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Attention aux médicaments contrefaits en Asie du Sud-Est
P. Aldhous, l’un des éditeurs de la revue Nature, a enquêté sur les ravages produits par la vente de médicaments contrefaits dans plusieurs pays du Sud-Est asiatique, particulièrement le Cambodge [1]. La falsification porte essentiellement sur les antipaludéens, les antalgiques et les antibiotiques. Bien souvent, les gélules ou les comprimés commercialisés ne contiennent pas d’agent actif ou, au mieux, une faible quantité. Ces produits sont vendus dans des emballages semblables à ceux des produits d’origine de telle sorte que seuls des spécialistes peuvent distinguer le véritable du contrefait. Ils sont vendus à la sauvette ou dans des boutiques des marchés locaux à un prix inférieur à celui du produit véritable. Plusieurs enquêtes ont montré l’importance du problème. En un an (août 1999-août 2000), 104 échantillons d’artésunate (un antipaludéen manufacturé en Chine) achetés dans ces boutiques ont été testés dont 38 % se sont révélés ne contenir aucun produit actif. La situation a empiré depuis puisque, en février 2003, 53 % de 188 échantillons d’artésunate furent identifiés comme des contrefaçons. P. Aldhous a conduit sa propre enquête. En décembre 2004, il visita en deux jours 27 boutiques et demanda à acheter un antibiotique. Il ne put obtenir aucun renseignement du vendeur sur les conditions de prise du médicament. Le Ministère de la Santé du Cambodge donne le chiffre de 11 % de médicaments falsifiés en 2003. Plusieurs sont indiqués comme provenant de firmes qui, en fait, ne sont pas enregistrées comme industries pharmaceutiques. Cette situation conduit à des décès, essentiellement dans la population locale, lorsqu’un paludisme ou une infection sont traités avec des produits sans efficacité. Les Occidentaux se voient plus souvent offrir des produits authentiques à des prix plus élevés. P. Aldhous envisage les moyens de remédier à cet état de choses. En premier lieu, il convient de pouvoir rapidement tester par une analyse simple l’authenticité du produit vendu. Des trousses permettent maintenant aux techniciens locaux de faire cette vérification pour plusieurs produits sans passer par la chromatographie utilisée dans les laboratoires spécialisés. Il convient ensuite de casser la chaîne de distribution en permettant d’opérer aux seules pharmacies licenciées et en fermant toutes celles vendant des contrefaçons. Cette dernière mesure est loin d’être facile à mettre en oeuvre vu l’importance de la corruption au sein des autorités chargées de faire appliquer la loi. Enfin, il faut intervenir auprès des gouvernements des pays producteurs de ces contrefaçons, en particulier la Chine, pour obtenir que les falsificateurs soient sévèrement punis, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut noter que les trafiquants se sont reconvertis du commerce des stupéfiants à celui des médicaments contrefaits pour lequel le risque est bien moindre. On ne doit pas se cacher que le problème sera long à résoudre. En attendant, si vous allez dans les pays exposés, partez avec vos provisions.
L’augmentation de l’incidence de l’obésité menace l’espérance de vie au cours de ce siècle
Chacun sait que l’espérance de vie des deux sexes a considérablement augmenté dans les pays développés depuis le milieu du xixe siècle de façon quasi continue. Il est important de prévoir quelle sera l’évolution au cours du xxie siècle, ne serait-ce que pour mieux prendre en compte le poids financier des retraites et les dépenses d’assurance maladie. Un consensus presque général voulait que l’espérance de vie atteigne environ 100 ans dans les prochaines décennies. Des voix discordantes se font maintenant entendre. On a d’abord constaté aux États-Unis une diminution de la pente d’accroissement de la durée de vie depuis environ 30 ans et on se demande maintenant si l’on ne doit pas s’attendre à une diminution de l’espérance de vie au cours de ce siècle. La cause principale en serait l’explosion de l’obésité dans la population américaine. C’est ce que S.J. Olshansky et al. [2] ont entrepris de démontrer. Actuellement, les deux tiers des Américains sont obèses ou en surpoids. L’obésité atteint 28 % des hommes, 34 % des femmes et 50 % des femmes noires. Si l’on applique aux sujets de moins de 40 ans des normes plus strictes qu’aux sujets plus âgés, on arrive à des chiffres encore plus élevés chez les enfants et les adultes jeunes. L’obésité est un facteur de risque majeur de diabète, de maladies cardiovasculaires et de cancers qui réduit l’espérance de vie individuelle de 5 à 20 ans avec un effet plus marqué lorsqu’elle débute dans l’enfance. Afin de prévoir l’évolution de l’espérance de vie à la naissance de la population entière, les auteurs ont calculé la réduction dans le taux de mortalité qui serait obtenue si les obèses revenaient à un poids optimal défini par un indice de masse corporelle (poids en kg sur le carré de la taille en m) de 24. Ils ont pour cela corrélé les données sur la prévalence de l’obésité avec les taux de mortalité dans différentes catégories de la population. D’après leur calcul, si les taux de mortalité liés à l’obésité ne changent pas au cours de ce siècle, la réduction d’espérance de vie atteindra 4 à 9 mois dans la population entière. Ce chiffre paraît faible ; mais, en fait, il est plus élevé que celui groupant toutes les morts par accident et devrait augmenter - les données utilisées étant déjà dépassées - pour atteindre 2 à 5 ans dans les prochaines décennies. Si l’on ajoute à l’obésité d’autres facteurs susceptibles de diminuer la durée de vie comme l’épidémie de sida, les maladies infectieuses nosocomiales et émergentes, on ne peut être que pessimiste. Les conséquences pour les dépenses d’assurance maladie risquent d’être catastrophiques. En effet, même si on meurt plus tôt, l’obésité et les maladies qui lui sont associées grèveront lourdement le budget. D’où la nécessité d’une politique de santé efficace pour réduire ce fléau. Ce qui est vrai aux États-Unis le sera aussi en Europe si on laisse aller le cours des choses.
Soigner le cancer, et… guérir le diabète ?
La leucémie myéloïde chronique est une maladie acquise liée à une transformation néoplasique des cellules souches hématopoïétiques. Elle résulte d’une translocation entre les chromosomes 9 et 22. Une des conséquences moléculaires de cette translocation est la production d’un gène de fusion (Bcr-Abl) dont le produit est une tyrosine kinase à activité non contrôlée. Il a été bien démontré que l’activité de cette kinase était nécessaire à l’apparition de la maladie. Une stratégie visant à développer des inhibiteurs de Bcr-Abl a conduit à l’identification d’un dérivé du 2-phénylaminopyrimidine baptisé imatinib [3]. Ce composé inhibe l’activité Bcr-Abl et l’activité tyrosine kinase du récepteur du PGDF (platelet-derived growth factor). D. Veneri et al. [4] décrivent le cas du traitement par l’imatinib d’une malade atteinte de leucémie myéloïde chronique, mais également d’un diabète de type 2 diagnostiqué huit ans auparavant, et nécessitant depuis quatre ans un traitement par l’insuline. Deux mois après la mise en route du traitement par l’imatinib, une rémission hématologique était apparente mais, de façon plus surprenante, les besoins en insuline étaient également fortement diminués allant jusqu’à un arrêt total du traitement par l’insuline cinq mois plus tard. La glycémie à jeun de la patiente était alors de 6,7 mmol/l et de 8,2 mmol/l deux heures après un test standardisé de tolérance au glucose. Les paramètres métaboliques suivis sur un an ont confirmé la disparition du diabète de type 2. Il est bien sûr très difficile de comprendre les raisons de cette spectaculaire régression du diabète d’autant plus que les auteurs ne précisent pas s’il s’agit d’une amélioration de la sensibilité à l’insuline, de la sécrétion de cette hormone ou des deux. La signalisation insulinique implique l’activation de nombreuses tyrosine kinases (le récepteur de l’insuline étant lui-même une tyrosine kinase) et la phosphorylation d’effecteurs très divers. L’imatinib agit-il sur la cascade de signalisation insulinique (ce qui semble contraire à l’intuition dans la mesure où il s’agit d’un inhibiteur des tyrosine kinases), sur l’une des étapes complexes de la sécrétion insulinique ou sur les mécanismes à la base même du diabète de type 2 tels que des phénomènes inflammatoires, de stress oxydant ou de lipotoxicité ? Il est trop tôt pour le dire. Cette étude illustre néanmoins le fait que, quel que soit le caractère maintenant très rationnel de la mise au point d’un médicament (identification de la cible, spécificité apparente, multiples études pré-cliniques et cliniques), il existe de bonnes (parfois) ou de mauvaises (souvent) surprises quant à son utilisation.
Vaccination antipneumococcique : une puissante stratégie pour réduire la résistance aux antibiotiques
Selon l’étude publiée par D.S. Stephens et al. [5], le vaccin conjugué heptavalent pneumococcique (VCHP) diminue notablement l’incidence des maladies pneumococciques invasives, en particulier chez les enfants de moins de deux ans, mais réduit également la résistance aux macrolides de Streptococcus pneumoniae (SP). La diminution de la sensibilité de SP aux macrolides est un phénomène observé partout dans le monde depuis plusieurs années, notamment après l’introduction de nouveaux macrolides (azithromycine, clarithromycine) et leur utilisation généralisée chez les jeunes enfants ((→) m/s 2000, n° 10, p. 1125). Ainsi, à Atlanta (États-Unis) où cette étude a été réalisée, la prévalence de SP résistants aux macrolides, parmi les isolats pneumococciques responsables d’infections invasives, est passée à plus de 25 % entre 1994 et 1999. L’introduction de la vaccination par le VHCP depuis 2000 chez les jeunes enfants de la région d’Atlanta a sensiblement modifié cette situation, comme en témoigne les résultats de cette étude prospective de surveillance des infections à SP. En effet, l’incidence des maladies pneumococciques invasives est passée de 30/100 000 (1994-1999) à 13/100 000 en 2002. La diminution la plus importante est observée chez les enfants de moins de 2 ans (84 % de diminution). Des diminutions significatives des cas de pneumococcies sont notées également chez les adultes de toutes les tranches d’âge non vaccinés par le VCHP, ce qui correspond très probablement à un effet d’immunité de groupe (herd immunity effect). Cet effet résulte de l’absence de portage et donc de transmission de la bactérie par les enfants vaccinés. Par ailleurs, la résistance aux macrolides d’isolats de SP, qui avait augmenté régulièrement de 1994 (4,5/100 000) à 1999 (9,3/100 000), a fortement diminué en 2002 (2,9/100 000). Cette diminution résulte d’une baisse de l’incidence des maladies pneumococciques dues à des SP résistants aux macrolides et appartenant aux sérotypes du VCHP. Les auteurs de l’étude restent prudents sur la durée de l’effet bénéfique de la vaccination, car ils constatent, par exemple, une augmentation de la résistance aux macrolides associée à mefE des SP de sérotypes non vaccinaux. MefE est l’un des membres de la famille des pompes d’efflux, ces complexes protéiques présents dans les membranes bactériennes impliqués dans l’expulsion des antibiotiques. Une utilisation appropriée et raisonnée des antibiotiques, associée à la vaccination, est donc plus que jamais nécessaire.
Inactivation d’un gène suppresseur de tumeur par épissage alternatif
Un nouveau mécanisme d’inactivation d’un gène suppresseur de tumeur vient d’être découvert. Isolé en 2001 par un groupe de chercheurs américains, le gène KLF6 (Kruppel-like factor 6), qui code pour un facteur de transcription à doigts de zinc, était considéré comme un gène suppresseur impliqué dans les adénocarcinomes de la prostate d’autant qu’une perte d’hétérozygotie était fréquente dans ce type de cancer [6]. Ce même groupe vient de montrer qu’il peut également être inactivé par l’augmentation de la proportion de formes alternatives d’épissage conduisant à la synthèse d’isoformes protéiques. Celles-ci pourraient avoir un effet dominant-négatif par rapport à la forme sauvage de la protéine [7]. La protéine KLF6 complète inhibe la croissance cellulaire par la transactivation, indépendante de p53, de p21, élément clé de régulation du cycle. Il existe, y compris dans les cellules normales, des transcrits alternatifs du gène KLF6. Mais la proportion de ces transcrits est augmentée dans les cancers de la prostate par rapport aux tissus normaux. Les isoformes codées par ces transcrits alternatifs perdent un signal de localisation nucléaire et restent localisées dans le cytoplasme. Elles antagonisent la fonction de la protéine KLF6 sauvage, conduisant à une baisse d’expression de p21 et à une croissance cellulaire accrue. Les auteurs ont pu aussi expliquer quel mécanisme provoquait cette augmentation des formes alternatives. Dans un intron du gène KLF6, il existe un polymorphisme nucléotidique (SNP, single nucleotide polymorphism) et celui-ci est statistiquement plus fréquent chez les patients atteints de cancers sporadiques ou familiaux de la prostate que chez les individus non atteints. De plus, il est associé à une augmentation des formes alternatives d’épissage. Il s’agit donc du premier exemple connu de polymorphisme ayant une action sur la régulation d’un épissage alternatif avec pour conséquence une prédisposition à développer un cancer chez l’homme. Les gènes suppresseurs recèlent peut-être encore bien des secrets.
Izumo ou le mariage fusionnel entre spermatozoïde et ovocyte
Izumo est le nom d’un des sanctuaires les plus célèbres du Japon, dédié au mariage, et c’est aussi celui de la première protéine spécifique du spermatozoïde impliquée dans sa fusion avec l’ovocyte. Dans la religion shintoïste aussi, mariage rime donc avec procréation ! Au cours de la fécondation, le spermatozoïde doit tout d’abord traverser une matrice riche en acide hyaluronique sécrétée par les cellules du cumulus qui entourent l’ovocyte. Ce voyage déclenche une réaction acrosomique, libérant des enzymes permettant au spermatozoïde de traverser la zone pellucide, d’atteindre l’espace périvitellin et de se lier à la membrane de l’ovocyte. La fusion des membranes de ces deux cellules germinales signe alors le premier pas de l’histoire de l’embryon. Plusieurs protéines avaient été impliquées dans cette fusion : côté ovocyte, la protéine CD9, membre de la superfamille des tétraspanines ; côté spermatozoïde, les premières protéines montrées du doigt furent les fertilines αβ, membres de la superfamille ADAM (a disintegrin and metalloprotease) dont le domaine désintégrine peut relayer l’adhérence intercellulaire. Cependant, la capacité des spermatozoïdes dépourvus de fertiline β à fertiliser des oeufs détrôna rapidement cette protéine. Il aura fallu 18 ans à une équipe japonaise pour identifier la bonne cible [8]. À cette époque, en effet, un anticorps avait été identifié, capable de reconnaître un antigène uniquement exposé après la réaction acrosomique et aussi d’empêcher la fertilisation in vitro. Ce même anticorps a donc permis d’isoler l’antigène par immunoblotting et spectrométrie de masse. Cette protéine membranaire, désormais appelée Izumo, appartient à la superfamille des immunoglobulines. Elle est spécifique du spermatozoïde et comporte une petite région extracellulaire. Cependant, à l’inverse des autres membres de la famille, celle-ci ne contient qu’un seul domaine Ig-like, dont on connaît la capacité de relayer l’adhérence intercellulaire, et permettant un contact plus étroit avec la membrane ovocytaire. Alors que leur spermatogenèse est normale, les souris mâles dépourvues d’Izumo sont stériles, les spermatozoïdes se liant à la membrane de l’oeuf sans pouvoir fusionner. En revanche, l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes déficients permet un développement de l’embryon. Un homologue de cette protéine a été identifié chez l’homme et il est probable qu’on mette en évidence prochainement des mutations de ce gène dans l’infertilité masculine. Quant aux mécanismes impliqués dans la fusion, ils ne sont pas encore décryptés, mais on peut imaginer qu’Izumo interagisse avec la protéine CD9, directement ou en collaboration avec d’autres protéines. Voici, en tout cas, une jolie cible pour le développement d’une contraception masculine !
À la recherche de nos capacités régénératives perdues
Médée dit aux filles de Pélias : « Dégainez vos épées, et videz le sang de ce vieillard afin que je remplisse ses veines d’un sang de jeune homme ! ». I. Weissmann et T. Rando (Stanford, Californie, États-Unis) se sont peut-être inspirés de ces lignes des Métamorphoses d’Ovide pour avoir l’idée de pratiquer une parabiose entre une souris âgée et une souris jeune, mettant ainsi en commun leur système circulatoire [9] ! Alors que Pélias en mourut, la souris âgée semble avoir rajeuni. En effet, après 5 semaines de circulation commune, l’équilibre hématologique est atteint. Lorsqu’une lésion musculaire est pratiquée chez l’animal atteint par l’âge, ce dernier régénère avec la verdeur d’un jeune premier. Le plus jeune des deux partenaires exprimant la protéine GFP dans toutes ses cellules, il fut alors facile aux auteurs de démontrer que cette cure de jouvence n’était pas due à l’implantation et à la régénération chez le partenaire âgé de quelques-unes des cellules circulantes du plus jeune, mais qu’elle correspondait bien à l’activation des cellules progénitrices du plus âgé. La voie Notch et son ligand Delta sont connus pour jouer un rôle important au cours de la régénération musculaire. On sait notamment que la diminution des capacités régénératives du muscle âgé est associée à une incapacité d’induire le ligand Delta après une lésion musculaire. Or, les cellules satellites de la souris « siamoise » âgée montre une nette augmentation de l’expression de Delta, comparable à celle d’une souris jeune. Cela est également vrai in vitro, puisque le sérum d’une souris jeune restaure l’activation de Delta et de Notch dans des cellules satellites âgées. Même si les résultats sont moins spectaculaires, il semble finalement que cette procédure de parabiose permette également d’augmenter la prolifération physiologique du foie de la souris âgée en diminuant le niveau des complexes cEBP-α-Brm au rang de ceux de la souris jeune. En effet, la formation d’un complexe impliquant ce facteur de transcription cEBP-α et un facteur de remodelage de la chromatine, Brahma (Brm), est spécifique du foie âgé et responsable de la baisse de ses capacités régénératives. Ainsi, la science moderne, même publiée dans la revue Nature, puise-t-elle parfois ses concepts dans des croyances populaires… Voilà en tout cas de quoi raviver notre imaginaire fantastique et « alimenter », scientifiquement bien sûr, les plus anciennes légendes du vampirisme !
Les cellules embryonnaires de porc comme source de transplantation : une chronologie à définir selon les tissus
La mise en culture prolongée de cellules souches humaines (ES) et la découverte de leur pluripotence en 1998 a ouvert des perspectives thérapeutiques considérables [10]. On pouvait envisager l’usage des cellules ES comme substitutif à des greffes d’organes ou comme traitement d’un large éventail de maladies : maladie de Parkinson, diabète… Une différenciation en cellules neuronales, pancréatiques sécrétrices d’insuline, en hépatocytes, a, en effet, été obtenue chez la souris ou le rat. Restait un obstacle majeur : le contrôle de cette différenciation. Car les cellules ES sont tumorigènes, et des tératomes ont été observés après implantation chez les souris immunodéficientes… En 2003, des chercheurs de l’Institut Weizmann (Rehovot, Israël) montraient que la transplantation chez la souris de cellules embryonnaires humaines ou de porc, engagées dans une voie spécifique rénale mais non encore différenciées, éliminait ce risque : seules des cellules de néphron se développaient à l’exclusion de toute autre cellule [11]. Les prélèvements devaient être faits après 7 à 8 semaines de développement pour les embryons humains, et après 4 semaines de gestation chez le porc, définissant une fenêtre d’utilisation pour l’organogenèse. Le même groupe a poursuivi cette recherche de l’âge optimal pour faire le prélèvement. Trois critères doivent être pris en compte : l’absence de risque de tératome, la capacité maximale de croissance et de différenciation, et, enfin, l’importance de la réaction immunitaire du receveur, d’autant plus faible que le prélèvement est plus précoce. Le travail a été étendu aux précurseurs du foie, du pancréas et du poumon [12]. Utilisant les cellules embryonnaires de porc implantées chez la souris, les auteurs ont constaté que les fenêtres utiles varient selon les tissus. Les précurseurs hépatiques sont les plus précoces ; à partir de J28, ces cellules se différencient uniquement en hépatocytes, quel que soit leur site d’implantation et sécrètent une albumine de porc quelques semaines plus tard. On observe ensuite une détérioration rapide de cette capacité, nette encore à J42, très diminuée à J56. La différenciation des précurseurs pancréatiques est légèrement postérieure. Là aussi, le risque de tératome est écarté à J28, mais la sécrétion maximale d’insuline n’est observée qu’entre J42 et J56, définissant une autre fenêtre d’efficacité. Quant aux précurseurs de tissu pulmonaire, ils semblent ne se différencier que tardivement, après J56. Le potentiel tératogène est prolongé, la mise en évidence d’une spécificité tissulaire est, dans ce cas, non pas une sécrétion, mais une vérification histologique. Il est intéressant de voir que la succession de ces fenêtres dans le temps est en corrélation avec la chronologie du développement embryonnaire normal, où foie et pancréas précèdent le poumon. Comment expliquer ces différences ? Par la proportion relative, selon les tissus, de cellules pluripotentes ou déjà engagées ? Par l’expression différente de cellules stromales et leur action potentiellement restrictive ? Même si une faisabilité de transplantation a été démontrée, la recherche est loin d’être terminée. Des données quantitatives, des évaluations de l’immunosuppression nécessaire devront être définies chez de gros animaux avant toute application clinique. Sera-t-il possible, chez l’homme, de franchir les barrières d’espèce [13] ?
Création d’un vaccin antirougeoleux protégeant contre l’encéphalite liée au virus West Nile
Le vaccin antirougeoleux correspondant à une souche vivante atténuée - la souche Schwarz - est l’un des vaccins les plus sûrs et les plus efficaces. C’est donc un bon candidat de vecteur vaccinal exprimant un antigène hétérologue. Un système de génétique inverse a été engendré, permettant de produire un virus de la rougeole recombinant avec du matériel génétique étranger. Le virus West Nile est un flavivirus transmis par le moustique, responsable d’épidémies d’encéphalite aux États-Unis. La construction d’un vaccin recombinant de la souche Schwarz exprimant la forme sécrétée de la glycoprotéine d’enveloppe E provenant d’une souche virulente de virus West Nile a été étudiée (MVSchw-sEwnv). Les souris exprimant CD46 (récepteur du virus de la rougeole) et déficientes pour le récepteur de l’interféron (CD46-IFNAR) sont sensibles au virus de la rougeole, malgré une immunité cellulaire et humorale normale, ainsi qu’aux encéphalites à flavivirus. Ces souris ont été inoculées avec le vaccin recombinant à deux doses différentes. Un mois après l’inoculation, chaque groupe a reçu une deuxième dose identique. Des souris témoins ont été inoculées avec le vaccin antirougeoleux. L’inoculation avec le vaccin recombinant induit des anticorps dirigés contre la glycoprotéine E ayant une activité neutralisante, et la deuxième injection à un mois permet de majorer les titres de 12,5 à 18 fois. Un mois après deux doses vaccinales de vaccin recombinant, elles sont inoculées avec une dose létale de virus West Nile. Alors que les témoins ayant reçu le vaccin antirougeoleux seul meurent à la suite de l’injection du virus West Nile, la morbidité et la mortalité chez les souris ayant reçu le vaccin recombinant est nulle. Elles possèdent bien des anticorps puisque l’administration passive de leur sérum confère à des souris BALB/c une immunité protégeant de la survenue d’une encéphalite à flavivirus après l’injection d’une dose létale de virus 24 heures suivant l’injection de sérum. La réponse humorale joue donc un rôle majeur dans la protection contre l’infection à West Nile et les anticorps neutralisants produits après vaccination par le vaccin recombinant protègent efficacement les souris contre des doses létales de virus West Nile.
Le couple hepcidine-ferroportine : une boucle homéostatique ?
Les protéines contrôlant l’homéostasie du fer ont fait l’objet de multiples travaux ces dernières années. L’hepcidine est une courte hormone peptidique sécrétée par le foie. L’ invalidation de son gène chez la souris induit une surcharge martiale [15], sa surexpression chez l’animal transgénique se traduit par une anémie ferriprive [16]. Des perturbations physiopathologiques comme l’hypoxie, l’anémie, les processus inflammatoires retentissent sur l’expression du gène codant pour l’hepcidine [17]. Hormone régulatrice du fer, elle contrôle son absorption au niveau intestinal, son recyclage à partir de l’hémoglobine par les macrophages et, à travers le placenta, le transfert du fer maternel au foetus [18]. À l’heure actuelle, la ferroportine (Fnp) est la seule protéine connue comme exportatrice du fer à partir des cellules vers la circulation, où il est capté par la transferrine. Son identification a été faite chez le poisson zèbre [19], mais la Fnp est présente aussi chez des mammifères. Les relations entre hepcidine et Fnp méritaient donc d’être analysées. Une équipe de l’University of California (Los Angeles, CA, États-Unis) vient de présenter une série d’expériences suggérant l’interaction de ces protéines : fixation de la Fnp par l’hepcidine, suivie de son internalisation, puis de sa dégradation [20]. Ils ont utilisé une lignée cellulaire stable, exprimant la Fnp. Couplée à la GFP par son extrémité carboxyterminale, elle est sous le contrôle d’un promoteur inductible par la ponastérone (un système d’expression génique induite par l’ecdysone). Cette Fnp-GFP est fonctionnelle puisque la mesure d’une surchage en fer montre qu’elle est inhibée quand il y a induction simultanée de la Fnp-GFP. L’ajout d’hepcidine à la culture cellulaire modifie la distribution de la Fnp-GFP de la surface vers l’intérieur de la cellule. Cette internalisation est spécifique, et n’est obtenue ni avec un autre peptide cationique, ni avec une hepcidine partiellement amputée. L’hepcidine n’a pas d’action équivalente sur un autre récepteur de surface, l’EGF-R. Par l’emploi d’une hepcidine marquée à l’125I, les auteurs ont montré une liaison directe entre hepcidine et Fnp, cette dernière étant ensuite dégradée dans les lysosomes, où est observée sa colocalisation avec Lamp-1, qui est un marqueur lysosomal. L’augmentation du fer par recyclage des globules rouges ou absorption intestinale stimule l’hepcidine. L’hepcidine circulante se fixe alors sur la Fnp, contrôlant la concentration en fer à la surface cellulaire. L’absorption du fer pour la synthèse des précurseurs érythrocytaires restaure en permanence le système. Cette régulation post-traductionnelle, couplage de l’internalisation de la Fnp et du taux de l’hepcidine, formerait donc une boucle homéostatique. Elle interviendrait dans différents dérèglements : hémochromatoses (avec diminution de l’hepcidine), anémies inflammatoires (où l’excès d’hepcidine stimulée par les cytokines réduit l’apport de fer pour l’érythropoïèse). Une connaissance détaillée des interactions hepcidine-Fnp pourrait peut-être fournir de nouvelles cibles au traitement des carences martiales.
Le cerveau de la dame de Flores
La découverte, dans l’île de Flores en Indonésie, d’ossements miniatures, témoins d’un groupe du genre Homo qui aurait coexisté avec Homo sapiens ((→) m/s 2004, n° 12, p. 1161) a suscité de nombreuses réserves. Ne s’agissait-il pas plutôt (en particulier pour le squelette du spécimen LB1, le mieux conservé et dont la boîte crânienne avait été retrouvée presque intacte) d’un Homo sapiens pathologique et microcéphale [21] ? D’autant que les outils retrouvés aux alentours faisaient supposer une habileté et une intelligence déjà développées. Une reconstitution de la boîte crânienne et de son contenu par tomographie informatisée (volume, forme, sillons, vaisseaux, sinus) a été réalisée pour le spécimen LB1 à l’hôpital de Jakarta (Indonésie) [22]. Le cerveau virtuel a été comparé à celui de divers sujets : chimpanzé femelle, femme de l’espèce Homo erectus, femme microcéphale. D’autres comparaisons ont été faites avec des contenus cérébraux de Pygmées, d’Australopithèques, de Paranthropus aetiopicus, et de gorilles. Les études morphométriques démontrent que le cerveau d’Homo floresiensis ne correspond ni à celui d’un microcéphale, ni à celui d’un Pygmée. Bien que le rapport tête/corps se rapproche de celui des Australopithèques, la morphologie externe de ce cerveau ressemble à celle du cerveau d’Homo erectus, mais en mieux si l’on peut dire. Les circonvolutions des lobes frontaux et temporaux associées habituellement aux régions du langage et de l’audition sont en effet plus développées, en particulier la région 10 de Brodmann impliquée dans les prises de décision et la capacité d’anticipation [23]. Il s’agit donc d’une version miniaturisée de cerveau d’Homo erectus ou d’Homo sapiens. La taille n’étant pas obligatoirement un critère de qualité, il apparaît logique de supposer qu’Homo floresiensis était capable de fabriquer les outils sophistiqués retrouvés dans la grotte autour de lui. Les recherches doivent se poursuivre et tout serait parfait si la bataille ne faisait rage entre divers groupes de recherche pour la possession et l’utilisation de ces précieux ossements qui devraient en principe être restitués au Centre d’archéologie de Jakarta [24].
Hypocholestérolémie résultant de mutations d’une protéase sérique
Le récepteur des LDL (low density lipoproteins) empêche l’artériosclérose et l’hypercholestérolémie en retirant les LDL de la circulation. Des mutations dans le gène codant pour le récepteur des LDL (LDLR), ou pour son ligand, APOB, entraînent une hypercholestérolémie. Certaines mutations de PCSK9 (proprotein convertase subtilisin/kexin type 9 serine protease) ont les mêmes conséquences [25]. Cette glycoprotéine, encore appelée NARC-1 (neural apoptosis-regulated convertase1) est exprimée surtout dans le foie, l’intestin grêle et les reins. Elle effectue un clivage autocatalytique qui la rend enzymatiquement active. Bien qu’on ne connaisse pas encore le substrat de PCSK9, on sait que des mutations faux-sens de cette protéase sérique provoquent une hypercholestérolémie en réduisant le nombre des LDLR, et que ces mutations correspondent à un gain de fonction. Parallèlement, il a été montré que, chez la souris, une surexpression de PCSK9 hépatique provoque aussi une hypercholestérolémie. Il était donc logique de supposer qu’à l’inverse, les mutations inactivantes avaient le pouvoir d’abaisser le cholestérol. Or, dans une étude multicentrique réalisée dans le comté de Dallas (États-Unis), un groupe de chercheurs avait observé que des sujets d’origine africaine présentaient des taux de cholestérol particulièrement bas [26]. La région codante de PCSK9 a donc été séquencée chez 128 sujets avec hypocholestérolémie, dont 50% d’origine africaine. Deux mutations ont été trouvées : Y142X correspondant à une substitution 426C → G et C679X correspondant à une substitution 2037C → A [27]. Elles se retrouvent dans la population américaine d’origine africaine avec une fréquence combinée de 2 %. La recherche fut poursuivie dans des formes familiales d’hypocholestérolémie (avec au moins deux membres atteints). Les résultats montrent qu’elle ne sont pas observées dans les familles d’origine européenne (au nombre de 57) alors qu’une famille d’origine africaine (sur 6 étudiées) avait une mutation Y142X. L’analyse moléculaire de la région située autour de PCSK9 (avec 59 SNP) montre que les sujets porteurs de l’allèle 426G ont un haplotyte identique, de même que les porteurs de l’allèle 2037A. Donc, selon toute probabilité, chacun de ces deux allèles a dû être hérité d’un ancêtre commun. Fait intéressant, la mutation 2037A se retrouve avec la même fréquence (1,4 %) en Afrique dans un échantillon de 549 Nigériens (d’une communauté rurale parlant le Yoruba). Des études plus précises doivent être poursuivies au Niger et dans d’autres pays africains, mais, dès à présent, on a pu observer que l’haplotype accompagnant la mutation 2037A n’est pas particulièrement fréquent (en l’absence de la mutation) dans la population africaine à cholestérol normal. Si une pression de sélection s’est exercée en faveur de ces mutations, on ne peut qu’émettre des hypothèses pour essayer d’en expliquer la cause. LDLR serait le site d’entrée de certains virus (rhinovirus, virus de l’hépatite C) dans les hépatocytes. Une diminution de celui-ci pourrait peut-être réduire l’exposition des tissus à des organismes ou à des cytosines associées aux LDL et protéger ainsi les sujets qui en sont porteurs.
Appendices
Références
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