Dalhousie French Studies
Revue d'études littéraires du Canada atlantique
Numéro 122, 2022 L’espace à travers l’imaginaire littéraire Sous la direction de Sanda Badescu
Sommaire (26 articles)
Articles
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Introduction
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L’espace carcéral comme lieu d’évasion dans Riz noir d’Anna Moï
Kyeongmi Kim-Bernard
p. 7–14
RésuméFR :
Dans cette étude, j’explore les descriptions des espaces clos dans le roman Riz noir d’Anna Moï, dont la trame principale se déroule pendant quelques mois après le déclenchement de l’Offensives du Têt au Vietnam. L’imaginaire de la narratrice autodiégétique âgée de 15 ans flâne constamment entre deux espaces opposés par leur fonction : sa maison bourgeoise protégée de ce qui se passe à l’extérieur en plein milieu des tueries violentes et l’espace clos d’une cellule de prison nommée « la cage aux tigres » dans laquelle elle passe dix-sept mois. C’est dans ce dernier espace carcéral que le récit prend forme à l’aide de multiples réminiscences. Les constants va-et-vient entre deux espaces clos, l’un accueillant et l’autre hostile, que la jeune prisonnière fréquente avec autant d’obsession, se confondent en un seul lieu au moment du dénouement inattendu du récit. Ce rapprochement des deux lieux séparés arrive notamment lorsque le lecteur découvre l’allusion à ce qui s’est passé dans la vie de la jeune fille dans son domicile jusqu’à son emprisonnement. En m’appuyant sur l’analyse thématique, je tente de mettre en lumière comment et pourquoi cet espace carcéral devient un lieu d’introspection qui va la sauver paradoxalement de son isolement de l’extérieur en devenant un moyen de s’évader de son abîme intérieur.
EN :
In this study, I explore the descriptions of enclosed spaces in Anna Moï's novel Riz noir, the main plot of which takes place a few months after the outbreak of the Tet Offensives in Vietnam. In this novel, the imagination of the 15-year-old autodiegetic narrator constantly wanders between two spaces opposed in their function: her bourgeois house protected from the violent killings occurring outside the walls, and the enclosed space of a prison cell termed “the tiger cage,” in which she spends seventeen months. It is in this space of incarceration that the story takes shape through multiple flashbacks. The constant back and forth between two spaces, one welcoming and the other hostile, which the young prisoner explores so obsessively, merge into a single place at the time of the unexpected ending of the story. The confusion following the merging of the two separate spaces occurs in particular when the reader discovers the allusion to what happened in the life of the young girl at her home until her imprisonment. In this study, I will employ thematic analysis to highlight how and why this prison space becomes a place of introspection, one which will paradoxically save the protagonist from her isolation relative to the outside world by becoming a way of escaping from her inner abyss.
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La scène littérale et la scène textuelle : les espaces de présentation de soi dans les écritures personnelles des danseuses
Megan Wightman
p. 15–20
RésuméFR :
Cet article se propose de comparer la scène littérale et la scène textuelle dans des textes de nature autobiographique de deux anciennes danseuses classiques françaises, à savoir Danseuse étoile (2016) d’Agnès Letestu et La femme qui danse (2008) de Marie-Claude Piétragalla, afin d’élucider comment l’espace de présentation de soi influe sur l’image de soi qu’une personne peut donner d’elle-même. En nous inspirant principalement de la définition de la mise en scène proposée dans le Dictionnaire du théâtre (1996) de Patrice Pavis et des concepts d’autorité et de vocation énonciative chez l’analyste du discours Dominique Maingueneau, l’article identifie d’abord les éléments d’interprétation qui sont propres à la scène textuelle et à la scène littérale, ainsi que leur agencement au sein de chaque espace. Ensuite, il est question de montrer comment la mise en scène textuelle et la mise en scène littérale établissent chacun un espace de présentation de soi distinct, en prescrivant le discours que la danseuse peut tenir au sein de chaque espace. L’article constate finalement que la même danseuse qui se présente sur la scène textuelle et sur la scène littérale ne peut que présenter deux images différentes d’elle-même, car elle est tenue d’agir selon la mise en scène, c’est-à-dire l’agencement des éléments d’interprétation, propres à chaque espace.
EN :
This article compares the textual stage and the literal stage in autobiographical texts written by former French principal dancers Agnès Letestu (Danseuse étoile, 2016) and Marie-Claude Piétragalla (La femme qui danse, 2008) to explore how the space in which the self is presented influences the image that an individual can give of themselves. Drawing mainly on the definition of the mise en scène in Patrice Pavis’ Dictionnaire du théâtre (1996) and Dominique Maingueneau’s concepts of authority and enunciative vocation in discourse analysis, this article first identifies elements of interpretation belonging to the textual and the literal stages, as well as how they arrange and organize each space. We then show how the textual and literal mise en scène, that is, the arrangement and organization of elements of interpretation, prescribes a discourse that is unique to each space, thereby constraining the dancer to present themselves within specific identity parameters. Ultimately, this article argues that the dancer who presents herself both on the literal and textual stages cannot but present two different images of herself because she must use the distinct discursive and interpretive tools that are made available to her in each space.
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Espace fermé, espace ouvert : Proust à la recherche du familier
Sanda Badescu
p. 21–30
RésuméFR :
L’espace limité de la chambre acquiert des valeurs particulières chez Proust. L’œuvre A la recherche du temps perdu est bâtie sur de nombreuses oppositions qui s’expriment entre autres au niveau de l’espace: aussi, le romancier révèle-t-il comment la chambre peut être soit menaçante, soit accueillante, selon l’imagination qui y est investie. C’est ainsi que la chambre à coucher du narrateur enfant, bienveillante, peut devenir un supplice lorsque la nuit tombe et il doit se retrouver seul, et que la chambre d’hôtel, menaçante et inquiétante, peut se muer en espace tranquille et rassurant grâce à l’intervention du personnage féminin, à savoir la grand-mère. La dualité des deux côtés, familier et étranger, renferme une antithèse mais aussi une complémentarité qui s’avèrent fondamentales dans l’initiation et l’expérience du futur écrivain.
EN :
The limited space of the room acquires unique significations in Proust. The work In Search of Lost Time is built on numerous oppositions that are also expressed at the level of space: the novelist reveals how a room can be either threatening or welcoming, depending on the imagination that is invested in it. Thus, the child narrator's bedroom, benevolent, can become a torment when night falls and he has to be alone, and the hotel room, threatening and disturbing, can turn into a quiet and reassuring space thanks to the intervention of the female character, namely the grandmother. The duality of the two sides, familiar and foreign, contains an antithesis but also a complementarity which are fundamental to the initiation and experience of the future writer.
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« L’immeuble que nous sommes » : la réfraction de l’espace dans le Journal de confinement de Wajdi Mouawad
Laura Brignoli
p. 31–40
RésuméFR :
L’étude se focalise sur le Journal du confinement, monologues que l’écrivain libanais d’expression française, Wajdi Mouawad, a diffusés en ligne au moment où le confinement dû à la pandémie a interrompu son activité théâtrale. On y analyse le rapport à l’espace qu’entretiennent quelques-uns des monologues, centrés spécifiquement sur la dimension de la demeure humaine, et sur le dialogue entre l’intérieur et l’extérieur, entre le moi envisagé sous l’angle du logement et l’univers perçu dans la perspective spatio- temporelle. Par le biais de l’enseignement bachelardien, on relève la fonction des espaces les plus porteurs de la signification globale de l’œuvre, en considérant, à travers les choix lexicaux, les effets d’écho, la récurrence des lieux, des thèmes ou des motifs, les valeurs sémantiques que l’auteur leur attribue, pour déterminer la manière dont le confinement a modifié la relation de l’auteur avec son propre espace et les moyens qu’il a trouvés pour sortir de la « cage ».
EN :
This study focuses on the Journal du confinement, monologues that the French-speaking Lebanese writer, Wajdi Mouawad, published online when the pandemic interrupted his theatrical activity. The article analyzes the relationship to space maintained by some of the monologues, centred specifically on the dimension of the human residence, and on the dialogue between interior and exterior, between the self and the universe perceived in the spatio-temporal perspective. Through the Bachelardian teaching, we identify the function of the most meaningful spaces in the work, by considering, through the lexical choices, the echo-effects, the recurrence of places, themes or patterns, the semantic values that the author attributes to them, to determine the way in which confinement has modified the author's relationship with his own space and the means he has found to get out of the “cage.”
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Espace confiné et imaginaire littéraire : le journal intime d’écrivain en temps de crise
Corina Sandu
p. 41–50
RésuméFR :
Le corpus étudié ici, une série d’articles de Télérama publiés en ligne pendant le premier confinement dû à la pandémie de Covid-19 sous le titre Journal de confinement (23 mars–10 avril 2020), nous permet de considérer les formes contemporaines du journal d’écrivain en temps de crise. Nous nous concentrons sur les stratégies d’écriture et les topiques discursives communes à ce genre d’écriture intime : le pathos de la tristesse ; le savoir des auteurs et leur statut d’observateurs ; le contenu discursif reposant sur l’abondance des retours en arrière et le pullulement des références culturelles ; le topos du spectacle du quotidien ; le nouveau rapport ici-ailleurs et surtout le rapport temporalité-spatialité avec, à notre avis, une subordination de la temporalité (qui ne fait que rendre possible l’écriture, puisqu’on a tout le temps pour écrire) à une spatialité qui devient le sujet de l’écriture (c’est sur l’espace intime que se concentrent essentiellement les diaristes). Nous montrons que le journal personnel en temps de crise dépasse la condition initiale de production de l’écriture intime, cette volonté d’isolement des écrivains « rétractiles ». Les diaristes de notre corpus témoignent, tout au contraire, d’une volonté d’expansion de leur perspective et d’une perception aiguë et consciente de l’espace environnant.
EN :
This article examines a contemporary illustration of the journal d ’écrivain en temps de crise (writers’ diaries in times of crisis) through a series of articles published online in the magazine Télérama at the beginning of the Covid-19 pandemic and entitled: Journal de confinement [Lockdown Diary] (March 23– April 10, 2020). In my analysis, I address writing strategies and topics specific to this particular form of diary: the pathos of sadness; the authors’ status as connaisseurs and observers; writing shaped by a proliferation of flashbacks and cultural references; the topos of a daily life viewed as a spectacle; a new perspective on the time-space relation, one where temporality becomes subservient to spatiality (since the diarists concentrate essentially upon intimate space). Textual analysis of the corpus shows a significant change in what is considered as a primary factor leading to the writing of a journal: the legitimate will for isolation articulated by lonely, “rétractile” writers. As proven by the authors of the Télérama articles, in times of crisis a writer’s diary testifies to the authors’ will to expand their perspectives, and their acute, conscious perceptions of the surrounding space.
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Louis Wolfson et la traduction plurilinguistique, ou comment se mettre à l’abri dans l’espace rhizomique
Nicholas Hauck
p. 51–57
RésuméFR :
Cet article examine la traduction plurilinguistique de Louis Wolfson telle qu’elle est théorisée dans Le Schizo et les langues (1970) et l’expérience de la mise en pratique du système telle que Wolfson la raconte dans Ma mère, musicienne… (1984). Diagnostiqué comme schizophrène, Wolfson cultivait une haine profonde pour l’anglais, sa langue maternelle, et une forte méfiance envers les gens et le monde en général. Afin de se protéger, il apprend le français, le russe, l’allemand et l’hébreu, des langues qu’il utilise par la suite pour traduire son environnement anglophone. À partir des écrits de Caroline Rabourdin, qui démontrent que la logique de l’espace euclidien forme et informe notre identité linguistique – ce qu’elle appelle un bilinguisme incarné –, on arrive à voir que l'espace wolfsonien suit une autre logique, non-binaire, structurée sur la base de ses traductions plurilinguistiques. Pour Deleuze et Guattari, le système de Wolfson suit des lignes de fuite et fonctionne selon une reformulation de l’espace qui ressemble à celui du rhizome: non-hiérarchique et non-signifiant. Ainsi, chez Wolfson, le nomade remplace le flâneur, et les jeux de mots et la polysémie remplacent la signification pour créer un espace sans cesse traduit, le rendant enfin, mais temporairement, habitable.
EN :
This article examines Louis Wolfson’s theory of plurilingual translation in Le Schizo et les langues (1970) and his experience of practicing his theory as described in Ma mère, musicienne… (1984). Diagnosed as schizophrenic, Wolfson developed a deep hatred for his mother tongue, English, and a strong mistrust toward others and the world in general. In order to protect himself, he learned French, Russian, German, and Hebrew, languages which he then uses to translate his anglophone environment. Taking a cue from Caroline Rabourdin’s writings that show how the logic of Euclidian space forms and informs our linguistic identity – what she calls incarnated bilingualism – we understand how Wolfson’s space is organized by a different logic, non-binary and structured according to his plurilingual translations. For Deleuze and Guattari, Wolfson’s system follows lines of flight and functions based on a reformulation of space similar to the rhizome: non- hierarchical and non-signifying. With Wolfson, the nomad replaces the flaneur, and word play and polysemy replace signification, creating a constantly translated space, one that is finally, but temporarily, livable.
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L’espace dans l’écriture biographique de Roger Laporte
Domenico Cambria
p. 59–65
RésuméFR :
Cet article permet de découvrir l'écriture biographique de Roger Laporte, notamment son lien avec l'espace qui en montre le développement. Cette écriture particulière que nous étudions est vécue seulement pendant l'acte d'écrire et son parcours se réalise dans le livre. Celui-ci est le lieu où l'écrivain peut revenir sur le lien entre son être en tant qu’écrivain et l'humain avec lequel il s'est confronté tout au long du chemin. Cela nous révèle un processus de spatialisation de l'écriture à travers le livre, en particulier l'insertion du lecteur, la réaction de l'écrivain face à ce tout complet qu'il ne domine pas et la relation entre ceux-ci qui s'y déroule.
EN :
This article allows to discover the writing biography of Roger Laporte, in particular its link with the space which shows its development. This very particular kind of writing is experienced only during the act of writing and its journey is realized in the book. This is the place where the writer can come back to the link between his being as a writer and the human being whom he has encountered all along the way. This reveals a process of spatialization of writing through the book, in particular the insertion of the reader, the reaction of the writer to this complete whole that he does not dominate and the relationship between them that takes place there.
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A Room All Her Own: An Aged Care Story
Catherine Dhavernas
p. 67–77
RésuméEN :
The Biography Project is a research and teaching initiative that has allowed university students to assist older persons living in isolated rural communities or long-term residential care in Australia in the telling and writing of their life story. Storytelling is valuable for individuals in later life as a means of reflecting on their past, addressing past and present challenges, connecting with others, sharing invaluable insight with younger generations and acquiring a renewed sense of worth through the process. Focusing on the story of Merle, an aged care resident who for a year and a half shared her story with the author while confined to a room of her own, the article explores the specific impact of the storytelling process as it plays out for both the teller and the listener. While doing so the article suggests that life stories like Merle’s, that convey perspectives, experiences and knowledge from a time that is no longer, might have a place within and provide a worthwhile resource for the field of literary studies including the study of the spatial dimension.
FR :
L’initiative de recherche et d’enseignement The Biography Project établie en Australie permet aux étudiant.e.s de niveau universitaire d’aider des personnes âgées résidentes de régions rurales ou de maisons de retraite à entreprendre le récit de leur vie. L’article discute en quoi l’entreprise de récit de vie s’avère souvent enrichissante du fait de permettre aux personnes impliquées de réfléchir sur le passé, d’établir des liens sociaux avec autrui, de partager leurs expériences et perspectives sur la vie avec des jeunes, tout en acquérant un sentiment de valeur personnelle au cours du processus en question. En se penchant sur l’autobiographie de Merle, résidente d’une maison de retraite en Australie qui, pendant un an et demi, a partagé le récit de sa vie avec l’auteure, l’article explore l’impact du processus de récit de vie sur la personne qui raconte sa vie et sur celle qui l’écoute. Ce faisant, l’article cherche à savoir si les récits de vie tels que celui de Merle, du fait de transmettre des perspectives, expériences et savoirs à la fois singuliers et issus d’un temps qui n’existe plus, ont le potentiel de contribuer ou d’offrir une ressource aux études littéraires y compris dans la réflexion sur l’espace.
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L’objet monétaire comme objet romanesque : le cas de Balzac
Francesco Spandri
p. 79–90
RésuméFR :
Le roman du XIXe siècle prête à l’objet monétaire une attention qui dépasse la simple évocation épisodique : conscient de la charge affective et métaphysique qu’elle véhicule, le romancier décrit la réalité concrète de l’équivalent général, il interroge ses virtualités et sa force symbolique. Dans La Comédie humaine, la monnaie métallique joue un rôle déterminant dans les transactions financières qui ont lieu entre les personnages. Mais le rôle de la monnaie fiduciaire est tout aussi significatif. La coexistence entre métal et papier véhicule l’idée d’une vitalité multiforme de la richesse et celle d’un rapport multiple à la matérialité de l’argent. Saisie dans sa masse ou dans son insignifiance apparente, la monnaie balzacienne devient élément sensoriel, fétiche qui déclenche le désir. Dissocié de sa valeur d’échange, l’objet monétaire prend vie et se mue de manière paradoxale en symbole de contestation de l’ordre économique.
EN :
The 19th century novel accords an attention to the monetary object that goes beyond simple episodic evocation: aware of the affective and metaphysical charge it conveys, the novelist describes the concrete reality of the general equivalent, he questions its potentialities and its symbolic strength. In The Human Comedy, metallic money plays a decisive role in the financial transactions that take place between the characters. But the role of paper money is just as significant. The coexistence of metal and paper conveys the idea of a multifaceted vitality of wealth and that of a multiple relationship to the materiality of money. Captured in its mass or in its apparent insignificance, Balzacian money becomes a sensory element, a fetish that triggers desire. Dissociated from its exchange value, the monetary object comes to life and turns paradoxically into a symbol of contestation of the economic order.
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En voyage avec François Villon et Sainte-Beuve
David Mus
p. 91–104
RésuméFR :
Un certain nombre d'erreurs importantes dans notre lecture du Testament de François Villon ont eu pour conséquence de transformer ce grand poème en document autobiographique. Le résultat a été – pendant deux siècles – de dévoyer notre étude de ce poète vers la constitution d'une biographie largement fictive de l'auteur. Ainsi que de fausser, dans le long terme et grâce à l'influence de Sainte-Beuve, toute notre lecture de la poésie moderne en France. Ces erreurs dénoncées, dès 1967, n'ont pas changé grand- chose pour les éditeurs et exégètes de cette poésie, qui continuent de méconnaître, dans leurs travaux, les spécificités de l'art poétique.
EN :
A certain number of serious errors in our reading of the Testament of Francois Villon have led critics, over two centuries, to transform this remarkable poem into an autobiographical document, and hence to constitute a largely fictional biography of the author. Villon studies have thus been shifted away from the poetry, following a tendency in modern criticism due partly to the pervasive influence of Sainte-Beuve who, as Proust remarked, reads all poetry as if it were anecdotal prose. Even with the errors revealed since 1967, editors of Villon have persisted in clinging to this tendency, with dire results for the reading of all our poetry.
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J.M.G. Le Clézio and Jacques Derrida’s “Limitrophic,” Biocentric Deconstruction of the “Genesis Myth”
Keith Moser
p. 105–120
RésuméEN :
This transdisciplinary reflection examines J.M.G. Le Clézio and Jacques Derrida’s limitrophic deconstruction of what is commonly referred to as the “genesis myth” in Judeo-Christian society. In addition to Cartesian dichotomies and debunked notions of human exceptionalism originating from Renaissance humanism, the Franco-Mauritian writer and Pied-noir philosopher take aim at the mainstream interpretation of Abrahamic cosmogonic narratives that have created a sharp ontological gap between Homo sapiens and other animals. Le Clézio and Derrida describe the genesis account of human-animal relations as an ecocidal, conflictual relationship that could be labeled a world war. They demonstrate that our dominant cognitive structures including the “genesis myth” that mostly remain uncontested, at least within the general public, have already left behind a path of irreversible destruction and other-than-human suffering. Unless we are able to curb the unending fury that the animal within us has unleashed against other sentient beings who bleed, suffer, live, and die just like us, Le Clézio and Derrida lament that our days are numbered.
FR :
Cette réflexion transdisciplinaire examine la déconstruction limitrophique par J.M.G. Le Clézio et Jacques Derrida de ce qu’il est convenu d’appeler le « mythe de la genèse » dans la société judéo-chrétienne. En plus des dichotomies cartésiennes et des notions démystifiées de l’exceptionnalisme humain issues de l’humanisme de la Renaissance, l’écrivain franco-mauricien et philosophe pied-noir s’attaquent à l’interprétation dominante des récits cosmogoniques abrahamiques qui ont créé un fossé ontologique très net entre l’Homo sapiens et les autres animaux. Le Clézio et Derrida décrivent le récit de la genèse des relations homme-animal comme une relation écosuicidaire et conflictuelle qui pourrait être qualifiée de guerre mondiale. Ils démontrent que nos structures cognitives dominantes, y compris le « mythe de la genèse » qui restent pour la plupart incontestées, du moins au sein du grand public, ont déjà laissé derrière elles un chemin de destruction irréversible et de souffrance non-humaine. A moins que nous ne parvenions à freiner la fureur sans cesse que l’animal en nous a déchaînée contre d’autres êtres sensibles qui saignent, souffrent, vivent et meurent comme nous, Le Clézio et Derrida déplorent que nos jours soient comptés.
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Suzanne Lipinska et son Salon au Moulin d’Andé : inspiratrice, initiatrice, intellectuelle « sans tralalas »
Comptes rendus / Book Reviews
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Garand, Charles. Georges le mulâtre. Drame en cinq actes, huit tableaux. Présentation de Barbara T. Cooper
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Sermadiras, Émilie. Croire et souffrir : religion et pathologie dans le roman de la seconde moitié du XIXe siècle
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Du Camp, Maxime. Les Académiciens de mon temps
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Smith, Eliza Jane. Literary Slumming: Slang and Class in Nineteenth-Century France
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Steiner, Anne. Révolutionnaire et Dandy. Vigo dit Almereyda
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White, Sophie. Voices of the Enslaved: Love, Labor, and Longing in French Louisiana
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Renevey, Corine. Mousse Boulanger. Femme poésie : une biographie
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Plas, Élisabeth. Le Sens des bêtes
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Delville, Michel. Le roman de la faim : du Hungerkünstler au schizoflâneur
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Saliou, Kevin. La réception de Lautréamont
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Wagstaff, Emma. André du Bouchet: Poetic Forms of Attention
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Migdal, Anna. Déserts noirs
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Baas, Jacquelynn. Marcel Duchamp and the Art of Life