Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 3, numéro 1, automne 1992 Cinéma et Musicalité Sous la direction de François Jost et Réal La Rochelle
Sommaire (14 articles)
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Présentation
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De la musicalité avant toute chose…
François Jost
p. 8–18
RésuméFR :
Selon Goodman, la musique se définit essentiellement comme un système de notation qui délimite une classe d’exécutions exemplifiant la partition et la transformant en oeuvre. Le film, aussi bien en tant que structure narrative qu’en tant que structure audiovisuelle, est en revanche irréductible à un système de notations aussi fort que la musique. Dans ces conditions, que signifie l’introduction d’une pertinence musicale, la musicalité, dans le narratif? En quoi déplace-t-elle le statut d’oeuvre d’art du film? En quoi construit-elle un autre spectateur? Voilà quelques-unes des questions que l’article essaie ici de résoudre.
EN :
According to Goodman, music is essentially defined as a system of notation that bounds a class of executions exemplifying the score and transforming it into performance. In contrast, film, both as narrative structure and as audiovisual structure, cannot be reduced to a system of notation as powerful as that of music. Under these conditions, what is the meaning of the introduction of musical relevance, of musicality, into the narrative? How does this affect the status of the film as a work of art? How does it alter the way the spectator is constituted? These are the questions that this article attempts to resolve.
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Sois bonne, ô ma belle inconnue… (sur ritournelle et galop dans La Chienne)
Jean-Louis Leutrat
p. 19–24
RésuméFR :
À partir de deux concepts de Gilles Deleuze, « galop » et « ritournelle », l’auteur rend compte ici du rôle de la chanson « Sois bonne, ô ma belle inconnue... » dans le film La Chienne de Jean Renoir.
EN :
Taking as a starting point two concepts used by Gilles Deleuze, "galop" and "ritournelle", the author discusses the role of the song "Sois bonne, ô ma belle inconnue…" in the film La Chienne by Jean Renoir.
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Une voix en coulisse
Suzanne Liandrat-Guigues
p. 25–33
RésuméFR :
Cet article montre en quoi une idée de l’opéra organise la séquence d’ouverture de Senso à la Fenice de Venise, puis se dissémine dans l’oeuvre entière, à partir de la notion de « mélodrame », d’une thématique (celle du « trouvère ») et grâce à l’utilisation que fait Visconti de la voix.
EN :
This article shows how an idea of opera organizes the opening sequence in Senso in the Fenice theatre of Venice, and then extends through the entire work, using the notion of "melodrama", the theme of the "troubadour" and the use Visconti makes of the voice.
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Music in Film: Film as Music
Peter Mettler
p. 34–42
RésuméEN :
Film and music hae the same communicative capacity, according to Toronto filmmaker Peter Mettler. By adopting the musical rhythms and procedures as creative vectors, the filmmaker, who is also the camaraman and the editor, acquires the means to produce a cinema of the unconscious, of the intuitive, either with or without a narrative structure. Mettler describes his musical approach to film and its application in three of his features: Scissere (1982), Eastern Avenue (1985), and The Top of His Head (1990).
FR :
Le film a la même capacité de communication que la musique, soutient le cinéaste torontois Peter Mettler. En adoptant les rythmes et les procédés musicaux comme vecteurs créatifs d’images et de sons, le cinéaste, qui est aussi caméraman et monteur, se donne les moyens de produire un cinéma de l’inconscient, de l’intuitif, que ce soit dans une structure narrative ou non. Mettler décrit son approche filmique musicale et ses applications dans trois de ses longs métrages : Scissere (1982), Eastern Avenue (1985) et The Top of His Head ( 1990).
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Musicalité ou oralité? (Réflexions d’un cinéaste qui voulait « faire comme un musicien »)
Pierre Hébert
p. 43–63
RésuméFR :
Les correspondances entre la musique et les images abstraites du cinéma d’animation ont été historiquement marquées par la tendance à créer des musiques visuelles. En réfléchissant sur cette histoire, en partant aussi de ses expériences personnelles, le cinéaste Pierre Hébert montre ici que l’image animée peut avoir un autre rapport avec le donné musical que celui de ces musiques visuelles.
EN :
Correspondences between the music and the abstract images of animation cinema have historically been marked by the tendancy to create visual music. Using his own personal experience as a starting point for historical reflection, the filmmaker Pierre Hébert shows that there are other ways to link the animated image to the music than that of visual music.
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Il faut trouver la voix
Jean Châteauvert
p. 64–77
RésuméFR :
L’article interroge les paramètres qui déterminent le rôle el les fonctions attribués à un personnage suivant les caractéristiques de sa voix. En premier lieu, on y pointe les caractéristiques physiques et énonciatives qui modulent la perception d’une voix. Dans un second temps, on interroge l’impact de deux de ces paramètres, le grain et le timbre, sur la perception spectatorielle suivant que le personnage est visualisé ou non. L’analyse fait ressortir que certaines caractéristiques positionnent le personnage comme objet (et non pas comme sujet) et peuvent même invalider la portée effective (perlocutoire) du discours verbal.
EN :
This article studies the parameters of the voice that determine the position and functions of a character. One shows the physical and enunciative components that influence the perception of a voice. In a second time, the author studies the influence of two parameters, the tone and the specific sound of a voice (grain de la voix) on the spectator's perception following that the character is visualized or not. The analysis points out that some characteristics determine the position of the character as an object (by opposition with a subject) and generate a special effect of his discourse (perlocutionnary effect).
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Le rôle de la musique dans la définition du cinéma comme art : à propos de l’avant-garde des années 20
Dominique Château
p. 78–94
RésuméFR :
L’un des thèmes récurrents du discours de l’avant-garde cinématographique des années 20 est la recherche d’une forme de cinéma qui le classe dans la catégorie de l’art. Si la peinture sert principalement de modèle dans cette recherche d’un cinéma artistique, la musique intervient également. Cette intervention revêt plusieurs aspects que l’auteur tente ici d’analyser, en montrant qu’ils constituent différentes sortes de modèle pour le cinéma artistique. L’auteur s’interroge aussi sur le fait que le recours au modèle musical, en relation avec le modèle pictural, s’intègre, en apparence paradoxalement, à la recherche de la pureté du langage cinématographique, de son essence. Deux axes de pensée se combinent alors : la question de l’art et la question du médium.
EN :
One of the recurrent themes in the discourse of the avant-garde cinematography of the 1920s is the search for a form of cinema that will merit classification as art. Though painting is the primary model in the search for an artistic cinema, music also plays a role. This role has several dimensions, which the author analyses here in a discussion of the different kinds of model they constitute for artistic cinema. The author also raises the question of how, despite the apparent paradox, this recourse to a musical model, in conjunction with the pictural model, can be integrated with the search for purity of cinematographic language, for its essence. Two lines of analysis are here pursued: the question of art and the question of the medium.
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Parcours québécois et canadiens en cinéphonographie
Réal La Rochelle
p. 95–112
RésuméFR :
Depuis Norman McLaren durant les années 40 jusqu’à récemment, la frange expérimentale et exploratoire des cinémas au Québec et au Canada a produit un nombre significatif de films qui sont au coeur de la problématique de la musicalité filmique. Depuis les images el les sons gravés ou peints sur pellicule par McLaren, en passant par le concept d’opéra audiovisuel de Maurice Blackburn et de son Atelier de conception sonore à l’ONF, ou encore par les travaux des Charles Gagnon. Michael Snow, William MacGillivray, Pierre Hébert, les frères Gagné el André Duchesne, entre autres, s’est tissée une tapisserie visuelle et sonore digne de figurer dans le musée imaginaire du nouvel opéra de Michel Fano.
EN :
From the work of Norman McLaren in the 1940s until quite recently, the experimental of exploratory fringes of the cinemas of Quebec and Canada have produced a significant number of films that are at the heart of the problematic of filmic musicality. From the images and sounds etched or painted on the film by McLaren, through Maurice Blackburn's concept of audiovisual opera and his Sound Conception Workshop at the NFB, or the work of Charles Gagnon, Michael Snow. William MacGillivray, Pierre Hébert, the Gagné brothers and André Duchesne, among others, a tapestry of sight and sound has been woven that is worthy of hanging in the imaginary museum of the new opera by Michel Fano.
Articles divers
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Corps filmique entre lisible et visible chez Marguerite Duras
Marie-Françoise Grange
p. 115–124
RésuméFR :
L’auteure aborde le film Césarée de Marguerite Duras (1979), comme lieu privilégié de l’émergence du travail de l’écriture filmique. En refusant de résoudre l’écartement, les ruptures, le film table sur le conflit et plutôt que de le taire, le fait proliférer. Le lisible devient comme autre du visible et le visible, autre du lisible.
EN :
The author approaches the film Césarée by Marguerite Duras, as a privileged position from which to stydy the emergence of a work of film writing. Refusing to resolve the distance and the ruptures, the film is based on conflict and rather than hide them, the film chooses to multiply them. Thus, that which is written becomes other than that which is seen, and that which is seen, becomes other thanthat which is written.
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Metafiction, Pararealism and the "Canon" of Canadian Cinema
Deborah Knight
p. 125–146
RésuméEN :
Critical thinking about the English-Canadian and Quebec cinemas has focused lo a large degree on the realist tendencies of our fiction filmmaking-tendencies, it is argued, which fiction filmaking has, historically inherited from Canadian documentary film practices. But in recent fiction filmmaking, Canadian filmmakers have moved beyond social realism. Indeed, the emergence in English-Canada and Quebec of filmmaking that is metafictional and pararealist — in films like Léa Pool's La Femme de l'hôtel, Bruce McDonald's Roadkill and Patricia Rozema's White Room — gives us occasion not only to rethink the criteria that have been used to identify "canonic" film, but more importantly to see how these self-conscious fictional strategies, which initially seem to reject the norms of social realism, are in fact part of an ongoing re-examination of the limits of fiction.
FR :
La pensée critique relative aux cinémas canadien anglais et québécois s’est orientée pour une large part vers les tendances réalistes de notre production de fiction — la réalisation de fiction ayant hérité, sur le plan historique, des pratiques du cinéma documentaire canadien. Mais dans la récente production de fiction, on constate que les cinéastes canadiens sont allés au-delà du réalisme social. En effet, l’émergence au Canada anglais et au Québec d’une réalisation qui est métafictionnelle et pararéaliste — dans des films comme La Femme de l’hôtel de Léa Pool, Roadkill de Bruce Mc Donald et White Room de Patricia Rozema — nous donne non seulemenl l’occasion de repenser les critères qui ont été utilisés pour identifier les films « canoniques », mais davantage encore de voir comment ces stratégies fictionnelles auto-réflexives, qui d’abord semblent rejeter les normes du réalisme social, sont en fait partie prenante d’une ré-évaluation constante des limites de la fiction.