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1. Introduction

La difficulté d’élimination de la fraction colloïdale dans l’eau et des particules les plus fines en suspension dans l’eau provient du fait que ces particules se trouvent dans l’eau à l’état de particules chargées électriquement, précisément de charges négatives. La répulsion mutuelle entre elles empêche ces particules de s’agglutiner sous l’effet des forces de Van der Waals et d’acquérir ainsi une dimension suffisante pour devenir décantables (MOUCHET, 2000). La dispersion instantanée d’un ou de plusieurs produits chimiques (souvent un sel métallique trivalent comme Al3+ ou Fe3+) dans l’eau permet de déstabiliser ces particules et d’obtenir des précipités décantables. On parle de la « coagulation-floculation ». C’est un procédé classique employé dans les usines de production d’eau potable et aussi en épuration primaire des eaux usées, destiné surtout à l’élimination de la fraction colloïdale et des particules les plus fines en suspension dans l’eau (BARLES, 2005; CRITES et al., 2006; MEMOTEC, 2006).

La coagulation-floculation se fait en deux étapes (LECHEVALLIER et al., 2004; MONTYGOMERY, 1985; RUSSELL, 2006; Van BENSCHOTEN et EZNALD, 1990). La première étape, la coagulation, consiste à déstabiliser les particules, par action des réactifs chimiques « coagulants » qui annulent les forces répulsives ou agissent sur l’hydrophilie des particules colloïdales. La seconde étape correspond à la floculation qui a pour but d’agglomérer les colloïdes « déchargées » en précipités décantables appelés « flocs » par suite de contacts, entre les particules, favorisés par un processus mécanique (agitation, brassage) (BRATBY, 2007; DESJARDINS, 1997). Cette floculation peut être améliorée par ajout d’un autre réactif appelé « adjuvant de floculation » qui permet le grossissement plus rapide des flocs (BERNE et CORDONIER, 1991; ELLIS et al., 2004). Les performances de ce procédé dépendent de plusieurs facteurs comme l’ordre d’ajout des réactifs chimiques, la dose du coagulant, la concentration des particules colloïdales, la température, le pH ainsi que les équipements en place, le temps et la vitesse de brassage (CRITES et al., 2006; ELSAMRANI, 2003; GODART, 2000).

On distingue les coagulants minéraux, les coagulants organiques et les floculants organiques de synthèse (CHAMBRE SYNDICALE DE LA RECHERCHE ET DE LA PRODUCTION DU PÉTROLE ET DU GAZ NATUREL, COMITÉ DES TECHNICIENS, 1993; RUSSELL, 2006). Les coagulants minéraux sont en général des sels de cations trivalents, principalement des sels d’aluminium ou de fer (CACHAU-HERREILLAT, 2005; Chambre de commerce et d’industrie CCI de Troyes, 2002). Les sels d’aluminium les plus utilisés sont le sulfate d’aluminium Al2(SO4)3, le chlorure d’aluminium AlCl3 et l’aluminate de sodium NaAlO2. Pour les sels de fer, il y a le chlorure ferrique FeCl3, le sulfate ferrique Fe2(SO4)3 et le sulfate ferreux FeSO4 (GREGORIO et BADOT, 2007). On cite des cas, peu fréquents, d’emploi des sels de cuivre et de zinc. Le précipité formé est l’hydroxyde du métal correspondant. L’emploi des sels de fer et d’aluminium date des dernières années du XIXe siècle.

Les coagulants organiques de synthèse sont à caractère cationique et ils ont de faibles poids moléculaires. Ils se classent en trois familles :

  • les mélamines formaldéhydes

  • les épichlorhydrines diméthylamines (EPIDMA)

  • les polychlorures de diallyldiméthylammonium (POLYDADMAC).

Les polyélectrolytes complètent l’action des agents minéraux. Leur action ne consiste pas seulement à abaisser les barrières de potentiel entre particules, mais provoque également la formation de ponts interparticulaires favorisant la coagulation entre les particules en suspension.

Il faut rappeler aussi qu’à part ces coagulants et floculants, il existe des produits qui améliorent la floculation : les adjuvants de floculation. Le plus ancien est la silice activée qui est un adjuvant de haute classe doué d’une remarquable aptitude à la floculation (ELLIS et al., 2004; WIDED BEN TAGHEROUIT, 2004).

La présente étude propose un procédé qui permet de préparer de nouveaux produits à base d’alumine et de silice. Les matières premières utilisées au cours de cette étude pour préparer les nouveaux coagulants sont le kaolin, qui existe en grande quantité à Madagascar (KOGEL et al., 2006; RAFARAHARIVONY, 1981; RAKOTONANAHARY, 1980; RAZAFIMANDIMBY et al., 1982; RAZAFIMANDIMBY, 1987), et le sulfate d’ammonium qui va devenir un sous-produit important du projet de production de Nnickel et de cobalt par la société Sherrit International à Moramanga dans l’est de Madagascar (SHERRIT INTERNATIONAL CORPORATION, 2008).

Le kaolin est de l’argile blanche, friable et réfractaire. Toutefois, des impuretés peuvent lui donner des couleurs et teintes variées : jaune, rouge, gris, brun. Il a une structure en feuillets. Il est classé dans le groupe des minéraux 7 Å. Le principal constituant du kaolin est la kaolinite qui est un ensemble moléculaire théorique de formule « 2SiO2, Al2O3, 2H2O » provenant de l’altération des roches à feldspaths et des granits (KOGEL et al., 2006). Son principal constituant, la kaolinite, est formé de l’empilement d’une couche de cations tétraédriques et d’une couche de cations octaédriques. Il résiste jusqu’à une température aux environs de 1 750 °C sans se ramollir ni se déformer; il est classé dans le groupe des matériaux réfractaires. Le kaolin n’est pas attaqué par les acides et bases diluées, mais il se décompose sous l’action de l’acide sulfurique concentré.

Tableau 1

Composition chimique du kaolin d’Analabe.

Chemical composition of Analabe kaolin.

Composition chimique du kaolin d’Analabe.

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Notre objectif est d’étudier le traitement thermique du kaolin par le sulfate d’ammonium et de valoriser les produits obtenus, notamment dans le domaine du traitement des eaux. Nous avons cherché dans notre travail un nouveau procédé qui ne nécessite pas la séparation du sulfate d’alumine et de la silice pour l’application en traitement des eaux du fait que la silice aide à la floculation. Pour mesurer l’efficacité des nouveaux produits obtenus de ce nouveau procédé, des essais de coagulation-floculation ont été effectués sur différents types d’eau : eaux superficielles, eaux usées urbaines et eaux usées industrielles. Ces essais ont montré qu’à certaines conditions de températures et de durées d’attaque thermique, ces nouveaux produits ont les mêmes effets et sont même plus efficaces que le sulfate d’aluminium habituel.

2. Matériel et méthodes

2.1 Matières premières

Les matières premières utilisées pour préparer ces nouveaux produits sont le kaolin (Al2O3, 2SiO2, 2H2O) et le sulfate d’ammonium (NH4)2SO4.

Le kaolin que nous avons utilisé au cours de cette étude provient du gîte d’Analabe situé dans la région Ibity au centre-est de Madagascar. Le tableau 1 donne sa composition chimique.

Le sulfate d’ammonium utilisé est de type commercial. Il a pour formule chimique (NH4)2SO4. Son poids moléculaire est 132,14 g•mol-1. À 20 °C, pour une solution à 5 %, son pH est de 5 à 6. Sa densité par rapport à l’eau est 1,769. Il est soluble dans l’eau.

Étant donné que la base de notre procédé de fabrication des nouveaux produits est le traitement thermique de ces matières premières, leurs comportements thermiques ont été étudiés.

L’analyse thermique différentielle du kaolin a été effectuée au Laboratoire de Pédologie de la FOFIFA à Madagascar sur un micro-analyseur thermique différentiel B.D.L. avec enregistreur asservi GRAPHISPOT type GRSVAT n° 90, SEFRAM – PARIS.

Les conditions d’enregistrement sont les suivantes :

  • poids de l’échantillon : environ 20 mg;

  • vitesse de chauffe : 3 à 8 C°•min-1;

  • atmosphère : air.

La décomposition thermique du sulfate d’ammonium a aussi été étudiée. Les résultats de ces études thermiques sont donnés dans le paragraphe des résultats et discussion.

2.2 Méthode de préparation des nouveaux produits

Les procédés de préparation de l’alumine ou des sels d’aluminium consistent en général à activer thermiquement le kaolin, puis à l’attaquer par un acide. Partant de différentes méthodes (BARETT et al., 1973; GITIS et al., 1985; RAKOTOMARIA et al., 1996; RAKOTOMARIA et RATSIMBA, 2009), nous avons mélangé le kaolin et le sulfate d’ammonium en respectant le rapport stoechiométrique correspondant à la réaction d’attaque chimique :

Le rapport stoechiométrique correspondant à cette réaction est :

Nous avons ainsi le rapport massique :

Remarque : Masses molaires

  • Kaolin d’Analabe (Al2O3, 2SiO2, 2H2O) : 258 g•mol-1.

  • Sulfate d’ammonium (NH4)2SO4 : 132 g•mol-1.

Après avoir pesé le kaolin et le sulfate d’ammonium en respectant un rapport massique, sulfate d’ammonium/kaolin de 1,5, on brasse le mélange pour qu’il soit parfaitement homogène.

Le mélange doit être ensuite broyé pour avoir des poudres aussi fines que possible. Une granulométrie moyenne de 100 µm est préférée afin de favoriser le contact et la réaction entre le kaolin et le sulfate d’ammonium. Ce mélange broyé est ensuite porté à la température variant de 200 à 350 °C. Quatre valeurs de températures ont été choisies : 200 °C, 250 °C, 300 °C et 350 °C.

La température de 200 °C est prise comme valeur minimale car cette température est favorable au dégagement du gaz ammoniac contenu dans le sulfate d’ammonium. Il est préférable de ne pas dépasser la température de 350 °C car, d’après les résultats antérieurs de nos collègues (RAKOTOMAMONJY, 2005), à cette température :

  • le gaz ammoniac contenu dans le sulfate d’ammonium est totalement dégagé;

  • l’eau de constitution (humidité) du kaolin s’évade à cette température;

  • au-delà de cette température, le taux de dégagement de SO3 devient trop important et s’accroît très vite, ce qui détruit en partie le sulfate d’aluminium formé.

La durée de maintien de température de cuisson préférée est de 5 à 120 min. Ces délais correspondent aux délais minimum et maximum des dégagements gazeux déterminés dans nos essais préliminaires, en accord avec les résultats antérieurs de nos collègues RAKOTOMAMONJY (2005). Nous avons choisi les valeurs 5, 30, 60, 90 et 120 min.

En plus de l’obtention du nouveau produit, ce processus permet, selon la réaction (1), d’obtenir également le gaz ammoniac NH3 et par la suite des solutions ammoniacales NH4OH par absorption dans l’eau.

2.3 Types d’eaux traitées

Pour tester l’effet de coagulation-floculation des nouveaux produits, cinq types d’eau ont été utilisés au cours de l’étude :

  • type 1 : eau du lac de Mandroseza (Madagascar) qui constitue la ressource en eau potable du centre-ville d’Antananarivo, capitale de Madagascar;

  • type 2 : eau de rejets urbains prélevée dans le canal d’évacuation d’eaux usées, à ciel ouvert, canal Andriantany traversant la ville d’Antananarivo;

  • type 3 : eaux usées de délavage de jeans : effluent industriel d’une unité textile;

  • type 4 : eaux usées d’une teinturerie : effluent industriel d’une unité textile;

  • type 5 : eaux usées d’une industrie agro-alimentaire.

Le tableau 2 donne les caractéristiques physico-chimiques de ces différents types d’eau.

Tableau 2

Caractéristiques physico-chimiques des différents types d’eau étudiés.

Physico-chemical characteristics of the different types of water used.

Caractéristiques physico-chimiques des différents types d’eau étudiés.

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2.4 Essais de coagulation-floculation

Pour tester l’effet de coagulation-floculation, des essais en laboratoire ont été réalisés avec un floculateur de marque ORCHIDIS muni de six béchers ronds d’une capacité de 1 000 mL chacun. Cette opération appelée « jar-test » consiste à verser un litre de l’eau à traiter dans chacun des six récipients et à y introduire des quantités croissantes de coagulant.

Nous avons effectué des séries d’essais de coagulation-floculation : tout d’abord avec le kaolin seul, puis avec les nouveaux produits à tester, et enfin avec le sulfate d’alumine habituel pour pouvoir faire une comparaison entre ce dernier et les nouveaux produits.

D’après les littératures, la zone de pH optimal de coagulation se situe entre 5,8 et 7,4 pour les hydroxydes d’aluminium (BERNARD et DIVET, 1974). Ainsi, avant de lancer la coagulation-floculation, nous avons tout d’abord neutralisé chaque eau à traiter.

Pour chaque essai de Jar-test, une agitation rapide de 100 tr•min-1 est effectuée pendant 2 min puis la vitesse d’agitation est réduite à 40 tr•min-1 pendant une vingtaine de minutes pour laisser floculer les particules. L’agitation étant arrêtée, on fait une décantation de 20 min et on siphonne 0,5 L du surnageant de chacun des six essais pour effectuer différentes analyses.

2.5 Caractéristiques physico-chimiques

Au cours de cette étude, les paramètres physico-chimiques permettant d’évaluer l’efficacité de la coagulation-floculation ont été mesurés pour chaque type d’eau après les essais de Jar-test.

La turbidité a été mesurée à l’aide d’un turbidimètre HACH 2100P, le pH avec un pH-mètre SCHOTT G840, la conductivité électrique et la minéralisation globale avec le conductimètre LF538 WTW.

Outre ces paramètres, les matières organiques, les matières en suspension, l’ammonium, les nitrites et les nitrates ont été aussi mesurés.

La quantité des matières organiques a été mesurée par la méthode de l’oxydabilité au permanganate de potassium. La méthode par filtration a été utilisée pour déterminer les matières en suspension. Le dosage des nitrites a été fait à l’aide d’un spectrophotomètre S7501 de marque SECOMAM en appliquant la méthode au réactif de Zambelli. De même, le dosage des nitrates a aussi été effectué avec ce spectrophotomètre avec la méthode au salicylate de sodium. L’azote ammoniacal a été déterminé par la méthode de Nessler à l’aide de ce même spectrophotomètre.

3. Résultats et discussion

3.1 Étude du comportement thermique des matières premières

Des études sur le kaolin d’Analabe nous ont permis de voir son comportement thermique grâce à la courbe d’Analyse Thermique Différentielle (ATD) fournie par la figure 1.

Figure 1

Rakotomaria - Courbe d’Analyse Thermique Différentielle (ATD) du kaolin d’Analabe.

Differential Thermal Analysis (DTA) of Analabe kaolin.

Rakotomaria - Courbe d’Analyse Thermique Différentielle (ATD) du kaolin d’Analabe.

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Cette courbe suit l’allure générale des courbes d’ATD des kaolins :

  • le pic endothermique vers 650 °C correspond à la déshydroxylation de la kaolinite et à la formation du métakaolin;

  • le pic exothermique vers 950 °C indique la recristallisation du métakaolin.

Le sulfate d’ammonium se décompose sous l’action de la chaleur :

  • le gaz ammoniac NH3 se dégage entre 100 et 350 °C;

  • le gaz anhydride sulfurique SO3 se dégage surtout à partir de 350 °C, jusqu’à 800 °C.

La durée de maintien des températures de dégagement de ces gaz est comprise entre 15 minutes et 3 heures (RAKOTOMAMONJY, 2005).

La figure 2 montre la variation du dégagement du gaz anhydride sulfurique SO3 par le kaolin en fonction de la température. Cette étude du comportement thermique de ces matières premières nous a permis de déterminer les meilleures conditions d’attaque à appliquer pour le procédé de fabrication des nouveaux produits.

Figure 2

Rakotomaria - Dégagement du gaz SO3 en fonction de la température.

Formation of SO3 gas as a function of temperature.

Rakotomaria - Dégagement du gaz SO3 en fonction de la température.

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3.2 Produits obtenus

En faisant varier la température et la durée de traitement thermique du kaolin par le sulfate d’ammonium, nous obtenons diverses variantes. Nous avons nommé : « Pxxx-yy » chaque nouveau produit d’attaque obtenu, où xxx désigne la température de cuisson et yy indique la durée de cuisson. En général, quand la température et le temps de cuisson augmentent, le produit devient de plus en plus acide. Ceci est dû au dégagement du gaz ammoniac qui avance au fur et à mesure que la température augmente. Les courbes des figures 3 et 4 montrent les variations du pH en fonction de la température et de la durée d’attaque. Ces pH sont mesurés à partir de 10 g de produit Pxxx-yy dans un litre d’eau.

Figure 3

Rakotomaria - Variation des pH des nouveaux produits en fonction de la durée d’attaque.

Variation of the pH of the new products as a function of the attack duration.

Rakotomaria - Variation des pH des nouveaux produits en fonction de la durée d’attaque.

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Figure 4

Rakotomaria - Variation des pH des nouveaux produits en fonction de la température d’attaque.

Variation of the pH of the new products as a function of the attack temperature.

Rakotomaria - Variation des pH des nouveaux produits en fonction de la température d’attaque.

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3.3 Essais de coagulation-floculation

On peut classer nos essais préliminaires en trois grandes séries : essais avec le kaolin seul, essais avec les différents nouveaux produits et essais avec le sulfate d’alumine habituel.

Pour le kaolin, nous avons tout d’abord traité ce dernier à 350 °C pendant deux heures : conditions qui ont donné les meilleurs résultats avec les nouveaux produits. Pour tous les types d’eau, les essais ont montré que le kaolin ne peut pas être utilisé seul pour la coagulation-floculation. Aucun floc n’est apparu avec les eaux type 1 (eau brute pour eau potable), type 2 (eaux usées urbaines) et type 5 (eaux usées agroalimentaires) tandis que de très petits flocs de très faible quantité se sont formés dans les eaux type 3 (eaux usées de délavage de jeans) et type 4 (eaux usées de teinturerie). En outre, on a remarqué que les eaux traitées avec le kaolin deviennent troubles. La turbidité de l’eau traitée a presque quadruplé sauf pour les eaux usées de délavage de jeans qui a déjà une turbidité très élevée pour l’eau brute. Les valeurs de ces turbidités sont données dans le tableau 3.

Tableau 3

Qualité de la coagulation-floculation avec le kaolin seul.

Quality of the coagulation-flocculation obtained with kaolin only.

Qualité de la coagulation-floculation avec le kaolin seul.

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Pour chaque type d’eau étudié, nous avons fait des essais de Jar-test avec les différentes variantes de nos nouveaux produits.

Pour l’eau type 1 (eau brute pour production d’eau potable), nous avons directement fait la coagulation-floculation sans avoir fait une neutralisation au préalable car le pH de l’eau brute est 7,4. C’est la variante P350-120 qui a donné la bonne floculation pour ce type d’eau. Le tableau 4 montre les caractéristiques physico-chimiques obtenues après la coagulation-floculation avec 200 mg•L-1 de P350-120 : c’est la concentration qui a donné les meilleurs résultats. À part le pH qui est acide, les principaux paramètres d’analyse de l’eau traitée sont dans les normes. Ce pH peut être corrigé dans les étapes ultérieures de traitement par addition de chaux, ce que la station de traitement actuelle appelle « chaux de neutralisation » ou « chaux en aval de traitement ». Il est à remarquer que dans le traitement actuel, il y a systématiquement une neutralisation avec de la chaux « chaux en amont » avant l’étape de coagulation-floculation, mais le pH est toujours acide.

Tableau 4

Caractéristiques physico-chimiques de l’eau type 1 après jar-test.

Physico-chemical characteristics of water type 1 after a jar-test.

Caractéristiques physico-chimiques de l’eau type 1 après jar-test.

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Pour l’eau type 2 (eaux usées urbaines), nous avons tout d’abord remonté le pH avec la chaux pour avoir un pH neutre. Les essais ont montré que les produits P350-90 et P350-120 peuvent être utilisés comme coagulants minéraux de ce type de rejets. Les principaux paramètres d’analyse sont dans les normes (Tableau 5).

Tableau 5

Caractéristiques physico-chimiques des eaux types 2, 3, 4 et 5 après jar-test.

Physico-chemical characteristics of water types 2, 3, 4 and 5 after a jar-test.

Caractéristiques physico-chimiques des eaux types 2, 3, 4 et 5 après jar-test.

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De même ces deux variantes P350-90 et P350-120 sont aussi retenues comme coagulants pour l’eau type 3 (eaux usées de délavage de jeans). Le tableau 5 donne les caractéristiques physico-chimiques de l’eau traitée. Signalons que pour ce type d’eau qui est très acide, nous avons fait une neutralisation avec la chaux avant d’effectuer la coagulation-floculation.

Enfin, pour les eaux types 4 et 5, les analyses des eaux traitées avec P350-120 ont montré que ce dernier peut être retenu comme coagulant minéral de ces types d’eaux (Tableau 5). Mais comme l’eau type 4 (eaux usées de teinturerie) était très basique, nous avons dû abaisser le pH avec l’acide sulfurique jusqu’à la neutralisation avant de faire la coagulation-floculation. Et au contraire, nous avons dû remonter le pH des eaux usées agroalimentaires avec la chaux avant de faire les essais.

Du point de vue pH, nous pouvons conclure que ces nouveaux coagulants P350-90 et P350-120 diminuent toujours le pH de l’eau traitée, quel que soit le type d’eau traitée. Cette diminution de pH s’explique aussi par la consommation des hydrogénocarbonates contenus dans l’eau au cours de la coagulation-floculation.

Quant à la dose de ces nouveaux coagulants, il faut appliquer en moyenne une dose de 200 à 300 mg•L-1 sauf pour les eaux usées de teinturerie où elle atteint les 1 500 mg•L-1. Dans le tableau 5, pour chaque type d’eau, nous avons montré les valeurs des caractéristiques physico-chimiques correspondantes à la dose de coagulant qui a donné la meilleure floculation.

Après ces séries de jar-test avec les nouveaux produits, des essais de coagulation-floculation avec le sulfate d’alumine habituel ont été aussi effectués dans le but de faire une étude comparative avec nos nouveaux produits, précisément le produit P350-120. Ces derniers essais ont montré que ce nouveau coagulant présente certains avantages par rapport au sulfate d’alumine du fait qu’il contient de la silice qui aide à la floculation. Le tableau 6 résume l’étude comparative des effets du sulfate d’alumine et du P350-120 sur les différents paramètres physico-chimiques étudiés.

Tableau 6

Etude comparative du sulfate d’alumine habituel et du nouveau coagulant P350-120.

Comparative study of the aluminium sulphate usually used and the new coagulant P350-120.

Etude comparative du sulfate d’alumine habituel et du nouveau coagulant P350-120.

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Ces ressemblances et différences sont sans doute en relation avec la composition chimique de ces deux produits. Les analyses ont montré que le sulfate d’alumine habituel et le produit P350-120 ont les mêmes basicités : de 2 à 3 % mais il y a un écart entre leur titre en alumine. Il varie de 17 à 18 % pour le sulfate d’aluminium alors qu’il est aux environs de 6 à 8 % pour le nouveau coagulant P350-120. En solution, le titre en alumine du produit P350-120 est faible par rapport à celui du sulfate d’alumine habituel. Mais ce produit P350-120 présente un avantage du fait qu’il contient de la silice qui aide à la coagulation-floculation.

4. Conclusion

Madagascar possède plusieurs gisements de kaolin et le projet minier SHERRIT produira une grande quantité de sulfate d’ammonium comme sous-produit industriel.

Inspiré par ces faits, cette étude présente un nouveau procédé d’attaque du kaolin par le sulfate d’ammonium. Le kaolin est mélangé avec du sulfate d’ammonium en proportions convenables et une attaque thermique allant de 200 à 350 °C a été effectuée en variant en même temps la durée d’attaque de cinq minutes à deux heures.

Par ce procédé, on obtient une poudre terreuse contenant de l’alumine, ayant des caractéristiques voisines du sulfate d’alumine habituel mais contenant en même temps de la silice.

Après divers essais de traitement sur différents types d’eau : eaux naturelles, eaux usées urbaines et industrielles, on peut conclure que sous certaines conditions ces nouveaux produits peuvent être utilisés comme coagulants en traitement des eaux. La variante la plus intéressante est celle obtenue à 350 °C après deux heures de cuisson du mélange au four.

À part son procédé de préparation qui est très facile, la présence de silice dans ce nouveau coagulant lui confère beaucoup d’avantages par rapport au sulfate d’alumine habituel. Par exemple, il a le même effet et est souvent plus efficace que le sulfate d’alumine habituel pour l’élimination des matières en suspension. Il est plus efficace dans la réduction des matières organiques de certains types d’eaux, comme les eaux usées agroalimentaires.

Outre cette utilisation en traitement des eaux, on peut aussi préparer du sulfate d’alumine pur à partir de ce procédé sans avoir besoin d’activer le kaolin en métakaolin, comme dans les procédés connus. Pour cela, on prépare une solution concentrée par lixiviation du produit d’attaque par l’eau ou une solution acide et on effectue une filtration ou une cristallisation. Le filtrat évaporé donne par cristallisation le sulfate d’alumine.

Enfin, ce nouveau procédé permet aussi de recueillir le gaz ammoniac qui se dégage au cours de l’attaque du kaolin par le sulfate d’ammonium.

La silice résiduaire obtenue après séparation de l’alumine est également une silice active valorisable. Tout ceci pourra être une suite intéressante de ce travail.