Volume 14, Number 2, novembre 1989 Pauvreté et santé mentale (1) et À propos des patients agressifs (2) Guest-edited by Frédéric Millaud (2)
Table of contents (28 articles)
Éditorial
Mosaïques
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Intervenantes non professionnelles et prévention de l’enfance maltraitée. Évaluation du projet De la visite
Danièle Durand, Raymond Massé and Francine Ouellet
pp. 26–38
AbstractFR:
Le projet De la Visite apporte une contribution à un défi majeur auquel la société est confrontée, celui de mettre en oeuvre des approches préventives susceptibles de diminuer à long terme le phénomène des abus et de la négligence à l'endroit des enfants. Ce projet consistait : 1) à expérimenter auprès de tous les nouveaux parents habitant trois quartiers défavorisés de l'Île-de-Montréal, un service de visites à domicile par des intervenants non professionnelles; 2) à évaluer ce nouveau service selon une méthode de recherche innovatrice utilisant de pair un devis expérimental et une approche qualitative, en vue d'en proposer ou non l'implantation dans la région de Montréal. La première partie de cet article présente les prémisses et les enjeux du projet. La seconde donne un aperçu de l'expérimentation et dégage, pour ceux et celles qui offrent ou désirent offrir un service semblable, les enseignements auxquels aboutit une analyse minutieuse de la mise en oeuvre d'un tel service. Nous étudions en troisième lieu les effets de l'expérimentation.
EN:
SUMMARY
The De La Visite project makes a contribution to a major social challenge : putting in place preventive measures with the long-term goal of diminishing abuse and negligence of children in the home. This project consisted of : 1) having nonprofes-sional workers visit at home new parents living in three economically disadvantaged neighbourhoods on the Island of Montreal ; 2) evaluating this new service via an innovative research method utilizing both an experimental instrument and a qualitative approach, in order to determine whether to propose implementation in the Montreal region. The first part of this article presents the project's premises and goals. The second part gives an overview of the experiment and discusses, for those who offer or wish to offer a similar service, what was learned from a detailed analysis of how the service worked. The third part of the article discusses the effects of the experiment.
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Stress et santé au travail chez les éducatrices en garderie : le rôle atténuateur du soutien social
Réjean Tessier, Guylaine Dion and Claude Mercier
pp. 39–50
AbstractFR:
Dans cette étude, qui concerne le milieu de travail en garderie, quatre questions sont abordées: l'état de stress des travailleuses en garderies est-il plus élevé que celui observé dans une population standard ? Y a-t-il des dimensions du travail qui sont davantage associées à l'état de stress personnel ? Quel lien peut-on établir entre l'état de stress et l'état de santé dans cette population ? Enfin, le soutien social peut-il atténuer l'impact nocif de certains environnements de travail ? Cent soixante-cinq travailleuses, dont 85 % sont des éducatrices, participent à l'étude sur une base volontaire à la suite de la sélection aléatoire de leur garderie. Elles répondent à cinq questionnaires afin de mesurer l'état de stress, la santé mentale, la santé physique, le soutien émotif du conjoint et l'échelle de stresseurs au travail. Selon les résultats obtenus, l'état de stress de ces travailleuses n'est pas plus élevé, en moyenne, que celui observé dans une population standard; toutefois, les situations de travail concernant le contrôle des enfants, les relations entre les membres du personnel ainsi que l'impression de surcharge sont parmi les situations environnementales les plus stressantes. Par ailleurs, ces situations de travail, même les plus stressogènes, ne sont pas associées à l'état de santé physique ou mental des travailleuses. C'est l'état de stress qui, par son rôle de variable intermédiaire, fait le lien entre les sources de tensions et l'état de santé. Enfin, le soutien social est relié à l'état de stress mais n'a aucun lien direct avec l'état de santé physique ou mental. Le soutien apporté par le conjoint représente une protection efficace et régulière contre une élévation de l'état de stress. Plusieurs implications méthodologiques sont discutées.
EN:
This study, which focuses on the child care work environment, asks four questions : Is the state of stress among child care workers greater than that observed in a normal population? Are there aspects of the work itself that are more associated with the worker's personal state of stress? What link can we establish between the state of stress and the state of health of this group? Finally, can supportive relationships lessen the negative impact of certain work environments? 165 female workers, of which 85% are teachers, took part in the study on a volunteer basis after their child care centre had been selected arbitrarily. Subjects answered five questionnaires to measure the state of their stress, mental health, physical health, the emotional support of their spouse and the importance given to stress-related factors in the workplace. Results show that the state of stress of these workers is, on the average, no higher than that found in a normal population. However, work situations involving child supervision, interpersonal relations among staff, as well as feelings of being overworked are considered the most stressful. These work situations, even the most stress-producing, are not associated to a worker's state of physical or mental stress. It's the stress state itself, in its role as an intermediate variable, that makes the connection between sources of stress and the person's state of health. Finally, emotional support is linked to the state of stress, but has no direct link to the state of physical or mental health. A spouse's support is nonetheless considered as regular and effective protection against increases in the state of stress. A number of methodological implications are also discussed.
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Le « case management » au carrefour de l’intervention clinique et communautaire
Bernard Nadeau
pp. 51–59
AbstractFR:
Cet article présente les concepts importants associés à la notion de " case management " (fonctions et valeurs). Il analyse ensuite certains résultats observés par les intervenants au cours de leur travail; et il énonce quelques hypothèses de modèle intégré de soutien clinique et communautaire, au coeur duquel se retrouve le "case management".
EN:
This article focuses on the main concepts associated with the notion of case management (functions and values). The author analyzes certain results obtained by social workers and brings forward hypotheses concerning integrated models of clinical and community support programs, at the core of which lies the notion of case management.
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Les ressources résidentielles nécessaires à la poursuite de la désinstitutionnalisation
Alain Lesage and Raymond Morisette
pp. 60–68
AbstractFR:
Une enquête a été menée auprès des médecins traitants d'un échantillon aléatoire de 300 des 831 patients du programme de longue durée de l'hôpital Louis-H. Lafontaine afin d'identifier les individus ayant un potentiel de sortie de l'hôpital. Selon les médecins traitants, près de 29% de la clientèle pourrait vivre dans des ressources hors de l'hôpital. Cette proportion est comparable aux proportions de 25% de "vie communautaire" fournies par l'étude faite sur cette clientèle à l'aide de la "grille New York" (Levels of Care Survey) en 1984. Toutefois, la présente étude permet de préciser que des lieux résidentiels fort supervisés de type foyers de groupe sont envisagés pour la grande majorité des individus.
EN:
A survey was conducted amongst physicians responsible for long term inpatients of Louis-H. Lafontaine mental hospital. Physicians were asked to identify patients with a potential for resettlement outside the hospital. A random sample of 300 patients (out of 831) were screened. 29% were identified as suitable for such a transfer. This is comparable to the 25 % ("community living") obtained from the 1984 survey using the Levels of Care Survey with this population. However, the present survey also indicate the 24-hour supervised residential settings would be needed for most of these patients.
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Les effets des neuroleptiques et la recherche sociale en psychopharmacologie
David Cohen
pp. 69–81
AbstractFR:
L'utilisation répandue des drogues neuroleptiques en psychiatrie a amené une vague de maladies iatrogéniques et leurs conséquences socio-légales, phénomènes qui restent incomplètement examinés par les professions impliquées. Les intervenants sociaux manifestent une presque totale ignorance de ces problématiques. L'auteur résume une partie de l'évidence récente concernant les effets thérapeutiques et toxiques des neuroleptiques. Les effets thérapeutiques semblent avoir été exagérés, et ceci au détriment d'une meilleure reconnaissance des effets toxiques. En particulier, les symptômes extrapyramidaux, bien que largement répandus, passent souvent inaperçus ou sont alors confondus avec les symptômes de désordres psychiatriques. Le refus ou l'incapacité d'envisager ce problème de la perspective du patient fait perpétuer des souffrances inutiles. L'auteur discute des enjeux professionnels et politiques qui sous-tendent l'utilisation des neuroleptiques et du besoin pressant de réexaminer objectivement ses justifications. Des pistes d'intervention et de recherche appliquée et fondamentale en psychopharmacologie sociale sont proposées.
EN:
The use of neuroleptic drugs in psychiatry brought with it a wave of iatrogenic diseases and their socio-legal implications. These phenomena remain incompletely examined by the mental health professions. Social practitioners reflect in their professional literature a large ignorance of these problems. The author summarizes recent evidence on therapeutic and toxic effects of neuroleptics. Therapeutic effects are emphasized in the literature, so that toxic effects are still not well known. Ex-trapyramidal syndromes, in particular, remain poorly recognized and are often confused with psychiatric symptoms. The inability or refusal to perceive drug-induced problems from the perspective of the patient prolongs unecessary suffering. The author discusses some professional and political issues in the use of neuroleptics, and the need for a rational reexamination of the justifications for this use. Avenues for intervention as well as applied and fundamental research in social psychopharmacolo-ty are suggested.
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Comment Freud nous parle-t-il?
Patrick J. Mahony
pp. 82–90
AbstractFR:
Depuis plus d'une décennie j'explore certains aspects psychodynamiques de la pensée de Freud et de ses implications, qui tendent à être scotomisés par une institution psychanalytique à tendance idéologique. Idéalement, il devrait y avoir continuité entre la sphère de communication plus circonscrite de la psychanalyse clinique et celle, plus large, des collègues orientés vers la psychanalyse. Plus spécifiquement, un cadre historique allant de la Renaissance au XIXe siècle aide à faire ressortir le côté distinctif de ce genre de discours que Freud préférait utiliser. En particulier, il était de ceux qui stimulaient et facilitaient à la fois les processus associatifs et critiques de Freud quand il écrivait, aussi bien que des nôtres quand nous le lisons. Un tel discours ne fait pas que décrire, il met aussi en acte l'activité psychique aux niveaux conscient, préconscient et inconscient. Il y a, en dernier ressort, un esprit démocratique derrière ce discours, que j'ai appelé ailleurs la prose freudienne de solidarité, et alternativement, la politique freudienne de non-apartheid lexical.
EN:
For well over a decade I have been exploring certain psychodynamic aspects of Freud's discourse and their implications, which tend to be scotomized by an ideologically-driven organizational psychoanalysis. Ideally there should be a continuity between the more circumscribed communicative scene of clinical psychoanalysis and the broader scene of communication with one's psychoanalyti-cally oriented colleagues. More specifically, a historical framework stretching from the Renaissance to the nineteenth century helps to highlight the distinctivness of that kind of discourse which Freud preferred to use. In particular, it was one which stimulated and facilitated both the associative and critical processes of Freud in the act of writing, and ours as well in the act of reading him. Such a discourse not only describes but also enacts psychic activity on the conscious, preconscious and unconscious levels. There is ultimately a democratic spirit in such expression, which I have pointedly called elsewhere Freud's prose of solidarity, and alternately, Freud's policy of a non-apartheid lexicality.
Dossier : Pauvreté et santé mentale
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La pauvreté : cause ou espace des problèmes de santé mentale
Michel Tousignant
pp. 91–103
AbstractFR:
L'association fréquente observée dans la littérature entre la pauvreté et les problèmes de santé mentale majeurs et mineurs ne prouve d'aucune façon que le manque de revenus soit la principale cause de cette détresse. La pauvreté est d'abord un lieu, un espace de la société, où se regroupent pour des raisons diverses des populations vulnérables, particulièrement les mères de familles monoparentales, les immigrants et les réfugiés, les chômeurs ainsi que les ex-patients psychiatriques. Les problèmes sont aussi davantage concentrés dans les quartiers pauvres qui comprennent des résidences à logements multiples construites en hauteur. Par ailleurs, il semble que les personnes avec de meilleures ressources personnelles et sociales accèdent aux quartiers de classe moyenne. La pauvreté n'est en définitive source de problèmes psychologiques que si elle se conjugue avec d'autres facteurs tels l'isolement social, l'immigration, le chômage ou l'absence d'organisation du quartier.
EN:
The frequent association made in the academic press between poverty and minor and major mental health problems is unfounded. There is absolutely no proof that lack of revenue is the main cause of such a hardship. Poverty is first and foremost an area in society where mostly vulnerable groups congregate, particularly mothers of single-parent families, immigrants and refugees, the unemployed, as well as former psychiatric patients. Problems are also much more concentrated in poor districts with high-rise, multiple dwelling apartment buildings. On a different note, it appears that people with better personal resources occupy middle-class districts. Poverty is definitively not a source of psychological problems unless it is combined with such factors as social isolation, emigration, unemployment or an anomic district.
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La pauvreté et la maladie mentale : est-ce que les pauvres sont plus malades et si oui pourquoi?
Daniel Fortin
pp. 104–113
AbstractFR:
Cet article fait un tour d'horizon des principaux résultats de recherche qui permettent d'expliquer que les personnes les plus défavorisées, sur le plan économique, sont celles qui présentent le plus de symptômes de détresse, et expriment le moins de bien-être. L'article amorce aussi une réflexion sur ce que ces résultats signifient sur le plan théorique et sur le plan de l'intervention.
EN:
This article provides an overview of research that attemps to explain why the economically under-priveledged show the greatest number of distress symptoms and the least sense of well-being. The author also elaborates on what those results mean on the theoretical level and on the intervention level.
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Les nouveaux visages de la pauvreté au Québec
Frédéric Lesemann
pp. 114–119
AbstractFR:
Les statistiques des années quatre-vingt indiquent une forte féminisation de la pauvreté, un rajeunissement constant des populations les plus vulnérables, une vulnérabilité croissante des personnes vivant seules. C'est toujours l'insuffisance du revenu de travail qui demeure la cause principale de la pauvreté, en particulier à cause du développement du travail précaire qui touche plus directement les jeunes et les femmes. La transformation de la structure familiale, en particulier le nombre croissant de familles monoparentales joue également un rôle déterminant. Dans une société marquée par des processus croissants de dualisation entre groupe sociaux, les programmes de transferts gouvernementaux deviennent de plus en plus stratégiques.
EN:
Statistics from the 80s show a greater female population among the poor, increasingly younger people among the most vulnerable groups, and that vulnerability is on the rise when considering persons living alone. The author notes that revenue is consistently the major cause for poverty, particularly since part-time, unstable work patterns are closely linked to youth and women. The transformation in the family structure is also a key factor, particularly with the increasing number of single-parent families. In a society that is characterized by a widening gap between two social groups, government transfer programs become more and more a matter of strategy.
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Stresseurs et santé mentale : analyse contextuelle de la pauvreté
Louise Lemyre
pp. 120–127
AbstractFR:
L'étiologie sociale de la santé mentale, qui propose un lien causal entre les conditions de vie et l'occurrence de désordres mentaux, n'est valable que dans la mesure où une évaluation contextuelle des stresseurs psychosociaux est appliquée. En effet, si les événements de vie sont évidés de leurs conséquences environnementales, ils perdent leur pouvoir explicatif dans l'incidence des troubles mentaux. Cependant, lorsqu'ils sont évalués en fonction des conditions de vie de la personne, les stresseurs psychosociaux deviennent des déclencheurs et des facteurs de maintien significatifs. George W. Brown propose un modèle psychosocial d'agent précipitant et de facteurs de vulnérabilité liés à la signification et à l'impact d'un événement, en fonction du contexte factuel dans lequel il se produit et en fonction de l'historique biographique. La pauvreté devient une toile de fond déterminante pour la portée des événements. La méthode d'analyse contextuelle du LEDS (Life-Event and Difficulty Schedule) procède par une collecte complète et systématique de l'information factuelle sur les événements et sur le contexte, décontaminée des réactions émotionnelles et biais du répondant. Le plus, la grille d'analyse permet la qualification et l'organisation de cette information en maintenant une précision et une objectivité optimales. La démonstration empirique du pouvoir prédictif de l'analyse contextuelle est probante pour des désordres mentaux (dépression, anxiété, schizophrénie) et physiques (infarctus, appendicite, ulcères). Dans ce cadre d'analyse, la pauvreté, par les difficultés chroniques qu'elle génère, se révèle un facteur contextuel déterminant dans l'étiologie sociale des désordres mentaux.
EN:
The author argues that social etiology of mental health, which suggests a causal link between living conditions and the occurence of mental disorders, is valid only when one applies a contextual evaluation of psycho-social stress factors. In that case, when life-events are cut from their environmental consequences, they are insufficient in themselves when trying to explain why mental disorders occur. However, once they are evaluated in function of the person's living conditions, the psycho-social stress factors become triggers and key to the person's stability. George W. Brown suggests a psycho-social model for a precipitative agent and for vulnerability factors linked to the significance and the impact of a life-event, relating also to the factual context at its origin and to the client's biographical history. Poverty then becomes a determining background for the life-event's repercussions. The LEDS (Life-Event and Difficulty Schedule) method of contextual analysis is based on a complete and systematical gathering of factual information on the events and on the context, stripped of the client's bias and emotional reactions. Furthermore, the grid of analysis allows one to qualify and organize this information while maintaining an optimal level of precision and objectivity. The empirical demonstration of the contextual analysis' predictive power is convincing in the case of disorders both mental (depression, anxiety, schizophrenia) and physical (infarction, appendicitis, ulcers). In such a frame of analysis and because of the chronic hardships experienced by the underpriveledged, poverty emerges as a determining contextual factor in the social etiology of mental disorders.
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Honte et pauvreté
Vincent de Gaulejac
pp. 128–137
AbstractFR:
Cet article analyse les liens entre le sentiment de honte et la situation sociale de pauvreté. Suite à sa pratique d'éducateur de rue et de sociologue, l'auteur a pris conscience de l'importance de la honte chez les jeunes. Il a alors entrepris une analyse critique de 600 histoires de vie, à partir desquelles il a analysé la symptomatologie de la névrose de classe qui caractérise un conflit dont la genèse est à la fois psychosociale, et qui concerne les personnes qui changent de classe sociale ou de culture. La honte joue un rôle important dans l'apparition de ce type de névrose, en particulier pour les personnes issues de milieux défavorisés. Cet article est la synthèse de ce travail.
EN:
This article analyzes the links between the sense of shame and poverty's social reality. As a sociologist and as a social worker dealing with street kids, the author came to recognize the widespread shame that exists among youth. Following this, he undertook the critical analysis of 600 life histories. He analyzed the symptomatology of class neurosys which characterizes conflict. According to the author, this type of conflict has psychosocial origins and involves those people who undergo a change in culture or in social class. The sense of shame plays a major role in the emergence of this type of neurosys, particularly regarding people coming from underpriveledged environments. This article is a synthesis of the author's experiences.
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Lutter contre la pauvreté ou ses effets? Les programmes d’intervention précoce
Camil Bouchard
pp. 138–149
AbstractFR:
La pauvreté ne correspond pas nécessairement à l'image de misère chronique et de résignation apprise et transmise de génération en génération ; cette image provient de ce que les services sociaux et de santé mentale accueillent et soutiennent principalement les familles à problèmes multiples, depuis longtemps aux prises avec cette condition de pauvreté. Pour une bonne partie des familles pauvres toutefois, cette condition est temporaire, et ce qui les distingue des non-pauvres est l'absence d'un revenu adéquat. Alors que les programmes d'intervention précoce ont fait la preuve que l'on pouvait intervenir préventivement auprès des enfants et des parents, et améliorer considérablement leur développement psycho-social, ils ne semblent pas avoir eu l'effet de diminuer, encore moins d'endiguer, la pauvreté elle-même. Ces programmes ont, pour la plupart, émergé d'une approche clinique orientée vers l'acquisition d'habiletés et de compétences par les individus touchés par la pauvreté. Les intervenants-es sont désormais invités-es à s'associer à celles et ceux qui tentent de modifier les conditions qui sont à la source même de la pauvreté.
EN:
This article looks at poverty from the point of view that it does not necessarily correspond to the widespread image of chronic despair and resignation, acquired and transmitted from one generation to the next. The author argues such an image is produced by the fact that social and mental health services deal mainly with families at grips with multiple, long-standing problems. However, for most of these poor families, their condition is temporary. In fact, insufficient revenue is what distinguishes them from families that are not poor. While preventive programs show that early intervention is a proven approach towards considerably improving the psycho-social development of underpriveledged children and parents, little can be said about the effect of these programs on lowering, even less on eliminating, poverty itself. For the most part, these programs emerged from a clinical approach that encouraged poverty-stricken individuals to acquire new abilities and skills. The author concludes by promoting the need for more collaboration between those people offering the programs and those people who work towards changing the conditions at the root of poverty.
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Fuite et stratégies de survie des jeunes de la rue à Montréal
Marguerite-Michelle Côté
pp. 150–157
AbstractFR:
Le phénomène des jeunes de la rue est international et historique. Il touche toutes les classes sociales, autant les filles que les garçons et apparaît même dans un climat normatif rigide. À Montréal, l'étude s'appuie sur des techniques d'enquête ethnographique. L'article s'intéresse aux stratégies de survie des jeunes de la rue. Ces jeunes modèlent leurs relations sur les bases de leur expérience dans leur famille. La violence, l'abandon et la fuite s'expriment à travers des rapports d'approvisionnement, des relations discontinues, des faux-semblant et d'éternelles situations de départ.
EN:
The street youth phenomena is an international and historical reality. It concerns all social classes, girls as well as boys and also even appears in social contexts where strict rules are applied. The study conducted in Montreal made use of anthropological fieldwork techniques. This article focuses on the street youth coping strategies. These young people pattern their attitudes on the relationship they had within their own family. Violence, abandonment and escape are expressed through the type of supplying relations, discontinuous relations, make-believes and instability.
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Conditions de vie et lieu de résidence
Céline Mercier
pp. 158–171
AbstractFR:
Dans la perspective du retour ou du maintien dans la communauté des personnes qui ont des problèmes sévères de santé mentale, le logement apparaît d'emblée comme un point critique. Jusqu'ici, la littérature spécialisée a surtout porté sur la description et l'évaluation de différents programmes résidentiels de réadaptation. Rarement a-t-on cherché à connaître les conditions de vie des personnes psychiatrisées et leur opinion sur leur milieu de vie. À partir d'une recherche conduite auprès de 151 personnes avant déjà été hospitalisées en psychiatrie, cet article fait état des conditions de vie de ces personnes en regard de leur type de résidence. Les données de l'enquête permettent 1) de mettre en rapport différents types d'arrangement résidentiel avec les caractéristiques socio-démographiques et cliniques des personnes, et 2) de considérer l'impact du type de résidence sur d'autres domaines de la vie. Ces informations sont ensuite mises en relation avec l'évaluation subjective que les personnes font de leurs conditions de vie.
EN:
When looking at how people with severe mental disorders reintegrate the community, housing stands out as a key factor. Until now, the specialized press has mostly focused on the description and assessment of various residential programs that deal with readaptation. Rarely have we attempted to find out from psychiatric outpatients themselves what their living conditions are like or what opinion they have on their environment. Based on research conducted on a group of 151 individuals who had received care in a psychiatric ward, this article reports on the person's living conditions relating to their type of accomodations. Survey data shows the possibility for: 1) comparing various types of housing arrangements with the individuals' clinical and socio-demographic characteristics ; and 2) considering the impact of the type of residence on other areas of life. These informations are also put into perspective with the individual's own assessment of his or her living conditions.
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Attentes, diagnostics et modalités de traitement de la clientèle de classe socio-économique moins favorisée
Pierre Gagnon
pp. 172–178
AbstractFR:
La majorité des études s'accordent pour dire que les modalités des traitements reçus par la clientèle de classe socio-économique (C.S.E.) moins favorisée sont différentes de celles des autres classes. L'appartenance à la C.S.E. moins favorisée serait associée à un plus haut taux de problèmes psychologiques, à un mode de référence "de l'extérieur " qui semble influencer les attentes vis-à-vis le thérapeute et la thérapie, à une perception peut-être en partie biaisée chez le thérapeute qui augmente la gravité du diagnostic et qui influence la façon dont cette clientèle est reçue en psychothérapie.
EN:
The majority of studies conclude that the form of treatment therapy provided to the socio-economically underpriveledged clienteles (SEC) are different to those provided to other clienteles. The author says that belonging to a less fortunate SEC is associated to a higher rate of psychological problems; to an "outside" model that seems to influence the expectations vis-a-vis the therapist and the therapy ; and to a perception of the therapist that is probably biaised in part which, in turn, increases the gravity of the diagnosis and influences the manner in which such a clientele is greeted in psychotherapy.
Dossier : À propos des patients agressifs
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Éditorial : à propos des patients agressifs...
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Le management du patient violent : description de l’organisation d’un milieu de vie et de son schème d’intervention clinique
Johane Pilon
pp. 181–205
AbstractFR:
L'article abordera les aspects suivants : les principes et les valeurs à la base du schème d'intervention préconisé pour le patient violent, ainsi que la description de l'encadrement clinique des bénéficiaires et du personnel. L'encadrement clinique s'effectue à deux niveaux : celui du malade vise l'autonomie et la responsabilisation. Pour ce faire, nous avons développé différents mécanismes ou outils que nous exposerons. Ce sont : le plan de soins individualisé, la personne de référence, la personne ressource, le milieu de vie et les activités rééducatives, l'intervention clinique spécifique à l'agressivité (l'intervention physique et psychologique auprès du résidant et du personnel lors d'acting-out). Le deuxième niveau d'encadrement concerne le personnel soignant et poursuit l'objectif de développer chez lui des moyens pour composer avec la violence manifestée par le malade. Nous mentionnerons les moyens préconisés pour aider le personnel dans cette tâche difficile.
EN:
The article deals with the following aspects : principles and values upon which intervention plans recommended for violent patients are based, as well as a description of the clinical framework, at work on two levels. The first level is that of the patient aiming for autonomy and taking responsibility. For this purpose, we developed various mechanisms and tools. These are : the individualized-care plan, the reference person, the resource person, the life situation and re-educative activities, clinical intervention specifically for aggressivity (physical and psychological intervention for the resident and the personnel when there is acting out). The second level of the framework concerns is concerned with care personnel developing on their own ways to deal with violence manifested by the patient. We list several ways to help personnel with this difficult task.
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Le patient agressif en milieu psychiatrique : contretransfert et les problèmes de management
Jacques Talbot
pp. 183–190
AbstractFR:
L'auteur puise dans sa longue expérience psychiatrique auprès de patients violents pour faire comprendre la dynamique de ces agirs violents, et leur effets sur les patients et le personnel soignant. S'inspirant du courant analytique, il décrit les mécanismes de défense des patients (le déni, l'identification à l'agresseur, le passage à l'acte, le clivage) et les réactions contre-transférentielles négatives des thérapeutes (le retard à intervenir, la prescription, la peur, la colère et l'impuissance), et leurs réponses cognitives négatives.
EN:
The author draws from his extensive psychiatric experience with violent patients to expose the dynamics of their violent acts, and the effects of these acts on patients and care personnel. Taking analysis as a reference point, he describes patients' defence mechanisms (denial, identification with the aggressor, things leading to the act, cleavage) and the therapists' negative countertransference reactions (delay in intervention, prescription, fear, anger, and powerlessness) and their negative cognitive responses.
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Comportements violents (Réflexion psychodynamique)
Frédéric Millaud
pp. 206–209
AbstractFR:
L'auteur s'attache à distinguer dans ce texte les notions d'agressivité et de violence. Il se réfère à la réflexion théorique de Bergeret et donne des illustrations cliniques à propos de deux patients. Une telle différenciation améliore la compréhension des passages à l'acte et favorise mite meilleure prise en charge thérapeutique.
EN:
In this article, the author seeks to distinguish between the notions of aggressivity and violence. He refers to Bergeret's theories and gives clinical illustrations using two patients. This differentiation will improve comprehension of events leading to acts of violence, and will enable better therapeutic interventions.