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Peut-on convoquer une figure idéale qui embrasse, dans la diversité de ses nuances et de ses expressions, l’imaginaire réflexif du dessin, des formes picturales et partant, celui du récit graphique et séquentiel? “Les Ménines”? “L’autoportrait” de Norman Rockwell? À moins qu’on nesonge aux innombrables planches dans lesquelles on voit, représenté, à sa table de travail, le dessinateur? Un de ces effets en abîme par lequel, un personnage lit une bande dessinée – voire celle-là même qui le contient –, éprouvant tout à la fois la facticité du média qui l’exprime et les dimensions narratives et fictionnelles de sa condition : cela, comme nous voyons 8 ½ de Fellini ou Fenêtre sur Cour de Hitchcock, lisons Feu Pâle de Nabokov ou Jacques le Fataliste de Diderot?

Au seuil de ce volume consacré à la réflexivité dans la bande dessinée, un dessin fameux d’Eischer peut fournir une telle figure : dans “Mains dessinant” (1948), une main seconde dessine la main première qui la dessine… ou l’inverse. Virtuose et facétieux, ce trompe-l’oeil annule, dans l’effet spéculaire de son miroir, les questions de l’origine pour boucler dans l’oeuvre elle-même, celles confondues de son engendrement et de son devenir. Parfait anneau de Moebius exposé dans le jeu de sa performativité, ce dessin, concentre certainement dans sa figure idéale d’ouroboros, les dimensions de l’inclusion et de la répétition inhérentes à l’imaginaire de la mise en abyme. Se manifestent également, par son thème même, une attention portée aux conditions de l’énonciation ainsi qu’aux formes matérielles du médium. S’auto-représentant, celles-ci laissent entendre la possibilité d’un métadiscours sur ses limites et ses possibilités, sa clôture autotélique et sa liberté d’invention formelle toujours relancée, à moins que ne se fassent ici également constater un jeu de conventions réflexives et des pratiques saturées à force de leur banalisation.

Les dimensions de la mise en abyme, de l’auto-référentialité ou des jeux spéculaires dans le récit (Dällenbach 1977) qualifient communément les approches les plus immédiates de la réflexivité artistique et cela, quel qu’en soit le support médiatique. Mais devant l’extension de la notion de réflexivité, chez les artistes tout comme dans les métadiscours critiques ou théoriques, il faudrait sûrement compléter la tautologie du paradoxe visuel d’Eischer, au moyen des jeux logiques et métafictionnels de Borges, ajouter des pirandellismes ou des quichottismes, tracer, pour les rendre poreuses, des frontières entre des espaces ontologiquement hétérogènes et circuler alors, d’un côté à l’autre de la fiction, du récit, des cadres et des formes. Inévitables donc, comme agents opérateurs, les effets de la métalepse, cette figure du passage servant les traversées entre le monde que l’on lit et celui d’où l’on lit, selon le mot de Genette (1972). Compléter encore la figure réflexive tirée d’Eischer, de renvois à l’oeuvre entière de Marc-Antoine Matthieu (voir le cycle de Julius Corentin Acquesfacques, 6 volumes de 1990 à 2012) ou aux formes des métacomics (Baurin 2012), super-héroïques (Top 10, Ex Machina, Deadpool, Tom Strong, The Unwritten, Lock & Key), qui, différemment, mettent en jeu, dans un métadiscours fictionaliste, tout aussi complexe que désormais répandu, la pluralité des mondes possibles et la conscience bien acquise de la fabrique de la fiction, source de plaisir chez le lecteur, éventuellement de perplexité ou d’angoisse chez le personnage.

Cases au miroir : ce numéro de Recherches Sémiotiques/Semiotic Inquiry se propose de penser à partir, mais aussi au-delà, de ces jeux d’inscriptions courants de la réflexivité, la pertinence qu’il leur est possible de conserver dans une culture où formes et discours réflexifs, loin de constituer une exception, en constituent, au contraire, un trait dominant. Voir dans les formes réflexives l’expression d’une intelligence critique, d’une distanciation ludique salutaire et d’une conscience artistique authentique des caractéristiques des médias (littérature, cinéma, bande dessinée, aujourd’hui domaine vidéoludique) aura été une stratégie tout à fait identifiable dans l’histoire de l’institutionalisation et de la reconnaissance qualitative de genres et de médias jugés un temps – plus ou moins long – illégitimes. Véritable passagers clandestins dans les grandes navettes de l’industrie culturelles, plus values qualitatives garantes d’un sens critique, les formes réflexives ont contribué à la reconnaissance qualitative de leurs objets, par la façon dont les exégètes de la paralittérature, de la bande dessinée, des cinémas de genres, aujourd’hui des jeux vidéos et de toutes les intermédialités et convergences (Jenkins 2008) ont eu de les mettre au jour dans les oeuvres elles-mêmes. Cet effet s’est vu redoublé, mais dans une perspective toute différente, par les approches culturalistes qui procédaient d’une neutralisation axiologique des oppositions entre culture légitime et illégitime, savante et populaire, high and low.

Cette légitimation provient du fait que les formes réflexives sont réputées conduire à une manière plus lucide et libre de lire, moins conventionnelle ou normée, débarrassée des illusions de la psychologie et de l’illusion référentielle. Examinées à la lumière des stratégies de réécriture générique, les évaluations critiques courantes du fantastique, du policier, de la science-fiction, ou des bandes dessinée, des feuilletons, aujourd’hui des séries, montrent clairement que les systématicités structurales, les éléments de stéréotypies, les dispositifs formulaires, loin d’être tenus comme l’expression de leur limite sont devenus, tout au contraire, la condition de possibilité même des dimensions ludique et créative, combinatoire et réflexive qui ont, depuis les années 1970, caractérisé leur mode de réception théorique et académique : cela, aussi bien à partir des approches structurales et poéticiennes que, depuis, le tournant culturaliste dans années 1990.

Afficher la pleine conscience des stéréotypes thématiques ou formels, narratifs ou fictionnels pour les recycler, les assumer ou les subvertir est une forme minimale de jeux réflexifs : c’est à partir des cultures visuelles de la reprise que s’ouvrent alors les plaisirs de la référence plus ou moins cryptée et de la connivence partagée; un geste qui autorise une forme de contre-distinction compensatoire susceptible de moquer les valeurs surplombantes de la culture canonique : de là, le primat de la relecture ironique des grandes figures, des types et archétypes, mais aussi des conventions du médium, la capacité de citation, de reformulation, celle de tracer des héritages et des hommages bref, d’être ouvertement intertextuel et transtextuel, c’est-à-dire procéder, en en affichant la pleine conscience, selon les formes de l’imitation et de la transformation.

Dans Apostille au Nom de la rose, Eco (1983) a souligné que les jeux métatextuels et métafictionnels sur les codes formels et génériques ne sont pas, historiquement, propres aux oeuvres contemporaines : c’est en ce sens que, selon lui, le postmoderne en littérature ne correspond pas à un moment historique donné, mais relève d’une attitude envers la représentation, le récit, la fiction, une perspective qui se trouve alors au principe même du roman occidental depuis Rabelais, Cervantes ou Sterne. Quant aux plaisirs hautement réflexifs qui caractériseraient nos goûts “métagénériques”, selon l’expression de Jameson (1980), évoquant les films de Polanski (Chinatown 1974), Kubrick (The Shining 1980) ou Altman (Le Privé 1973), ils n’ont attendu ni l’état intermédial de la culture de masse, ni même l’âge de ce que l’on nommait par exemple, en France, à partir des années 70, la paralittérature, et dont l’étude académique est contemporaine de celles de la généralisation des études sur le cinéma à l’Université et des débuts de celles de la bande dessinée. Dans son Introduction à la Paralittérature, Daniel Couégnas (1982) insistait significativement, sur l’importance de la participation émotionnelle du lecteur ainsi que le souci de cohérence interne de la diégèse : deux dimensions définitoires dont la conséquence était, selon Couégnas, d’interdire le recours aux dimensions réflexives susceptibles d’entraîner une distanciation nuisible à l’immersion, au rendement narratif et à la préséance de l’intrigue et de ses rebondissements sur l’autonomisation du médium. Contre une telle proposition, les trente-cinq dernières années d’études théoriques et culturelles, poétiques et pragmatiques des expressions de la culture pop n’auront cessé de légitimer la littérature de masse, le cinéma et la bande dessinée par l’explicitation croissante de la complexité et de la subtilité du discours réflexif inhérent à ses formes. Inhérents, car il ne faut pas confondre la systématisation des marqueurs réflexifs dans la culture pop contemporaine en expansion constante depuis la métafiction des années 70 avec la réflexivité qui se manifeste dans les oeuvres dès les formes originaires d’un médium.

De nombreuses analyses d’auteurs, de corpus ou d’oeuvres, notamment dans la critique francophone, se sont appuyées sur les critères de réflexivité en bande dessinée formulés par Thierry Groensteen (1990), des analyses décrivant alors, pour les plébisciter, des formes classiques ou contemporaines de bandes dessinées ou de romans graphiques, élaborant des jeux de plus en plus complexes attestant de la conscience du médium chez les dessinateurs et les scénaristes tout autant que chez leur lecteur.

Mais être lecteur ou spectateur dans la généralité contemporaine de la culture réflexive est-ce nécessairement accéder, au moyen de jeux de déconstructions croissant en difficultés, à des formes de plus en plus sophistiquées de récits et de jeu fictionnels? Ou bien, au contraire le “maillage intermédial” (Gaudreault 2008) de textes, d’images, de films, de supports et de jeux, grand pourvoyeur de renvois et de reprises, de citations ou d’explicite métafictionnel, ne conduit-il pas à voir que la réflexivité n’est ni une téléologie ni même un trait distinctif mais bien un milieu commun. La réflexivité ne constituerait pas l’aboutissement de la lecture mais, au contraire, son point de départ.

Que son affaiblissement critique par banalisation et excès d’expansion en tout site de la culture soit un fait contemporain peut nous inviter à voir encore plus nettement que, parce que la bande dessinée a d’abord surgi dans un monde médiatiquement concurrentiel, elle s’est constitué dans l’antagonisme et la hiérarchie des formes et des arts, ceux de la littérature comme de la peinture, des tutelles promptes à peser lourdement sur sa minorité médiatique et sa légitimité esthétique. C’est donc en ce sens que la bande dessinée ne peut qu’être originairement et consubstantiellement réflexive, qu’elle ne peut manquer d’interroger ses conditions de possibilités, ses procédés et ses limites, dans le système de relations qu’elle entretient avec les autres arts.

S’il y a cependant des périodes plus réflexives que d’autres – le baroque, le symbolisme, le postmoderne – on sait qu’il est également possible d’envisager en synchronie, la prégnance de ces manifestations de manière diamétralement opposées : elles peuvent être décrites comme le sommet qu’atteint une forme dans l’exposition et l’exploration de la conscience qu’elle possède de sa propre matérialité et de ses enjeux esthétiques; ou, à l’inverse, on peut l’envisager comme l’expression, dans le systématisme et la gratuité, d’un formalisme solipsiste, y voir la marque d’un art exsangue et en déclin, qui s’est épuisé et piégé dans son autotélisme et la vanité de son intransitivité. Mais, il est aussi possible de ne pas s’en tenir aux termes d’une telle partition et de penser que la question est plus compliquée que ces oppositions binaires, ces couperets chronologiques qui, de fait, ne sont que des effets de balanciers entre des approches esthétiques et textualistes plébiscitant l’autonomie esthétique d’une part et, de l’autre, des exigences culturalistes et critiques d’en revenir aux conditions des contextes et des ancrages référentiels.

C’est à partir de ces jeux de questions et de situations que ce volume de Recherches Sémiotiques/Semiotic Inquiry entend proposer des approches susceptibles de faire “travailler” une fois de plus la vieille question réflexive pour y voir un enjeu critique encore opératoire au plan général du médium mais aussi dans les lectures locales d’oeuvres, de figures, d’auteurs ou de système imaginaire collectif (comicdom par exemple).

Le volume s’ouvre avec la contribution de Thierry Smolderen qui, en s’intéressant à Töpffer et à Lessing, mais aussi à Doré et à Cham, montre qu’à l’origine même de la bande dessinée, se tient la question réflexive; les problèmes esthétiques de la ligne droite et du zig zag, du récit et du dessin, de la mimésis et de l’excentricité sont marqués par les expériences romanesques de Laurence Sterne dans Vies et Opinions de Tristram Shandy. Poursuivant la démarche entreprise dans Naissance de la bande dessinée, de William Hogarth à Winsor McCay (2009), Smolderen démontre que l’interrogation réflexive, explicite chez Cham ou Doré, plus retorse et voilée chez Töpffer, est bien au principe d’un art émergeant dans le dialogue conflictuel qu’il entretient avec d’autres formes artistiques. Cette tension peut également être interne à l’oeuvre, dans le cas des formes mixtes qu’analyse Hélène Martinelli, comme les livres auto-illustrés : devant l’aporie de l’autoréflexivité à rendre contre des chassés croisés qui s’y effectuent entre écrivain et dessinateur, texte et image, l’auteure propose d’envisager une catégorie nouvelle, l’hétéroréfléxivité. Après avoir caractérisé son modèle, Martinelli s’interroge, sur la possibilité que la bande dessinée, en tant que média mixte, soit un lieu propice pour constater le travail de l’hétéroréfléxivité, perspective examinée sur quelques romans graphiques contemporains d’auteurs (De Crécy, Matthieu, Mazzucchelli, Mussat).

Viennent ensuite les contributions de Côme Martin et de Désirée Lorenz qui, d’une manière différente, cherchent également à examiner la réflexivité dans le contexte des relations interartistiques et intermédiales. Les formes de la réflexivité en bande dessinée se manifestent dans les oeuvres de manière plus ou moins explicite, et c’est ce degré que Côme Martin examine en revisitant la question de la mise en abyme dans des expressions narratives et graphiques variées, de Hergé à Chris Ware, de l’adaptation de Cité de Verre de Paul Auster, par Paul Karazik et David Mazzucchelli (1995) à Promothéa d’Alan Moore (1998-2005); c’est notamment dans la perspective d’une comparaison entre bande dessinée et architecture, case et fenêtre, page et façade, composition et construction que se développe ici la réflexion. Pour Désirée Lorenz, le contexte d’hypermédialité généralisée – dans lequel les produits Marvel et DC représentent, depuis 2000, les sujets d’un blockbuster sur trois – empêche d’envisager les comics superhéroïques comme monomédiatiques mais plutôt comme s’inscrivant dans une chaîne de déclinaisons intermédiales. Il s’agit alors d’envisager autrement la question de l’adaptation pour s’interroger sur l’impact que les transpositions – adaptation mais aussi traduction des comics américains en France, puis édition des fascicules en albums – entraînent comme effets de lecture des comics eux-mêmes. C’est à partir des transpositions de Spider Man que Désirée Lorenz conduit sa démonstration vers une analyse idéologique de la forme hypermédiale elle-même, telle que la donnent à voir les adaptations cinématographiques de Sam Raimi, une perspective qui restaure par là-même, dans une lecture pour la majeure partie culturaliste et sociologique, une dimension esthétique à partir de laquelle le sens politique des formes médiatiques se voient ici interrogé.

Cette expansion intermédiale, Camille Baurin l’examine, à son tour, à travers la présence ostentatoire des discours et des jeux métafictionnels dans le métacomics superhéroïque depuis une trentaine d’années et l’événement que constitue The Watchmen (Moore, Gibbon & Higgins 1986). Explicites et familiers, les jeux de la métafiction, du world making, des transgressions métaleptiques et de la transfictionalité (Saint-Gelais 2012), le sont devenus pour les lecteurs de Superman, Batman ou Spiderman : Baurin reprend l’histoire de cette thématisation croissante des théories de la fiction au travers des univers en expansion chez Marvel ou DC, qui déclinent à l’envi, les univers alternatifs, “pluriverse”, “mégaverse” et autres “omniverse”. Pour Baurin l’expansion métafictionnelle est désormais bien davantage orchestrée par une politique éditoriale consciente que par une poétique d’auteurs : on assiste de fait à un moment de simplification d’une métafiction ostentatoire qui, à force de proliférations et d’articulation compliquées, a fini par perdre lecteurs et auteurs; mais, son analyse souligne également la manifestation d’une autre perspective qui, tout en constatant la banalisation thématique du méta et des problématiques plurimondaines (2015), vise à nouveau une reprise en complexité du méta pleinement assumée par les auteurs. Baurin propose d’y voir un mécanisme de résistance des comics à leur subordination transmédiale ainsi qu’une manière de retrouver les voies d’une métafiction porteuse de réflexivité critique.

Dans l’article suivant, à partir de la couverture dessinée par Jost Swarte pour la revue RAW en 1980, Thierry Groensteen analyse les jeux réflexifs et métanarratifs, leur capacité authentique d’inversion, de déplacement et de reformulation, au moyen de la notion de travestissement. Le médium se représente autrement que ce qu’il est, prêchant le faux de sa pratique pour dire le faux de sa condition, dédoublant diégèse et métadiégèse, tout en faisant apparaître l’évidence d’une expérience paginale, celle d’un milieu vignétal (Morgan 2008) résistant aux séductions du monde naturel du récit ou à l’immersion fictionnelle. Pour l’auteur de Système de la bande dessinée (1989), c’est dans ce médium plus que dans tout autre que les auteurs s’amuseraient à jouer de procédés qui dénudent ses fonctionnements; la bande dessinée serait donc constitutivement encline à révéler ses propres procédés et jouer sur sa dimension de médias.

Parce que la réflexivité est absolument intriquée à l’imaginaire et à l’intrigue des Cités Obscures, qu’elle est au principe des intérêts de Benoît Peteers, théoricien, tout autant que de sa pratique de scénariste, la lecture qu’en propose Alain Boillat, permet, à partir du thème architectural et de la forme architecturée de la case et de la page, d’aborder la série de Schuiten et Peteers, en envisageant la réflexivité comme trompe-l’oeil. De là, la possibilité de traiter l’organisation des mondes, les conditions de leur représentation, et de leur origine : on ne s’étonnera pas que toutes renvoient à la fiction même qui les contient. Alain Boillat (2014) présente une approche mondaine du cycle des Cités Obscures, c’est-à-dire qui conduit à privilégier le monde que présente l’oeuvre à la seule logique narrative des événements, intrigues et récits d’expérience : la conséquence en est alors que la dimension réflexive est indissociable du monde diégétique et d’une réflexion sur les formes de sa présentation dans l’oeuvre.

Dans son analyse, Alain Boillat use de la figure du “miroir sans tain” pour décrire une position particulière du regard sur le monde des Cités : il annonce en cela, les approches suivantes qui privilégient des réflexions sur les dispositifs et les dimensions figurales, en explorant des motifs et des corpus différents. Henri Garric propose de lire le topos de la fenêtre ouverte comme configuration réflexive abondamment développée dans la bande dessinée. Denis Mellier s’attache à décrire, à partir de l’analyse figurale du collier de perles de Martha Wayne dans la fiction de Batman, une condition de lecture réflexive qui dépende d’un réseau qu’établit le lecteur au fil des connections transmédiatiques opérées subjectivement mais non de façon aléatoire; une lecture qui soit également fondée sur une réflexivité du détail susceptible, si ce n’est de contester, en tout cas d’infléchir, l’hégémonie narrative au profit d’une lecture ralentie, associative et esthétique de la figure. Enfin, dans cette perspective articulant analyse figurale et réflexivité, c’est autour de la question de la main et du geste, de la façon dont ils s’inscrivent dans le dessin, qu’Adrien Genoudet montre que certains autoportraits notamment sont porteurs de signifiés réflexifs; désignant la pratique et le geste, ils invitent le regard à une expérience esthétique des inscriptions du corps de l’artiste dans le dessin, et engagent ainsi le nouage de la réflexivité artistique et de l’intention autobiographique.

Les trois dernières contributions à ce volume explorent d’autres pensées de la réflexivité, voulant ainsi dépasser les formes communes qui lui sont d’ordinaire attachées, celles de la mise en abyme, de la métalepse ou des jeux narratifs spéculaires. Ainsi en analysant, le Ric Remix de David Vandermeulen, Hugo Frey présente un cas de réappropriation par la bande dessiné des formes du pop art, retrouvant ou plus exactement “remixant”, des perspectives qui avaient été adoptées dans les années 60, quand l’art contemporain s’était saisi, avec Warhol et Lichstenstein notamment, des images de la culture graphique des comics. Plus qu’un simple sampling nostalgique, le projet de Vandermeulen opère une analyse visuelle de formes de violence et de discours idéologiques qui étaient ouvertement diffusée dans la série originale des Ric Hochet. Le roman graphique expérimental prend des allures d’exercice de style révélant la contribution artistique essentielle de Tibet aux scénarios de Duchâteau. Frey insiste notamment sur l’idée que la modalité réflexive développée par Vandermeulen marque une perspective originale, relativement à la manière dont le roman graphique américain, chez Daniel Clowes par exemple, revisite l’histoire de la culture pop.

Avec l’analyse de Amy + Jordan, feuilleton post-underground de Mark Beyer (2004), Jan Baetens montre comment dans une oeuvre qui ne se construit pas explicitement sur une dimension autoréfléxive, celle-ci se manifeste cependant dans l’activité lectorale en ce qu’elle investit l’interprétation de la bande dessinée et la production de sens qui s’inscrit dans le déroulement même de la lecture dans le temps. Le brio formel et le goût de l’expérimentation développés par Beyer, la dimension parodique de formes connues de la construction du strip, du feuilleton ou du récit autofictionnel constituent les moyens d’un renouvellement presqu’illimité, selon Baetens, qui procède d’une tension entre figuration et abstraction (Molotiu 2000) : dès lors l’autoréfléxivité chez Beyer relève d’un effet de lecture reposant sur l’instabilité ou la “mobilité des signes”, écrit Baetens. Il s’agit donc de récupérer ou de retrouver une certaine forme originelle du média par un processus d’ascèse et de minimalisme expérimental qui aboutit à faire apparaître un mode d’autoréflexion spécifique et tout à fait étranger aux inscriptions communes qui le thématisent ou l’expriment au moyen des figures courantes de la duplication ou de l’inclusion.

Le volume s’achève sur la contribution d’Audrey Higelin qui s’attache, plus qu’à une figure ou à un geste, à une topique. L’auteure nous présente un corpus très spécifique de bandes dessinées réalisées en milieu carcéral. Il s’y développe un traitement très singulier de l’espace et du lieu laissant apparaître des formes de mises en scène réflexives de l’énonciation ainsi que des ouvertures vers des dehors textuels; ceux-ci conduisent Audrey Higelin à faire entendre, dans une perspective nouvelle, les valeurs d’usages artistiques de la réflexivité : opération de conscientisation d’un geste, prise de distance et forme d’appropriation d’une pratique graphique, narrative et figurale déterminée par les conditions particulières d’engendrement de ces productions de récits graphiques liés à l’univers de la prison.

Cette livraison de RS/SI se veut moins un état des lieux ou une mise à l’épreuve de notions qui, à force de leur succès critique et de leur diffusion, peut-être même de leur dispersion dans la culture contemporaine, savante comme pop, auraient fini par perdre de leur pertinence, et finalement ne seraient plus que les tropes de lectures communes. À quelle(s) condition(s) conserver une valeur interprétative et esthétique aux formes réflexives? Dans quelle mesure innervent-elles des pratiques novatrices et fécondes chez les auteurs et contribuent-elles à renouveler les formes de lecture de la bande dessinée? Et pourquoi pas à émanciper leur lecteur des objets et produits les plus convenus : y compris ceux qui se sont constitués à partir de la thématisation et de la dévitalisation des enjeux réflexifs? Les études rassemblées dans ce volume, dans la variété de leurs approches méthodologiques et théoriques tout autant que par les corpus qu’elles examinent, de l’origine de la bande dessinée à ses expressions les plus contemporaines, du roman graphique d’auteur au comicdom superhéroïque, cherchent toutes à leur manière, à montrer la puissance de recharge créative qui se joue, non seulement dans les manières de faire et de lire la bande dessinée, mais aussi dans le champ des études qui lui sont consacrées.


Is there an ideal figure which would encompass, in its diverse nuances and expressions, the reflexive imaginary of drawings, pictorial forms and, on that basis, the form of graphic and sequential narratives? Las Meninas? Norman Rockwell’s Triple Self-Portrait? Or perhaps the countless plates in which we see the draughtsman at his or her work table? Or one of those mirror effects by which a character reads a graphic novel – perhaps even the one of which they are a part – experiencing both the facticity of the medium by which they are expressed and the narrative and fictional dimensions of their circumstances, as seen in Fellini’s , Hitchcock’s Rear Window, Nabokov’s Pale Fire and Diderot’s Jacques the Fatalist and His Master?

To open this volume devoted to reflexivity in the graphic novel, a famous drawing by Escher can provide such a figure : in Drawing Hands (1948) a second hand draws the first hand, which is drawing it... or vice versa. This virtuosic and mischievous trompe l’oeil annuls, through the specular effect of its mirror, any question of origin to encase in the work itself those questions tied up with its genesis and outcome. This drawing, a perfect Moebius strip shown as it plays out its performative quality, certainly focuses in its ideal figure of the ouroboros the dimensions of inclusion and repetition inherent in the imaginary of the mise en abyme. We also see, by its very theme, the attention it pays to the circumstances of its enunciation and to the material forms of the medium. These self-depicting forms suggest the possibility of a meta-discourse on their limits and possibilities, the self-telicity of their closure and their freedom of formal invention which is always being renewed, unless we also observe a play of reflexive conventions and saturated practices by virtue of having being rendered routine.

Together, the scale of the mise en abyme, self-referencing and specular play in the narrative (Dällenbach 1977) style the most immediate approaches to artistic reflexivity, whatever the medium in question. But in light of the spread of the notion of reflexivity, both in the work of artists and in critical or theoretical meta-discourses, we must surely complete the tautology of Escher’s visual paradox by means of Borges’ logical and meta-fictional play, tracing the boundaries between ontologically heterogeneous spaces in order to make them porous, and then circulate from one side to the other of the fiction, the narrative, the frames and forms. Metalepsis – that passing device which serves to cross from the world we are reading to the world in which we read, as Genette describes it – and its effects, as actuating agents, are thus inevitable (1972). Also completing the reflexive figure taken from Escher are the entire oeuvre of Marc-Antoine Matthieu (see the Julius Corentin Acquesfacques cycle of 6 volumes published from 1990 to 2012), the forms of metacomics (Baurin 2012) and super-heroics (Top 10, Ex Machina, Deadpool, Tom Strong, The Unwritten, Locke & Key). These, each in its own way, put into play in a fictional meta-discourse both complex and widespread, the diversity of possible worlds and a well-informed awareness of how fiction is fabricated, a source of pleasure for the reader and possibly of perplexity or anxiety for the character.

Frames in a Mirror : this issue of Recherche Sémiotique/Semiotic Inquiry proposes to think about, but also beyond, these present-day forms of reflexivity and the significance it is possible for them to maintain in a culture in which reflexive forms and discourses, far from being an exception, are a dominant feature. To see in reflexive forms the expression of critical intelligence and a salutary playful distancing and authentic artistic awareness of the qualities of different media (literature, cinema, graphic novels and today video games) has been a quite identifiable strategy in the history of the institutionalisation and qualitative recognition of genres and media once deemed, for varying lengths of time, as illegitimate. Veritable clandestine passengers in the great shuttles of the cultural industry, qualitative plus values warranting critical meaning, reflexive forms have contributed to the qualitative recognition of their objects by the way in which the exegetes of paraliterature, the graphic novel, genre cinema and today video games and every form of intermediality and convergence (Jenkins 2008) have had to bring them up to date in the works themselves. This effect has been intensified, but from a quite different perspective, by the culturalist approaches which have proceeded from an axiological neutralisation of the contrasts between legitimate and illegitimate culture, scholarly and popular, high and low.

This legitimation derives from the fact that reflexive forms are thought to lead to a more lucid and freer way of reading, one less conventional and standardised, rid of the illusions of psychology and of referential illusion. Examined in light of the strategies for rewriting genres, present-day critical evaluations of fantastic, crime and science fiction, or of graphic novels, serial novels and today series clearly show that structural systematicities, stereotypical elements and formulaic dispositifs, far from being seen as the expression of their limit, have become quite the contrary : the very condition of possibility of their playful, creative, combinatory and reflexive dimensions which, since the 1970s, have characterised their theoretical and academic reception. This is true both of structural and critical approaches and of the later culturalist turn of the 1990s.

Demonstrating full awareness of thematic, formal, narrative and fictional stereotypes in order to recycle, adopt or subvert them is a minimal form of reflexive play. The visual cultures of reworking open onto the pleasures of more or less encrypted references and shared complicity, a gesture which authorises a kind of compensating counter-distinction likely to mock the values of the canonical culture hanging over it. From this derives the primacy of the ironic rereading of the great figures, of types and archetypes, but also of the medium’s conventions and ability to quote, reformulate and trace inheritances and homages : in short, to be an intertextual and transtextual opening, meaning to proceed by displaying full awareness in keeping with the forms of imitation and transformation.

Eco underscored (Postscript to The Name of the Rose” 1984) that meta-textual and meta-fictional play on formal and genre codes is not, historically, unique to contemporary works. In Eco’s view, it is in this sense that the postmodern in literature does not correspond to a given historical moment but rather derives from an attitude towards representation, narrative and fiction, a perspective which is found in the very principle of the Western novel since Rabelais, Cervantes and Sterne. As for the highly reflexive pleasures which characterise our “meta-generic” tastes, to employ Jameson’s expression (1980), in reference to the films of Polanski (Chinatown 1974), Kubrick (The Shining 1980) and Altman (The Long Goodbye 1973), they waited for neither the intermedial state of mass culture nor the age of what has been called in France, for example, paraliterature, whose academic study is contemporaneous with the widespread university study of cinema and the beginnings of academic study of the graphic novel. Significantly, Daniel Couégnas, in his book Introduction à la Paralittérature (1982), emphasised the importance of the reader’s emotional involvement as well as the concern for the internal coherence of the diegesis : two defining dimensions whose consequence, according to Couègnas, was to prohibit recourse to reflexive dimensions likely to bring about distancing which would interfere with immersion, narrative efficacy and the primacy of the plot and its twists and turns on the medium’s becoming autonomous. Against a proposition such as this, the past thirty-five years of theoretical, cultural, poetic and pragmatic studies of expressions of popular culture have ceaselessly legitimised mass literature, cinema and graphic novels by the growing commentary on the complexity and subtlety of the reflexive discourse inherent in their forms. Inherent because we must not confuse the constantly growing systematisation of reflexive markers in contemporary pop culture since meta-fiction in the 1970s with the reflexivity apparent in works since the earliest forms of a medium.

Numerous analyses of authors, artworks and bodies of work, particularly in French criticism, have drawn on the criteria for reflexivity in the graphic novel formulated by Thierry Groensteen (1990). These analyses have described, and acclaimed, the classical or contemporary forms of the graphic novel, elaborating increasingly complex forms of play which attested to an awareness of the medium on the part of drawers, authors and readers alike.

But is to be a reader or viewer in the widespread presence of reflexivity today necessarily to accede, by means of an increasingly difficult play of deconstruction, to ever more sophisticated narrative forms and fictional play? Rather, does not the “intermedial meshing” (Gaudreault 2011) of texts, images, films, supports and forms of play, that great purveyor of references, repetitions, quotations or explicit meta-fiction, lead us to see that reflexivity is neither a teleology nor even a distinctive feature but rather a shared environment? Reflexivity is not the end point of reading but rather its point of departure.

That its critical weakening by being made routine and by excessive growth throughout the culture is a contemporary fact can invite us to see more clearly that, because the graphic novel initially rose up in a competitive media world, it was formed in the antagonism and hierarchy of forms and the arts, those of literature and painting, a tutelage which weighed heavily on its minority status as a medium and its aesthetic legitimacy. It is in this sense, therefore, that the graphic novel can only, from the beginning and consubstantially, be reflexive, and that it cannot fail to interrogate its conditions of possibility, procedures and limits in the system of relations it maintains with the other arts.

While there are, nevertheless, periods more reflexive than others – the baroque, symbolism, the postmodern – we know that it is also possible to see in synchrony the import of these manifestations in a manner diametrically opposed : they can be described as the summit a form achieves in the exposition and exploration of the awareness it has of its own materiality and aesthetic issues. Or the opposite : we can see it as the systematic and gratuitous expression of a solipsistic formalism, see in it the mark of a worn out art in decline, exhausted and caught in its self-telicity and the vanity of its intransitivity. But it is also possible not to hold to the terms of such a division and to view the question as being more complex than these binary oppositions, these chronological cleavages which are nothing more than pendulum effects between aesthetic and textual approaches which acclaim aesthetic autonomy on the one side and, on the other, culturalist demands and criticisms to return to the conditions of referential contexts and moorings.

The present volume of Recherche Sémiotique/Semiotic Inquiry will propose, on the basis of this play of questions and situations, approaches likely to further “work” the old question of reflexivity to see in it a critical issue still operative on the general level of the medium but also in local readings of works, figures, authors and the collective imaginary system (comicdom, for example).

The volume opens with a text by Thierry Smolderen which, by examining the work of Töpffer and Lessing, but also of Doré and Cham, demonstrates that from the very beginning the question of reflexivity in the graphic novel was in play : the aesthetic problems of the straight line and the zig zag, of the story and the drawing, and of mimesis and eccentricity are marked by the novelistic experiments of Laurence Sterne in The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman. Continuing the work he began in his book Naissance de la bande dessinée, de William Hogarth à Winsor McCay (2009), Smolderen shows that reflexive interrogation, explicit in Cham and Doré and craftier and more veiled in Töpffer, is the origin of an emerging art in conflictive dialogue with other artistic forms. This tension can also be internal to the work, in the case of the mixed forms analysed by Hélène Martinelli, such as self-illustrated books : in the face of the aporia of self-reflexivity to be conveyed against the back and forth which takes place between author and drawer, text and image, Martinelli proposes a new category, hetero-reflexivity. After describing her model, she examines the possibility that the graphic novel, as a mixed medium, is a favourable site for observing the work of hetero-reflexivity, a perspective examined in a few contemporary graphic novels by authors such as De Crécy, Matthieu, Mazzucchelli and Mussat.

Next come contributions by Côme Martin and Désirée Lorenz who, each in their own way, also seek to examine reflexivity in the context of its inter-artistic and intermedial relations. The forms of reflexivity in the graphic novel are apparent in a relatively explicit manner, and this degree is what Martin examines by revisiting the question of the mise en abyme in varied narrative and graphic expressions, from Hergé to Chris Ware, the adaptation of Paul Auster’s City of Glass by Paul Kazarik and David Mazzucchelli (1995) to Alan Moore’s Promethea (1998-2005). The author’s ideas are developed in particular through a comparison between the graphic novel and architecture, and between frame and window, page and façade, composition and construction. For Lorenz, the context of widespread hypermedia – in which the products of Marvel and DC have, since 2000, accounted for one blockbuster out of three – prevents us from seeing differently the question of adaptation in order to interrogate the impact of transpositions – adaptations but also the translation of American comics in France and the publication of instalments in albums – on the way the comics themselves are read. Lorenz examines the transpositions of Spider-Man to lead her demonstration towards an ideological analysis of the hypermedia form itself, as seen in the film adaptations of Sam Raimi. This perspective itself restores, in a reading for the most part culturalist and sociological, an aesthetic dimension out of which the political meaning of media forms is interrogated by the author.

Camille Baurin examines this intermedial expansion through the conspicuous presence of meta-fictional play and discourses in superhero meta-comics over the past thirty years and in the major event that was The Watchmen (Moore, Gibbon & Higgins 1986). The play of meta-fiction, of world making, transgressive metalepsis and transfiction (Saint-Gelais 2012) have, for the readers of Superman, Batman and Spider- Man, become explicit and familiar : Baurin takes up the history of this growing thematising of theories of fiction through the expanding universes of Marvel and DC comics, which introduce over and over alternative, “pluriverse”, “megaverse” and “omniverse” universes. For Baurin, meta-fictional expansion has been orchestrated through editorial policy much more than by a poetics of authorship. In fact we are witnessing a moment when conspicuous meta-fiction is being simplified : because of a complicated proliferation and interconnections, this meta-fiction ended up losing readers and authors. Baurin’s analysis also emphasises, however, the manifestation of another perspective which, even as it notes that the meta and issues around multiple worlds have become routine themes (Boillat 2015), seeks renewed complexity of the meta, fully embraced by the authors. Baurin proposes that we see in this a mechanism of resistance on the part of comics to their transmedial subordination as well as a way of recovering the paths of meta-fiction as the bearer of critical reflexivity.

In the following article Thierry Groensteen, discussing the cover drawn by Jost Swarte for the magazine RAW in 1980, analyses reflexive and meta-narrative play and their authentic ability to overturn, displace and reformulate through the concept of disguise. The medium presents itself as other than what it is, making false statements about its practice in order to say false things about its condition, dividing up diegesis and meta-diegesis while bringing out the evidence of a paginal experience, that of vignettes (Morgan 2008) resistant to the seductions of the natural world of narrative and to fictional immersion. For the author of Système de la bande dessinée (1989), it is in this medium more than any other that authors enjoy playing with techniques which reveal its operations. The graphic novel is thus constitutionally inclined to reveal its own techniques and to play on its media dimension.

Because reflexivity is completely tied up with the imaginary and plot of Les Cités obscures (The Obscure Cities), and because it is at the heart of the interests of Benoît Peeters the theorist as much as Peeters the story writer, Alain Boillat’s reading, based on the work’s architectural theme and the architectured form of the box and the page, makes it possible to approach Schuiten and Peeters’ series from the perspective of reflexivity as trompe l’oeil. From this arises the possibility of treating the way worlds are organised, the circumstances of their representation and their origin : we are not surprised that they all refer back to the very fiction that contains them. Boillat (2014) presents a worldly approach to The Obscure Cities cycle, meaning one which leads to privileging the world presented by the work only according to the narrative logic of events, intrigues and narrative experiences : the consequence is that the reflexive dimension becomes inseparable from the diegetic world and from thinking about the ways in which it is presented in the work.

In his discussion, Boillat employs the figure of the “mirror without silvering” to describe a particular position of the way the world of Obscure Cities is viewed; in this way he prefigures the following approaches, which address dispositifs and figural dimensions by exploring the motifs of various bodies of work. Henri Garric proposes to read the topos of the open window as a reflexive configuration abundantly developed in the graphic novel. Denis Mellier endeavours to describe a circumstance of reflexive reading, drawing on a figural analysis of the pearl necklace worn by Martha Wayne in Batman, which relies on a network established by the reader through subjective but not random transmedial connections. This reading is also based on a reflexivity of detail capable, if not of contesting then in any event of inflecting the hegemony of narrative in favour of a slow, associative and aesthetic reading of the figure. Finally, from this perspective joining figural analysis and reflexivity, Adrien Genoudet demonstrates, around the question of the hand and the gesture and the way they are inscribed in the drawing, that some self-portraits in particular carry reflexive signifiers. They describe the practice and the gesture, they invite the viewer into an aesthetic experience in which the artist’s body is inscribed in the drawing, thereby connecting artistic reflexivity and autobiographical intention.

The three final contributions to this volume explore other ideas around reflexivity, wishing to go beyond the common forms normally ascribed to it : mise en abyme, metalepsis, and specular narrative play. In his analysis of David Vandermeulen’s Ric Remix, Hugo Frey presents a case of re-appropriation of the forms of pop art by the graphic novel, recovering or more precisely “remixing” the perspectives in force in the 1960s, when contemporary art, and Warhol and Lichenstein in particular, seized on the images of the graphic culture of the comics. Vandermeulen’s project, more than a mere nostalgic sampling, effects a visual analysis of forms of violence and ideological discourses which were openly propagated in the original Ric Hochet series. The experimental graphic novel takes on the appearance of a style exercise, revealing the essential artistic contribution of Tibet to Duchâteau’s scripts. Frey emphasises in particular the idea that the reflexive method developed by Vandermeulen was original compared to the way in which the American graphic novel, in the work of Daniel Clowes for example, revisited the history of pop culture. Jan Baetens, in his analysis of Amy + Jordan, a post-underground serial by Mark Beyer (2004), shows how, in a work which is explicitly constructed in a self-reflexive vein, this reflexivity nevertheless manifests itself in the act of reading, in that it invests the interpretation of the graphic novel and the production of meaning which is a part of it in the very unfolding of the reading in time. The formal verve and taste for experimentation developed by Bayer, the parody of familiar forms in constructing the comic strip, the serial and the self-fictional narrative are the means of a renewal almost without limit, Baetens argues. This renewal derives from a tension between figuration and abstraction (Molotiu 2000) : here Beyer’s self-reflexivity is the result of a reading effect arising out of instability or the “mobility of signs”, Baetens writes. It is thus a matter of salvaging or rediscovering a certain original form of the medium through a process of experimental asceticism and minimalism, concluding in bringing out a specific mode of self-reflection quite foreign to the common inscriptions which thematise or express it by means of the common figures duplication or inclusion. The volume concludes with Audrey Higelin’s contribution which examines, more than a figure or gesture, a topic. Higelin introduces us to a very specific body of graphic novels, made in prison. There a very singular treatment of space and place has developed, wherein reflexive forms of staging the utterance appear, along with openings beyond the text. These lead Higelin to make us understand the merits of artistic uses of reflexivity from a new perspective : the operation of becoming aware of a gesture, distancing and forms of appropriating a graphic, narrative and figural practice defined by the peculiar circumstances under which these graphic narratives, linked with the prison world, were engendered.

This issue of RS/SI wishes not so much to establish an inventory or to test notions which, as a result of their critical success and widespread acceptance, perhaps even their dispersal throughout contemporary culture, both learned and popular, may have lost their bite and may in the end be no more than tropes of common readings. Under what condition(s) do reflexive forms preserve interpretative and aesthetic value? To what extent do they stimulate innovate and fertile practices on the part of authors and contribute to the renewal of ways of reading graphic novels? And, why not, to the emancipation of the reader from the most conventional objects and products, including those made out of the thematising and devitalisation of reflexive issues? The studies gathered together in the present volume, through the variety of their methodological and theoretical approaches as much as by the bodies of work they examine, from the origins of the graphic novel to its most recent expressions, from auteur graphic novels to the comicdom of superheroes, all seek in their own way to show the force of creative recharging underway, not only in the ways in which graphic novels are made and read, but also in the field of studies devoted to them.