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Cet ouvrage de vulgarisation propose un regard sociologique sur les différentes conditions de l’adolescence, cette période culturellement et socialement spécifique qui précède l’entrée dans la vie et qui se traduit par un va-et-vient entre turbulence et construction de soi (p. 8). L’ouvrage dirigé par David Le Breton, sociologue français spécialiste de l’adolescence, regroupe douze textes divisés en quatre parties : sociabilité, vie quotidienne, passions techniques et souffrances. L’ensemble de ces textes, qui ont le mérite d’être clairs, synthétiques et très accessibles, rappelle toute la complexité de ce passage à la vie adulte dans un monde de consommation et d’image qui valorise la perpétuelle jeunesse, et où institutions et familles sont elles-mêmes en pleine recomposition. Plusieurs des auteurs font tout d’abord remarquer qu’il s’agit d’une période dont la durée est de plus en plus difficile à cerner, allant de la préadolescence ou de l’adonaissance (expression empruntée à la sociologue canadienne Diane Pacom) à l’adulescence. Si l’on a longtemps adopté une définition médicale de l’adolescence, les sociologues soulignent ici qu’elle constitue davantage un état, un projet anthropologique, plutôt qu’une période bien circonscrite dans le temps. L’adolescence est donc avant tout à considérer comme une seconde naissance à un monde social, comme une révolution intime et sociale caractérisée par une transformation radicale de l’image de soi, des humeurs et des comportements […] (Aït El Cadi, p. 54).

Cependant, les auteurs cernent bien les difficultés d’opérer cette révolution dans le contexte social actuel, marqué par une grande instabilité et pluralité des valeurs, qui oblige l’adolescent à inventer ces croyances et ritualités que les adultes lui transmettent de moins en moins. Par conséquent, selon Le Breton, la culture ou la tyrannie des pairs supplante celle des pères (p. 62). Par ailleurs, l’article de Marcelli montre très bien comment les transformations majeures de la famille (statut de la femme, rapetissement et éclatement du noyau) modifient les types de conflits parents/adolescents ; alors que celui de Meirieu dénonce la culture scolaire bancaire qui, n’encourageant ni participation ni dialogue, renforce l’indifférence ou l’agressivité des adolescents envers l’école. Pour beaucoup d’entre eux, la vie est ailleurs, bien souvent dans la consommation, dans le sport et dans les TIC, trois domaines où il est encore possible d’obtenir une certaine reconnaissance sociale qui fait cruellement défaut dans nos sociétés, où les rites de passage ont à peu près disparu ou manquent de réelle charge symbolique (Jeffrey, p. 103). Trois domaines qui permettent aussi aux adolescents d’acquérir des identités prêt-à-porter et provisoires, et de pouvoir vivre en bande, immergés qu’ils sont, à leur insu, dans une culture de masse mondialisée et hyperstandardisée. Le Breton illustre bien comment les passions pour les marques commerciales ou les appareils portables deviennent ainsi des modalités pour définir du sens et pouvoir se situer avec les autres (p. 71).

Bien que les articles soient d’un intérêt parfois inégal, il reste que cette pluralité de regards sociologiques posés sur l’état d’adolescence met bien en lumière la profonde quête de sens, pour ne pas dire la souffrance, qui se cache derrière les comportements souvent déroutants des adolescents. En cela déjà, cet ouvrage peut se révéler inspirant pour les parents et éducateurs que nous sommes.