Abstracts
Résumé
Les espaces urbains sont de plus en plus aménagés en territoire de loisirs et de tourisme sportif. Dans une métropole, ce type de dispositif dépassant la stricte sphère événementielle peut contribuer à la redéfinition des usages d’un espace public. Jouxtant la Seine, le projet de piétonisation et de réaménagement des « voies sur berges » à Paris participe de cette volonté de redonner de l’espace aux Parisiens et aux touristes qui fréquentent en nombre le centre de Paris. En examinant la dimension sportive du projet lors de ses premières années de fonctionnement (2013-2016), cet article analyse la manière dont ce dispositif transversal parvient à garantir la cohabitation d’usages, d’une part, parisiens, franciliens ou touristiques et, d’autre part, oisifs, sportifs, culturels ou encore économiques. On verra par ailleurs que le sport fait l’objet d’appropriations différentes selon les acteurs. Cette situation singulière au cœur de Paris, ville mondialement connue, consacre la pratique auto-organisée comme étant la forme de sport idoine pour la cohabitation des usages en milieu urbain. Dans ce contexte, les événements, porteurs d’un imaginaire festif et positif, servent d’outil de légitimation à un projet d’envergure qui reste avant tout un lieu touristique et symbolique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Mots-clés :
- sport,
- espace public,
- événement sportif,
- tourisme,
- Paris.
Article body
Le dimanche 2 avril 2017 à Paris, le parc Rives de Seine est inauguré. Ce site signe la « reconquête totale[1] » des berges de Seine (rives gauche et droite), classées depuis 1991 au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). D’après une étude parue en mars 2018[2], 66 % des Parisiens estiment que la piétonisation « améliore le cadre de vie » en contribuant notamment à « préserver la santé des habitants ». Pourtant, ce projet lancé officiellement en avril 2010 par Bertrand Delanoë (maire de 2001 à 2014) puis poursuivi par la maire Anne Hidalgo depuis 2014 continue de susciter de larges débats sur les plans politique et médiatique[3], notamment au regard des nuisances qu’il occasionne en termes de congestion du trafic routier. Malgré ces controverses qui opposent pour le dire rapidement les lobbies écologistes et automobiles, ce type de projet de réaménagement ambitieux fleurit à l’échelle mondiale, puisque de nombreuses villes, à l’image de la capitale française, s’y essaient[4].
Dans cette contribution, nous analysons la gouvernance pour comprendre comment les décideurs locaux parviennent, par ce dispositif urbain, à garantir la cohabitation d’usages parisiens ou touristiques, d’une part, et oisifs, sportifs, culturels ou économiques, d’autre part. Dans ce contexte, les activités sportives, entendues au sens de la Charte européenne du sport (1992) comme une « forme d’activité physique qui, à travers une participation organisée ou non, ont pour objectif l’expression ou l’amélioration de la condition physique et psychique, le développement des relations sociales ou l’obtention de résultats en compétitions de tous niveaux », prennent une place particulière. Nous pouvons ainsi nous demander quelles formes le sport doit-il recouvrir pour s’inscrire dans la redéfinition des usages d’un espace public urbain à forte valeur touristique ?
Pour traiter ces questions de gouvernance et d’insertion des activités sportives dans le cadre de la redéfinition d’espaces urbains attractifs, notre analyse porte sur la création du dispositif des « Berges de Seine » : le projet de piétonisation et de réaménagement de la rive gauche de la Seine, qui s’étend sur 2,3 kilomètres entre le musée d’Orsay et le pont de l’Alma (illustration 1). Nous avons étudié la période allant de son ouverture au public en 2013 jusqu’au retrait de l’opérateur délégué en charge de son exploitation en 2016. Nous nous sommes focalisés sur le rôle que tiennent les événements dans cette reconquête des berges, puisqu’ils occupent une place importante dans la genèse du projet.
Nous présenterons d’abord une recension des écrits portant sur le sport dans l’espace public, suivie de nos choix méthodologiques. Ensuite, après une présentation du cas et son contexte, nous aborderons la difficile cohabitation des usages, d’une part, et la manière dont le sport fait l’objet d’appropriations différentes selon les logiques des acteurs, d’autre part.
Espaces publics et activités sportives : recension
L’espace public est un espace de sociabilité problématique où doit coexister un monde d’étrangers (Lofland, 1973 : 20). Il correspond à une mise en visibilité qui traduit l’existence de situations de coprésence dans un contexte public qui constituent de véritables situations d’interactions interindividuelles produisant certaines formes de liant social (Escaffre, 2005). Ce mode d’organisation spécifique des relations sociales fait circuler de manière diffuse du politique dans l’espace public, puisqu’il participe à l’existence d’une sphère publique, au sens de Jürgen Habermas (1962). Selon celui-ci, l’espace public correspond à un espace de publicité[5] où les individus font usage de leur raison pour s’approprier une sphère publique dans laquelle la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État. Dans une acception plus géographique, l’espace urbain s’observe à travers trois dimensions : un environnement (caractéristiques techniques), un milieu (interactions sociales) et un paysage (formes saisies sur le plan esthétique) (Chelkoff et Thibaud, 1992 : 57). Avant de détailler les spécificités de l’aménagement urbain par le prisme sportif, revenons aux processus qui ont conduit les métropoles occidentales à faire évoluer leur urbanité pour accorder de plus en plus de place aux activités sportives.
La transformation festive des villes
Au cours des années 1970 et 1980, la concurrence entre métropoles internationales contraint les villes dont le secteur manufacturier est dominant à adopter des politiques de développement économique local pour garantir leur avenir économique (Rein et al., 1993). Aussi, les résidents de ces grandes villes sont de plus en plus coupés des espaces naturels (Féménias et al., 2011), notamment en raison de l’hyper-industrialisation ou de la densité urbaine. Cela est particulièrement vrai dans les estuaires (Évrard et al., 2012) et dans les grandes capitales occidentales (Spirou, 2013).
Pour y remédier, les décideurs locaux cherchent à faire connaître leur territoire grâce à des stratégies fondées sur le tourisme, en vue de faciliter le réaménagement tant spatial et économique que culturel des centres-villes (Evans, 2005). Les industries de la culture et les aménagements urbains font partie des solutions régulièrement envisagées (Lash et Urry, 1994 ; Spirou, 2011 ; Zukin, 2011). Cette tendance a conduit plus généralement les métropoles occidentales à effectuer un tournant festif au début des années 1990 (Zukin, 1998 ; Gravari-Barbas et Jacquot, 2007). Ce tournant apparaît de manière concomitante au développement de stratégies de marque territoriale qui ont pour objectif de redéfinir et de remodeler l’imaginaire collectif d’une destination avec des représentations cohérentes construites sur des fondations historiques (Chamard, 2014). Ces dernières sont fortement liées à l’architecture locale, à une morphologie urbaine distinctive, aux arts locaux, à la production culturelle, ainsi qu’à des images et des discours attractifs sur la ville (Evans, 2005). En étant un espace ludique vivant et approprié, la ville est plus qu’un lieu de résidence et de production de richesses : elle devient elle-même divertissement (Burgel, 1993).
L’émergence du concept de « ville festive » dans la littérature universitaire éclaire ces situations où des métropoles proposent des politiques locales qui s’appuient sur les festivals, les arts et les sports pour produire de nouveaux espaces urbains (Monclus et Bassols, 2006). Ces derniers peuvent prendre une forme matérielle et durable (construction de stades, développement des fronts de mer) (Kunzmann, 2004) ou beaucoup plus éphémère et expérientielle (mise en valeur de bâtiments historiques, utilisation d’espaces publics) (Johansson et Kociatkiewicz, 2011). D’ailleurs, ces développements sont renforcés par les besoins en termes de santé et les attentes liées au mode de vie des « urbains », valorisés par le baromètre européen[6] du sport 2018 qui traduit la demande de pratiques sportives dans les parcs et les jardins ou la demande de pratiques entre le lieu de résidence et celui du travail. De la même manière, les chiffres clés du sport parus en juin 2014[7] indiquent que les pratiquants auto-organisés seraient environ 30 millions, soit près des deux tiers des pratiquants en France. Le ratio est le même pour Paris, avec 62 % de la population qui déclare pratiquer une activité sportive de manière autonome[8]. Aussi, une récente étude ministérielle[9] porte sur la « valorisation du sport dans les espaces urbains métropolitains », insérant encore un peu plus cette thématique a l’agenda public.
Le sport : le parfait allié du réaménagement urbain ?
Pour Dominique Charrier (2014), les pratiques et les organisations sportives font l’objet d’une instrumentalisation croissante par les politiques publiques depuis plusieurs décennies. Par exemple, les événements se voient imposer une diversité de finalités sociales (Defrance, 2012). Elles résultent de la polysémie du terme « sport », cet objet difficile à interpréter car doté d’une « signification flottante », pour reprendre l’expression de John Bale et Trudo Dejonghe (2008 : 15). Nous rejoignons l’approche extensive proposée par Jean-Pierre Augustin (2011), qui aborde le sport comme un ensemble interactif entre une approche codifiée (le sport dit « institutionnel ») et une approche non codifiée (les activités ludo-sportives). L’emploi de l’adjectif « ludique » désignera « l’ensemble des activités de loisir, c’est-à-dire déployées pour le repos ou le plaisir de l’individu en dehors des espaces-temps consacrés au travail ou aux tâches ménagères » (Monnet, 2012 : 204).
L’analyse du sport dans l’espace urbain a pour fondement le lien entre le sport et le lieu (Bale, 1982). Au sens théorique, le lieu constitue « la plus petite unité spatiale complexe car c’est un espace au sein duquel le concept de distance n’est pas pertinent » (Lévy, 2003 : 560). Alexandru Ilieș et ses collaborateurs (2014 : 10) notent à ce titre l’importance de la définition spatiale de ses caractéristiques et, surtout, « l’applicabilité d’un tel concept à l’impact du sport sous toutes ses formes dans la société[10] ». Par exemple, le champ du tourisme permet de lier les domaines du sport et de la géographie, que ce soit par des infrastructures comme support (composante statique) d’événements sportifs, ou par des déplacements de spectateurs et de sportifs (composante dynamique) assimilés à des flux touristiques (Herman et Wendt, 2011).
Les territoires sportifs ont fait l’objet de nombreux travaux en sciences sociales, portant notamment sur les aires de diffusion des activités ou des installations sportives à des échelles locales (Mathieu et Praicheux, 1987 ; Bale, 1993 ; Ravenel et Durand, 2002 ; Vertinsky et Bale, 2004) ou internationales (Augustin, 1995 ; 2007 ; Williams, 2017). D’autres études se concentrent sur la conception territoriale du lieu sportif (Bale, 1998 ; Hall, 2008) ou son impact à l’échelon local (Shobe, 2008 ; Kozma et Süli-Zakar, 2012). Christian Dorvillé et Claude Sobry (2006) proposent par exemple une typologie des lieux en fonction de l’usage du corps. D’abord, ils identifient des espaces d’accomplissement qui sont associés au corps productif et se matérialisent par les grandes enceintes sportives. Ensuite, les espaces hygiéniques font appel à un corps éduqué et prennent la forme de parcours santé ou de gymnases. Enfin, les espaces expérientiels sont liés au corps ludique et correspondent aux lieux publics.
L’étude du sport dans l’espace devient donc un prisme d’analyse des usages et des nouvelles urbanités qu’il met en jeu (Vigneau, 1998), puisque la transformation d’un lieu peut contribuer à redéfinir le rapport à l’espace (Keerle, 2007). C’est notamment le cas de l’analyse des sportifs auto-organisés (Vieille-Marchiset, 2003), qui traduit « un renouvellement des utilisations et des perceptions des espaces publics qui invite à interroger le sens accordé par les sportifs aux formes urbaines » (Escaffre, 2005 : 248). Toutefois, si cette tendance au développement du sport dans la ville a déjà été abordée par le prisme de l’aménagement, c’est beaucoup moins le cas par celui des événements sportifs en prise directe avec le territoire (Bessy, 2007).
La « conquête sportive » de la ville par l’événementiel
L’événement, quelle que soit sa taille, touche les différentes composantes territoriales et la diversité des publics concernés (habitants, néo-résidents, touristes, etc.). Dans ces nouvelles configurations événementielles, le territoire est consubstantiel à l’événement car son attractivité est constituée des caractéristiques spécifiques liées au territoire (Bessy, 2014). En raison des effets transversaux que les événements sportifs récurrents peuvent induire, ils sont de plus en plus souvent intégrés dans des politiques publiques (Chalip, 1995 ; Bourbillères, 2017). Les événements sportifs récurrents s’ancrent dans le territoire hôte et deviennent des éléments de territorialisation puisqu’ils renforcent la singularité du territoire (Ziakas et Costa, 2012).
L’événementiel peut aussi être considéré comme un produit touristique (Marquis, 2013). Il contribue au développement du territoire puisqu’il attire, soit pour participer, soit pour regarder (Hall, 1992). De fait, le tourisme sportif urbain défini par Heather Gibson (1998 : 49) comme « des voyages de loisirs qui amènent les individus temporairement hors de leur communauté d’origine à participer à des activités physiques, à regarder des activités sportives ou à vénérer des attractions associées à des activités physiques », est un moyen de produire de nouvelles aménités. Plus généralement, en milieu urbain, il recouvre deux acceptions (Dorvillé et Sobry, 2006 : 18) : l’utilisation d’équipements sportifs de grande dimension dédiés au sport-spectacle et l’utilisation à des fins ludo-sportives d’espaces urbains non sportifs.
L’analyse de ces dimensions nourrit cette contribution puisque le réaménagement des berges de Seine offre de nouveaux espaces de pratiques, mais propose également une nouvelle déambulation touristique parmi les principaux monuments parisiens (tour Eiffel, musée du Louvre, etc.).
Stratégie de recherche : théorie ancrée et corpus qualitatif
Notre contribution porte sur une étude de cas qui s’inscrit au sein d’une étude plus large sur le sport dans la ville de Paris (Bourbillères, 2017). Nous utilisons la théorie ancrée, posture nous invitant à nous ouvrir à l’évidence empirique (Dey, 1999) pour générer un cadre théorique. Cette expression constitue une traduction-adaptation de la grounded theory, approche de théorisation empirique et inductive développée en 1967 par Barney Glaser et Anselm Strauss, considérée comme une méthode de référence en recherche qualitative (Mucchielli et Paillé, 2003). Elle vise à « générer inductivement une théorisation au sujet d’un phénomène culturel, social ou psychologique, en procédant à la conceptualisation et la mise en relation progressives et valides de données empiriques qualitatives » (Paillé, 1996 : 184). Nous utilisons également l’étude de cas (Yin, 1981) pour comprendre les points d’intérêts pour les acteurs, découvrir la complexité des jeux d’acteurs dans un contexte donné et présenter une interprétation holistique des événements (Merriam, 1998). Notre position épistémologique est celle d’un réalisme compréhensif d’après la classification de Salvador Juan (1999) adaptée d’Alan Chalmers (1987).
Les principes de la théorie ancrée
La mise en œuvre de la théorie ancrée repose sur quatre principes (Glaser et Strauss, 1967 ; Guillemette, 2006). Le premier nécessite de préciser les conditions dans lesquelles la suspension temporaire du recours à des cadres théoriques existants s’est opérée ainsi que la démarche extensive entamée. Ensuite, il s’agit de préciser la délimitation spatiale et temporelle de l’objet de recherche. Les deux derniers principes renvoient à la démarche générale, c’est-à-dire l’interaction circulaire entre la collecte et l’analyse (processus qui se font de manière concomitante) ainsi que les postures nécessaires à l’émergence de faits empiriques dignes d’intérêt scientifique. Le tableau 1 présente l’application de ce cadre à notre étude.
Bien que le projet de réaménagement des berges de Seine ne soit pas un événement sportif à proprement parler, il utilise le sport et les événements comme leviers. En raison de la récurrence de ce cas dans les discours des acteurs parisiens[11], et conformément à la théorie ancrée qui invite le chercheur à accorder une attention particulière aux données qui émergent du terrain, son analyse a occupé une place centrale dans notre travail sur la ville de Paris et nourrit par là même cette contribution.
La collecte de données
La collecte s’est appuyée sur de l’observation in situ, des entretiens semi-directifs et une analyse documentaire (supports de communication, bilans internes, etc.). Nous avons recueilli le plus d’informations possible sur le cas : l’histoire, les acteurs concernés et le contexte de leurs actions. Nous avons utilisé un processus de centration progressive par catégorisation (Paillé, 1994) qui se poursuit jusqu’à la saturation théorique (Holloway et Wheeler, 2002). Cette combinaison de méthodes ambitionne de produire la vision analytique d’un cas dont la validité est renforcée par la triangulation des données (Kvale, 1996). Cette dernière est produite par la mise en perspective de méthodes reconstructives (entretiens) et interprétatives (analyse documentaire, observation) avec des repères théoriques pertinents.
Les entretiens semi-structurés d’experts ont constitué la partie principale du processus de collecte. Nous commencions par identifier ce qui était attendu par les organisateurs et les différents acteurs impliqués dans le projet d’aménagement[12]. Ensuite, nous identifiions les personnes ressources pouvant compléter l’analyse (agents de la filière sportive de la mairie de Paris) ou confronter des points de vue différents (présidents de fédération et du Mouvement olympique) en utilisant la méthode « boule de neige ». Nous avons analysé le sens des discours des acteurs par l’utilisation de méthodes interprétatives (Weed, 2008).
Nous avons effectué les observations in situ dans le rôle d’observateurs participatifs (Gold, 2003), c’est-à-dire que nous étions sur les lieux en tant qu’observateurs extérieurs. Nous avons utilisé une « grille systématique » (Martineau, 2005 : 11) structurée autour du triptyque : lieu, activités et public. Pour en rendre compte, nous avons rédigé des notes narratives[13] où nous assumons une image subjective qui souligne le récit comme une forme d’action sociale basée sur des relations (Harris, 2006). Cette approche narrative contient des représentations choisies, une séquence temporellement ordonnée, des personnages, une intentionnalité, des métaphores, un cadre, un public et une qualité téléologique (Smith et Weed, 2007 : 253). Enfin, cette méthode couvre aussi une collecte plus informelle par laquelle tout passage ou visite sur le lieu est prétexte à une collecte spontanée de données (Gagnon, 2012).
Nous pensons que cette stratégie de recherche est justifiée, compte tenu de la volonté d’analyser au plus près la gouvernance et les usages, notamment sportifs, des berges de Seine. En effet, l’hétérogénéité des acteurs et des formes de mobilisation est telle qu’il est difficile d’aborder la mise en œuvre d’un programme sans passer par une caractérisation des configurations locales (Sawicki, 2000).
Présentation du cas : un ambitieux projet de réaménagement urbain
La mobilisation des acteurs ne peut se comprendre que par une contextualisation précise et une analyse des multiples enjeux locaux (Lascoumes et Le Galès, 2018). Ainsi, cette partie inscrit-elle le réaménagement des berges de Seine dans un contexte parisien qui, par effet de taille, rend particulièrement visibles ces enjeux. Nous en présentons ci-dessous une synthèse sélective, avant d’aborder la gouvernance et les objectifs du projet.
Paris : prestige, effet de taille et complexité administrative
L’étendue et le nombre d’habitants[14] de la ville de Paris offrent un panel qui reflète la diversité des types d’événements sportifs identifiés dans la littérature (Gratton et Taylor, 2000). L’utilisation de l’espace urbain par des événements y est régulière d’autant plus que les équipements sportifs sont saturés en raison de la densité urbaine[15]. La demande publiquement explicitée en début de mandat par la maire de Paris à son adjoint en charge des sports et du tourisme évoque cette volonté d’investir les espaces publics par le sport.
Je retiens votre proposition pour améliorer l’offre sportive dans l’espace public. Les pratiques et les attentes sportives ont évolué. Pour y répondre, il convient de penser l’espace public comme de nouveaux espaces de liberté pour toutes les pratiques. En partenariat avec vos collègues adjoints concernés – urbanisme, transports, espaces verts – vous me proposerez le lancement d’un appel à projet pour disposer d’un panel d’installations sportives innovantes, durables ou éphémères, adaptées à l’urbanité. (Anne Hidalgo dans sa feuille de route[16] à Jean-François Martins du 16 mai 2014)
Composée de vingt arrondissements[17], Paris a des identités sociodémographiques (Lallement, 2010) et administratives multiples, ce qui se traduit par une certaine complexité dans l’organisation du sport (Bourbillères, 2017). On trouve des acteurs sportifs du monde associatif (clubs, OMS[18], ligues ou comités départementaux et régionaux dans chaque discipline fédérale), de la filière municipale (directions des arrondissements, des circonscriptions sportives[19], de la mairie centrale), des acteurs privés (agences événementielles) ou encore des élus locaux (élus aux sports dans les mairies d’arrondissement), qui ont des sensibilités politiques hétérogènes.
Réaménagement des berges : la nécessité d’une gouvernance multipartite
La mise en œuvre du projet nécessite pour la ville d’établir un partenariat avec les services de l’État, « Ports de Paris » (propriétaire des berges et exploitant du fleuve), « Voies navigables de France » (propriétaire juridique de la Seine) et les « Architectes des bâtiments de France », dont l’avis conforme est nécessaire pour toute implantation d’équipement ou de dispositif événementiel. Enfin, la préfecture est en charge de la voirie, de la circulation et de la sécurité. La cohabitation des usages doit se faire dans le respect des impératifs des institutions[20].
La première étape du projet est la phase de concertation et d’enquête publique[21]. Elle comporte des études d’impact sur des indicateurs quantitatifs (report de circulation, qualité de l’air) menées par un service de la Ville, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR). Cette phase débute en 2008 pour s’achever par l’approbation du projet par le gouvernement Ayrault le 13 juillet 2012. Ensuite, deux phases sont à distinguer : l’aménagement (budget de 40 millions d’euros) et la programmation (5 millions d’euros par an). Le pilotage est assuré par la mission « Berges de Seine » intégrée à la mission « Promotion Animation Valorisation et Expérimentation » sur le territoire urbain (PAVEX), rattachée au Secrétariat général de la mairie de Paris[22]. Elle mobilise, sous forme de coopérative[23], divers acteurs pluridisciplinaires (présentés au tableau 3).
C’est l’agence Artevia qui remporte le marché public pour un contrat de quatre ans (2012-2016) portant sur la programmation et l’exploitation. L’entreprise coordonne l’ensemble du projet et assure les animations en collaboration avec la mission PAVEX. Le marché consiste à programmer, installer, faire vivre l’espace en s’appuyant sur les éléments déjà réalisés par la Ville, tout en respectant ceux issus de la concertation et en accord avec les institutions de l’État.
Proposer un gisement d’aménités urbaines
Comme dans toutes les grandes villes, l’espace est problématique à Paris : quand il s’agit d’en redonner aux piétons, cela nécessite d’en prendre aux automobilistes. L’essence du projet est d’évincer progressivement les voitures du centre-ville, bien que cela ne soit pas une « guerre déclarée aux voitures », explique-t-on à la mairie (entretien avec Armelle Gros, Secrétariat général de la mairie de Paris, responsable des missions « Berges de Seine » et PAVEX, le 14 août 2015). C’est aussi une des réponses des élus locaux aux pics de pollution de plus en plus réguliers[24].
Cette ressource précieuse dans une ville très dense comme Paris que sont les quais de Seine, même étroits, même coincés entre un perré[25] trop pentu et un mur de quai trop haut, même cachés derrière des silos bétonnés, recèle des possibilités de transformation insoupçonnées. (APUR, 2010)
Le projet présenté par le maire de Paris le 14 avril 2010 a l’ambition d’être en phase avec une époque qui attend davantage de « convivialité, d’écologie, de souplesse, d’économie, de rapidité et de partage[26] ». Il prévoit d’appréhender la Seine comme un milieu naturel, avant de l’aborder comme un espace public (ouvert) ou un domaine technique (réservé) pour chercher à comprendre comment la concomitance de ces trois points de vue peut être un gisement d’aménités urbaines (APUR, 2010). Trois objectifs sont énoncés : rendre les berges aux piétons, diversifier et enrichir les usages du fleuve, organiser une offre autour des thèmes du sport, de la culture et de la nature.
Surtout, rappelons que le site reste une ressource touristique majeure et que la Ville ne manque jamais de communiquer à propos de « l’ensemble monumental et minéral[27] » que représentent les berges. C’est peut-être ce qui participe de la controverse qui accompagne son aménagement depuis plusieurs années, eu égard à son caractère symbolique et à la récupération politique dont il peut faire l’objet.
Un site « naturellement » sportif
Pour Pascal Cherki (ancien adjoint au maire de Paris en charge des sports de 2001 à 2008, en entretien le 26 juin 2015), le « sport au sens large est un excellent moyen d’organiser le ‘vivre ensemble’ en milieu urbain », surtout dans une situation de saturation des équipements. Selon la directrice de l’APUR, Dominique Alba (interviewée sur France Culture le 20 mai 2012), puisque « Paris ne dispose d’aucun espace de sport de plein air à l’exception d’un stade, les 27 autres sont en périphérie, cet endroit va permettre d’avoir des pratiques sportives qui nécessitent peu d’infrastructures. »
Ce projet est le point d’orgue des différentes déclinaisons qui peuvent exister temporairement dans les parcs et les jardins parisiens pour faire « sortir » le sport des gymnases. Sur les berges, il est encouragé et incité par l’installation de mobiliers urbains (illustrations 2 et 3). « Les berges sont déjà un lieu où l’on fait du sport. Son développement est assez endémique entre la volonté des usagers, les investissements et les partenariats. » (Entretien avec Jean-François Martins, adjoint à la maire de Paris, en charge des sports et du tourisme depuis 2014, le 26 janvier 2015)
Une des perspectives de développement est l’apparition d’un mobilier urbain « intelligent » permettant des usages multiples. Toujours dans l’optique de promouvoir le sport dans l’espace public, la mission PAVEX envisage de développer des douches publiques avec un système de consigne. C’est un moyen d’inciter les résidents de la périphérie parisienne ou d’arrondissements plus éloignés à venir transpirer sur les bords de la Seine[28]. « C’est un laboratoire où la volonté d’expérimentation nous amène à développer de nouveaux usages pour permettre aux Parisiens de concevoir la manière dont ils souhaitent pratiquer le sport demain. » (Entretien du 14 août 2015 avec Gros)
Toutefois, il ne faut pas surestimer la place du sport dans ce projet. À la mission PAVEX (entretien avec Gros du 14 août 2015), on rappelle que « ce n’est pas comme si on gérait un gymnase et que l’on pouvait se demander : que pouvons-nous faire ? ». Pourtant, ces mêmes acteurs présentent dans leurs discours l’ambition de préfigurer le sport urbain de demain avec l’emploi d’éléments de langage comme « laboratoire », « expérimentation » ou « nouveaux usages ».
Résultats
Plus que les offres culturelles, les loisirs sont aujourd’hui le lieu de déploiement des stratégies touristiques (Miaux et Roult, 2016). En effet, l’aménagement des berges cherche à satisfaire les demandes récréo-sportives des résidents autant que des touristes dont la définition est ici extensive, allant du Francilien en visite à la journée au touriste étranger que l’on cherche à retenir et à divertir dans la capitale. Ces deux types de publics qui apparaissent clairement dans le discours des acteurs interrogés lors de notre enquête se réapproprient cet espace nouvellement piéton et le sport figure parmi les usages principaux qu’ils en font. Cependant, le rôle des événements sportifs impulsés par les programmeurs illustre particulièrement les difficultés de concilier des usages différents.
Le rôle des événements sportifs : attractivité, diversification, promotion et conflits d’usage
Les événements sportifs coûtent moins cher que les actions culturelles et attirent un public qui ne vient pas naturellement dans les quartiers aisés[29]. À cet égard, ils sont attractifs et diversifient les usages d’un lieu jusqu’alors réservé aux voitures. Certaines disciplines choisies sont issues des sports de nature comme la slackline (ou équilibre sur sangle), une pratique sportive récente qui s’apparente au funambulisme. « Avec le sport, on peut faire un événement à 5000 € sur trois semaines. En culture, c’est huit fois plus sur un week-end et ça attire moins. La slackline, par exemple, le public adhère. » (Entretien avec Alice Ghys, responsable de la programmation du projet des « Berges de Seine » chez Artevia, le 11 août 2015)
Les événements permettent d’atteindre, temporairement au moins, un objectif de mixité sociale en mobilisant des publics qui ne se déplacent pas dans ce genre de quartier. Par exemple, la piste d’athlétisme a été utilisée par une association, High Frequency Team (présidée par Ladji Doucouré, champion du monde 2005 du 110 mètres haies), qui vise à faire sortir l’athlétisme des stades. Le projet consistait en un championnat mobilisant des collégiens de toute la région et dont la finale se déroulait sur les berges. Du côté des aménageurs, on espère que ce type de public puisse revenir entre amis ou en famille profiter de l’aménagement. L’événement serait alors source de fréquentation, voire de fidélisation. Mais il convient d’en mesurer la portée puisque les périodes sont courtes et non récurrentes : quatre ou cinq événements par an à chaque période scolaire entre 2013 et 2015. De fait, la mixité sociale ne semble pas être la caractéristique principale du projet le reste du temps, de l’aveu même des acteurs interrogés. « Globalement c’est fréquenté par l’ouest de Paris où vit une population plutôt favorisée socialement. » (Entretien avec Élodie Filliat, responsable de la programmation sport sur les Berges de Seine chez Artevia, le 7 juillet 2015)
Des études sur les usagers sont régulièrement menées par la Ville de Paris. Elles apportent des enseignements venant confirmer ce qui transparaît dans les discours et les rapports officiels. L’une d’entre elles, portant sur six mois (février-juillet 2015), constate que 35 % des usagers ont pris part aux événements particuliers, sportifs ou non. Un autre rapport interne[30] remis à la maire de Paris en août 2015, portant sur la fréquentation, présente dans ses conclusions la prégnance d’une population assez jeune, venant essentiellement des arrondissements environnants et des touristes (au-delà des chiffres globaux qui évoquent 6 millions de visiteurs entre 2013 et 2016[31]). Devant ce constat, l’équipe d’Artevia regrette les prix pratiqués par certaines concessions[32], des établissements peu abordables qui ne correspondent pas au public que les événements sportifs peuvent drainer. « Beaucoup viennent pour les terrasses. On va dire que ce sont des gens plutôt bien nés, aisés. Ils ne connaissent pas forcément les activités qu’il y a autour. » (Entretien du 11 août 2015 avec Ghys)
Ces usages commerciaux s’accordent difficilement avec les animations de découverte qui sont proposées en journée. Pourtant, l’ambition est de concilier ces différentes aspirations. Un rapport d’observation officiel souligne de manière critique cette ambivalence :
Sans contester l’intérêt économique d’un tel équipement, la chambre observe l’ambiguïté de la définition de ce projet. La vocation de boîte de nuit n’avait pas été retenue pour la présentation au conseil de Paris pour l’autorisation d’aménagement et cette interdiction réitérée [sic] dans le cahier des charges du marché d’animation. (Extrait du Rapport d’observation définitif de la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France, 20 septembre 2016)
Concernant la programmation, les activités proposées sont généralement inédites et en lien avec l’espace public. Le site est attractif pour ceux qui organisent des événements sportifs, puisque cet espace singulier offre une fenêtre de visibilité qui peut être un outil de promotion de la discipline. Quand une « petite » fédération vient sur les berges, un de ses objectifs est d’augmenter sa notoriété. Les événements organisés pendant l’été 2015 valorisent des disciplines peu connues : speed badminton, slackline, taiji bang ou encore Double Dutch[33]. Cette implantation sur les berges de Seine favorise la mise en scène de la discipline dans un cadre patrimonial exceptionnel (illustration 4).
Pour les fédérations plus importantes telles celles de basket-ball ou de rugby, cet effet d’image constitue une manière originale de communiquer. Pendant la Coupe du monde de rugby 2015, la fédération a organisé avec l’aide d’Artevia le dispositif « Rugby sur berges ». Pendant l’Euro de football 2016 organisé en France, le site devait accueillir les « Berges de l’Europe », un lieu de rencontre entre les différentes cultures de chaque pays qualifié pour la compétition, mais la crue de la Seine a obligé la relocalisation de ce projet sur le parvis de l’hôtel de ville. En juin 2017, des grandes manifestations de soutien aux Jeux olympiques et paralympiques se sont déroulées sur la Seine avec le montage d’une piste d’athlétisme éphémère. « Quand il y a des grands événements, qu’il puisse y avoir des animations sportives à cet endroit, c’est très intéressant. C’est ce que recherchent les fédérations ; en dessous des monuments, l’image est belle. » (Entretien avec Jean Vuillermoz, adjoint au maire de Paris en charge des sports de 2008 à 2014, le 3 avril 2015)
Au-delà des événements, l’essence monumentale du lieu attire les touristes. D’ailleurs, pour Artevia, il est intéressant de pouvoir s’y établir avec du sport pour « drainer un maximum de gens, y compris les touristes » (entretien du 11 août 2015 avec Ghys). Cette dimension est présente dans les discours, puisque les berges restent avant toute chose un espace que l’on visite. Ce constat suscite d’ailleurs la crainte d’un ancien élu qui explique ne pas croire « au ‘sport urbain de demain’ sur ce site qui est phagocyté par le tourisme » (entretien du 3 avril 2015 avec Vuillermoz).
Les usages commerciaux et touristiques semblent être des freins au développement de l’événementiel sportif, malgré les opportunités évidentes du site, en termes d’image pour les différents acteurs concernés. L’analyse du marquage urbain confirme cette tendance en faisant ressortir d’autres contraintes au développement d’une urbanité sportive et récréative.
Un marquage urbain événementiel minimaliste
Selon plusieurs études (entretien du 11 août 2015 avec Ghys), la piétonisation et l’éloignement des voitures ont globalement eu un effet positif sur la réduction du bruit et la qualité de l’air. Pourtant, les nuisances sonores signalées par les riverains ont conduit les programmeurs à revoir leurs ambitions d’événementiel à la baisse en 2015. Ports de Paris a interdit la musique amplifiée car l’eau renvoie le son sur l’autre rive, ce qui gênait les bateaux-logements et les ambassades. Les propriétaires imposent aussi des limites techniques. Il est par exemple impossible d’utiliser les trottoirs pour concevoir un terrain de sport. Enfin, d’un point de vue financier, l’événementiel est d’autant plus onéreux qu’il nécessite des dépenses de sécurité importantes.
L’obstacle reste l’argent. Il y a eu de la dépense mesurée, mais pas autant qu’on l’aurait souhaité. J’avais prévu des événements plus ambitieux comme du saut à skis ou en rollers. Mais il faut aménager les gradins des deux côtés. Surtout cela coûte très cher car il faut prendre des mesures de sécurité supplémentaires. (Entretien du 3 avril 2015 avec Vuillermoz)
En conséquence, la plupart des dispositifs événementiels se tenant sur les berges sont très modestes. Nous avons analysé leur marquage urbain, c’est-à-dire les attributs matériels et immatériels qui leur permettent de se démarquer dans l’espace public (Veschambre, 2005). Mentionnons à titre d’exemple celui de Double Dutch en juillet 2015, restreint et très peu signalé aux abords d’un site peu fréquenté le temps de nos observations[34]. Quand on parle de programmation sportive dans les documents de communication, on imagine naturellement des dispositifs plus imposants.
J’arrive auprès de l’événement sportif de la semaine, mais il ne s’agit que d’un petit espace délimité par des barrières et de la rubalise au sein duquel quatre jeunes font pratiquer le « Double Dutch » à une douzaine de personnes, dont des enfants. Juste à côté se tient une tente avec de la documentation. Le rendu sur site apparaît dérisoire. (Extrait de la note d’observation du 12 juillet 2015)
En l’occurrence, le marquage urbain généré par cet événement est composé d’un marquage sonore musical (sur lequel se déroule l’activité) et d’un marquage logistique minimal (rubalise standard, barrières, une seule tente). Il est dilué parmi les éléments de détente et de verdure favorables à la piétonisation (jardins, mikados, hamacs) ou par des empreintes urbaines résiduelles liées à d’anciens événements, notamment la piste d’athlétisme (visible en rose sur l’illustration 5).
Le marquage urbain inhérent à l’événementiel sportif sur ce site transcrit à la fois un lieu baigné de contraintes matérielles et une volonté politique portée en priorité sur l’aménagement de l’espace. L’extrait du rapport officiel qui suit exprime cet écart entre la programmation ambitieuse annoncée et ce qui s’est déroulé dans les faits.
Le cahier des charges prévoit que « le site des berges vit jour et nuit ». Le rythme donné à la programmation s’inscrit cependant dans des temporalités plus modestes […] assez éloignées d’une animation vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le site n’est organisé, en réalité, que trois jours et demi par semaine contrairement aux objectifs du marché […] la Chambre comprend l’argument de la Ville selon lequel les aménagements contribuent à l’animation et à l’appropriation du site sur l’ensemble de la journée. (Extrait du Rapport d’observation définitif de la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France, délibéré du 20 septembre 2016)
Cette dernière phrase semble confirmer que la programmation événementielle a bien un rôle d’accompagnement des usages auto-organisés et une fonction légitimatrice de l’ensemble du projet.
Des logiques d’appropriation du sport très différentes
L’aménagement de l’espace urbain se fait sur la base d’un accord entre acteurs appartenant à des mondes sociaux hétérogènes (Lascoumes, 1994). Cela peut susciter des difficultés dans la cohabitation des usages, comme l’illustre le cas toulousain du canal du Midi entre « les gens de la terre » et les « gens de l’eau » (Escaffre, 2011 : 419). Dans le cas parisien des berges de Seine, l’analyse du fait sportif va mettre en exergue des perceptions du sport différentes.
Les organisations sportives n’ont pas été associées à la conception du dispositif. Pour ce qui est de la programmation, Artevia et la mission PAVEX traitent directement avec des fédérations de sports dits « émergents », le cas échéant, pour des événements isolés. C’est l’opportunité qui semble être le déclencheur de l’opérationnalisation. Cela se fait au cas par cas, comme le laisse à penser l’emploi des termes « aiguiller », « généralement » ou « hasard » dans le verbatim suivant.
Il n’y a pas de critères. Quand on cherche à faire venir un opérateur pour organiser un événement on passe d’abord par la fédération du sport concerné. On va nous aiguiller généralement vers une ligue régionale ou départementale. On consulte l’annuaire des associations sur Paris.fr. On contacte un peu au hasard finalement en fonction de ce qu’ils proposent et de l’activité que l’on voit sur leurs réseaux sociaux. (Entretien du 7 juillet 2015 avec Filliat)
Paradoxalement, à la Ville de Paris, on rappelle que ce n’est pas le rôle des clubs et des fédérations d’investir le projet, car les animations doivent rester « ludiques » et « récréatives » (entretien avec Jean-Claude Coucardon, directeur de la mission « Grands stades » et de l’Événementiel, Direction jeunesse et sport, mairie de Paris, le 27 avril 2015). D’ailleurs, les acteurs du Mouvement sportif olympique ressentent une forme d’indifférence à l’égard de l’aménagement. La présidente du Comité régional olympique reconnaît par exemple, deux ans après son ouverture, ne jamais être allée sur le site alors même qu’elle est également résidente du 7e arrondissement et présidente d’un grand club sportif implanté non loin des berges.
Je n’y suis pas allée encore, c’est dommage mais ce n’est pas notre fonctionnement de toute manière. Le projet nous a été vendu par la mairie centrale en annonçant : « Vous aurez du sport dans le 7e arrondissement. » Quand j’ai entendu cela je me suis dit : « Super on aura des équipements pour nos scolaires et nos associations. » (Entretien avec Evelyne Ciriegi, présidente du Comité régional olympique et sportif d’Île-de-France – CROSIF et de l’association Sport 7, le 27 mars 2015)
La présidente appréhende le projet à partir de la dimension compétitive en faisant référence à des équipements sportifs normalisés. Elle explique d’ailleurs concrètement que ce n’est pas du sport comme elle le conçoit.
Ce n’est pas du sport comme moi je l’entends, régulier et encadré par un entraîneur compétent. Les gens vont se détendre, font du sport en toute liberté. Pourquoi pas, mais c’est comme s’ils étaient en forêt pour moi, ils vont se balader. C’est comme cela que j’appréhende les berges. (Entretien du 27 mars 2015 avec Ciriegi)
Sa perception du projet laisse à penser que le sport n’est pas réellement présent, du moins pas assez pour attirer l’attention des organisations sportives. Sa fonction légitime d’organisation de la pratique sportive fédérale, compétitive et de haut niveau, la retient d’être plus active. Le vice-président de la Fédération française de tennis tient un discours tout à fait similaire.
Dans le tennis, beaucoup de gens adorent Federer, mais ils ne vont pas tous essayer d’avoir son niveau. Le Tour de France vit sa vie et ceux qui font du vélo le long des berges, vivent la leur. Ce n’est juste pas la même approche, nous ne pouvons pas être partout. (Entretien avec Hughes Cavallin, vice-président de la Fédération française de tennis, le 6 mai 2015)
Ainsi, les acteurs comme les usagers sont-ils confrontés aux conflits d’usage qui entraînent inévitablement la dilution de telle ou telle dimension. En l’occurrence l’urbanité ludique qui est développée ici met à distance les organisations sportives garantes du sport compétitif.
Discussion : le sport auto-organisé comme la forme de sport idoine en milieu urbain ?
Les objectifs de proximité, de mixité sociale, de fréquentation et de diversification des usages constituent le canevas initial justifiant le développement de l’événementiel sportif sur les berges. Toutefois, considérant le faible rayonnement de ces projets, nous pouvons considérer ces effets comme résiduels. Les événements sportifs ne servent que de supports à l’ensemble du projet devant contribuer au renouvellement urbain (Hiller, 2000). Ils alimentent une vision politique de la ville et de l’urbanité future à dominante récréative et sont un puissant moyen de communication, tant les dimensions historique, patrimoniale et touristique sous-tendent l’ensemble du projet. Rappelons que le sport est l’un des rares éléments visibles des politiques publiques (Koebel, 2011) et qu’il est généralement perçu positivement par les concitoyens (Adamkiewicz, 1998). Par exemple, durant la phase de concertation, il a surtout été un moyen de justifier le projet de piétonisation des berges auprès des administrés du 7e arrondissement qui étaient farouchement opposés au projet. La présidente du CROSIF explique à ce sujet que « le mot ‘sport’ est revenu pour faire avaler des couleuvres aux gens du 7e qui faisaient des pétitions en long, en large et en travers ». Dès lors, les événements deviennent un outil de légitimation (Gravari-Barbas et Jacquot, 2007) d’un projet urbain qui table sur une réappropriation de l’espace public (Andres, 2006) par les Parisiens. Ces nouveaux usages visent à renouveler l’image de la ville stressante et polluée en une nouvelle aire urbaine festive (Pradel, 2007 ; Lefebvre et Roult, 2013). Aussi, le développement d’une urbanité ludique au sens de l’appropriation « des lieux qui se donnent à voir » par des pratiquants auto-organisés (Lebreton et Héas, 2010 : 211) favorise-t-il la « sportification » progressive de ces espaces (Lebreton et Andrieu, 2011) redéfinis dans ce cas par l’acteur public (Ville de Paris) accompagné d’opérateurs privés (Artevia et autres prestataires), sans le concours des organisations sportives.
Le modèle des berges revient à composer entre événements et aménagements pour permettre la cohabitation des usages. Mais les réflexions qui jalonnent ces deux dispositifs s’avèrent bien distinctes. L’accompagnement du sport auto-organisé découle d’une volonté politique affichée[35] et d’une concertation transversale approfondie, tandis que les événements sont organisés sporadiquement, au gré des opportunités et dans la limite des contraintes du site[36]. Cette mise en parallèle correspond à une dichotomie bien connue dans le champ des activités physiques et sportives entre les types de pratiques. Finalement, par le développement d’une urbanité ludique sur les berges de Seine, elle contribue au couronnement de l’une au détriment de l’autre.
Ce cas illustre la manière dont la rationalité des acteurs se construit sur la base de considérations axiologiques, cognitives ou institutionnelles (Musselin, 2005 : 65). Selon les idéologies politiques et la conception de la société des acteurs, le sport sera plus ou moins soumis à l’interventionnisme politique. Cette axiologie est renforcée par la dimension cognitive pour le mouvement sportif olympique qui ne perçoit et ne conçoit le sport qu’à travers une dimension compétitive. Ce constat renforce les dimensions institutionnelles qui consacrent l’intérêt des acteurs à agir de la sorte et la culture d’institution qui structure le mouvement olympique autour du sport de haut niveau et de la compétition.
Cette analyse se couple d’une autre opposition entre pratiques sportives traditionnelles et pratiques sportives urbaines innovantes (Faure et Garcia, 2002). La volonté d’expérimentation oriente la programmation événementielle dans ce sens (hormis les rares événements en lien avec les grandes compétitions internationales). En considérant que ce site ne propose pas de sport, on occulte ces nouvelles pratiques qui sont pourtant déjà constituées en fédération sportive (Double Dutch), ou ont l’ambition de le devenir (slackline)[37]. Ces pratiques, plus que des loisirs, se muent en sports structurés. Elles correspondent parfaitement aux dispositifs municipaux qui favorisent leur émergence puisqu’elles s’inscrivent dans un territoire qu’elles contribuent à transformer par leur caractère évolutif et prospectif (Lebreton, 2010). Elles s’enrichissent aussi d’une culture urbaine désignant l’ensemble des pratiques culturelles (Faure et Garcia, 2002), artistiques et des activités physiques pratiquées dans la rue, particulièrement adaptées au développement d’un projet transversal comme celui des berges de Seine.
Soulignons que cette opposition entre les formes de sport (Loirand, 2011) est un risque pour le modèle sportif fédéral français[38] qui ne s’investit pas dans ces expérimentations urbaines pour adapter son fonctionnement aux nouveaux usages. Ces pratiques, qui mêlent plaisir, divertissement, liberté et jeu, revendiquent pourtant une place dans l’échiquier sportif (Vieille-Marchiset, 2003 ; Fodimbi, 2008). D’autant plus que le sport à l’échelon local reste un enjeu symbolique et social, car les communes doivent faire des choix stratégiques pressés par des demandes très diversifiées (Haschar-Noé et Bayeux, 1998). Ainsi, le projet parisien est-il pris en étau entre une approche ludo-sportive des activités physiques et sportives du côté de l’acteur public et une conception plus codifiée du sport du côté du mouvement sportif olympique. Dans ce contexte, la fonction légitime (Gasparini, 2000) de la Ville est d’accompagner la demande sociale qui se matérialise ici par le développement du sport-loisir. Les pratiques ludo-sportives (Augustin, 2011) sont donc organisées par l’acteur public avec le soutien d’opérateurs privés spécialisés.
Nos résultats valorisent la tendance par laquelle on cherche à développer le sport en ville en se situant à l’interface des types d’acteurs (publics/privés non marchands) et des formes de pratiques (auto-organisées, fédérales, émergentes). Les frontières entre public et privé se déplacent au fur et à mesure de la définition, de la mise en œuvre et du déroulement des projets (Haschar Noé et al., 2009) par un processus de politisation (Lagroye, 2003) d’une impulsion participative locale (Bourbillères et al., 2015) ou d’un projet événementiel qui mobilise et catalyse les enthousiasmes. Ici, c’est par l’offre de supports de pratiques sportives dans l’espace urbain que l’acteur public entretient un « patrimoine exceptionnel » (Gravari-Barbas, 2014 : 67) dans un environnement contraint. Cela renvoie à l’action publique « bricolée », selon les logiques diverses des acteurs (Le Galès et Lascoumes, 2005 : 26) et de la réponse à un besoin de démocratie locale face à une perte d’autonomie dans les décisions des acteurs de proximité (Honta, 2007).
Conclusion
De manière générale, les espaces urbains sont de plus en plus aménagés en territoires de loisirs et de tourisme sportif (Augustin, 2002). Ces nouveaux espaces doivent être fonctionnels, dynamiques et ludiques, tout en valorisant l’image de la ville. À Paris, l’aménagement des berges répond à cet enjeu de proximité et d’espaces naturels. Il est aussi un pari politique, compte tenu du budget mobilisé et des oppositions qu’il rencontre[39]. Il est la résultante de politiques publiques convergentes dans les secteurs de la santé, de l’environnement, de la culture, du sport, de la jeunesse et du tourisme. Dans cet éventail, le sport, par l’intermédiaire de ces deux bras armés (aménagement et programmation événementielle), joue sa partition de différentes manières : catalyseur de fréquentation, redéfinition des usages de l’espace, vecteur de visibilité pour le site et pour les organisateurs, révélateur d’un mode de vie sain en milieu urbain, caution du projet global auprès des détracteurs pendant la phase d’aménagement, support de mixité sociale ou encore image territoriale.
En réalité, le lieu étudié pour ce cas se caractérise surtout par sa dimension touristique. Les monuments qui jalonnent le dispositif sont emblématiques et servent à imager le territoire (Fagnoni etal., 2015). Plus que les événements, ce sont essentiellement l’aménagement et l’espace qui créent un patrimoine exceptionnel en s’appuyant sur l’émergence de nouveaux usages (Pradel, 2007 ; Gravari-Barbas, 2014). En les accompagnant, ces aménagements servent de signature territoriale dans une optique de « renforcement identitaire venant bercer l’imaginaire et le sentiment d’appartenance à la métropole » (Lefebvre et Roult, 2013 : 4) et justifient l’évocation du concept de ville festive.
Toutefois, le développement de la fête sur les berges n’a pas pour vecteur l’événementiel sportif. Le marquage urbain s’avère minimaliste en raison des contraintes matérielles et de la nécessité de maintenir les usages commerciaux et oisifs. De fait, les événements ont une contribution modeste au regard de ce qui était prévu initialement par le marché. Ils manquent l’opportunité de devenir une modalité de gestion du temps de l’éphémère pour construire ce projet urbain d’envergure (Gravari-Barbas et Jacquot, 2007). Ce dernier nécessite la collaboration de parties prenantes aux aspirations sociales et économiques au mieux hétérogènes, au pire antinomiques. Dans ce cas, il apparaît que l’ambition de transversalité génère une hétérogénéité d’usages qui aboutit à la dilution de la dimension sportive événementielle.
Dans le même temps, les acteurs publics font évoluer les usages du site par l’aménagement, puisque le sport s’y développe dans une forme ludique et sans contrainte, comme illustré par nos observations et les résultats des études quantitatives de la Ville. En redonnant de l’espace aux Parisiens, on laisse l’émergence des usages paramétrer la manière de faire de l’activité physique. Les pratiquants auto-organisés en font une « occupation de plein gré », pour reprendre l’expression de Joffre Dumazedier (1962 : 28). Cette pratique s’avère être la plus adaptée à la demande sociale ainsi qu’à la volonté des acteurs de concilier des usages différents.
Cette étude revêt bien sûr des limites. Tout d’abord, l’utilisation de méthodes qualitatives nécessite de présenter de manière descriptive les données avant de pouvoir apporter un éclairage analytique (Weed, 2008). En corollaire, les résultats sont restreints à la description du phénomène faite en premier lieu et donc aux partis pris du chercheur. Il est possible que nous ayons eu une lecture d’une situation différente de celle d’un professionnel spécialiste de son territoire ou de son projet. Nous considérons que l’utilisation de trois méthodes de collecte empêche qu’une impression relevée dans une note d’observation ne se transforme en catégorie d’analyse si elle n’est pas fondée et croisée avec des données issues d’entretiens ou de documents.
Une deuxième limite, qui constitue également une perspective de recherche, concerne les ressentis des publics. Notre étude de l’offre, qui articule notamment les discours des organisateurs et des acteurs politiques liés au projet de réaménagement, pourrait être complétée par une analyse des perceptions des usagers pour observer la manière dont le réaménagement correspond aux attentes des Parisiens et des touristes.
Enfin, nous avons étudié une période très particulière, puisqu’il s’agit des toutes premières années de fonctionnement. Il peut en découler, à juste titre, un temps d’ajustement qui expliquerait certains écarts entre les objectifs initiaux du marché et le projet réel. Toutefois, cette contribution a moins l’ambition de repérer l’impact du projet à l’échelle locale (encore moins sa réception auprès du public, riverains ou touristes) que d’éclairer des processus de gouvernance et des conflits du côté des décideurs locaux à travers un cas exemplaire des aménagements urbains qui émergent depuis une vingtaine d’années dans les grandes villes occidentales.
Finalement, les aménageurs parviennent à concilier des usages des lieux différents en favorisant une forme de sport qui ne correspond pas à l’événementiel. Or, ce dernier, porté par un mouvement sportif fédéral qui dispose de la légitimité publique en France, est encore nourri par une conception codifiée et institutionnalisée du sport. Cette « fragmentation » entre types de sports nous rappelle celle repérée entre le sport et le tourisme dans le contexte anglo-saxon par James Higham et Tom Hinch (2002) et dont la mise en synergie représente toujours un défi (Weed, 2001 ; 2003 ; Devine et al., 2010 ; Gibson et al., 2012). D’ailleurs à Paris, depuis 2014, l’adjoint à la maire en charge des sports est aussi en charge du tourisme. Il n’est donc pas étonnant d’observer le développement de projets qui ont pour objectif explicite de concilier ces deux dimensions. Aussi, l’aménagement s’adresse-t-il sans distinctions au Parisien et au touriste (qu’il soit Francilien en visite à la journée ou étranger) en demande d’activités sportives et ludiques. Mais ce rapprochement, en corollaire, éloigne les organisations sportives du développement de la pratique sportive en ville. Le cas des berges illustre la manière dont la rationalité et les modalités d’action du modèle fédéral ne semblent plus adaptées aux usages encouragés par les décideurs locaux. De fait, l’action publique ne se concentre plus dans l’offre de pratiques sportives, mais plutôt dans l’offre de supports de pratiques ludo-sportives. D’ailleurs, la baisse des dotations publiques contribue au renforcement de la contractualisation du sport de haut niveau et tend à renouveler la manière de penser la politique sportive en France.
En conséquence, le développement de la pratique sportive auto-organisée à Paris, moins coûteuse et moins chronophage, devient la forme de sport idoine pour la cohabitation des usages en milieu urbain. Dans ce contexte, les événements, porteurs d’un imaginaire festif et positif, servent d’outil de légitimation à un projet urbain d’envergure qui reste avant tout un site symbolique.
Annexes
Appendices
Notes
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[1]
Terme employé dans le discours du maire de Paris, Bertrand Delanoë, le 14 avril 2010.
-
[2]
Étude IPSOS menée du 2 au 6 mars 2018 auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population parisienne âgée de 18 ans et plus. <https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/pietonisation-des-voies-sur-berges-les-parisiens-soutiennent-hidalgo-sondage-771107.html>, consulté le 10 mars 2018.
-
[3]
<http://www.lepoint.fr/societe/voies-sur-berges-a-paris-pecresse-detaille-son-scenario-progressif-05-03-2018-2199666_23.php>, consulté le 8 mars 2018.
-
[4]
Le développement de berges urbaines aménagées pour la pratique sportive est envisagé à Boston, Santiago, New York, etc. Il s’est déjà développé dans certaines villes comme Bordeaux, Lyon ou Barcelone.
-
[5]
Au sens de la large diffusion des informations et des sujets de débats dans les médias. La notion de « publicité » est un élément phare de la théorie de Habermas : celle-ci doit être comprise comme dimension constitutive de l’espace public et comme principe de contrôle du pouvoir politique.
-
[6]
Special Eurobarometer 472 – Wave EB88.4 – TNS Opinion & Social, publié en mars 2018, <https://data.europa.eu/euodp/fr/data/dataset/S2164_88_4_472_ENG, consulté le 8 mars 2018.
-
[7]
<http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/chiffres-cles_du_sport_2015.pdf>, consulté le 8 mars 2018.
-
[8]
Rapport sur la pratique sportive des Franciliens de l’Institut de développement régional du sport d’Île-de-France en mars 2014.
-
[9]
Note d’analyse no 13 du 3 mai 2018 du Bureau de l’économie du sport rattaché au ministère des Sports.
-
[10]
Toutes les citations dont la source est en anglais sont traduites par les auteurs.
-
[11]
Liste des acteurs rencontrés en annexe 1. Entretiens d’une durée comprise entre 30 et 120 minutes, tous intégralement retranscrits.
-
[12]
Guides des entretiens en annexes 2 et 3.
-
[13]
On trouve différentes appellations dans la littérature : fiction rationnelle ou abstraction fondée (Martineau, 2005), enquête narrative (Smith et Weed, 2007), entre autres.
-
[14]
Au dernier recensement (1er janvier 2015) avant la rédaction de ce texte : 2,21 millions d’habitants.
-
[15]
Elle est l’une des agglomérations européennes les plus peuplées (aire urbaine supérieure à 12,4 millions d’habitants au 1er janvier 2013), soit plus de 21 000 habitants au kilomètre carré.
-
[16]
Document public qui contient les principales mesures et orientations politiques données par un maire à destination d’un adjoint.
-
[17]
L’arrondissement est une circonscription administrative déconcentrée.
-
[18]
Office pour le mouvement sportif d’un arrondissement, une structure associative qui regroupe les associations sportives souhaitant y adhérer et communiquant directement avec les élus locaux.
-
[19]
Regroupement d’arrondissements par la Direction de la jeunesse et des sports de la mairie de Paris.
-
[20]
Par exemple les équipements doivent être réversibles et les espaces à bord de quais respecter une certaine distance.
-
[21]
Source : Projet urbain no 40 // Atelier parisien d’urbanisme, 2010.
-
[22]
Pour simplifier nous parlerons de la « mission PAVEX » dans la suite de l’article.
-
[23]
Combinaison d’un regroupement de personnes et d’une entreprise fondée sur la participation économique des membres.
-
[24]
<http://www2.prevair.org/actualites/episode-de-pollution-particulaire-de-mars-2015-elements-dinterpretation>, consulté le 27 septembre 2015.
-
[25]
Mur de soutènement, revêtement en pierre sèche sur un talus pour maintenir la terre.
-
[26]
Extrait du discours du maire de Paris, Bertrand Delanoë, le 14 avril 2010.
-
[27]
Synthèse de l’inscription du bien « Paris, rives de la Seine » au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012. Rapport Mairie de Paris / Atelier parisien d’urbanisme, décembre 2011.
-
[28]
Ce projet, à l’étude en 2016, se heurte encore en 2018 au plan Vigipirate, outil central du dispositif français de lutte contre le terrorisme imposant une démarche de vigilance, de prévention et de protection.
-
[29]
Les berges se situent dans le 7e arrondissement (ouest de Paris) où le revenu médian est de 94 570 € contre 43 000 € dans le 14e (sud de Paris) ou 32 160 € dans le 20e (nord de Paris), d’après le recensement de 2013 réalisé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), <https://www.insee.fr/fr/statistiques/2020130/?geo=DEP-75>, consulté le 10 mars 2018.
-
[30]
Cette étude n’a pas été rendue publique. Sans avoir accès à l’ensemble du document, nous avons pu aborder les principales conclusions lors de nos entretiens avec les représentants de la Ville de Paris.
-
[31]
Communiqué de presse de la Ville de Paris, mardi 14 mars 2017.
-
[32]
Par exemple, le Flow et le Faust, des établissements de nuit, paient une redevance pour s’établir sur le site.
-
[33]
Speed badminton : variante du badminton, qui se joue sans filet ; événement organisé par la Fédération française de badminton. Slackline : activité proche du funambulisme ; événement organisé par l’entreprise Lineservice Events. Taiji bang : art martial chinois pratiqué comme gymnastique et qui comporte une dimension spirituelle. Double Dutch : sport de saut à deux cordes ; événement organisé du 21 au 26 juillet 2015 par la Fédération française de Double Dutch, qui se déroulait juste avant les championnats du monde de la discipline à la halle Carpentier.
-
[34]
Les 11 et 15 juillet 2015 pour les événements de Double Dutch et le 14 septembre 2014 lors d’un événement municipal, « Femmes en sport ».
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[35]
Notamment par les maires de Paris, Bertrand Delanoë (2001-2014) et Anne Hidalgo (depuis 2014).
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[36]
Le retrait d’Artevia depuis 2016 entérine cette situation : ces événements déjà très modestes sont de plus en plus rares.
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[37]
Par exemple le site spécialisé de slackline qui avait lancé une consultation en février 2015 auprès de pratiquants quant à l’opportunité de monter un dossier pour constituer une fédération et qui a abandonné ce projet par la suite : <http://www.chocoslack.com/fr/2015/02/02/la-federation-de-slackline/>, consulté le 23 août 2015.
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[38]
En France, l’intervention de l’État dans l’organisation du sport est légitimée par une mission d’intérêt général (« Loi Mazeaud » de 1975 et « Loi Avice » de 1984). Les événements sportifs, comme toute autre émanation du secteur des activités physiques et sportives sont structurellement organisés par la sphère privée non marchande (mouvement sportif) et la sphère publique. Cette reconnaissance politique concrétise l’utilisation du sport comme vecteur des politiques publiques.
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Il est à noter que depuis novembre 2016, la région Île-de-France est présidée par Valérie Pécresse, une opposante au projet Rives de Seine. Un rapport de force est amorcé depuis avec la Ville de Paris et Anne Hidalgo, remettant en cause la réouverture du projet au printemps 2017 et faisant avorter pour une part le projet rive droite déjà soumis à la consultation publique depuis la fin 2015. Finalement le projet ouvre et attire, selon la Ville de Paris, plus de un million de personnes en six mois. Toujours très contesté, notamment en banlieue par les élus de droite, le projet donne encore lieu à des controverses assorties de batailles de chiffres par rapport à l’impact sur les embouteillages, le bruit ou la pollution. Depuis mars 2018, un collectif d’une dizaine d’associations appelle régulièrement au rassemblement derrière la bannière « Sauvons les berges ».
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