Recensions

Contestation et mondialisation. Repenser la culture et la communication sous la direction de David R. Cameron et Janice Gross Stein, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2003, 218 p.[Record]

  • Paul Ghils

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  • Paul Ghils
    Haute École de Bruxelles/ISTI

Traduction française du texte original anglais paru en 2001, cet ouvrage collectif fait le bilan d’un projet de recherche financé par le gouvernement canadien et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, projet qui fut pris en charge par une équipe de politologues et de sociologues attachés à plusieurs universités canadiennes. Contre la tendance prédominante du courant transnationaliste qui entrevoit le dépérissement de l’État postindustriel, les auteurs soumettent à une nouvelle analyse les différentes configurations qui s’offrent à l’État à la faveur de la transformation de divers contextes sociaux et culturels. Les contraintes de la mondialisation, qui s’exercent principalement dans l’ordre économique, laisseraient aux États des marges de manoeuvre non négligeables. Du reste, David R. Cameron et Janice Gross Stein rappellent, en introduction, que la mondialisation en cours n’est pas nouvelle et retrouve à peine le niveau qui était celui de la fin du xixe siècle si on le mesure à l’aune de la mobilité des migrants, des biens et des capitaux. Le phénomène paraît du même coup réversible. Certes, il comporte des dimensions sociales et culturelles nouvelles dont les caractéristiques paradoxales sont d’être à la fois riches de potentialités et lourdes de contraintes. Mais le paradoxe porte par ailleurs sur l’interdépendance des facteurs mondialisants, où l’on voit que l’innovation technologique, les mutations socioculturelles, l’expansion du savoir et le dynamisme économique influent les uns sur les autres à l’intérieur d’espaces et de réseaux déterritorialisés. Il révèle aussi un mouvement de personnalisation des besoins, de diversification des choix, mais aussi d’accroissement des inégalités de revenus à l’intérieur des sociétés comme entre ces dernières. Alors que les frontières politiques se trouvent débordées et que l’égalité des situations n’est plus assurée aux populations par des mouvements migratoires à grande échelle, les inégalités entre les pays s’accentuent et la construction de la citoyenneté perd en extension ce qu’elle gagne en profondeur, selon la diversité des choix effectués par les États dont s’affirme le rôle médiateur. Toutefois, avertissent les auteurs, ces nouvelles orientations ne pourront être valorisées, aux niveaux local et mondial, que dans la mesure où les institutions politiques restaureront leur représentativité et leur légitimité. Cette dernière exigence, requise par l’affaiblissement de l’allégeance aux États instrumentalisés, elle-même liée à l’effacement des identités nationales, pourrait cependant être prise de vitesse par la construction de structures de représentation mondiales. Il est donc urgent de redéfinir les fondements de la légitimité étatique et la nature des projets nationaux si l’on veut éviter que l’État ne continue de se vider de sa substance et ne perde toute capacité d’intégrer ses propres composantes sociales et culturelles, donc de s’acquitter de ses obligations dans le cadre du contrat social, même si, paradoxalement, on ne constate aucune réduction quantitative des budgets nationaux. L’enjeu est considérable si, comme le soutiennent les auteurs, l’État reste en fin de compte le lieu le plus indiqué d’une telle refondation. Car c’est à lui que reviendra la responsabilité de gérer en permanence les tensions qui parcourent les sociétés jusque dans leur dimension planétaire, dans la mesure où les acteurs économiques privés demeurent sans responsabilité et où les institutions internationales n’offrent elles-mêmes que les rudiments des garanties juridiques et politiques d’un ordre civil et politique démocratique — et ne sauraient par conséquent faire l’économie de l’État. Au chapitre de l’économie des loisirs, John Hannigan repère ce même paradoxe qui conjugue, d’une part, l’uniformisation culturelle appuyée par les enjeux économiques du secteur et le pouvoir symbolique qui s’attache à une culture planétaire, et, d’autre part, les initiatives prises par les États en faveur des cultures locales contre l’emprise régulatrice du courant planétaire. La Toile n’échappe …