Volume 38, Number 1, Spring 2010 Le Groupe μ entre rhétorique et sémiotique Guest-edited by Sémir Badir and Maria Giulia Dondero
Table of contents (11 articles)
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Présentation : le Groupe µ entre rhétorique et sémiotique. Archéologie et perspectives
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Éléments pour une biographie du Groupe µ
Sémir Badir
pp. 9–18
AbstractFR:
Comme aujourd’hui les politiques de la recherche mettent en valeur le travail collectif et interdisciplinaire, le parcours intellectuel du Groupe µ, long et étoffé, est susceptible d’être pris en exemple. Pour commencer, la présente étude éclaire les années de formation et d’identification du groupe, à la fin des années 1960. Elle retrace ensuite la réflexion parcourue en délimitant quatre périodes dans la chronologie des publications. Finalement, elle interroge les caractéristiques épistémologiques d’une recherche collective dans un secteur – celui de la nouvelle rhétorique – que cette recherche a contribué, pour une large part, à définir, mettant en avant ses positionnements programmatiques, gnoséologiques et paradigmatiques.
EN:
As research policies nowadays favour collective interdisciplinary work, the intellectual course, long and rich, of the Groupe µ can be taken in example. To begin, this study sheds light on the years of formation and identification of the group, in the late 60s. It then traces in the intellectual ground by defining four periods in the chronology of its bibliography. Finally, it inquires the epistemological characteristics of a collective research in an area – that is, the new rhetoric – that such a research has contributed, in large part, to define, highlighting its programmatic, gnoseological and paradigmatic positionings.
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Pour une théorie générale des figures
Michel Meyer
pp. 19–25
AbstractFR:
La théorie des figures a-t-elle une rationalité sous-jacente ? Où la trouver ? La problématologie ou théorie du questionnement est la clé de ce problème. Sa dette à l’égard du Groupe µ tient à la mise en évidence de quatre opérations fondamentales : le =, le ±, le +, et le –, ou répétition-substitution, modification, ajout et négation. On les retrouve dans les figures de langage et les figures de pensée, celles-ci devant traduire une problématicité qui va de la plus faible, avec les figures de son, à la plus forte, avec les figures de pensée, où le problème est dit mais comme résolu.
EN:
Do the figures of speech present an underlying rationality? If so, where can we find it? Problematology (or theory of questioning) is the key to answer those questions. It owes a great deal to the Groupe µ, who has put forth four cardinal operations: =, ±, +, –, or repetition (substitution), modification (like amplification), addition and negation. We find those operations in the figures of language and the figures of thought. Problematicity increase from figures of sound to figures of grammatical modifications, from tropes to figures of thought, in which the problem cannot be erased and is therefore mentioned as such (while said to be solved, denied or minimized).
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Rhétorique et économie des images
Jean-François Bordron
pp. 27–39
AbstractFR:
Nous essayons de dégager quatre niveaux d’analyse propres à définir une sémiotique, en ayant plus spécifiquement en vue la sémiotique des images. À un premier niveau, une image peut être comprise comme une composition de parties, la rhétorique jouant sur les déplacements et condensations que cette structure autorise. À un deuxième niveau, l’image offre des faits de liaison, d’une tout autre nature, dont nous illustrons quelques possibilités et que nous cherchons à comprendre en la comparant avec la prédication linguistique. Ces deux niveaux entrent plus ou moins en résonance avec des hypothèses de nature ontologique qui forment un troisième niveau. Ce dernier point se comprend mieux si l’on remarque que, quelle que soit l’ontologie postulée, il s’agit finalement de comprendre comment des multiplicités peuvent être données dans des unités, ce qui, en un certain sens, est aussi un problème de liaison. Finalement, nous essayons de montrer pourquoi toute image s’inscrit dans ce que l’on peut appeler une économie. Quatre niveaux d’analyse se dégagent ainsi : des compositions méréologiques, des liaisons prédicatives, des horizons ontologiques et une économie.
EN:
I attempt to distinguish four levels of organization in semiotic analysis of icons. The first level is mereological level, organizing composition of rhetorical argumentation and figures. The second level is the predicative structure. The third level is given by ontological hypothesis, the last one by economical configuration.
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Rhétorique des figures visuelles et argumentation par images dans le discours scientifique
Maria Giulia Dondero
pp. 41–53
AbstractFR:
Notre propos consiste à comparer une rhétorique des figures visuelles, comme nous l’a proposée le Groupe µ dans son Traité du signe visuel (1992), avec une rhétorique de l’argumentation par images – qui, bien que beaucoup moins connue, a produit un certain nombre d’études au sein de la sémiotique du discours d’inspiration greimassienne. Cette dernière approche vise à dépasser l’étude du trope en tant que figure locale allotopique et à rendre compte des enjeux argumentatifs produits par la disposition et l’enchaînement discursifs d’images et textes verbaux à l’échelle du discours. Si les effets rhétoriques ont souvent été étudiés sur des ouvrages artistiques, notre objectif est de nous interroger sur le syncrétisme du discours scientifique. Notre étude se termine en fait par une analyse de l’iconographie des trous noirs dans un ouvrage de vulgarisation scientifique d’astrophysique.
EN:
In this essay I compare two semiotic perspectives on visual rhetoric: the first one named rhetoric of visual figures is elaborated by Groupe µ in his Traité du signe visuel (1992) and the second one, named visual argumentation, is the product of semiotics of discourse (École de Paris). The one concerns the rhetoric figure as a deviation from a cultural rule, the other one concerns the argumentation produced by the disposition of visual and verbal texts in a syncretic discourse. The discourse taken into account in this essay is the scientific one and my analysis focuses on the black holes’ iconography in astrophysics popular literature.
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Sémiotique et rhétorique musicales : la Fantaisie en ré mineur de Mozart
Nicolas Meeùs and Jean-Pierre Bartoli
pp. 55–64
AbstractFR:
La Fantaisie KV 397 est examinée ici de deux points de vue différents mais complémentaires.La première approche est d’ordre analytique, inspirée par les travaux d’Heinrich Schenker (1868-1935) qui, dès 1930, avait anticipé dans le domaine de l’analyse musicale les concepts de la grammaire générative, décrivant l’oeuvre musicale comme le déploiement d’une structure profonde qu’il appelait Ursatz, « structure originelle ». Malgré la variété inhérente à l’écriture d’une Fantaisie, cette oeuvre manifeste une unité profonde dans le fait que chacune des parties dérive de la même structure originelle. La deuxième approche envisage la même oeuvre du point de vue d’une rhétorique générale inspirée du Groupe µ, mais aussi des théories de Leonard Meyer (1918-2007). L’oeuvre est examinée ici en fonction de processus de création d’attentes, de ruptures d’isotopie, puis de résolution des attentes, de réévaluations proversives et rétroversives, ainsi que de la mise en oeuvre de catégories stylistiques établies (cantabile, tutti orchestral, antécédent/conséquent). Les deux analyses décrivent, chacune à sa manière, une intrigue proprement musicale, qui ne pourrait être traitée efficacement par une étude de type narratologique : les caractéristiques techniques de l’écriture mozartienne indiquent pourquoi l’oeuvre est demeurée inachevée.
EN:
The Fantasy KV 397 is examined from two distinct but complementary points of view. The first approach is analytic, inspired by the work of Heinrich Schenker (1868-1935) who, as early as 1930, had anticipated in the realm of music analysis some concepts of generative grammar, describing the musical work as the unfolding of a deep structure that he called Ursatz, “original structure”. Despite the diversity inherent in the writing of a Fantasy, this work evidences a deep unity arising from the fact that each of its parts derives from the same original structure. The second approach considers the same work from the point of view of a general rhetoric inspired by the Groupe µ, but also by theories of Leonard Meyer (1918-2007). The work is confronted here to processes of the creation of expectations, of the breaking of isotopies, of the realization of the implications, of proversive and retroversive reevaluations, as well as to the implementation of known stylistic categories (cantabile, orchestral tutti, antecedent/consequent). Both analyses, each in its own way, describe a purely musical plot that could not effectively be treated by a narratological study: technical characteristics of Mozart’s writing indicate why the work remained unfinished.
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La rhétorique des figures : entre formalisme et énonciation
Marc Bonhomme
pp. 65–74
AbstractFR:
Depuis toujours, la rhétorique des figures a oscillé entre deux pôles qu’elle a eu du mal à harmoniser : d’une part, celui du formalisme qui voit en elles des tournures plus ou moins remarquables ; d’autre part, celui de l’énonciation qui les considère comme des points d’ancrage privilégiés de l’engagement de leurs producteurs. En premier lieu, cet article dresse un bilan critique sur ce statut instable des figures. Après avoir mis en évidence la gestion inégale entre structure et expression figurale chez divers théoriciens, cette étude analyse l’apport du Groupe µ dans la constitution d’une rhétorique intégrée qui concilie le donné sémiotique des figures et leur actualisation en discours. En second lieu, dans le prolongement des travaux du Groupe µ et à partir du cas typique de l’oxymore, un plaidoyer est formulé sur la nécessité de voir, dans les figures, des structures discursives modelées par leur prise en charge énonciative. Comme le montre l’oxymore, si les figures sont des schèmes saillants, ceux-ci sont façonnés par les motivations des sujets communicants.
EN:
The rhetoric of figures has always oscillated between two poles which could hardly be harmonized: On the one hand, the pole of formalism, which considers figures as more or less striking expressions. On the other hand, the pole of enunciation, which considers them as privileged cornerstones of its producers’ point of view. First of all, this article draws up a critical balance sheet of this unstable status of figures. After emphasizing the unequal management of figurative structure and expression by several theorists, this study analyses the contribution of the Groupe µ to the constitution of an integrated rhetoric which reconciles the semiotic content of figures and their realization in speech. Secondly, following the same lines as the studies of the Groupe µ and falling back on the typical case of the oxymoron, we will formulate a plea about the necessity of seeing in the figures discourse structures which are modelled by their enunciative value. As it is illustrated through the oxymoron, if figures are salient schemata, these are shaped by the motivations of the communicating subjects.
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L’interaction métaphorique : une grandeur algébrique
Michele Prandi
pp. 75–84
AbstractFR:
Il y a beaucoup de théories de la métaphore, et la raison est que la métaphore a une source unique, mais elle admet plusieurs issues différenciées, même opposées. À la différence d’une métonymie, qui relie des concepts saturés dans une relation cohérente, une métaphore naît du transfert d’un concept dans un domaine étranger. Le transfert provoque une interaction entre deux concepts qui se disputent le même objet : un sujet primaire et un sujet subsidiaire. Or, l’interaction est une grandeur algébrique, qui admet un solde négatif, un solde nul et un solde positif. Le solde négatif correspond à la catachrèse lexicale : le sujet subsidiaire se plie au profil conceptuel cohérent du sujet primaire. Le solde nul correspond à la substitution : le sujet primaire remplace le sujet subsidiaire, et toute interaction est bloquée. Le solde positif correspond à la projection : le sujet subsidiaire est projeté sur le sujet primaire ; de ce fait, il met en question son profil conceptuel et le redessine. La projection est une grandeur graduée, qui s’étend de l’activation de stéréotypes routiniers ou d’analogies évidentes jusqu’aux issues les plus surprenantes. À l’intérieur de ce continuum, le seuil critique est représenté par la condition de cohérence conceptuelle, qui sépare les concepts métaphoriques partagés, c’est-à-dire les « métaphores de la vie quotidienne », des métaphores vives et conflictuelles.
EN:
A metaphor has one source and many different, even opposite issues. The source is the transfer of a concept into a strange conceptual domain and the interaction between two incompatible concepts, that is, the primary subject and the subsidiary subject. The issues are different because interaction is an algebraic magnitude, which admits both a negative, a null and a positive balance. Negative balance is documented by lexical catachresis: the primary subject plies the strange subsidiary subject to its conceptual profile. Null balance is documented by substitution: the primary subject replaces the subsidiary one, and no interaction takes place. Positive balance is documented by projection: the subsidiary subject is projected onto the primary one, both challenging its conceptual profile and reshaping it. Projection is a matter of degree, spanning from the activation of trivial stereotypes or overt analogies to the most surprising issues. Within this continuum, a critical threshold is provided by the requirement of consistency, which keeps apart shared metaphorical concepts, that is, “metaphors we live by”, and conflictual creative metaphors.
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Les travaux du Groupe µ : amers pour la stylistique ?
Madeleine Frédéric
pp. 85–93
AbstractFR:
Les travaux du Groupe µ fournissent de précieux repères au stylisticien. On se propose de rappeler quelques champs dans lesquels ils ont pu fonctionner comme autant de balises : redéfinition de la stylistique, étude de l’énumération, stylistique des isotopies, élargissement du rythme, apport de la notion de tabularité.
EN:
The works of the Groupe µ provide valuable benchmarks to the stylistician. I intend to recall a few points in which they have operated like markers: redefinition of the stylistic, study of the enumeration, stylistic of isotopies, expansion of the rhythm, contribution of tabularity concept.
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Constanza Camelo Suarez
Hors dossier
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Le brouillage des frontières énonciatives dans la presse écrite
Danielle Forget and María Dolores Vivero García
pp. 105–110
AbstractFR:
Entre le discours rapporté et la représentation des opinions et des émotions dans les articles journalistiques, on peut observer des zones floues. Cet article vise à analyser ces zones frontières à partir d’un corpus d’articles tirés de la presse espagnole et québécoise. Sur le plan conceptuel, nous distinguons entre la construction d’un foyer énonciatif (FE) non assumé directement par le locuteur primaire et la construction de ce que nous appelons un foyer de conscience (FC) non assimilé au locuteur primaire. Nous établissons quatre catégories de phénomènes dans le discours journalistique. Ces catégories sont mises en relation avec les stratégies discursives correspondantes.
EN:
Between reported speech and the representation of opinions and emotions in newspaper articles a hazy zone can be detected. The aim of this paper is to examine these border zones in the Spanish and Quebecois press respectively. Conceptually, we distinguish between the construction of an enunciation source not directly assumed by the primary speaker on one hand and on the other the construction of what we shall call conscience source different from the primary speaker. We have identified four different categories of phenomena in the journalistic discourse. These categories were also designed with relation to the different corresponding discursive strategies.