FR:

Il est courant d’entendre, notamment dans les discours managériaux, l’annonce d’un détachement des jeunes vis-à-vis du travail. Qu’en est-il? À partir des données d’une enquête récente par entretiens conduite en France auprès de 60 jeunes de moins de 30 ans, de niveau baccalauréat ou supérieur, ne s’apparentant ni à des « vainqueurs » ni aux jeunes les plus vulnérables, cet article entend apporter des éléments de réponse à cette question. Ce faisant, il prolonge, en les complétant, les acquis des recherches qui documentent, à distance des idées reçues, les attitudes des jeunes au travail. L’article se donne ainsi pour objet de saisir des rapports au travail concrets tels qu’ils permettent de comprendre la place du travail dans des expériences et des biographies. Les entretiens révèlent des jeunes disposés à travailler sous encadrement hiérarchique ou à supporter des conditions de travail et/ou d’emploi parfois dures. Ils apparaissent en effet en quête d’une place, alors que d’une manière plus large, le travail est projeté comme un passeport pour l’autonomie.

EN:

It is often said, especially by those in management, that young people lack commitment to work. Based on a recent study conducted in France involving interviews with 60 individuals under the age of 30 who have obtained at least a secondary school diploma (baccalauréat) and who are neither “high fliers” nor particularly vulnerable, this article sets out to assess the truth of such claims. Drawing and building on already published research, the analysis pushes beyond conventional ideas to provide a more comprehensive view of youth attitudes towards work. It therefore aims to gain a deeper understanding of young people’s concrete relationships with work by examining their work experiences and career strategies. The interview data show that young people are prepared to work within a hierarchical management structure and, on occasion, to tolerate difficult working conditions and unfavourable terms of employment. All things considered, they appear interested in finding a place in the professional world, especially insofar as work is commonly seen as a pathway to autonomy.

FR:

Le travail occupe une place importante dans la vie des sociétés et des individus, notamment en tant que vecteur d’intégration sociale et source d’identité, en dépit de contextes historiques de précarisation de l’emploi. Les recherches et comparaisons internationales sur les rapports des jeunes au travail sont nombreuses, mais tendent à offrir une image peu diversifiée de la jeunesse. Cet article se focalise sur les spécificités des rapports au travail des jeunes en situation de vulnérabilité, ce qui conduit à interroger les processus par lesquels ils développent leur agentivité. En effet, l’analyse qualitative inductive et la mise en perspective internationale systématique d’entretiens individuels réalisés auprès de jeunes en situation de vulnérabilité sur le marché du travail (décrocheurs, immigrants, autochtones, ruraux, surqualifiés) au Québec et en France montrent que l’activité professionnelle reste importante pour eux et constitue une plaque tournante autour de laquelle la vie se structure et prend du sens. L’inactivité est très mal vécue par ces jeunes et provoque plutôt un positionnement critique vis-à-vis de l’aide sociale. De plus, s’ils sont fortement touchés par la précarité matérielle, et si l’aspect financier reste prédominant parmi les raisons les incitant à travailler, celui-ci touche toutefois des dimensions variées. Enfin, malgré de lourdes épreuves vécues, les jeunes décrivent plutôt avec pragmatisme et optimisme le marché du travail.

EN:

Work plays an important role in the lives of both societies and individuals. It serves as both a means for social integration and a source of identity, notwithstanding historical contexts marked by precarious employment. Whereas much international research and many comparative studies have addressed young people’s relationship to work, the existing literature tends to paint a rather uniform picture of youth. This article begins with a focus on the unique aspects of the relationship to work among vulnerable youth, which leads to an exploration of the processes by which these individuals develop agency. Coupled with inductive qualitative analysis, the systematic international perspective provided by interviews conducted with vulnerable youth (dropouts, immigrants, Indigenous persons, rural residents, and overqualified individuals) in Quebec and France shows that labour market participation not only remains important to these youth but constitutes a hub around which their lives acquire structure and meaning. They experience inactivity very negatively and express strong criticism of social assistance. Although vulnerable youth are acutely affected by material insecurity and often cite the desire to earn money as a reason for working, financial considerations remain complex by involving a variety of dimensions. Finally, despite the hardships they experience, young people tend to describe the labour market in pragmatic and optimistic terms.

FR:

Cet article interroge l’évolution du rapport au travail des jeunes français dans un contexte marqué par une relative instabilité des normes d’emploi et une détérioration des conditions d’entrée sur le marché du travail. L’étude du rapport au travail invite à la prise en compte de dimensions objectives de « qualité d’emploi », et de dimensions plus subjectives d’appréciation relative aux parcours, à la situation de travail, aux priorités accordées à la vie professionnelle au regard des autres sphères de la vie sociale. L’analyse de l’évolution du rapport au travail procède de deux entrées complémentaires. À partir des enquêtes Génération du Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications), la première interroge les représentations et leurs évolutions au fil des générations, à 18 ans d’intervalle. La seconde poursuit l’analyse à l’échelle d’une seule cohorte de jeunes, observés sur 7 années de vie active afin de cerner un éventuel effet d’âge. Ce dernier est appréhendé à partir du parcours de vie des individus, des évolutions qui l’accompagnent, des contextes et expériences de travail, des changements et étapes d’entrée dans la vie adulte, des origines sociales ou encore du genre. L'étude menée permet d’identifier quatre classes de jeunes entretenant un rapport subjectif différencié au travail, oscillant entre des formes de satisfaction ou de résignation dans l’appréciation de la situation de travail, de promotion ou de déclassement, même si pour autant l’optimisme par rapport à l’avenir est de mise pour une grande majorité des jeunes.

EN:

This article examines the evolving relationship to work among French youth, in the context of relatively unstable employment and deteriorating conditions for entry-level employees. It explores the objective dimensions of work (such as job quality), and more subjective considerations related to career paths, work situations, and professional or social priorities. The study draws on two complementary sources. The generational surveys conducted by the Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) have allowed us to examine how representations of work shifted across an 18-year span. Meanwhile, data related to a single cohort of young people over seven years of their working life have allowed us to assess the effect of age. We explore the latter in terms of individual life and work experiences, the stages involved in the transition to adulthood, social background, and gender. Ultimately, the article identifies four categories of youth, each of which corresponds to a distinct and subjective relationship to work. These categories reflect various degrees of satisfaction and resignation in relation to work situations, setbacks, and opportunities for advancement. However, most young people remain optimistic about the future.

FR:

Cet article explore les évolutions des « rapports au travail » (Paugam, 2000; Longo, 2011; Longo et Bourdon, 2016) durant le processus de « socialisation professionnelle » (Hughes, 1996; Virgos, 2020) des jeunes animateurs dans les séquences temporelles relatives aux premières années d'exercice. Il s'appuie, pour ce faire, sur 17 cas issus d'entretiens compréhensifs menés dans le cadre d'une enquête de terrain ethnographique au sein de neuf structures d'animation jeunesse de l'unité urbaine de Toulouse (France). L'articulation entre analyse thématique et décomposition temporelle des récits consacrés au parcours dans l'animation permet une analyse intercas mettant en évidence quatre catégories de types d'évolution du rapport au travail chez les jeunes animateurs. Trois ingrédients centraux sont identifiés : conditions d'emploi et de travail; accès à la formation professionnelle; relations entretenues avec les responsables au sein de lieu de travail.

EN:

This article explores changes in the “relationship to work” (Paugam, 2000; Longo, 2011; Longo & Bourdon, 2016) among young entrants in the field of youth work across the stages of “professional socialization” (Hughes, 1996; Author 1, 2020) associated with the first years of practice. It explores the experiences of 17 young youth workers, based on comprehensive interviews conducted during ethnographic fieldwork carried out in nine youth services organizations based in the Toulouse region of France. A combination of thematic analysis and temporal bracketing supports cross-case analysis of the collected professional trajectory narratives, revealing a four-part typology of how young workers develop their relationship to work. The article identifies the three main factors at play as employment and working conditions, access to occupational training, and relationships with managers in the workplace.

FR:

Selon des études populationnelles, de 14 % à 19 % des jeunes adultes nord-américains sont susceptibles d’avoir été exposés, dans leur enfance, à de la violence conjugale chez leurs parents. Cette violence et les conséquences qui en découlent peuvent avoir une influence importante sur les autres trajectoires du parcours de vie des jeunes adultes, mais elles peuvent également être modulées par les autres expériences qui jalonnent ce parcours. La présente étude cherche à en savoir davantage sur les liens entre l’expérience d’exposition à la violence conjugale et les autres expériences présentent dans le parcours de vie des jeunes. Pour ce faire, l’étude s’appuie sur un devis qualitatif. Des entrevues semi-dirigées ont été menées auprès de 35 jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans et ayant été exposés à la violence conjugale dans leur enfance ou leur adolescence. La collecte de données était appuyée par une adaptation qualitative du calendrier historique de vie. L’analyse des données montre la superposition des différentes trajectoires qui constituent le parcours de vie des jeunes rencontrés, mais aussi la place importante de leur agentivité dans la façon dont les différentes expériences s’interinfluencent. En conclusion, lorsqu’on s’intéresse à l’exposition à la violence conjugale, il faut également s’intéresser au contexte de vie de l’individu exposé, tout autant qu’au sens que cet individu donne aux expériences vécues et aux actions qu’il choisit de poser.

EN:

Population surveys involving North American youth suggest that between 14% and 19% of young people are likely to have been exposed to intimate partner violence during childhood. Such violence and its aftermath can have a significant impact on the life course trajectories of young adults, although this impact can also be tempered or aggravated by other life experiences. Based on semi-structured interviews with 35 young adults between the ages of 18 and 25 who were exposed to intimate partner violence in childhood or adolescence, this qualitative study aims to learn more about the connections between such exposure and other life course experiences. An adapted Life History Calendar was used during data collection. In addition to highlighting the superposition of study participants’ life course trajectories, analysis of the data also demonstrates the importance of agency in determining how these trajectories influence each other. Studies on exposure to intimate partner violence therefore need to consider not only the life contexts of the young people involved, but also the meaning these individuals ascribe to their experiences and to the actions they decide to take.