Volume 45, Number 1 (133), Fall 2019 La région dans la littérature du Québec Guest-edited by Isabelle Kirouac Massicotte, Élise Lepage and Mathieu Simard
Table of contents (10 articles)
Dossier
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LA RÉGION DANS LA LITTÉRATURE DU QUÉBEC : état des lieux et nouvelles perspectives
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TUER ENTRE NOUS : anatomie d’un coupable en terres littéraires québécoises
David Bélanger and Cassie Bérard
pp. 15–28
AbstractFR:
Cet article s’intéresse au « retour » que fait le régionalisme, celui idyllique du début du xxe siècle, dans la littérature québécoise récente. Ce retour, plus précisément, rend compte de crimes dans un univers sachant difficilement les contenir. Dans Le discours sur la tombe de l’idiot (2008) de Julie Mazzieri, Le chasseur inconnu (2014) de Jean-Michel Fortier et Trois fois la bête (2015) de Zhanie Roy, nous rencontrons effectivement des meurtres, sans que les infrastructures ne permettent de les traiter : ni enquêteur, ni médecin légiste, ni quelque instance judiciaire n’apparaissent dans ces fictions. Une telle représentation du crime permet de conceptualiser ces oeuvres comme des « actualisations à distance », c’est-à-dire que le mouvement de retour s’avère sciemment problématisé selon les conceptions éthiques contemporaines. Par le biais des questions de l’origine et de l’autorité, comme interrogations au coeur de ces fictions critiques de l’idéal régionaliste, cet article entend éclairer ce geste de création important dans la production récente.
EN:
This article explores the “return” of regionalism—the idyllic regionalism of the early 20th century—in recent Québec literature. Specifically, this return focuses on crimes in a world that does not know how to contain them. In Julie Mazzieri’s Le discours sur la tombe de l’idiot (2008), Jean-Michel Fortier’s Le chasseur inconnu (2014), and Zhanie Roy’s Trois fois la bête (2015), murders take place, but there is no infrastructure to handle them: no investigators, medical examiners, or judicial proceedings are involved. These representations of crime enable us to conceptualize the works as “remote actualizations”, meaning that the return movement is knowingly problematized according to contemporary ethical concepts. The article attempts to illuminate a significant creative gesture in recent production by questioning these fictions, which are critical of the regionalist ideal, through issues of origin and authority.
ES:
Este artículo se interesa por el ‘retorno’ que experimenta el regionalismo, aquél idílico de principios del siglo XX, en la literatura quebequense reciente. Dicho retorno da cuenta, más precisamente, de crímenes en un universo que difícilmente puede contenerlos. En Le discours sur la tombe de l’idiot (Discurso sobre la tumba del idiota - 2008), de Julie Mazzieri, Le chasseur inconnu (El cazador desconocido - 2014), de Jean-Michel Fortier, y Trois fois la bête (Tres veces la bestia - 2015), de Zhanie Roy, nos encontramos efectivamente ante asesinatos sin que las infraestructuras permitan tratarlos: no aparecen ni investigador, ni médico forense, ni ninguna instancia judicial en estas ficciones. Tal representación del crimen permite conceptualizar estas obras como ‘actualizaciones a distancia’, esto es, que el movimiento de retorno resulta conscientemente problematizado, según las concepciones éticas contemporáneas. Mediante cuestiones de origen y autoridad, como interrogaciones en el centro de estas ficciones críticas del ideal regionalista, este artículo pretende esclarecer este gesto de creación, que es importante en la producción reciente.
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MOURIR EN RÉGION
Francis Langevin
pp. 29–47
AbstractFR:
Telles les multiples actualisations du zombie, dont les tropes forment aujourd’hui un genre à part entière, les représentations de la région québécoise comporteraient-elles un espace-temps et des tropes tout aussi solidaires ? Posant l’hypothèse que la mort et ses métaphores permettent d’observer ce qui, dans la représentation des lieux régionaux des fictions québécoises récentes, se cristallise en un réseau interfigural, un métatrope de la région, l’article présente une lecture croisée du film Les affamés (2017) de Robin Aubert et des romans Le poids de la neige (2016) et Le fil des kilomètres (2013) de Christian Guay-Poliquin, De bois debout (2017) de Jean-François Caron et Tu aimeras ce que tu as tué (2017) de Kevin Lambert. Qu’elles fétichisent les traces de filiation — motif le plus courant — ou qu’au contraire elles souhaitent les effacer (parfois radicalement), les fictions de la régionalité qui s’écartent davantage du lot sont celles qui montrent la relation conflictuelle entre l’héritage et le territoire.
EN:
Just as the zombie’s multiple manifestations and tropes currently form the basis of an entire genre, might representations of Québec’s regions be based on a space-time configuration that is bound up with a set of tropes? Positing that death and its metaphors could be a way of observing what elements in recent Québecois fictional representations of regional places tend to crystallize in an interfigural network (a metatrope of the region), the article offers a comparative reading of Robin Aubert’s film Les affamés (2017) and four novels: Le poids de la neige (2016) and Le fil des kilomètres (2013) by Christian Guay-Poliquin, De bois debout (2017) by Jean-François Caron and Tu aimeras ce que tu as tué (2017) by Kevin Lambert. Whether they are fetishizing traces of filiation (as in the most common motif), or, on the contrary, attempting (sometimes radically) to erase such traces, the fictions of regionality that stand out most are those that show a conflictual relation between heritage and territory.
ES:
Al igual que las múltiples actualizaciones del zombi, cuyos tropos constituyen hoy en día un género de pleno derecho, ¿comportarían las representaciones de las regiones lejanas quebequenses un espacio-tiempo y tropos con la misma solidaridad? Planteando la hipótesis de que la muerte y sus metáforas permiten observar lo que, en la representación de los lugares regionales de las ficciones quebequenses recientes, se cristaliza en una red interfigural, en un metatropo de las regiones alejadas, el artículo presenta una lectura cruzada de la película Les affamés (Los hambrientos - 2017), de Robin Aubert, y las novelas Le poids de la neige (El peso de la nieve - 2016) y Le fil des kilomètres (El filo de los kilómetros - 2013), de Christian Guay-Poliquin, De bois debout (De madera en pie - 2017), de Jean-François Caron, y Tu aimeras ce que tu as tué (Amarás lo que mataste - 2017), de Kevin Lambert. Ya sea que fetichizan las huellas de filiación –el motivo más corriente– o que, por el contrario, desean borrarlas (a veces radicalmente), las ficciones de la regionalidad que se apartan más del lote son aquéllas que muestran la relación conflictiva entre la herencia y el territorio.
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ENTRE KALAMAZOO ET ESCANABA : Vivre à Poets’ Corner de Marcel Labine
Élise Lepage
pp. 49–62
AbstractFR:
Cet article propose une lecture du recueil de poèmes de Marcel Labine intitulé Vivre à Poets’ Corner (Les Herbes rouges, 2015), dans lequel le poète imagine de façon extrêmement concrète un lieu-dit dépeuplé. Convoquant tour à tour les apports théoriques de Pamela Sing, de Pierre Nepveu et de François Paré, on entend montrer comment l’écriture des espaces régionaux ne signifie pas nécessairement faire référence à un ancrage géographique prédéterminé et sclérosant sur les plans esthétique et idéologique. Vivre à Poets’ Corner exemplifie la manière dont certains topoï de la régionalité peuvent être traités, en dehors de tout cadre narratif, de façon à faire intervenir des concepts productifs sur le plan littéraire, tels que l’effacement, la distance, la réinvention, la mort et le rapport au réel.
EN:
This article suggests a reading of a book of poems by Marcel Labine, Vivre à Poets’ Corner (Les Herbes rouges, 2015), in which the poet imagines, in very specific detail, a deserted place. Calling on the theoretical contributions of Pamela Sing, Pierre Nepveu, and François Paré, the paper is intended to show that writing about regional spaces does not necessarily entail references to a predetermined, aesthetically and ideologically rigid, geographical anchoring. Vivre à Poets’ Corner shows how some topoi of regionality may be handled outside narrative frame in a way that brings in productive literary concepts such as erasure, distance, reinvention, death, and the relationship to reality.
ES:
Este artículo propone una lectura del libro de poemas de Marcel Labine, titulado Vivre à Poets’ Corner (Vivir en Poets’ Corner), publicado en la editorial Les Herbes rouges en 2015), y en el cual el poeta imagina, de manera sumamente concreta, un lugar despoblado. Al convocar, una tras otra, las aportaciones teóricas de Pamela Sing, Pierre Nepveu y François Paré, se pretende mostrar cómo la narrativa de los espacios regionales no significa forzosamente que se refiera a un anclaje geográfico predeterminado y anquilosante desde los puntos de vista estético e ideológico. Vivre à Poets’ Corner ejemplifica la manera en que algunos topoi de las regiones pueden ser tratados, fuera de todo marco narrativo, con el fin de que se hagan intervenir conceptos productivos en el plano literario, tales como el borrado, la distancia, la reinvención, la muerte y la relación con lo real.
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ÉCRIRE LA PÉRIPHÉRIE AU QUÉBEC : le Chicoutimi-Nord de Geneviève Pettersen et le Nutshimit de Naomi Fontaine
Isabelle Kirouac Massicotte
pp. 63–77
AbstractFR:
Dans cette contribution, l’auteur poursuit la réflexion de Mathieu Arsenault sur la ruralité trash à partir de la lecture de La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen et de Kuessipan de Naomi Fontaine. Souhaitant s’éloigner d’une vision quelque peu misérabiliste du lieu périphérique, elle s’attache à démontrer que l’écriture de la périphérie rend signifiants certains non-lieux et qu’elle aménage des espaces de liberté liés à la ruralité ou encore aux modes de vie marginaux. La cartographie des lieux périphériques — et le discours qui la crée — fonde la régionalité de ces oeuvres en même temps qu’elle permet de mettre au jour certaines facettes de cette tendance littéraire, dont elle tente d’esquisser les contours en fin de parcours.
EN:
In this paper, the author uses readings of La déesse des mouches à feu by Geneviève Pettersen and Kuessipan by Naomi Fontaine to extend Mathieu Arsenault’s reflections on trash rurality. Intent on moving away from a miserabilist view of peripheral places, she argues that writing the periphery can make non-places significant and create spaces of freedom related to rurality or marginal ways of life. Mapping peripheral places—and the discourse that makes it possible—establishes the regionality of such works and sheds light on some facets of this literary tendency, which the author attempts to define at the end of the article.
ES:
En esta contribución, la autora prosigue la reflexión de Mathieu Arsenault sobre la ruralidad basura a partir de la lectura de La déesse des mouches à feu (La diosa de las luciérnagas), de Geneviève Pettersen, y Kuessipan, de Naomi Fontaine. Deseando alejarse de una visión que se complace en la miseria del lugar periférico, se dedica a demostrar que la narrativa de la periferia transforma en significantes algunos no-lugares y acondiciona espacios de libertad vinculados a la ruralidad, o bien a las formas de vida marginales. La cartografía de los lugares periféricos -y el discurso que la crea- fundamenta la regionalidad de dichas obras y, a la vez, permite poner de relieve algunas facetas de esta tendencia literaria, cuyos contornos de fin de recorrido trata de esbozar.
Études
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L’ÉCOLE DES ENSEIGNANTES DANS CES ENFANTS DE MA VIE DE GABRIELLE ROY ET MANIKANETISH DE NAOMI FONTAINE
Sylvie Bérard
pp. 81–95
AbstractFR:
En lisant le plus récent roman de Naomi Fontaine, Manikanetish paru en 2017, on peut tout de suite penser à un autre roman : Ces enfants de ma vie de Gabrielle Roy, publié en 1977. Les ressemblances dépassent les simples thématiques. Cet article, qui se concentre sur les ressemblances génériques, narratologiques ou structurelles et thématiques, entre les deux oeuvres vise à montrer comment celles-ci construisent la classe (scolaire) comme un lieu d’apprentissage à tous les niveaux, à la jonction de l’intime et du social, et comme un espace de réconciliation.
EN:
Naomi Fontaine’s most recent novel, Manikanetish (2017), immediately brings to mind another novel: Gabrielle Roy’s Ces enfants de ma vie, published in 1977. The similarities are more than just thematic. Focusing on the generic, narratological or structural and thematic resemblances between the two works, this article attempts to show how both novels construct the classroom as a learning environment at every level, one that is located at the meeting point between the intimate and the social, and as a space for reconciliation.
ES:
Al leer la novela más reciente de Naomi Fontaine, Manikanetish, publicada en 2017, se puede pensar inmediatamente en otra novela: Ces enfants de ma vie (Estos niños de mi vida), de Gabrielle Roy, publicada en 1977. Las semejanzas superan las meras temáticas. Este artículo, que se concentra en las semejanzas genéricas, narratológicas o estructurales y temáticas entre ambas obras, apunta a mostrar cómo éstas construyen el aula como un enlace de aprendizaje en todos los niveles, en la confluencia de lo íntimo y lo social, y como un espacio de reconciliación.
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QUEL REGARD SUR LA VILLE ? Le chronotype de l’itinérant dans L’année noire de Jean-Simon DesRochers
Philippe Manevy
pp. 97–108
AbstractFR:
Partant d’une réflexion sur la perception problématique de la ville dans la somme romanesque de Jean-Simon DesRochers, cet article se concentre sur le personnage de Bruno, itinérant étroitement lié à l’espace urbain. En tant que « chronotype », Bruno apparaît comme le révélateur d’un certain état du discours social : condamné à l’invisibilité, l’itinérant bénéficie de solidarités ponctuelles ou s’inscrit dans des micro-communautés marginales, au sein d’une société globalement fragmentée. Mais il est également porteur d’une poétique romanesque singulière : au-delà de son apparente facture réaliste, voire hyperréaliste, L’année noire mobilise en effet de nombreux intertextes poétiques qui constituent Bruno en avatar du voyant hugolien ou rimbaldien.
EN:
Starting from an analysis of the problematic perception of the city in a set of novels by Jean-Simon DesRochers, this article focuses on the character of Bruno, who is intimately linked to urban space. As a “chronotype”, Bruno plays a part in revealing one of the states of social discourse: condemned to invisibility as a homeless person, he benefits from occasional expressions of solidarity or belongs to marginal micro-communities within a bigger, fragmented society. At the same time, he embodies a peculiar aspect of the novel’s poetics: despite its realist or even hyperrealist surface, L’année noire calls on a number of poetic intertexts that establish Bruno as a manifestation of a Hugo—or Rimbaud—type visionary.
ES:
Partiendo de una reflexión sobre la percepción problemática de la ciudad en la suma novelesca de Jean-Simon DesRochers, este artículo se concentra en el personaje de Bruno, un errante estrechamente vinculado al espacio urbano. En su calidad de ‘cronotipo’ urbano, Bruno aparece como el revelador de cierto estado del discurso social: condenado a la invisibilidad, el errante saca provecho de solidaridades puntuales o se inserta en microcomunidades marginales, en el seno de una sociedad globalmente fragmentada. Pero también es portador de una poética novelesca singular: más allá de su aparente hechura realista, incluso hiperrealista, L’année noire moviliza, en efecto, numerosos intertextos poéticos que transforman a Bruno en un avatar del vidente de Víctor Hugo o de Arthur Rimbaud.