drawing on the work of Lon Fuller, I argue that the presumption of restraint is compatible with parliamentary sovereignty and purposive interpretation, and that it reflects ideas about the circumstances under which legislation is capable of providing guidance to the public.
FR:
Les tribunaux d’appel ont souvent jugé que la portée des infractions criminelles est plus restreinte que ne le laisserait supposer une simple lecture de leur texte. Ce faisant, elles ne se sont pas appuyées sur le canon de l’interprétation stricte ou sur la doctrine de minimis non curat lex. Ils ont plutôt appliqué ce que j’ai appelé ailleurs une « présomption de retenue » — une présomption réfutable voulant que les dispositions relatives aux infractions ne soient pas interprétées de manière à criminaliser des actions qui sont largement considérées par le public comme bénignes ou louables.
En m’appuyant sur les travaux de Lon Fuller, je soutiens que la présomption de retenue est compatible avec la souveraineté parlementaire et l’interprétation téléologique, et qu’elle reflète une vision des circonstances dans lesquelles la législation est capable de guider le public.
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Concevoir la matrice juridique dans un monde en constante évolution : essai sur l’approche fonctionnelle du droit
Florian Martin-Bariteau
pp. 499–542
AbstractFR:
L’approche fonctionnelle du droit, les principes d’équivalence fonctionnelle et de « neutralité » technologique sont trop souvent contraints au droit des technologies — et présentés comme y étant nés. Pourtant, l’approche et ses outils ont été développés bien avant les enjeux présentés par le numérique et présentent d’intéressantes perspectives pour concevoir le droit dans un monde en constante évolution. Le présent essai se propose ainsi de discuter et présenter l’approche fonctionnelle du droit. Loin de présenter une théorie du droit, notre objectif est de présenter une méthode qui nous semble à même d’établir des législations pérennes et stables, d’accueillir les évolutions sociétales et contextuelles, et d’appliquer les règles de manière à ne pas discriminer des situations fonctionnellement équivalentes.
Dans une première partie, cet essai présente les origines et fondations théoriques de l’approche fonctionnelle du droit. Dans la seconde partie, nous exposons l’approche fonctionnelle comme une manière de concevoir et de rédiger le droit afin de lui permettre d’accueillir le futur, notamment par l’entremise des notions fonctionnelles. Dans la troisième partie, nous étudions le volet interprétatif de l’approche fonctionnelle, qui offre des méthodes d’analyse, d’adaptation, d’application et de comparaison des règles de droit reposant sur l’équivalence fonctionnelle.
EN:
The functional approach to law and the principles of functional equivalence and technological “neutrality” are all too often constrained to technology law, which is presented as their origin. However, the approach and its tools have been developed well before the challenges raised by the digital era and provide for interesting ways to conceive of legal rules in a world in constant evolution. This essay attempts to discuss and present this functional approach to law. Far from proposing a theory of law, our objective is to present a method that seems to provide for the drafting of lasting and stable statutes, accommodating societal and contextual changes, and for a non-discriminatory application of rules in functionally equivalent situations.
In Part I, this essay presents the theoretical origins and foundations of the functional approach to law. In Part II, we expose the functional approach as a way of conceiving and writing the law in order to allow for future adaptability, notably through functional notions. In Part III, we study the interpretive aspect of the functional approach, which offers methods of analysis, adaptation, implementation, and comparison of legal rules based on functional equivalence.
McGill Law Journal Annual Lecture Series / Conférence annuelle de la revue de droit de McGill
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Sustainable Democratic Constitutionalism and Climate Crisis
James Tully
pp. 545–572
AbstractEN:
We know that law is a major enabler of the human activities that cause climate change, biodiversity destruction, and related ecosocial crises. We also turn to the law to regulate, mitigate, and attempt to transform these unsustainable human activities and systems. Yet, these regulatory regimes are often “recaptured” or “overridden” in turn by the very anthropogenic processes causing the crises. The resulting vicious cycles constitute the global trilemma of the twenty-first century that is rapidly rendering the living earth uninhabitable for humans, in radically unequal ways, and for thousands of other species. Integral, non-violent, sustainable democratic constitutionalism is one modest, experimental, trial-and-error response to this trilemma.
FR:
Nous savons que le droit est l’un des catalyseurs d’activités humaines contribuant aux changements climatiques, à la destruction de la biodiversité, et aux crises écosociales connexes. Nous nous tournons également vers le droit pour atténuer et tenter de transformer ces activités humaines non durables. Pourtant, troisièmement, ces régimes de réglementation sont souvent « recapturés », voire « supplantés », à leur tour par les processus anthropiques à l’origine de ces crises. Le cercle vicieux qui en résulte constitue le trilemme mondial du XXIe siècle qui transforme la Terre, de manière inégale, en milieu inhabitable pour les humains et pour les autres espèces. Un constitutionnalisme démocratique durable, intégral, non violent, modeste, expérimental, à tâtonnement, est l’une des réponses à ce trilemme.