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Introduction

Il faut admettre que nous connaissons plutôt mal les enseignants travaillant dans les écoles francophones en milieu minoritaire. Ceci étonne d'autant plus que la mission de ces écoles repose en grande partie sur l'action même des enseignants. Comment vivent-ils leur expérience d'enseignement? Quel sens donnent-ils à leur enseignement? Dans quelle mesure parviennent-ils à s'approprier la mission de ces écoles? Plus précisément, quelles représentations les enseignants se font-ils de leur travail, de leurs responsabilités et de leurs rapports avec les élèves? Autrement dit, quels sont les grands traits de leur «identité professionnelle?» Autant de questions auxquelles nous tentons d'apporter des éléments de réponses en partageant certaines «histoires» racontées par six enseignantes oeuvrant dans des écoles fransaskoises[1].

Après une brève revue de la mission des écoles francophones en milieu minoritaire et des besoins éducatifs des élèves, nous montrons l'importance du rôle qui revient aux enseignants qui oeuvrent dans un tel contexte. Puis, nous précisons ce qu'il faut entendre par identité professionnelle et nous justifions l'étude des histoires d'enseignantes ou narratologie en tant qu'objet et méthode de recherche (Clandinin et Connelly, 2000). Ensuite, nous explorons les grands traits de l'identité professionnelle de six enseignantes par l'intermédiaire des histoires qu'elles ont partagées avec nous. Enfin, nous discutons dans quelle mesure ces histoires, telles que les ont racontées et vécues ces enseignantes, leur permettent de répondre à l'ensemble des besoins éducatifs de leurs élèves. Nous concluons en suggérant de nouvelles pistes de recherche.

Mission de l'école francophone en milieu minoritaire et besoins éducatifs des élèves

La clientèle de l'école francophone en milieu minoritaire est celle des ayants droit tels que ce concept est défini par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Considérant le milieu de vie de cette clientèle, l'école minoritaire «est à la fois un lieu de scolarisation, un lieu de culturation, d'apprentissage de la langue et de transmission de la culture, un lieu de socialisation et un lieu de communalisation» (Bernard, 1997, p. 509). La mission de l'école francophone en milieu minoritaire est à la fois multiple et complexe. Comme toute autre école, elle doit scolariser les élèves qui la fréquentent. Mais en milieu minoritaire, l'école se voit également confier la tâche de franciser, voire de refranciser ses élèves et de développer chez eux un sentiment d'identité culturelle en tant que francophones et un sens d'appartenance communautaire (Ministère de l'Éducation de la Saskatchewan, 1996). L'école, avec la famille, doit assumer le rôle de balancier compensateur en regard d'une communauté où la vitalité ethnolinguistique est faible (Landry, 1993; Landry, Allard et Haché, 1998). À vrai dire, comme l'indique Bernard (1997), il semble bien qu'on demande à l'école de réussir «là où la famille et l'ensemble des communautés canadiennes-françaises éprouvent d'énormes difficultés» (p. 509).

Il faut saisir que l'école ne fait que tenter de répondre aux nombreux besoins éducatifs des élèves qu'elle dessert. Compte tenu du milieu anglo-dominant dans lequel ils vivent, ces derniers connaissent des besoins de plusieurs ordres: scolaire, langagier, culturel, communautaire et identitaire. Entre autres, les élèves ont besoin de vivre et d'enrichir leur langue non seulement dans le contexte de l'école, mais également dans tous les aspects du quotidien. Ils doivent pouvoir compter sur des modèles langagiers engagés dans la communauté et pouvoir disposer de ressources telles que des livres, des disques et des films en français (Levasseur-Ouimet, 1994, p. 22). Les élèves doivent apprendre à être fiers de leur langue telle que parlée dans leur communauté, et ils doivent aussi connaître les différents registres de la langue française et en maîtriser le code écrit (p. 23). De plus, ils doivent parvenir à une maîtrise de l'anglais (p. 28). Les élèves ont besoin d'occasions et de lieux pour vivre et célébrer leur culture, se réunir en famille et entre amis, s'exprimer et s'amuser en français (p. 15-16); ils ont besoin de connaître leur communauté, ses membres, son histoire et ses aspirations. Il leur faut apprendre à s'y engager en partageant leur temps et leurs talents (p. 8-14). Autrement dit, les élèves ont besoin de développer et d'apprendre à exprimer et à affirmer leur identité francophone tout en restant ouverts envers les autres groupes culturels (p. 8).

Ces différents besoins peuvent également être conçus en termes de littératies multiples. Ainsi, «il y a des littératies qui sont particulières à une communauté, des littératies qui sont individuelles et des littératies qui sont scolaires» (Masny, À paraître). Ces littératies forment «un ensemble d'habiletés [linguistiques, cognitives et socioculturelles], de comportements, d'attitudes et de valeurs liés à la culture; des façons de parler, de lire, d'écrire et d'agir [...] dans situations de communication authentiques, à l'oral et à l'écrit, dans divers textes et contextes» (Masny, cité dans Alberta Learning, 1999).

Ces besoins éducatifs sont d'autant plus marqués en Saskatchewan que les francophones y sont fortement minoritaires puisqu'ils constituent moins de 5% de la population. De plus, on y connaît un taux élevé de transfert linguistique (du français à l'anglais) et les mariages exogames ou biculturels sont la norme. Il est donc peu surprenant qu'«un fort pourcentage des jeunes francophones [qui arrivent à l'école] ont l'anglais comme langue d'usage à la maison» (Bernard, 1997, p. 516).

Importance de l'action des enseignants oeuvrant dans les écoles en milieu minoritaire

L'école francophone en milieu minoritaire est présentée par plusieurs comme «le pivot de la survivance» des communautés francophones vivant en milieu anglo-dominant. Ses chances de succès reposent en grande partie sur l'action même des enseignants (Hébert et Délorme, 1998; Duquette, 1993). En ce sens, on comprend Bordeleau quand il prétend qu'«enseigner, c'est participer au devenir de notre francophonie» (1995, p. 33). Dans un tel contexte, et compte tenu des besoins éducatifs des élèves, les attentes envers les enseignants qui oeuvrent à l'école minoritaire sont nombreuses. Ces derniers doivent maîtriser «la langue française tant à l'oral qu'à l'écrit, au point d'être pour les jeunes un modèle ou une référence» (p. 33). Ils doivent pouvoir agir en tant qu'agents «de transmission culturelle en sensibilisant progressivement les jeunes à une culture française vivante, dynamique et bien de notre temps» (p. 34). Ils doivent aussi «connaître et maîtriser les éléments d'une pédagogie pour le minoritaire» (p. 34) et pouvoir exercer un «leadership dans la défense et la promotion de la francophonie tant régionale que nationale» (p. 35).

Si les attentes exprimées envers les enseignants sont élevées, les défis auxquels ils ont à faire face sont souvent démesurés par rapport aux moyens mis à leur disposition (Bernard, 1997). En Saskatchewan, les parents n'ont obtenu la gestion de leurs écoles qu'en 1994. Depuis, il aura fallu tout mettre en place: personnel enseignant, administrateurs, programmes d'études, ressources pédagogiques et bâtiments. Il y existe maintenant douze écoles qui font partie de la Division scolaire francophone 310, qui desservent à peine un millier d'élèves. Certaines écoles, situées en milieu urbain, regroupent jusqu'à 250 élèves de la maternelle à la douzième année et semblent solidement établies. Par contre, d'autres écoles, sises en milieu rural, sont fréquentées par moins d'une vingtaine d'élèves et pourraient être amenées à fermer leurs portes. Lors d'un sondage mené à l'hiver 1998, des membres du personnel enseignant de cette Division scolaire, tout en faisant remarquer les retombées positives des écoles francophones, décriaient certaines des difficultés auxquelles ils avaient encore à faire face. Selon eux, dans les nombreuses «classes jumelées, [la] tâche est difficile pour les enseignants et les jeunes», «les programmes d'études doivent continuer à être développés, révisés et améliorés», il y a «besoin de plus d'espace au secondaire, d'équipement de loisirs et de lieux [de rencontre]»; bref, «il faudra considérablement multiplier les ressources humaines et matérielles, les services, les infrastructures existantes et les ressources financières afin d'être en mesure de réparer les dommages causés par l'assimilation des quatre ou cinq dernières générations» (Bureau de la minorité de langue officielle, 1999, p. 8).

Cependant, malgré l'importance de leur action professionnelle à l'école, il faut admettre que nous connaissons assez mal les enseignants travaillant en milieu minoritaire et, plus particulièrement, ceux oeuvrant en Saskatchewan. À part l'étude de Bordeleau (1995), il y a peu de recherches sur les enseignants oeuvrant dans un tel contexte. Il existe bien certaines études portant sur les représentations que les enseignants se font de la culture (Cazabon, 1993; Tardif, 1993). Il existe également des études sur les étudiants en formation à l'enseignement et leur identité culturelle (Masny, 1996; Théberge, 1998). Il n'existe pas, à notre connaissance, d'étude explorant de façon plus globale le sens que les enseignants donnent à leur enseignement ou qui cherche à savoir dans quelle mesure ils parviennent à s'approprier la mission de l'école. Les questions posées plus haut, particulièrement celles qui portent sur l'identité professionnelle de l'enseignant, conservent donc toute leur pertinence.

Identité professionnelle de l'enseignant

L'identité professionnelle de l'enseignant est un concept charnière qui, dans notre étude, permet d'organiser et de mieux comprendre les histoires qu'ont racontées les six enseignantes avec qui nous avons travaillé. Il sert aussi à placer ces histoires dans un contexte élargi: celui de la socialisation et de la professionnalisation de l'enseignant.

Selon Gohier, Anadón, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (1999), l'identité professionnelle de l'enseignant correspond à «l'image qu'il élabore de son travail, de ses responsabilités, de ses rapports aux apprenants et aux collègues ainsi que de son appartenance au groupe et à l'école» (p. 29). Ces chercheurs suggèrent que l'enseignant participe directement à la construction de son identité professionnelle par ses interactions avec les autres. Cette construction fait appel à deux processus complémentaires: l'identification et l'identisation (p. 45). L'enseignant fait appel à l'identification quand il adopte des caractéristiques et des pratiques de la profession. Il fait appel à l'identisation quand il se reconnaît comme étant lui-même dans l'exercice de sa profession (p. 46). L'identité professionnelle est donc de nature développementale et évolutive. Même si elle se développe en grande partie durant la formation initiale et pendant les premières années d'enseignement, elle demeure en état de flux continuel, des événements particuliers ou des incidents critiques pouvant mener à des remises en question et à des crises d'identité importantes. De plus, l'identité professionnelle ne touche pas seulement les aspects professionnels de l'enseignant, mais aussi sa dimension personnelle (Boutin, 1999). Ainsi, Boutin (1999), qui cite Philippe (1992), définit l'identité professionnelle comme «cette partie de soi qui est investie dans l'activité professionnelle en lui étant intimement reliée» (p. 44). L'identité professionnelle est donc un concept qui permet de saisir comment un enseignant se développe et évolue en tant que professionnel en fonction de l'école et des exigences particulières du milieu où il travaille. De plus, il permet d'apporter une certaine unité à notre propre narratif en tant que chercheur (Clandinin et Connelly, 2000, p. 3-4).

Explorer l'identité professionnelle de l'enseignant au moyen de ses histoires

Il est facile de dire pourquoi nous avons voulu explorer l'identité professionnelle d'enseignantes oeuvrant dans les écoles fransaskoises en leur faisant partager avec nous des histoires d'enseignement. Quand on demande à des personnes de parler de qui elles sont, de leur façon de voir leur travail et leurs responsabilités, immanquablement, elles font appel à des événements qui les ont marquées et font part des leçons qu'elles en ont tirées. Elles révèlent toute leur expérience de vie et elles le font sous forme d'histoires (Carter, 1993). Les histoires jouent d'ailleurs un rôle central chez les enseignants (Clandinin et Connelly, 1995; Elbaz, 1991). Connelly et Clandinin (1990) suggèrent que l'acte même d'enseigner serait un «récit en action», c'est-à-dire que les enseignants enseigneraient en se racontant et en vivant un ensemble d'histoires dont ils sont eux-mêmes les principaux acteurs.

Les enseignants saisiraient leur pratique et pourraient en parler en recourant à des histoires. Selon Connelly et Clandinin (1990) et Clandinin et Connelly (1995, 2000), par des histoires qu'ils vivent et se racontent, les enseignants arriveraient à donner cohérence et continuité à leurs expériences dans la salle de classe.

L'étude des histoires ou narratologie constitue donc une méthode de recherche tout à fait appropriée à l'exploration de l'identité professionnelle des enseignants. Ces histoires captent l'essence même de leur pensée et de leur savoir. En ce sens, il nous paraît essentiel de donner aux enseignants l'occasion de les raconter tout comme celle de les partager avec d'autres. De façon particulière, ces histoires nous servent à mieux connaître les enseignantes qui oeuvrent dans les écoles fransaskoises. Sur le plan collectif, elles sont doublement importantes. D'abord, elles peuvent permettre à ceux ou à celles qui les entendent de se voir renforcés dans leurs propres histoires. Elles peuvent également leur permettre d'entendre de nouvelles histoires qui pourraient les aider à mieux comprendre leur propre enseignement et dont ils pourraient s'inspirer s'ils le jugent opportun. Une fois partagées, ces histoires peuvent contribuer à renforcer l'identité collective des enseignants qui oeuvrent dans les écoles francophones en milieu minoritaire. Ceci est d'autant plus important que ces derniers souffrent souvent d'isolement et d'une dispersion géographique, et qu'ils ont à faire face à de nouveaux défis compte tenu du renouveau que connaît l'éducation francophone dans plusieurs régions du pays (Duquette et Riopel, 1998).

Méthode de recherche

Pour recueillir les histoires que nous présentons, nous avons travaillé avec six enseignantes qui oeuvraient dans les écoles fransaskoises depuis plusieurs années (trois à seize ans). Ces enseignantes, qui s'étaient portées volontaires pour participer à notre étude, étaient toutes francophones et cinq étaient originaires de la Saskatchewan. Trois travaillaient dans une école située en milieu urbain et les trois autres, dans une école située en milieu rural. Nous les avons rencontrées à quatre reprises sur une période de plus d'un an. Un première rencontre s'est tenue en groupe chacune dans leur école; les trois autres rencontres ont été individuelles. Lors des trois premières rencontres avec ces enseignantes, nous avons tenu des conversations semi-dirigées d'une durée totale d'environ trois heures. Certaines des questions abordées étaient de nature documentaire (Comment en êtes-vous venues à enseigner dans une école fransaskoise?, Pourquoi enseignez-vous dans une école fransaskoise?); d'autres étaient de nature plus anecdotique (Racontez-moi une histoire que vous avez vécue cette semaine en classe. Racontez-moi une histoire qui montre ce qu'est pour vous enseigner dans une école fransaskoise.). D'autres questions cherchaient à provoquer une certaine réflexion chez les enseignantes (Comment réconciliez-vous l'anglais qui se parle à l'école (à la maison, dans la communauté) avec la mission de l'école? Comment entrevoyez-vous l'avenir de votre école?). Les sujets abordés ont permis d'explorer des aspects importants de leur identité professionnelle. Ces conversations ont été enregistrées et, par la suite, transcrites de façon intégrale. Les transcriptions ont été remises aux enseignantes pour qu'elles puissent y effectuer des changements et y apporter des précisions.

Le récit de chaque enseignante a été rédigé à partir de ces transcriptions. Pour l'écrire, les transcriptions ont été lues à plusieurs reprises. Des expressions clés ou des sections qui semblaient importantes ont été identifiées. Les thèmes dominants ont été identifiés en marge. Les différentes histoires ont été regroupées parce que, dans certains cas, une enseignante parlait d'un même événement à plusieurs reprises. Des modifications d'ordre éditorial ont été apportées au discours oral des enseignantes pour le transformer en discours écrit. Certains changements ont aussi été effectués pour préserver l'anonymat des participantes. Enfin, les histoires ont été ordonnées selon une ligne de temps et regroupées par thèmes. Une fois terminé, le récit de chaque enseignante lui a été remis afin qu'elle puisse y apporter des changements et y ajouter des précisions qui ont fait l'objet d'une longue discussion lors d'une quatrième rencontre. Par la suite, nous avons fait une analyse thématique de ces récits dans le but de tracer les grands traits de l'identité professionnelle de ces six enseignantes. Ce sont les histoires même que ces enseignantes ont partagées avec nous qui apportent des réponses à nos questions de recherche.

Identité professionnelle de six enseignantes

Nous traitons de trois aspects particuliers de l'identité professionnelle des six enseignantes avec lesquelles nous avons travaillé: les représentations[2] qu'elles se font de leur travail, de leurs responsabilités et du rapport qu'elles entretiennent avec leurs élèves. Nous illustrons ces représentations au moyen d'histoires tirées directement de leur récit.

Représentations que les enseignantes se font de leur travail

Ces six enseignantes font appel à idées variées pour parler de leur travail. Plusieurs voient l'école comme étant «une grande famille», comme un endroit où l'on se sent chez soi. Écoutons Louise qui a travaillé en anglais pendant plusieurs années; pour elle, travailler dans une école francophone représente une occasion de parler et de revivre en français:

[...] j'ai fini par trouver ce travail à l'École de Grande-Plaine. Ici, la situation est bien différente. Les élèves veulent apprendre et j'aime bien leur enseigner. J'ai l'occasion de parler français plus souvent qu'avant. Il faut comprendre que je ne parle pas beaucoup français à la maison et que nous vivons dans un village plutôt anglophone. Être à l'école me permet de vivre, de revivre, de réapprendre et d'améliorer mon français. Alors, c'est vraiment intéressant pour moi de revenir ici. J'aime beaucoup mieux ça. Le français a toujours occupé une place importante dans ma vie. J'ai été élevée dans la région. Mes parents demeuraient dans un tout petit village où la majorité des familles était francophone. Encore aujourd'hui, je parle français avec mes frères et soeurs, mais à la maison, je ne parle plus vraiment français parce que mon mari est anglophone. Maintenant que j'enseigne à l'École, je parle beaucoup plus français qu'avant. J'ai la chance de le parler tous les jours. Il y a toutes sortes de choses qui me reviennent si facilement. Je me rappelle de tout ce que j'ai étudié. Moi, je me sens bien à l'école un peu à cause de cela. C'est aussi comme s'il y avait plus de français autour de moi.

L'école est donc un endroit qui permet aux enseignantes de parler et vivre leur langue. En milieu fortement minoritaire, l'école, tout comme le centre communautaire, l'église et la famille (pour certains) sont bien souvent les seuls endroits où les gens peuvent vivre en français. À l'école, les enseignantes peuvent également vivre et transmettre leur culture, autrement dit, être et enseigner qui elles sont. Comme Céleste le dit: «L'école francophone fait partie de nous.» Et Nadia, qui enseigne en première année, depuis près de seize ans, dans une école fransaskoise, raconte:

Au début, quand je suis arrivée, l'école c'était un petit chez-moi. Cette école-là, c'était moi. Je pouvais transmettre mes valeurs et parler de mon vécu. Maintenant que l'école est plus grande, c'est plus comme un grand chez-moi. Comme je suis à l'école depuis de nombreuses années, je connais presque tous les parents. J'ai enseigné à leurs enfants en maternelle ou en première année. C'est un peu comme si nous faisions tous partie d'une grande famille. J'ai vu tous ces enfants grandir et changer. Cette année, il y a des élèves à qui j'avais enseigné en première année et qui ont terminé leur 12e année. Je trouve ça fantastique! C'est vraiment merveilleux! Je me suis dit: J'ai fait partie de leur cheminement. Je les ai vus grandir et changer. C'était beau d'avoir pu être là tout au long de ces années. Lors de leur soirée de graduation, ils ont pensé à me remercier. Je suis restée étonnée de voir jusqu'à quel point une enseignante de 1re année peut marquer des jeunes. Notre rôle est plus important que nous le pensions.

Tout comme Nadia, plusieurs enseignantes se retrouvent dans un travail qui leur permet d'être elles-mêmes. Elles aiment ce qu'elles font et veulent continuer à oeuvrer dans les écoles fransaskoises même si certaines d'entre elles expriment parfois des réserves. Écoutons d'abord Dominique qui a «le coeur à l'ouvrage» et qui a trouvé sa «niche» dans les écoles fransaskoises.

Je suis ici depuis plus de six ans. Je dois dire que j'aime bien travailler dans une école fransaskoise. On enseigne qui on est. Je pense qu'ici, je me sens bien dans mes tripes. Et c'est la première fois que je ne suis pas tannée d'avoir enseigné dans la même école! D'habitude, je durais seulement deux ans dans une école. Je me disais alors: «J'ai fait mon temps. Je vais aller faire autre chose maintenant.» Mais ici, j'ai le coeur à l'ouvrage, cela me colle vraiment bien à la peau. Je pense que tout le monde est fait pour quelque chose. Tout le monde a une niche. Il y a des enseignants qui sont faits pour les écoles d'immersion. Moi, c'est enseigner dans une école fransaskoise.

Écoutons maintenant Madeleine qui enseigne depuis trois ans et dit avoir obtenu un travail de rêve où elle se trouve et auquel elle s'identifie fortement.

Le travail que j'ai ici est presque celui que je rêvais obtenir. Au lieu d'avoir à attendre des années, je l'ai eu tout de suite! J'enseigne l'éducation artistique, l'anglais et l'éducation chrétienne à presque tous les niveaux du secondaire. Et il y a tout le côté parascolaire dans lequel je suis pas mal engagée: le volley-ball et les autres sports, le théâtre, et encore d'autres activités qui permettent aux jeunes de s'amuser en français. C'est un travail que j'aime vraiment. Moi, il faut que j'aime mon travail pour vouloir continuer. Il faut que je puisse m'y identifier. Si jamais je devais partir de ce travail, je trouverais cela très difficile parce ce travail c'est tellement moi.

Plusieurs des enseignantes avec qui nous avons travaillé réalisent à la fois l'ampleur et toute l'importance de la tâche qu'elles ont à accomplir. Voici ce qu'en disent Isabelle et Nadia: la première qui a toujours oeuvré dans une école fransaskoise témoigne de son attachement profond à l'école tandis que la seconde explique pourquoi elle met tant d'énergie dans son travail.

Je suis bien contente d'avoir choisi de rester à l'école et de pouvoir travailler avec les francophones. Ici, il y a toujours un défi à relever. Il y a toujours des projets à faire avancer. On est attaché à cette école, c'est plus que juste un job. Il me semble que cette école me touche un peu plus qu'une autre école. Je dirais même qu'il y a quelque chose de très personnel dans la relation que les enseignantes et les enseignants ont avec l'école et avec les jeunes qui la fréquentent. Nous faisons vraiment tout pour les aider à réussir, peut-être même plus que nous ferions dans une autre école. Il me semble que notre travail va un peu plus loin parce que ces jeunes-là, c'est l'avenir, c'est l'avenir de la francophonie. Alors, je pense qu'on les pousse et les encourage encore plus fortement à cause de ça (Isabelle).

La langue et la culture nous touchent directement au coeur. Quand nous regardons les choses qui se passent autour, nous nous demandons parfois pourquoi continuer à mettre tant d'énergie dans notre travail. Dès que les enfants sortent de l'école, souvent ils se mettent à parler anglais. Après la 8e ou la 9e année, certains élèves décident de poursuivre leurs études en immersion ou même en anglais. À tous moments, certaines familles quittent l'école pour toutes sortes de raisons... Il faut penser à ces choses, mais il faut continuer à mettre de l'énergie dans ce qu'on fait parce qu'on y croit, sinon tout va tomber à l'eau. Comme je le dis souvent, la langue et la culture, c'est plutôt du côté du coeur que du côté de la raison (Nadia).

Ces histoires montrent comment six enseignantes voient leur travail. Pour certaines, ce travail leur permet de parler et de vivre en français avec les élèves. Avec le temps, il se crée une petite communauté à l'école qui devient un chez-soi. Pour les enseignantes qui y sont depuis plusieurs années, qui ont fait partie du cheminement des élèves, l'école est comme «une grande famille».

Les enseignantes peuvent également vivre et transmettre leur culture. Enseigner leur permet d'être elles-mêmes, elles enseignent qui et comment elles sont. Elles se reconnaissent donc dans leur travail. Elles se sentent bien à l'aise dans une école francophone et ne se verraient pas enseigner dans un autre type d'école. Elles ont développé un profond sentiment d'appartenance à l'école. Elles s'identifient fortement à leur travail. Elles se rendent compte de toute l'importance de leur travail. Comme le dit Isabelle: «Nous faisons vraiment tout pour les aider à réussir [parce que] ces jeunes-là, c'est l'avenir de la francophonie.» Enseigner leur permet de contribuer activement au développement de la communauté fransaskoise. C'est sans doute pour cette raison que plusieurs enseignantes mettent tant d'énergie dans leur travail et se dépensent sans compter. Ces représentations que se font ces enseignantes de leur travail vont nous aider à mieux comprendre celles qu'elles se font de leurs responsabilités que nous abordons dès maintenant.

Représentations que les enseignantes se font de leurs responsabilités

Les six enseignantes se représentent leurs responsabilités comme dépassant le cadre traditionnel de l'enseignement des matières. Céleste parle de l'importance de la langue et de la culture à l'école fransaskoise et Louise, de l'enseignement du français et des sciences humaines.

J'ai déjà enseigné dans une école d'immersion. C'est un peu comme ici, nous enseignons en français. Nous encourageons les élèves à parler français. Mais à part ça, ce n'est pas la même chose du tout. Après trois heures trente, tout le monde sait bien que les élèves de l'immersion ne parlent pas français. Tandis qu'à l'école, on y tient au français, on y tient aux récréations, on y tient dans la classe et on y tient à la maison. On y tient partout. C'est un peu la même chose lorsque nous faisons de la tire le jour de la Sainte-Catherine. En immersion, les élèves aiment ça parce que c'est un bonbon. C'est sucré. Cela ne va pas plus loin que ça. Tandis qu'à l'école Champlain, ça fait partie de nous. La tire, nous en faisons depuis longtemps. Les bonnes soeurs en faisaient. L'école francophone fait partie de nous. C'est là toute la différence (Céleste).

Je vois mon rôle comme étant d'enseigner la langue française pour que les élèves puissent s'en servir dans leur vie de tous les jours. Dans une école fransaskoise, ce n'est pas comme dans une école d'immersion; les choses sont différentes, les jeunes sont intéressés. Ils essaient de faire un effort pour bien parler. S'ils apprennent le français, c'est afin de pouvoir le parler, maintenant et plus tard. Une partie de ma tâche consiste à enseigner les sciences humaines en 4e et 5e années. J'essaie d'amener les élèves à faire des projets qui leur permettent de mieux connaître leur communauté et leur province, de prendre conscience de leurs racines. Ainsi, l'an dernier, les 4es années ont réalisé des dépliants en français pour essayer de faire connaître leur village. Ils ont beaucoup aimé ce projet (Louise).

Les enseignantes ne sont pas sans oublier la dimension affective de l'enseignement. Nadia, une enseignante de première année, voit parmi ses responsabilités celles d'être maman, psychologue et infirmière. Cependant, elle réitère l'importance de l'enseignement de la langue et celui de la culture. Écoutons-la.

Mon rôle d'enseignante est d'être une maman, une psychologue, une infirmière! Il est important que les jeunes se sentent bien dans ma classe. Bien sûr, mon rôle est aussi d'apprendre aux jeunes à lire, à écrire et à compter. Cependant, je dois dire qu'une grosse partie de mon enseignement porte sur le renforcement et l'enrichissement de la langue. Tous les jeunes doivent arriver à se sentir à l'aise en français.

Notre culture est importante, il faut la vivre. Les enfants qui viennent à l'école, c'est aussi pour ça qu'ils sont ici. Dans ma classe, en sciences humaines, nous explorons plusieurs thèmes qui touchent à la culture comme ceux de la famille, de la Sainte-Catherine et de la Saint-Jean. Il y a également des occasions particulières comme le temps des Fêtes, les artistes invités, les pièces de théâtre et la Semaine de la francophonie qui permettent d'explorer d'autres aspects de la culture.

Certaines enseignantes conceptualisent leurs responsabilités de façon encore plus globale. Comme Isabelle, une enseignante de l'intermédiaire (6e, 7e et 8e années), elles estiment que, dans les écoles fransaskoises, c'est «toute la personne qu'on vise» et qu'il faut chercher à rejoindre les jeunes de multiples façons.

Je vois mon rôle comme étant plus vaste que le simple fait d'enseigner des matières scolaires comme le français, les mathématiques. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut aussi chercher à rejoindre les jeunes par d'autres moyens. Il faut chercher à les comprendre, les encourager, les franciser à travers d'autres activités. C'est en partie pour cela que je m'implique beaucoup dans les sports (comme le soccer et le volley-ball) et les activités étudiantes (comme la Cité étudiante, le théâtre et les voyages). Je pense que si on veut aider ces jeunes-là, il faut les amener à faire des choses qu'ils aiment vraiment. Et à cet âge, il y a peu de choses qu'ils aiment plus que les sports d'équipe. Je trouve aussi que le développement de qualités de leadership, d'habiletés d'organisation et de prise de décision est important. En apprenant à travailler avec les autres, ils arrivent à mieux se connaître et ils se sentent valorisés. Tout cela leur donne d'autres raisons pour venir à l'école.

Enfin, les enseignantes sont des modèles socioculturels dans leur communauté. Comme le dit Dominique à propos de son identité d'enseignante: «Nous ne pouvons jamais nous défaire de cette identité-là.» Une enseignante en milieu rural, Madeleine, réalise que son rôle dépasse les murs de l'école alors que Céleste laisse entendre que la situation est un peu la même en milieu urbain.

Parce que j'enseigne dans une petite communauté, mon rôle en tant qu'enseignante dépasse les murs de l'école. Partout où je vais, les gens me reconnaissent et savent qui je suis. C'est comme cela, que je fasse mon épicerie, que je sois chez moi ou dans la rue, ou que je sorte le soir! Je ne peux pas attraper un rhume et me moucher sans que tout le village le sache. Quand on est enseignante dans une petite communauté, il faut accepter d'être très visible, même d'être un peu un modèle, un exemple (Madeleine).

Je suis tellement engagée dans la communauté que quand je suis chez moi, c'est autre chose, ce n'est plus vraiment l'école... Il faut comprendre qu'être activement engagée dans la communauté est quelque chose d'essentiel pour moi. C'est une façon d'aider, mais surtout de vraiment faire une différence. Une autre raison pour laquelle je suis si activement engagée est que je veux montrer aux jeunes comme on peut se servir de sa langue tant à l'école que dans la communauté. Si je ne suis pas un modèle en ce sens pour les jeunes, moi, tout comme les autres personnes qui s'impliquent dans la communauté, sur quoi vont-ils se baser pour le faire eux-mêmes? (Madeleine).

Beaucoup d'entre nous sont impliquées dans la communauté. Les jeunes ne nous voient pas seulement comme enseignantes, [mais] comme animatrices, s'ils font partie des scouts, comme parents, quand nous nous occupons de nos propres enfants, et comme ministres laïcs, lorsque nous aidons à l'église (Céleste).

Ces histoires permettent de mieux comprendre comment les enseignantes avec qui nous avons oeuvré se représentent leurs responsabilités. Elles se voient avant tout comme responsables de l'enseignement des matières scolaires. Elles saisissent l'importance toute particulière du français comme langue de communication et conçoivent les sciences humaines et les activités socioculturelles comme des moyens à privilégier pour amener les élèves à connaître leur communauté, à vivre leur culture et à développer certains aspects de leur identité fransaskoise. Ainsi, elles sont à la fois enseignantes, agentes de francisation et animatrices socioculturelles. Certaines réalisent l'importance des activités sportives pour amener les élèves à développer une meilleure confiance en eux, une estime de soi plus forte et un esprit d'équipe. Elles en arrivent à jouer le rôle d'entraîneuses sportives. Elles ne sont pas sans oublier la dimension affective de l'enseignement, alors que toute enseignante doit également savoir être mère, psychologue et infirmière. Elles sont amenées à jouer tous ces rôles à la fois. Comme le dit Isabelle, «c'est toute la personne qu'on vise». De plus, ces enseignantes se rendent compte que leurs responsabilités dépassent les murs de l'école et les amènent dans la communauté où leur identité d'enseignantes les suit toujours. Elles deviennent alors modèles, surtout lorsqu'elles participent à certaines des activités socioculturelles de la communauté.

C'est en jouant ces nombreux rôles que les enseignantes répondent aux attentes des parents et de la communauté, et à celles de l'administration scolaire (Bernard, 1997; Bordeleau, 1995; Ministère de l'Éducation de la Saskatchewan, 1996). Il faut cependant dire que cette multitude de rôles ne rend pas leur travail toujours facile. C'est ce qui ressort à la section suivante alors que nous discutons des rapports que ces enseignantes entretiennent avec les élèves.

Représentations que les enseignantes se font de leurs rapports avec les élèves

Nous avons cherché à comprendre les représentations des enseignantes concernant les rapports qu'elles entretiennent avec les élèves à la lumière des représentations qu'elles se font de leur travail et de leurs responsabilités. Nous savons déjà que plusieurs d'entre elles se représentent l'école comme «une grande famille». Les rapports que les enseignantes entretiennent avec les élèves seraient comparables à ceux qui existeraient dans une grande famille unie par la langue et la culture, mais une famille qui se retrouverait à l'école pour apprendre. Une famille dont les rapports seraient souvent chaleureux et bienveillants, mais où les choses ne seraient pas toujours faciles. Les histoires suivantes servent à illustrer la complexité de ces rapports. Écoutons Nadia, enseignante de première année, qui fait tout pour que ses élèves «soient contents de venir à l'école».

Je fais tout pour que les enfants se sentent bien dans ma classe. Je veux qu'ils soient contents de venir à l'école. Il s'agit d'un principe qui est à la base de mon travail avec les enfants. Je chante beaucoup en classe, seule pour assurer les transitions entre les activités, et aussi avec les élèves, pour les aider à relaxer tout en apprenant de nouveaux mots et des expressions. Je donne de nombreuses responsabilités aux élèves. De plus, ils ont de nombreux choix à faire tout au long de la journée. Ils contribuent et participent activement au déroulement de tout ce qui se passe en classe. Ils se sentent intégrés.

Bien sûr, le but ultime de mon enseignement est de promouvoir l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et des mathématiques chez les élèves, mais il faut avant tout qu'ils soient heureux de venir à l'école. S'ils détestent l'école en première année, c'est fini.

Nadia entretient des rapports chaleureux et bienveillants avec ses élèves. Elle les comprend et sait répondre à leurs besoins psychoaffectifs. Elle crée dans sa classe un climat accueillant où la chaleur humaine règne. Tout en réalisant que les élèves sont à l'école pour apprendre, Nadia comprend que «le monde ne finit pas après la première année». Madeleine le sait aussi et, comme elle le dit, «les élèves finissent toujours par réussir.» Elle parle de sa classe d'anglais alors qu'Isabelle décrit les élèves de la Cité étudiante qui organisent une fête pour les élèves de l'école.

Étudier Shakespeare avec des jeunes de 9e et 10e années, cela peut parfois être problématique. D'une certaine façon, les jeunes finissent toujours par réussir, mais il faut savoir réagir sans tarder aux attitudes négatives qu'ils peuvent exprimer. Cette année, nous avons eu l'idée d'organiser un Festival shakespearien. Quand j'ai parlé avec les jeunes de la possibilité d'organiser un tel festival, je leur ai dit: «Nous n'allons pas le faire si vous ne voulez pas.» Cette démarche les a responsabilisés dès le début. C'est vraiment eux qui voulaient qu'on se lance dans ce projet. Maintenant, ma tâche est de les encourager à continuer. Nous avons voulu créer une véritable atmosphère de fête. Il va y avoir des murales représentant des scènes des quatre pièces que nous avons étudiées, des sommaires et des extraits de ces pièces. Nous allons construire une arrière-scène semblable à celle du Globe Theatre. Et puis devant, il va y avoir les quatre maquettes de cette arrière-scène construites par les équipes. Un autre groupe de jeunes va jouer des extraits d'une des pièces étudiées. Nous allons aussi écrire notre propre pièce, Hamlet rencontre Macbeth (Madeleine).

La Cité étudiante est une autre activité dans laquelle je m'implique. Cette Cité est formée d'élèves de l'intermédiaire qui se rencontrent de façon régulière pour discuter des besoins de tous les élèves de leur niveau. Cette semaine, ils ont préparé des activités de la fête de l'Halloween. Hier, je leur ai donné une heure pour planifier et organiser les jeux pour les classes dont ils sont responsables. Sans même srendre compte, ils mettent en pratique des choses qu'ils ont apprises en classe. C'était beau de les voir travailler... En leur donnant ainsi l'occasion d'être responsables des activités pour une classe, ils développent des habiletés de leadership tout en travaillant en français. Demain, il y aura aussi une vente de pizzas. Les commandes de tous les élèves sont arrivées aujourd'hui. Les jeunes de la Cité et des élèves des 7e et 8e années vont s'asseoir et tout calculer; combien de pizzas et combien de crèmes glacées il faudra acheter et combien d'argent tout cela coûtera. Les mathématiques jouent un rôle important dans cette tâche. Tout cela prendrait peut-être moins de temps si je le faisais moi-même, mais en procédant ainsi, les élèves apprennent à s'organiser et développent un esprit d'entraide. Et tout cela en français (Isabelle).

Dans ces deux histoires, les enseignantes font preuve d'une très bonne compréhension des jeunes adolescents. De plus, elles savent s'adapter à différents contextes d'enseignement et exploiter à fond les possibilités d'apprentissage des activités qu'elles proposent à leurs élèves. Dans le premier cas, Madeleine réalise l'importance de capter l'intérêt des meneurs tout en responsabilisant l'ensemble des élèves. Dans le second cas, Isabelle qui sait que les élèves apprennent dans tout leur vécu à l'école les aide à organiser une fête pour l'école.

Comme dans toutes les familles, les rapports ne sont pas toujours faciles. Les deux histoires qui suivent en font preuve. Céleste parle du besoin d'apprendre aux élèves à se respecter.

Le respect de l'autre, c'est une chose qu'il faut apprendre des fois. Ainsi, il y a deux garçons qui se prennent pour de véritables «chefs» et qui semblent vouloir tout contrôler. Il y a quatre ou cinq autres élèves qui sont prêts à faire n'importe quoi pour faire partie de leur groupe. Des fois, ceux que j'appelle les deux chefs les acceptent, mais le lendemain, ils sont trop petits, ou trop gros, et puis c'est au revoir! J'ai rencontré certains des parents impliqués et très diplomatiquement j'ai discuté de la situation avec eux. L'idée est de ne pas blesser personne. Je ne veux sûrement pas détruire ces chefs. Qui sait, ils peuvent devenir nos présidents, mais il faut qu'ils apprennent à employer leurs qualités de leadership de façon positive tout en respectant les autres. En d'autres mots, ces jeunes ont tout un apprentissage à faire au niveau social. Il faut que je sois capable de les aider.

Isabelle relate un incident survenu lors d'une pratique de soccer, incident qu'elle a su exploiter à l'avantage de toutes les personnes concernées.

Vendredi dernier, nous nous préparions à participer à un tournoi de soccer contre une école fransaskoise. J'avais divisé les élèves en deux groupes. Quand j'étais avec un groupe, tout se passait en français entre nous, mais aussitôt que j'étais avec l'autre groupe, les jeunes se mettaient à parler anglais. C'est toujours la même histoire. J'avais envie de crier après eux et de leur dire de parler français. Plutôt, j'ai sifflé et j'ai appelé les deux groupes. Je leur ai dit: «C'est le temps de prendre une décision. Nous avons été invités à participer à un tournoi de soccer vendredi prochain. Il faut décider si nous y allons.» Un élève a dit: «Je pensais que nous y allions!» J'ai répliqué: «Moi aussi, mais vous jouez en anglais et le tournoi se déroulera en français.» J'ai ajouté: «Si vous voulez y aller, il va falloir que vous preniez une décision. Lundi matin, je veux une réponse pour que je puisse avertir les organisateurs.» J'ai forcé les jeunes à prendre une décision, à décider eux-mêmes de faire l'effort nécessaire pour jouer en français.

Le lundi matin, les élèves sont revenus en me disant qu'ils voulaient «aller au tournoi et jouer en français». Le tournoi a été un succès tant au niveau sportif que du point de vue français parlé.

Dans ces deux incidents, même si les rapports entre les enseignantes et leurs élèves ne sont pas faciles, ils offrent la possibilité de nombreux apprentissages. Les enseignantes peuvent continuer à enseigner et les élèves à apprendre. Dans un cas, Céleste discute de la situation avec les parents et les élèves impliqués dans l'incident. Elle songe à mettre en place un conseil de coopération pour amener les jeunes à régler eux-mêmes leurs problèmes. Dans l'autre cas, Isabelle amène les jeunes à réfléchir au fait qu'ils parlent en anglais alors qu'ils pratiquent en vue de participer à un tournoi de soccer qui se déroulera en français. Elle les amène à prendre une décision importante quant à leur participation éventuelle au tournoi.

Cependant, comme dans les bonnes familles, les rapports entre les enseignantes et leurs élèves sont parfois tendus. Dans certains cas, il peut sembler difficile d'en arriver à une solution et ces rapports peuvent même mener à des ruptures. Dominique nous montre comment il peut être difficile pour les jeunes de s'afficher en tant que francophones, puis Louise parle d'une famille qui vient de quitter l'école.

Ce midi, j'ai rencontré les élèves du secondaire. Ils m'ont dit qu'ils avaient décidé de faire mettre «Grande Plaine High School» sur leur coupe-vent. Je leur ai dit que le «Grande Plaine High School» n'existait pas, que maintenant c'était l'École de Grande-Plaine. Ils ont répliqué que justement si cela n'existait pas, ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient avec ce nom-là. Des choses comme ça me blessent tellement. C'était la chicane. Un jeune a dit: «C'est nous qui payons notre coupe-vent, alors nous pouvons bien mettre ce que nous voulons dessus.» En tout cas. Je pense qu'il le regrette maintenant parce qu'il a vu comme tout cela m'avait blessée (Dominique).

Les jeunes sont fiers de leur école, mais ils ont trop peur de s'afficher à l'extérieur. On fait beaucoup pour qu'ils arrivent à être fiers, mais ils voient le français comme une langue qui sert seulement à l'école. Aussitôt qu'ils mettent les pieds en dehors, c'est tout autre chose. C'est «Grande Plaine High School» (Dominique).

Il y a quelques jours de cela, une mère a décidé de retirer ses deux enfants de l'école. Tout s'est produit un peu après trois heures trente. Je revenais dans ma classe et j'ai vu un pauvre petit bonhomme qui ramassait toutes ses affaires. Je lui ai dit: «Qu'est-ce que tu fais? Tu vas être en retard pour l'autobus.» Il a répliqué: «Non, ma mère est ici.» J'ai bien vu sa mère qui était là, elle l'attendait dans le corridor, mais je ne savais pas pourquoi. Il m'a dit qu'il venait tout simplement chercher ses affaires. Et puis il s'en est allé avec tous ses livres. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait. Alors, j'ai regardé dans le corridor. Une autre enseignante sortait de sa classe avec le frère de mon petit bonhomme qui, lui aussi, avait ramassé toutes ses affaires. Puis, ils sont tous partis. Inutile de dire que cet incident a beaucoup dérangé tout le personnel de l'école. Personne ne sait et ne comprend ce qui s'est passé. Nous nous demandons ce que nous aurions pu faire pour éviter une telle situation (Louise).

Ces deux incidents illustrent bien que les rapports entre les enseignantes et les jeunes mènent parfois à des ruptures, non pas entre les enseignantes en tant que personnes et les jeunes, mais entre l'école qu'elles représentent et les jeunes. Entre une école qui est peut-être «trop francophone» et qui cherche à transformer des jeunes issus d'un milieu bilingue et vivant une identité métisse (Duquette, 1998; Hébert, 1996). Chacun de ces incidents laisse voir à sa façon l'importance du rôle que les parents et le milieu jouent à l'école.

Ces histoires permettent de mieux saisir la manière dont ces six enseignantes se représentent leurs rapports avec les élèves. L'école serait une grande famille unie par la langue et la culture. Une famille où les rapports sont souvent chaleureux et bienveillants, mais où ils sont parfois difficiles, voire tendus. Une école où les enseignantes, en plus d'enseigner, remplissent une multitude d'autres rôles qui les amènent à entretenir des rapports avec les élèves qui sont d'une grande complexité.

Des rapports, où l'apprentissage occupe toujours une place importante, mais à l'intérieur desquels les enseignantes ne semblent jamais perdre de vue la dimension affective alors qu'elles tentent de créer un climat favorable à l'apprentissage. Comme le dit Isabelle, «quand les élèves se sentent bien dans leur peau, l'apprentissage des matières scolaires va tellement mieux.» Dans leurs rapports avec les élèves, les enseignantes cherchent donc à répondre aux besoins psychoaffectifs des élèves. Elles établissent des rapports où ceux-ci sont écoutés, compris, respectés et encouragés à faire de leur mieux. Comme dans toute famille, les rapports entre les enseignantes et les élèves ne sont pas toujours aisés. Dans de tels cas, les enseignantes continuent quand même à enseigner.

Ces rapports sont parfois tendus et mènent à des ruptures. Il semble que dans certaines situations, les histoires que les enseignantes se racontent sont en conflit avec celles des élèves ou de leurs parents. Souvent, il s'agit d'un conflit entre la mission de l'école francophone à laquelle les enseignantes souscrivent et la vision des jeunes (et de leurs parents) issus d'un monde bilingue, mais anglo-dominant.

Discussion et conclusion

Les histoires qui viennent d'être présentées et analysées permettent de voir les six enseignantes qui sont tantôt en action avec leurs élèves, tantôt en réflexion. Ces histoires et les représentations qu'elles véhiculent révèlent les grands traits de l'identité professionnelle des enseignantes. Après un bref retour sur les représentations qu'elles se font de leur travail, de leurs responsabilités et des rapports qu'elles entretiennent avec les élèves, nous discutons dans quelle mesure ces enseignantes, au moyen des histoires qu'elles se racontent, parviennent à répondre aux nombreux besoins éducatifs de leurs élèves. Nous concluons en suggérant de nouvelles pistes de recherche.

Les représentations que les enseignantes se font de leur travail

Les enseignantes voient leur travail à l'école comme une occasion de parler français et de transmettre leur culture aux élèves. Elles voient l'école comme une grande famille. Celles qui envoient leurs enfants à l'école y voient même le prolongement de leur propre famille. Leur enseignement leur permet d'être elles-mêmes; elles enseignent qui et comment elles sont. Elles se sentent très à l'aise à l'école qui est comme un grand chez-soi. Elles ont développé un sentiment profond d'appartenance à l'école. Elles ne se verraient tout simplement pas enseigner dans un autre genre d'école. De plus, elles s'identifient fortement à leur travail et en réalisent toute l'importance. Plusieurs ont adopté et vivent intensément la mission de l'école francophone. Elles voient en leur travail la possibilité de contribuer activement au développement de la communauté fransaskoise.

Les représentations que les enseignantes se font de leurs responsabilités

Les enseignantes se voient responsables avant tout de l'enseignement des matières scolaires. Elles accordent une importance particulière au français comme langue de communication, aux sciences humaines et aux activités socioculturelles comme moyens pour amener les élèves à construire leur identité fransaskoise. Elles se voient donc comme enseignantes, agentes de francisation et animatrices socioculturelles. Certaines enseignantes, reconnaissant l'importance des sports d'équipe dans le développement physique et socioaffectif des élèves, jouent également le rôle d'entraîneuses sportives. Les enseignantes réalisent aussi qu'elles doivent être mères, psychologues et infirmières. Elles sont amenées à jouer tous ces rôles à la fois, car elles constatent qu'à l'école fransaskoise «c'est toute la personne qu'on vise». Leur identité fransaskoise les amène à s'engager dans leur communauté où leur identité d'enseignante les suit toujours alors qu'elles deviennent exemples et modèles.

Les représentations que les enseignantes se font de leurs rapports avec les élèves

La représentation que certaines enseignantes se font de l'école comme «une grande famille» aide à comprendre la variété et parfois l'intensité de leurs rapports avec les élèves. L'école est d'ailleurs un endroit où ces rapports sont souvent chaleureux et bienveillants, mais où ils deviennent parfois difficiles, voire tendus. Parmi ces rapports, les élèves sont écoutés, compris, respectés et encouragés à faire de leur mieux. Quand les rapports deviennent difficiles, les enseignantes continuent tout de même à «enseigner» parce il y a toujours quelque chose à apprendre. Les rapports sont parfois tendus quand les enseignantes ont à faire face à des conflits et vivent même des ruptures. Parfois, c'est toute la mission de l'école remise en question.

Les grands traits de l'identité professionnelle et «enseignant idéal»

Les grands traits de l'identité professionnelle dont il est question ici ne se retrouvent pas au même plan ni de la même façon parmi les six enseignantes avec lesquelles nous avons travaillé. Il serait tentant d'établir des comparaisons entre les enseignantes ou, peut-être, de dresser un portrait composite de l'«enseignant idéal». De telles tentatives ne seraient pas appropriées. En effet, les histoires que ces personnes ont partagées avec nous sont à la fois trop complexes et trop ancrées dans leurs expériences personnelles pour fonder et justifier de telles démarches. Ces histoires devraient avant tout être une occasion pour nous de profiter de l'expérience professionnelle et du savoir pratique de ces enseignantes.

Ces histoires illustrent comment chacune des enseignantes qui se les raconte a su construire une identité professionnelle à la mesure de la mission de l'école francophone en milieu minoritaire, et ce, en fonction de son contexte propre d'intervention. Elles montrent la nature évolutive et développementale de leur identité professionnelle (Gohier et al., 1999). Certaines histoires illustrent aussi à quel point ces ensei- gnantes se sont investies tant professionnellement que personnellement dans leur travail (Boutin, 1999). Comme nous l'avions avancé plus haut, le concept même d'identité professionnelle permet d'organiser et de mieux comprendre les histoires des enseignantes et d'apporter une plus grande unité à notre récit de chercheur, de formateur d'enseignants et de parent. (Clandinin et Connelly, 2000, p. 3-4).

Histoires des enseignantes et besoins éducatifs des élèves en milieu minoritaire

Dans le but d'enrichir notre propre récit, il nous semble essentiel de considérer l'ensemble des histoires qu'ont racontées ces six enseignantes[3]. En ce sens, il faut examiner dans quelle mesure un enseignant pourrait, en se racontant et en vivant ces histoires en classe, répondre aux besoins éducatifs des élèves en milieu minoritaire. La réponse dépend de la conception qu'on a de l'école minoritaire.

Si l'on conçoit l'école comme «un micromilieu semblable à celui du milieu de vie et plutôt comme un agent de reproduction sociale» (Bernard, 1997, p. 519) et si l'on se satisfait d'une définition plutôt traditionnelle de la culture, alors on peut croire, en considérant l'ensemble des histoires narrées par ces enseignantes que l'école répond de façon satisfaisante aux besoins éducatifs de l'élève. Dans le même ordre d'idées, un élève qui se trouverait dans la classe d'un enseignant se racontant et vivant ces histoires pourrait parvenir à «apprendre l'histoire de sa communauté tant locale que nationale et internationale», à «apprendre à travailler en équipe, à s'entraider, à s'appuyer, à collaborer», à «se réunir pour s'amuser, pour s'exprimer, pour fraterniser, et cela, à l'intérieur et à l'extérieur de l'école» et «apprendre à communiquer en français dans une variété de situations de communication» (pour ne mentionner que ces besoins) (Levasseur-Ouimet, 1994, p. 31-38).

Par contre, si l'on conçoit l'école comme «un micromilieu différent du milieu de vie et, par conséquent, un agent de changement social» (Bernard, 1997, p. 519) et qu'on définit la culture comme une «manière globale d'être qui comporte un certain nombre de valeurs [...], une façon de se percevoir, de se vouloir, une façon de fonctionner, de se développer» (Levasseur-Ouimet, 1994, p. 6), alors on peut croire que l'école ne répond que dans une certaine mesure à l'ensemble des besoins éducatifs de l'élève. En ce sens, nous ne croyons pas qu'un élève qui se trouverait dans la classe d'un enseignant se racontant et vivant ces histoires puisse parvenir à «apprendre à représenter ses intérêts et les intérêts de sa communauté, à les expliquer, à les affirmer», à «apprendre à se situer dans l'ensemble de sa communauté, à découvrir sa place et à choisir les façons qui lui conviennent le mieux de s'insérer dans le présent et dans l'avenir de sa communauté», et à «choisir d'être franco- phone» tout en étant amené à «réfléchir sur son choix d'identité et sur les raisons pour lesquelles il fait ou ne fait pas ce choix» (pour ne mentionner que ces besoins) (Levasseur-Ouimet, 1994, p. 31-39).

À la lumière des histoires que ces enseignantes ont partagées avec nous, il paraît que certains aspects qu'on pourrait qualifier de «politiques» du projet éducatif soient laissés de côté. Ces aspects touchent particulièrement au sentiment d'identité culturelle francophone et au sens d'appartenance et d'engagement communautaire que l'école devrait chercher à mettre en place chez les élèves qui se considèrent de plus en plus comme bilingues et biculturels (Bernard, 1997; Hébert, 1996). Plus particulièrement, nous n'avons pas entendu d'histoires touchant à la conscientisation, la transformation et la libération des élèves du déterminisme sociolinguistique que plusieurs d'entre eux semblent vivre (Landry, 1995; Ministère de l'Éducation de la Saskatchewan, 1996). Dans ces circonstances, comme le suggère Bernard (1997), «le projet culturel de l'école» risque alors d'en être «réduit à un projet linguistique qui se rapproche dangereusement du bilinguisme soustractif» (p. 518).

Nous exprimons ceci sans vouloir attribuer la responsabilité de cette situation aux enseignantes elles-mêmes. Elles ne nous ont évidemment pas raconté toutes leurs histoires. De plus, il faut comprendre que très peu d'enseignants ou d'administrateurs scolaires ont reçu la formation nécessaire pour animer les aspects plus politiques d'un projet éducatif. Il faut également constater que, dans le contexte des écoles fransaskoises, ces aspects ne semblent pas faire l'unanimité chez tous les parents, comme en font foi certaines histoires qu'ont racontées les enseignantes. Enfin, les aspects plus politiques d'un projet éducatif ne peuvent être conçus comme étant sous l'unique responsabilité des enseignants et des administrateurs scolaires. Ils doivent engager le personnel enseignant dans une conversation, non seulement avec les élèves, mais aussi leurs parents et la communauté (Gérin-Lajoie, 1996; Landry, 1995). On peut par ailleurs se demander, comme le font Bernard (1997, 1998) et Dubé (1999), dans quelle mesure ces aspects du projet éducatif de l'école francophone en milieu minoritaire sont réalisables étant donné l'anglo-dominance du milieu et du caractère bilingue de nombreuses familles.

Nouvelles pistes de recherche

Il faut donc continuer notre travail de recherche et de partage d'histoires auprès d'autres enseignants oeuvrant en milieu minoritaire, et ce, pour plusieurs raisons. De nombreuses histoires ne sont pas encore connues. Ainsi, nous devons donner l'occasion à d'autres enseignants de raconter et de partager leurs histoires. En particulier, il serait intéressant de connaître les histoires d'enseignants travaillant au secondaire, d'enseignants hommes, d'enseignants nouvellement arrivés en milieu minoritaire et d'enseignants oeuvrant en milieu minoritaire ailleurs au Canada.

Nous aimerions aussi pouvoir entendre des histoires touchant aux aspects plus politiques du projet éducatif de l'école francophone en milieu minoritaire. Des histoires touchant à la conscientisation, à la transformation et à la libération des élèves. Comme nous en avons discuté plus haut, il semble que ces aspects plus politiques du projet éducatif de l'école francophone en milieu minoritaire restent dans une certaine mesure à mettre en place. En ce sens, il paraît essentiel de chercher à connaître les histoires des élèves qui fréquentent les écoles francophones en milieu minoritaire et celles de leurs parents.

Avec les enseignants des écoles francophones en milieu minoritaire, leurs élèves et leurs parents, nous désirons continuer à chercher et à partager ces histoires pour rendre possible le projet éducatif des écoles francophones. Comme le dit Madeleine, l'école fransaskoise, «c'est vraiment un projet à long terme. C'est un peu comme un idéal qu'on vise». L'école fransaskoise est en devenir.